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24/06/2024 | FRANCE | N°23/52177

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 24 juin 2024, 23/52177


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/52177 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEAB

N° : 9

Assignation du :
24 Février 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


JUGEMENT rendu selon laPROCEDURE ACCELEREE au fond
le 24 juin 2024



par Caroline FAYAT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La Ville de [Localité 19] prise en la personne de Madame la Maire de [Loc

alité 19], Madame [E] [D]
[Adresse 20]
[Localité 1]

représentée par Maître Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1844


DEFEN...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/52177 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZEAB

N° : 9

Assignation du :
24 Février 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

JUGEMENT rendu selon laPROCEDURE ACCELEREE au fond
le 24 juin 2024

par Caroline FAYAT, Juge au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

La Ville de [Localité 19] prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 19], Madame [E] [D]
[Adresse 20]
[Localité 1]

représentée par Maître Colin MAURICE de la SARL CM & L AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C1844

DEFENDEUR

Monsieur [U] [O] [N] [J]
né le 18 septembre 1968 à [Localité 18] (44)
[Adresse 14]
[Localité 2]

représenté par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS - #D1735

DÉBATS

A l’audience du 27 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Caroline FAYAT, Juge, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

EXPOSE DU LITIGE

Par assignation en date du 24 février 2023, la Ville de [Localité 19] prise en la personne de Madame la Maire de [Localité 19] a fait assigner Monsieur [U] [J] né le 18 septembre 1968 à [Localité 18] devant le président du tribunal judiciaire de Paris saisi selon la procédure accélérée au fond, sur le fondement notamment des dispositions de l’article L. 631-7 du code de la construction et de l’habitation, concernant l’appartement situé [Adresse 14] (lot 30).

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, la Ville de [Localité 19] demande de :

A titre principal,

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à une amende civile de 50.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation ;

-Ordonner le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation, de l’appartement situé dans le [Adresse 14] (constituant le lot 30), sous astreinte de 532 euros par jour de retard à compter de l’expiration du délai qu’il plaira au tribunal de fixer ;
Et se réserver la liquidation de l’astreinte ;

A titre subsidiaire, si la résidence principale dans le bien litigieux était admise,

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme au titre de l'année 2019;

Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme au titre de l'année 2020 ;

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme au titre de l'année 2021 ;

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme au titre de l'année 2022 ;

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l'article L. 324-2-1 du code du tourisme au titre de l'année 2023;

Au surplus,

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] une amende civile de 5.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] conformément aux dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme;

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à payer une amende civile de 10.000 euros et ordonner que le produit de cette amende soit intégralement versé à la Ville de [Localité 19] ;

-Débouter Monsieur [U] [O] [N] [J] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;

-Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] à verser à la Ville de [Localité 19] une somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [U] [O] [N] [J] aux entiers dépens d’instance.

Au soutien de ses prétentions, la Ville de [Localité 19] fait valoir que Monsieur [U] [J] a donné en location meublée de courte durée à une clientèle de passage l'appartement situé sis [Adresse 14] (lot 30). La Ville de [Localité 19] expose que cet appartement n'est pas la résidence principale de la partie défenderesse, qu'il est à usage exclusif d'habitation et que la location meublée de courte durée à une clientèle de passage, sans autorisation préalable, est un changement d'usage qui doit être sanctionné.

La demanderesse ajoute qu'ayant loué son bien sans avoir procédé à la formalité de déclaration préalable soumise à enregistrement imposée par l'article L 324-1-1 III du code du tourisme, la partie défenderesse encourt l'amende de 5000 euros prévue à l'article L 324-1-1 V du même code.

La demanderesse ajoute que n'ayant pas transmis à la commune le nombre de nuitées louées durant l'année civile précédant la demande que lui a adressée la Ville de [Localité 19], Monsieur [U] [J] a violé les obligations résultant de l'article L324-1-1 IV du code du tourisme et encourt l'amende de 10 000 euros prévue à l'article L324-1-1 V du même code.

