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21/06/2024 | FRANCE | N°24/50031

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 21 juin 2024, 24/50031


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 24/50031 - N° Portalis 352J-W-B7I-C3OTR

N° : 3

Assignation du :
29 Décembre 2023

[1]

[1] 1 Copies exécutoires
délivrées le:

JUGEMENT RENDU EN ETAT DE REFERE
(article 487 du Code de procédure civile)
le 21 juin 2024


par le Tribunal judiciaire de Paris, composé de :

Stéphane NOËL, Président
Fabrice VERT, Premier Vice- Président
Maïté GRISON-PASCAIL, Première Vice-Présidente,

Assistés de Pascale GARAVEL, Greffier. <

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DEMANDERESSE

La Société KC 20, Société en Nom Collectif
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par la SELARL CATHERINE CARIOU, avocats au barreau de PARIS - #B0107


D...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 24/50031 - N° Portalis 352J-W-B7I-C3OTR

N° : 3

Assignation du :
29 Décembre 2023

[1]

[1] 1 Copies exécutoires
délivrées le:

JUGEMENT RENDU EN ETAT DE REFERE
(article 487 du Code de procédure civile)
le 21 juin 2024

par le Tribunal judiciaire de Paris, composé de :

Stéphane NOËL, Président
Fabrice VERT, Premier Vice- Président
Maïté GRISON-PASCAIL, Première Vice-Présidente,

Assistés de Pascale GARAVEL, Greffier.

DEMANDERESSE

La Société KC 20, Société en Nom Collectif
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par la SELARL CATHERINE CARIOU, avocats au barreau de PARIS - #B0107

DEFENDERESSE

La Société A.A.A S.A.S.
Centre Commercial BEAUSEVRAN
[Adresse 4]
[Localité 3]

non constituée

DÉBATS

A l’audience du 23 Avril 2024 tenue publiquement, présidée par Stéphane NOËL, Président, Fabrice VERT, Premier Vice- Président, Maïté GRISON-PASCAIL, Première Vice-Présidente, Assesseurs, assistés de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte sous seing privé en date du 5 décembre 2017, la SNC KC 20 a donné à bail commercial à la SAS A.A.A. alors en cours de constitution des locaux commerciaux situés au sein du centre commercial Beausevran, [Adresse 5], à destination de déstockage de vêtements de marque, pour une durée de dix années, moyennant un loyer minimum garanti de 45 630 euros par an en principal, outre un loyer variable calculé sur le chiffre d’affaires hors taxe du preneur.

La société locataire ayant interrompu le règlement de ses loyers et charges, plusieurs relance et mises en demeure lui ont été adressées entre le 8 juin 2021 et le 15 novembre 2023.

Le 19 septembre 2023, la bailleresse a fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail d’avoir à payer la somme en principal de 150 579,39 euros TTC représentant un arriéré de loyers et charges.

Puis par acte en date du 29 décembre 2023, la société KC 20 a fait assigner en référé la société A.A.A. sollicitant de :

“Vu l'article 835 du code de procédure civile ;
Vu l'article L 145-41 du code de commerce,

Constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail dont est titulaire la société A.A.A. au 19 octobre2023, soit un mois après le commandement ;

Ordonner l'expulsion de la société A.A.A. et celle de tous occupants de son chef du local n°1003 qu'elle exploite au Centre Commercial BEAUSEVRAN à [Localité 3], [Adresse 4], ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

La condamner provisionnellement au paiement de la somme de 174.891,75 euros TTC représentant les loyers, charges et indemnités d'occupation, selon comptes arrêtés au 3l décembre 2023 inclus ;

Du 1er janvier 2024 jusqu'à parfaite libération des lieux, la condamner provisionnellement au paiement d'une indemnité d'occupation égale à 1% du loyer annuel facturé et indexé la dernière année de location, par jour de calendrier, conformément à l'article 3l du bail ;

Condamner la société A.A.A. aux entiers dépens, qui comprendront le coût du commandement et des éventuelles dénonciations aux créanciers inscrits, ainsi qu'au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.”

L’affaire a été appelée à l’audience du 22 janvier 2024.

Par ordonnance du 26 février 2024, le juge des référés a ordonné la réouverture des débats devant la formation collégiale siégeant le 23 avril 2024 afin de recueillir les explications du demandeur sur la compétence territoriale du président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé.

Les parties ont été informées qu’à cette audience, deux amici curiae, Messieurs les professeurs [E] [R] et [V] [T], seraient entendus sur les enjeux systémiques de la compétence territoriale du juge des référés saisi d’une demande de mesure d’instruction in futurum ayant pour objet un bien immobilier situé hors du ressort du tribunal judicaire de Paris ou d’une demande en matière de bail commercial portant sur des immeubles loués situés hors du ressort du tribunal judicaire de Paris.

A l’audience du 23 avril 2024, Messieurs les professeurs [E] [R] et [V] [T] ont été entendus comme amici curiae sur les points susvisés.

