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21/06/2024 | FRANCE | N°24/53196

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 21 juin 2024, 24/53196


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 24/53196 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4VG4

N° : 8-CB

Assignation du :
18 et 29 avril 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 21 juin 2024



par Béatrice FOUCHARD-TESSIER, Premier Vice-Président Adjoint au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [D] [X]
[Adresse 2]
[Localité 6

]

représenté par Maître Philippe rudyard BESSIS, avocat au barreau de PARIS - #C0391

DÉFENDERESSES

RELYENS MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la SHAM (société hospitalière...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/53196 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C4VG4

N° : 8-CB

Assignation du :
18 et 29 avril 2024

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 21 juin 2024

par Béatrice FOUCHARD-TESSIER, Premier Vice-Président Adjoint au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Clémence BREUIL, Greffier.
DEMANDEUR

Monsieur [D] [X]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représenté par Maître Philippe rudyard BESSIS, avocat au barreau de PARIS - #C0391

DÉFENDERESSES

RELYENS MUTUAL INSURANCE venant aux droits de la SHAM (société hospitalière d’assurances mutuelles)
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Chrystelle BOILEAU, avocat au barreau de PARIS - #D1173

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE LA VENDÉE
[Adresse 3]
[Localité 5]

non représentée

DÉBATS

A l’audience du 17 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Béatrice FOUCHARD-TESSIER, Premier Vice-Président Adjoint, assistée de Arnaud FUZAT, Greffier,
Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Monsieur [D] [X] explique qu’estimant que les soins dentaires (poses d’implants) prodigués entre 2018 et 2022 par le Docteur [N] [P], chirurgien dentiste salarié du Centre Dentaire CLINADENT, n’avaient pas été réalisés dans les règles de l’art et étaient implantés de telle façon que la pose d’un bridge est rendue difficile, il a obtenu, par ordonnance de référé rendue le 13 janvier 2023 au contradictoire de l’Association CLINADENT, de M. [N] [P] et la CPAM de Vendée, la désignation d’un expert, sur le fondement de l’article 145 du code de procédure civile.

M. [T] [V], expert judiciaire chargé de cette mesure, a rendu son rapport le 28 décembre 2023.

M. [X] expose que le rapport d’expertise met en lumière des manquements imputables au Docteur [P] et qu’au cours des opérations d’expertise, il a consulté un praticien de renom qui a évalué les travaux de réhabilitation du maxillaire supérieur à 34.039 euros.

C’est dans ces conditions que M. [X] a assigné, par actes de commissaire de justice en date des 18 et 29 avril 2024, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, la société RELYENS MUTUAL INSURANCE, assureur de l’Association CLINADENT et la CPAM du Val de Marne pour demander au juge des référés de :

«Vu les articles 46, 145, 700, 834, 835 alinéa 2 du Code de procédure civile
Vu les articles L. 1142-1, L 1111-2, L 1111-4, R. 4127-233 et R. 4127-236 du Code de la santé publique
Vu l’article 1231-1 du Code civil
Vu la jurisprudence
Vu les pièces du dossier

Déclarer Monsieur [X] recevable et bien fondé en son action :

En conséquence, RELYENS sera condamné à verser à Monsieur [X] les sommes de :

- 10.000 € au titre du défaut de consentement éclairé et d’absence d’information ;
- 20.000 € au titre du préjudice d’impréparation et de sidération ;
- 7.130 € du fait des soins défectueux et véritablement inutiles ;
- 34.039 € au titre des dépenses de santé futures ;
- 4.914 € au titre du DFT ;
- 8.000 € au titre des souffrances endurées ;
- 6.000 € au titre du préjudice esthétique ;
- 4.200 € + 2.880 € + 2.000 € + 231,60 € soit au total : 9.311,60 € au titre des frais divers engagés ;
- 3.400 € de provisions ad litem ;
- 6.000 € au titre des frais irrépétibles

Soit au total : la somme de 108.794,60 €.

- RELYENS sera condamné aux entiers dépens, y compris en cela tous frais de commissaire de justice pour le recouvrement de la condamnation à venir ;

- Rappeler que la décision à intervenir est revêtu de l’exécution provisoire.»

L’affaire a été appelée et plaidée à l’audience du 17 mai 2024.

M. [X] a, par l’intermédiaire de son conseil, développé oralement les moyens et prétentions contenus dans son assignation et dans ses conclusions déposées à l’audience. Il maintient l’ensemble de ses demandes (sauf à réclamer un total de 115.968,52€).