Par conclusions déposées et soutenues à l'audience, Monsieur [U] [J] demande de :

A titre principal :

- JUGER que le bien litigieux constitue la résidence principale des époux [J] ;


- JUGER que le dépassement des 120 jours autorisés au titre de la résidence principale par Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] est justifié pour des raisons professionnelles en 2019, 2020 et 2021 application de l’article L324-1-1 du Code du tourisme ;

- JUGER que le dépassement des 120 jours autorisés au titre de la résidence principale par Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] est justifié pour force majeure en application de l’article L.324-1-1 du code du tourisme ;

- JUGER que le dépassement des 120 jours autorisés au titre de la résidence principale par Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] est justifié également pour un cas de force majeure en 2020 et 2021 en application de l’article L324-1-1 du Code du tourisme ;

En conséquence :

- DEBOUTER la Ville de [Localité 19] de sa demande de condamnation à la somme de 10.000 euros au titre de l’article L.324-2-1 du code du tourisme ;

A titre subsidiaire :

- JUGER que la fiche H2 et le calepin produits ne démontrent pas l’usage d’habitation au 1 er janvier 1970 ;

- JUGER que l’article L.324-1-1 du code du tourisme est applicable seulement en présence d’une résidence principale ;

- JUGER que Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] rencontre des difficultés personnelles ;

- JUGER la situation complexe dû à la pandémie de la Covid-19;

- JUGER la bonne foi de Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] ;

En conséquence :

- DEBOUTER la Ville de [Localité 19] de l’intégralité de ses demandes de condamnations à l’encontre des époux [J] ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 19] de sa demande de condamnation à la somme de 50.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 19] de sa demande de condamnation à la somme de 10.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 IV du code du tourisme ;

- DEBOUTER la Ville de [Localité 19] de sa demande de condamnation à la somme de 5.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 V du code du tourisme et condamner les époux [J] à la somme exceptionnelle de 1 euro symbolique ;


A titre subsidiaire :

- JUGER de la bonne foi et des diligences de Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] ;

- JUGER que Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] rencontrent des difficultés personnelles ;

- JUGER des difficultés liées aux restrictions entrainées par la pandémie de Covid-19

En conséquence :

- CONDAMNER Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] à une amende symbolique de 1 euro en raison de leur coopération avec la Ville de [Localité 19].

- DEBOUTER la Ville de [Localité 19] de sa demande de condamnation à la somme de 5.000 euros au titre de l’article L.324-1-1 V du code du tourisme et condamner les époux [J] à une amende civile dont le montant ne saurait excéder 800 euros ou toute somme que l’équité commandera, si le Tribunal judiciaire de Paris devait retenir une amende civile.

A titre infiniment subsidiaire, si par extraordinaire Madame ou Monsieur le Président ne trouvait justifié la demande de condamnation à la somme symbolique de 1 euro :

- JUGER que le montant de 50.000 euros au titre de l’amende civile est manifestement disproportionné et injustifié ;

En conséquence :

- CONDAMNER Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] à une somme qui ne pourrait excéder 2.000 euros ou toute somme que l’équité commandera, si le Tribunal judiciaire de Paris devait entrer en voie de condamnation.

En tout état de cause :

- JUGER QUE l’équité ne commande pas que Madame [T] [J] et Monsieur [U] [J] soient condamnés au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure civile ;

- CONDAMNER la Ville de [Localité 19] à payer la somme de 2 000 euros au titre de l’article
700 du Code procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Monsieur [U] [J] conteste avoir enfreint les dispositions de l'article L631-7 du code de la construction et de l'habitation.

La partie défenderesse fait valoir qu’il y a une insuffisance de preuve quant à l’affectation du bien litigieux, que ce bien constitue sa résidence principale.

A titre subsidiaire et s'agissant du quantum de l'amende civile, elle invoque sa bonne foi, sa collaboration avec les services de la Ville de [Localité 19], la cessation des locations de courte durée et le retour du bien à l'usage d'habitation.

Il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

La date de délibéré a été fixée au 24 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions des articles L 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation

L'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit :
« La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L.631-7-1, soumis à autorisation préalable.

Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1 ou dans le cadre d'un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.

Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.

Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.

Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.

Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ».

L'alinéa premier de l'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction temporellement applicable prévoit que :
« Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. »

Conformément à l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 19], d’établir :

-l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;
−un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 19] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation dont il n'est pas allégué qu'elle a été mise en œuvre.

Sur la qualification de résidence principale ou secondaire :

Selon l’article L.631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation :
« [...] Lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n'est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ».

Il appartient à la partie défenderesse qui invoque les dispositions susvisées d'établir la preuve que le local litigieux constitue sa résidence principale.

Aux termes des dispositions de l'article 2 de la loi du 6 juillet 1989, dans sa version applicable à l'espèce, la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.