La société KC 20 a déposé des écritures, qu’elle a développées oralement, sollicitant de :

“Vu l’article 835 du code de procédure civile,
Vu les articles 44 et 48 du code de procédure civile,
Vu l’article L 145-41 du code de commerce,
Vu le commandement de payer visant la clause résolutoire du bail du 19 septembre 2023,

Se déclarer compétent pour trancher du litige opposant la société KC 20 à la société A.A.A. ;

Constater l’acquisition de la clause résolutoire du bail dont est titulaire la société A.A.A. au 19 octobre 2023, soit un mois après le commandement ;

Ordonner l’expulsion de la société A.A.A. et celle de tous occupants de son chef du local n°1003 qu’elle exploite au Centre Commercial BEAUSEVRAN à [Localité 3], [Adresse 4], ce à compter de la signification de la décision à intervenir ;

La condamner provisionnellement au paiement de la somme de 198.182,63 euros TTC représentant les loyers, charges et indemnités d’occupation, selon comptes arrêtés au 30 juin 2024 inclus ;

Du 1er juillet 2024 jusqu’à parfaite libération des lieux, la condamner provisionnellement au paiement d’une indemnité d’occupation égale à 1 % du loyer annuel facturé et indexé la dernière année de location, par jour de calendrier, conformément à l’article 31 du bail ;

Condamner la société A.A.A. aux entiers dépens, qui comprendront le coût du commandement et des éventuelles dénonciations aux créanciers inscrits, ainsi qu’au paiement de la somme de 3.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.”

La société A.A.A., citée à l’adresse de son siège social correspondant à l’adresse des lieux loués, selon les modalités de l’article 659 du code de procédure civile, n’a pas constitué avocat.

Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d’instance et aux écritures déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l’article 472 du même code, si le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

L'article 76 du code de procédure civile prévoit, en son premier alinéa, que sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas.

L’article R.145-23 du code de commerce dispose :
“Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.”

L’article 48 du code de procédure civile énonce :
“ Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.”

A l’audience du 23 avril 2024, la question de la compétence territoriale de la présente juridiction a été débattue.

Au cas d’espèce, le bail commercial liant les parties stipule en son article 37 que “tout litige relatif aux présentes et à leurs suites sera de la compétence des tribunaux de Paris”.

La demanderesse a saisi le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé d’une demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail commercial portant sur des locaux commerciaux situés à Sevran (93).

Il est constant que la clause attributive de compétence territoriale est stipulée dans un acte conclu entre deux sociétés commerciales ayant contracté en qualité de commerçantes.

La clause précitée déroge à la règle de compétence territoriale édictée à l’article R.145-23 du code de commerce, l’article 44 du code de procédure civile invoqué par la demanderesse, qui désigne le lieu de situation de l’immeuble en matière réelle immobilière, étant en l’espèce inapplicable.

Cette clause, bien qu’apparente, n’est pas explicite, car en visant de manière générale “les tribunaux de Paris”, elle ne renvoie pas à une juridiction précise, de sorte que si le siège de la juridiction choisie est identifiable, tel n’est pas le cas de la nature de la juridiction concernée qui n’est pas déterminée.

Contrairement à ce que soutient la demanderesse, l’exigence de clarté ne constitue pas un ajout au texte qui n’évoque que le caractère apparent, dès lors que s’agissant d’une dérogation aux règles de compétence territoriale, il convient d’être certain que les parties se sont accordées sur la désignation d’une juridiction déterminée pour traiter de leurs différends, ce qui ne peut être déduit des termes imprécis de la clause litigieuse, étant observé que le défendeur n’a pas constitué avocat pour faire connaître ses observations sur ce point.

Par ailleurs, il est inopérant pour la société demanderesse d’invoquer une insécurité juridique en expliquant que les tribunaux saisis sur renvoi ou par les parties pourraient également se déclarer incompétents en application de la clause contractuelle, une clause attributive de compétence territoriale étant inopposable à la partie qui saisit le juge des référés.

En conséquence, ne répondant pas à l’impératif de précision et de prévisibilité, l’irrégularité de cette clause fait obstacle à la compétence de la présente juridiction.

L’affaire sera donc renvoyée devant la juridiction territorialement compétente, soit le tribunal judiciaire de Bobigny, les locaux donnés à bail étant situés à Sevran dans le département de la Seine-Saint-Denis.

La présente décision ne mettant pas fin au litige, les demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens seront réservées.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement rendu en état de référé, réputé contradictoire et en premier ressort,

Se déclare incompétent territorialement pour connaître du présent litige,

Renvoie l’examen du dossier devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé,

Dit que le dossier de l’affaire sera transmis par le greffe à la juridiction désignée, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai, conformément aux dispositions de l’article 82 du code de procédure civile,

Réserve les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Fait à Paris le 21 juin 2024

Le Greffier,Le Président,

Pascale GARAVELStéphane NOEL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/50031
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Se déclare incompétent

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;24.50031 ?
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