Dans ses conclusions déposées à l’audience et soutenues oralement par son conseil, RELYENS MUTUAL INSURANCE demande au juge des référés de :

«A titre principal,

- Dire et juger irrecevable et mal fondée l’action introduite par M. [X] en demande de condamnation en responsabilité et en indemnisation de ses préjudices devant le juge des référés,

- Rejeter l’ensemble des demandes,

- Condamner Monsieur [X] à la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

A titre subsidiaire,

Dire que les obligations réparatrices non sérieusement contestables ne concernent que les postes de préjudices suivants, selon les indemnités provisionnelles suivantes :

- Déficit fonctionnel temporaire partiel à 25% : 4.329,75 euros
- Souffrances endurées : 2.500 euros
- Préjudice esthétique temporaire : 600 euros
- Défaut d’information : 4.000 euros

Rejeter toutes autres demandes formulées à l’encontre de RELYENS MUTUAL INSURANCE ;

Rejeter la demande formulée par M. [X] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.»

L’assureur soutient à titre principal que M. [X] sollicite une condamnation pure et simple de sorte que cette demande ne relève pas du juge des référés.

La Caisse primaire d’assurance maladie de la Vendée, bien que régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat.

Conformément aux dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, il est renvoyé à l’assignation et aux conclusions des parties comparantes pour un plus ample exposé de leurs prétentions respectives et de leurs moyens.

L’affaire a été mise en délibéré au 14 juin 2024, prorogé au 21 juin 2024.

MOTIFS

- Sur l’irrecevabilité de la demande soulevée par RELYENS MUTUAL INSURANCE :

La compagnie RELYENS MUTUAL INSURANCE soutient que l’action engagée par M. [X] s’analyse en réalité en une action en responsabilité et en indemnisation des préjudices, ce qui échappe au juge des référés, juge de l’urgence et de l’évidence.

Il convient toutefois de relever que, quand bien même il est vrai que le dispositif de l’assignation et des conclusions du demandeur ne rappelle pas le caractère provisionnel des demandes de condamnations, il ressort des développements figurant dans le corps des écritures que les demandes présentées sont des demandes provisionnelles ce qui est conforté par le visa de l’article 835 du code de procédure civile.

Il n’y a donc pas lieu de déclarer les demandes présentées par M. [X] irrecevables.

- Sur les demandes provisionnelles

L’article 835, alinéa 2, du code de procédure civile, dans sa rédaction issue du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019, prévoit que, dans les cas où l’existence de l’obligation n’est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire statuant en référé peut accorder une provision au créancier.

L'octroi d'une provision suppose le constat préalable par le juge de l'existence d'une obligation non sérieusement contestable, au titre de laquelle la provision est demandée. Cette condition intervient à un double titre : elle ne peut être ordonnée que si l'obligation sur laquelle elle repose n'est pas sérieusement contestable et ne peut l'être qu'à hauteur du montant non sérieusement contestable de cette obligation.

Cette condition est suffisante et la provision peut être octroyée, quelle que soit l'obligation en cause. La nature de l'obligation sur laquelle est fondée la demande de provision est indifférente, qui peut être quasi-délictuelle, contractuelle ou délictuelle.

En vertu de l’article L. 1142-1 du code de la santé publique les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d’actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu’en cas de faute.

En l’espèce, il est constant que l’expert judiciaire a notamment conclu (rapport p.17 et suivantes) :
- s’agissant de l’information donnée au patient quant aux risques courus, que “on ne retrouve aucun consentement éclairé, ni aucune information évoquant l’éventualité d’un échec. Les risques encourus n’ont pas été expliqués (...) Les solutions autres qu’implantaires (...) n’ont pas été abordées. Aucune séance consacrée à l’explication du plan de traitement n’a été faite (...).”

- s’agissant de savoir si les actes, soins et traitements ont été attentifs, diligents et conformes, que “le traitement implantaire a été réalisé sans guide chirurgical et sans la maîtrise des axes de positionnement. La situation des implants les rend inutilisables (...) En résumé, un manque patent de préparation est notable, avec un total manque de rigueur dans l’acte opératoire.”
- sur l’analyse de la nature des erreurs, imprudence, manque de précaution, négligences, maladresses ou autres défaillances relevées, l’expert indique que “si un examen scanner a bien été effectué avant les actes de chirurgie, l’acte chirurgical implantaire se résume à la pose erratique de 6 implants. Ceci est le résultat d’une impréparation et d’un manque de formation.
La technique chirurgicale semble poser un problème.
Un fait est toutefois établi, à savoir que le suivi n’a pas été adéquat, la patient a été quasiment laissé sans suivi, ni soin. Aucune solution ne lui a été proposée dans un délai raisonnable après ces actes. Cette négligence est imputable au centre CLINADENT qui aurait dû assurer un suivi après ces échec de pose. Toutefois, la directrice du centre a proposé qu’un autre praticien intervienne gracieusement. La situation actuelle nécessite la dépose des six implants.”
- l’expert ajoute “les lésions et séquelles, à savoir la dépose des implants et ses conséquences sont directement et totalement imputables aux soins réalisés.”