En l'espèce, Monsieur [U] [J] est propriétaire de l’appartement litigieux [Adresse 14] (lot 30), ainsi qu’il résulte du relevé de propriété.

Monsieur [U] [J] qui prétend que le local constitue sa résidence principale fait valoir que son adresse fiscale est à cette adresse. Il produit également une facture SFR fixe et une facture SFR Mobile ainsi que le contrat EDF.

Il expose par ailleurs qu'il a rejoint son épouse et ses enfants en Australie où il a été contraint de demeurer en 2020, 2021 et 2022 en raison de l'état d'urgence sanitaire particulièrement strict dans ce pays.

Cependant, la domiciliation fiscale et l’adresse mentionnée sur la facture SFR ne démontrent pas l’effectivité de l’occupation de l’appartement dans la mesure où le système fiscal est déclaratif et est donc le fait propre du souscripteur.

Surtout, Monsieur [U] [J] n'indique pas à partir de quelle date il est parti vivre en Australie ni à quelle date il est revenu vivre en France alors que la Ville de [Localité 19] fait état de locations à courte durée dès novembre 2011.

Monsieur [U] [J] ne peut se prévaloir d'obligations professionnelles ni d'une situation de force majeure dès lors qu'il ne démontre aucunement de sa situation avant le déclenchement de l'état d'argence ni postérieurement à la fin de cette période.

Par conséquent, Monsieur [U] [J] ne peut se prévaloir de l’exception de force majeure ni d'obligations professionnelles pour établir que sa résidence principale se situe [Adresse 14] (lot 30).

Sur l'usage d’habitation du local

En l'espèce, la fiche H2 produite par la Ville de [Localité 19] correspondant à l'appartement situé [Adresse 14] est daté du 2 juillet 1970. Elle mentionne que le bien est occupé à cette date par le propriétaire, Monsieur [Y] [O] [I].

La fiche H2 produite contient suffisamment d'indications à savoir les bâtiments, escaliers, étage, porte qui permettent d'identifier sans aucun doute l'appartement de Monsieur [U] [J]. Dès lors l'absence de mention du lot sur la fiche H2 est sans incidence.

La Ville de [Localité 19] produit les calepins de l'immeuble dont il ressort que Monsieur [Y] [I] a occupé de manière continue l'immeuble entre 1951 et 1976.

Il résulte de tout ce qui précède que l'affectation du local à un usage d'habitation est suffisamment établie au 1er janvier 1970.

Sur le changement illicite sans autorisation de l’usage :

En l'espèce, Monsieur [U] [J] ne conteste pas avoir mis en location courte durée le local litigieux dont il est propriétaire.

Il ressort du constat de location meublée touristique du 21 janvier 2022 établi par un agent assermenté du service municipal du logement de la mairie de [Localité 19], que le bien litigieux a été proposé en locations de courtes durées via des annonces consultables aux adresses :

https://www.[012]
https://www.[010]
https://www.[011]
https://www.[013]
https://www.[015]
https://www.[017]
[017]
https://www.[09]
https://www.[08]
[08]

L’annonce https://www.[012] comporte 297 commentaires. Le premier commentaire date d’octobre 2012 et le dernier du mois de novembre 2021.

L’annonce https://www.[010] comporte 12 commentaires. Le premier commentaire date du mois d'octobre 2017 et le dernier du mois de septembre 2021.

L’annonce https://www.[011] comporte 22 commentaires. Le premier commentaire date du mois de janvier 2018 à septembre 2021

L’annonce https://[022] comporte 13 commentaires. Le premier commentaire date du mois novembre 2018 et le dernier du mois de mars 2020.

L’annonce https://www.[017] comporte 27 commentaires. Le premier commentaire date du mois de novembre 2011 et le dernier du mois de juillet 2016.

La plates-forme Airbnb a communiqué des relevés qui mentionnent la location de 256 nuitées en 2019, 287 nuitées en 2020, 173 nuitées en 2021, 216 nuitées en 2022 et 247 nuitées en 2023.

Il en résulte qu’au cas présent, Monsieur [U] [J] a changé sans autorisation préalable l’usage du lot litigieux, au sens de l'article L.631-7 alinéa 1er du code de la construction et de l'habitation, en louant son appartement meublé destiné à l'habitation situé [Adresse 14] (lot 30) de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.

Sur le montant de l’amende :

L'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, applicable au 20 novembre 2016, a porté l’amende encourue de 25 000 à 50 000 euros.

L’amende civile doit être fixée en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 19] où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites, de la durée des locations, le cas échéant des diligences du propriétaire pour le retour à un usage d'habitation, de la bonne foi dont l’intéressé a fait preuve et de sa situation personnelle et financière.

Le constat de location meublée touristique établit que Monsieur [U] [J] a mis en location le lot litigieux sur plusiers plate-formes numériques spécialisées dans la location touristique de courte durée et que de très nombreux commentaires ont été laissés par des locataires jusqu'au courant de l'année 2023.

Il résulte des annonces que le bien est loué en moyenne 266 euros par nuit.

La Ville de [Localité 19] estime le montant des revenus perçus via la plate-forme Airbnb à un total de 208.278 euros entre 2019 et 2021.

Monsieur [U] [J] qui conteste les chiffres de la Ville de [Localité 19] produit des relevés Airbnb. Cependant il ne précise pas à quelle annonce lesdits relevés se rapportent étant observé que le bien a été proposé sur 4 annonces différentes, outre qu’il est proposé à la location sur d’autres plate-formes numériques.

Il ne fait aucun doute que sur la même période, une location licite aurait généré un revenu bien moindre.

Il est précisé que le montant de la compensation nécessaire pour obtenir l’autorisation de changement d’usage du local d’habitation et pouvoir exercer une activité d’hébergement hôtelier est de 98 000 euros.

Monsieur [U] [J] expose avoir coopéré avec les services de la Ville de [Localité 19] et avoir effectué les locations en toute bonne foi, faisant prévaloir qu'il a résidé plusieurs années en Australie, qu'il n'a pu revenir en France en raison de l'état d’urgence sanitaire décrété le 18 mars 2020 jusqu'au 30 avril 2022 et qu'il a dû faire face à des difficultés financières.

Monsieur [U] [J] verse deux réservations pour des baux mobilité du 1er mai 2020 au 1er janvier 2021 et du 1er novembre 2021 au 13 décembre 2021.

Cependant, il convient de constater que les locations litigieuses ont continué au cours de l'année 2023 ainsi qu'il en résulte du relevé locatif transmis par Airbnb alors même que la Ville de [Localité 19] avait adressé un courrier recommandé le 4 mars 2021 rappelant au propriétaire ses obligations.

S'agissant des difficultés financières invoquées, Monsieur [U] [J] ne verse pas ses derniers avis d'imposition.

En considération de la durée conséquente de la période incriminée, des nombreuses réservations, et du fait que les locations ont perduré jusqu'au courant de l'année 2023, il convient de fixer l’amende civile à la somme de 35.000 euros.

Sur la demande de retour à l’usage d’habitation du local litigieux :

Il résulte des dispositions de l'article 651-2 du code de la construction et de l'habitation que le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1 000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.

Monsieur [U] [J] indique qu'il occupe l'appartement litigieux.

Il verse à l'appui de ses allégations le récépissé de demande de passeport de ses enfants ainsi que ses factures SFR où figure l'adresse du bien.

Toutefois, ces seuls éléments ne permettent pas d'établir que l'appartement est revenu à un usage d'habitation étant observé que les enfants de Monsieur [U] [J] sont scolarisés à [Localité 21] et que son épouse suit une formation à [Localité 16] et qu'aucune des pièces produites ne permet de constater une résidence effective dans le local litigieux.

Dès lors qu’aucun élément ne permet d’établir que le bien est de nouveau à usage d’habitation, il convient d’ordonner le retour à l’habitation du local litigieux, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à Monsieur [U] [J], ce durant une période maximale de 12 mois.

Il n'y a pas lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte.

Sur la demande de condamnation de la partie défenderesse sur le fondement des dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme

L’article L.324-1-1 du code du tourisme, en sa rédaction temporellement applicable, dispose :
“I.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.

Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement.
IV.-Dans les communes ayant mis en ouvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration. [...]
V.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. [...]”

Par délibération des 4, 5 et 6 juillet 2017, le Conseil de [Localité 19] a décidé de mettre en œuvre le dispositif prévu par l’article L.324-1-1 II et III du code du tourisme et de soumettre à déclaration préalable soumise à un enregistrement toute location pour de courtes durées d’un local meublé à destination d’une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, cette déclaration précisant si le logement constitue la résidence principale du loueur et donnant lieu à la délivrance d’un numéro d’enregistrement.