Ces explications font clairement ressortir que la responsabilité du centre dentaire employeur du praticien qui a soigné M. [X] est engagée, ce que l’assureur de l’association CLINADENT admet.

L’expert judiciaire conclut de la façon suivante sur les préjudices subis par M. [X] :

a) avant consolidation :

- pas de déficit fonctionnel temporaire retenu,
Toutefois, dans sa réponse aux dires de M° Bessis, conseil du demandeur, l’expert retient un DFT en classe II.

- souffrances endurées, après consolidation on ne sera pas inférieur à SE de 2/7
l’expert n’a pas modifié ce point dans ses réponses aux dires.

- préjudice esthétique temporaire : le port d’une prothèse amovible ainsi que l’état antérieur justifient de ne pas retenir de PET
Il convient cependant de relever que dans sa réponse au dire du demandeur, l’expert indique en page 30 que “la difficulté de port de cette prothèse justifie de retenir un PET de 2/7”.

b) consolidation :
Monsieur [X] n’est pas consolidé.
Il convient de déposer les 6 implants au maxillaire, de réaliser une prothèse amovible complète provisoire au maxillaire et d’implanter à nouveau selon les règles.
Une reconstruction osseuse sera nécessaire au niveau maxillaire avant pose éventuelle de nouveaux implants.
Les soins immédiats devront être réalisés par des praticiens expérimentés (maîtrise des techniques de greffe) afin de conserver le maximum d’os pour l’avenir et faciliter une reconstruction adéquate.

L’expert intègre dans ce pré-rapport le pièce PRB 10, qui est le devis du Dr [A] [S], visant à une remise en état complète du maxillaire de M. [X]. Ce devis s’inscrit dans une cohérence totale et raisonnée.

Après examen des dires des parties, l’expert précise en pages 28-29, que, au titre du devis du Docteur [S] il est plus juste de retenir la somme de 17.600 euros, le préjudice se limitant à la phase initiale implantaire qui doit être réparé.

Il convient de souligner qu’il n’appartient pas au juge des référés de procéder à une liquidation complète du quantum des différents postes de préjudices invoqués par le demandeur ; il peut en revanche accorder une provision sur la part des préjudices non sérieusement contestables.

En l’espèce, au vu des conclusions de l’expert judiciaire, et dans la mesure où il est clair que Monsieur [X] ne pourra être consolidé qu’après réalisation de soins correspondant en particulier à la réparation de la phase initiale implantaire que l’expert évalue à 17.600 euros, et où la compagnie RELYENS MUTUAL INSURANCE admet que des provisions limitées peuvent être allouées à M. [X] au titre du déficit fonctionnel temporaire partiel, des souffrances endurées, du préjudice esthétique temporaire et du défaut d’information, et que les autres points sont contestés par le défendeur, notamment le préjudice d’impréparation, il ressort qu’une provision de 26.000 euros doit être accordée à M. [X].

Il appartiendra en outre au juge du fond d’apprécier si M. [X] est bien fondé à solliciter le remboursement de la somme dépensée inutilement selon lui pour les soins défectueux, de sorte que cette demande est écartée.

Par ailleurs, M. [X] fait état des sommes versées à son avocat au cours de la première procédure de référé et de l’expertise, et des honoraires de l’expert. Il est clair qu’il devra en outre nécessairement exposer de nouveaux frais d’avocat, de médecin-conseil après consolidation de son état. Une somme de 6.000 euros lui sera accordée à ce titre.

Il sera donc fait droit à la demande de condamnation présentée par M. [X] à l’encontre de RELYENS MUTUAL INSURANCE à hauteur de 32.000 euros à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices.

Le surplus de ses demandes sont rejetées.

- Sur l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Aux termes de l’article 491, alinéa 2, du code de procédure civile, le juge des référés statue sur les dépens.

Partie perdante au sens des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile, la compagnie RELYENS MUTUAL INSURANCE aux dépens et à verser à Monsieur [X] la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Statuant par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats à l’audience publique, par ordonnance réputée contradictoire et rendue en premier ressort,

Condamnons la compagnie RELYENS MUTUAL INSURANCE à verser à Monsieur [D] [X]
- la somme de 32.000 euros (trente deux mille euros) à titre de provision à valoir sur l’indemnisation de ses préjudices liés aux soins fautifs prodigués au sein du Centre dentaire CLINADENT entre 2018 et 2022,
- la somme de 2.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Rejetons le surplus des demandes ;

Condamnons la compagnie RELYENS MUTUAL INSURANCE aux dépens ;

Rappelons que la présente ordonnance est exécutoire à titre provisoire.

Fait à Paris le 21 juin 2024.

Le Greffier,Le Président,

Clémence BREUILBéatrice FOUCHARD-TESSIER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/53196
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Accorde une provision

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;24.53196 ?
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