S'agissant de la demande portant sur une amende de 5000 euros au motif que Monsieur [U] [J] n'a pas effectué de déclaration indiquant si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur en infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, il convient de constater que :

- Sur l’annonce https://www.[012], le numéro d’enregistrement publié sur l’annonce était le [Numéro identifiant 6]le 25 janvier 2021.
Le 21 janvier 2022, sur cette même annonce, le numéro d’enregistrement a été remplacé par le numéro [Numéro identifiant 5].
Ce numéro n’existe pas dans le téléservice de la ville de [Localité 19].

- Sur l’annonce https://www.[010], le numéro d’enregistrement publié sur l’annonce était le [Numéro identifiant 6]le 15 avril 2021.
Le 21 janvier 2022, sur cette même annonce, le numéro d’enregistrement a été remplacé par le numéro [Numéro identifiant 7]. Ce numéro n’existe pas dans le téléservice de la ville de [Localité 19]

- Sur l’annonce https://www.[011], le numéro d’enregistrement publié sur l’annonce était le [Numéro identifiant 3]le 18 août 2021.
Le 21 janvier 2022, sur cette même annonce, le numéro d’enregistrement a été remplacé par le numéro [Numéro identifiant 4]. Ce numéro n’existe pas dans le téléservice :

Au regard de la particulière mauvaise foi du défendeur qui a procédé à des multiples changements de faux numéros de déclaration, il convient de condamner Monsieur [U] [J] au paiement d’une amende civile de 5.000 euros au titre du défaut de déclaration préalable à la mise en location d’un meublé de tourisme.

S'agissant de la demande portant l'amende de 10.000 euros pour défaut de transmission d'information relative au nombre de jours loués en infraction aux dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, il y a lieu d'observer que l'obligation de transmission issue de cette disposition ne concerne que les personnes qui offrent à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale.

Au cas d'espèce, il convient de constater que si le bien litigieux n'est pas la résidence principale de Monsieur [U] [J], ce dernier a déclaré ce bien comme étant sa résidence principale. Dans ces conditions, la Ville de [Localité 19] pouvait, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle le meublé a été mis en location demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué.

Il n'est pas contesté que la Ville de [Localité 19] a demandé à Monsieur [J] de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué et qu’il n’a pas été donné suite à cette demande.

Dans ces conditions, compte tenu de la période et du nombre de locations, Monsieur [U] [J] sera condamné à payer une amende civile de 6.000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme.

Sur les mesures accessoires :

L’article 696 du code de procédure civile dispose que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.

Dès lors qu’il est fait droit aux demandes de la Ville de [Localité 19], Monsieur [U] [J] supportera la charge des dépens.

L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l’autre partie la somme qu’il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l’équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d’office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu’il n’y a pas lieu à cette condamnation.

Condamnée aux dépens, la partie défenderesse devra verser à la Ville de [Localité 19] une indemnité que l'équité commande de fixer à 1 500 euros au titre des frais irrépétibles.

En application des articles 481-1 6° et 514 alinéa 2 du code de procédure civile, la présente décision est de droit assortie de l'exécution provisoire

PAR CES MOTIFS,

Le tribunal, statuant publiquement par jugement contradictoire rendu en premier ressort, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,

Condamne Monsieur [U] [J] à payer une amende civile de trente cinq mille euros (35.000 euros), dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 19]  au titre des dispositions de l’article L631-7 et L651-2 du code de la construction et de l’habitation  ;

Ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 14] (lot 30), [Localité 19], appartenant à Monsieur [U] [J], sous astreinte provisoire de deux cents euros (200 euros) par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux (2) mois à compter de la signification de la présente décision à Monsieur [U] [J], pour une durée maximale de douze (12) mois ;

Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;

Condamne Monsieur [U] [J] à payer une amende civile de cinq mille euros (5.000 euros) au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 III du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 19] ;

Condamne Monsieur [U] [J] à payer une amende civile de six mille euros (6.000 euros) au titre des dispositions de l'article L.324-1-1 IV du code du tourisme, dont le produit sera versé à la Ville de [Localité 19] ;

Condamne Monsieur [U] [J] à payer à la Ville de [Localité 19] la somme de mille cinq cents euros (1 500 euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Monsieur [U] [J] aux dépens ;

Rappelle que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.

Fait à Paris le 24 juin 2024

Le Greffier,Le Président,

Pascale GARAVELCaroline FAYAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/52177
Date de la décision : 24/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 01/07/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-24;23.52177 ?
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