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21/06/2024 | FRANCE | N°23/54628

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 21 juin 2024, 23/54628


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/54628 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ4XV

N° : 6

Assignation du :
05 Juin 2023

[1]

[1] 1 Copies exécutoires
délivrées le:


JUGEMENT RENDU EN ETAT DE REFERE
(article 487 du Code de procédure civile)
le 21 juin 2024


par le Tribunal judiciaire de Paris, composé de :

Stéphane NOËL, Président
Fabrice VERT, Premier Vice- Président
Maïté GRISON-PASCAIL, Première Vice-Présidente,

Assistés de Pascale GARAVEL, Greffier. r>
DEMANDERESSE

La société BIG OPIUM S.A.S.
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Caroline FAUVAGE de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocats au barreau de PARIS - #P...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/54628 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ4XV

N° : 6

Assignation du :
05 Juin 2023

[1]

[1] 1 Copies exécutoires
délivrées le:

JUGEMENT RENDU EN ETAT DE REFERE
(article 487 du Code de procédure civile)
le 21 juin 2024

par le Tribunal judiciaire de Paris, composé de :

Stéphane NOËL, Président
Fabrice VERT, Premier Vice- Président
Maïté GRISON-PASCAIL, Première Vice-Présidente,

Assistés de Pascale GARAVEL, Greffier.

DEMANDERESSE

La société BIG OPIUM S.A.S.
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Maître Caroline FAUVAGE de la SCP FORESTIER & HINFRAY, avocats au barreau de PARIS - #P0255

DEFENDERESSE

La société CMV TECHNIK S.A.S.
[Adresse 2]
[Localité 5]

non constituée

DÉBATS

A l’audience du 23 Avril 2024 tenue publiquement, présidée par Stéphane NOËL, Président, Fabrice VERT, Premier Vice- Président, Maïté GRISON-PASCAIL, Première Vice-Présidente, Assesseurs, assistés de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte sous seing privé en date du 1er janvier 2021, la SAS Big Opium a donné à bail commercial à la SAS CMV Technik des locaux commerciaux situés [Adresse 3] à [Localité 5], à destination de stockage, pour une durée de neuf années, moyennant un loyer annuel en principal de 18 000 euros hors charges et hors taxes, payable trimestriellement.

Le 24 mars 2023, la bailleresse a fait délivrer au preneur un commandement visant la clause résolutoire insérée au bail d’avoir à payer la somme de 8 971,94 euros représentant un arriéré de loyers et charges arrêté au 19 janvier 2023.

Par acte en date du 5 juin 2023, la société Big Opium a fait assigner en référé la société CMV Technik sollicitant de :

“Vu l’article 835 du Code de procédure civile,
Vu Ie bail du 1er janvier 2021,
Vu le commandement de payer visant la clause résolutoire du 24 mars 2023,

RECEVOIR Ia société BIG OPIUM en ses demandes et l‘y déclarer bien fondée,

CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans Ie bail du 1er janvier 2021, à compter du 24 avril 2023,

DECLARER la société CMV TECHNIK occupante sans droit ni titre des locaux sis à [Adresse 3], depuis le 24 avril 2023,

En conséquence,

ORDONNER l'expulsion de la société CMV TECHNIK des locaux sis à [Adresse 3], décrits au bail comme suit :
“ Surface indicative quote-part de parties communes incluses de 130 mg environ répartie comme suit:
- Lot n° F3 composé d’environ :
- 130 mg d’activité au RDC”

ORDONNER le transport et la séquestration des meubles, véhicules et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles ou fourrière que le Tribunal désignera ou dans tel autre lieu au choix du bailleur, aux frais, risques et périls du défendeur, et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,

En tout état de cause,

CONDAMNER, à titre provisionnel, la société CMV TECHNIK à payer à Ia société BIG OPIUM la somme de 13.172,12€, au titre des loyers et charges arrêtés au 27 avril 2023, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 24 mars 2023 à concurrence de son montant et à compter de la présente assignation pour le surplus,

CONDAMNER, à titre provisionnel, la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM une indemnité d‘occupation égale au dernier loyer majoré de 50% et de la provision sur charges et ce, jusqu’à sa parfaite libération des lieux et remise des clés.

JUGER que la société BIG OPIUM conservera le dépôt de garantie,

CONDAMNER, à titre provisionnel, la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM une indemnité journalière égale au double du dernier loyer journalier facturé, accessoires compris, pendant la durée nécessaire pour la remise en état éventuelle des lieux,

CONDAMNER la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM la somme de 2.000 € sur le fondement de l’articIe 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 24 mars 2023.”

L’affaire a été appelée à l’audience du 27 octobre 2023, une injonction étant délivrée aux parties de rencontrer un médiateur.

Par ordonnance du 15 décembre 2023, le juge des référés a ordonné la réouverture des débats à l’audience du 9 février 2024 afin de recueillir les observations du demandeur sur la compétence territoriale du président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé.

L’affaire a été à nouveau renvoyée devant la formation collégiale siégeant le 23 avril 2024.

Les parties ont été informées qu’à cette audience, deux amici curiae, Messieurs les professeurs [E] [J] et [W] [R], seraient entendus sur les enjeux systémiques de la compétence territoriale du juge des référés saisi d’une demande de mesure d’instruction in futurum ayant pour objet un bien immobilier situé hors du ressort du tribunal judicaire de Paris ou d’une demande en matière de bail commercial portant sur des immeubles loués situés hors du ressort du tribunal judicaire de Paris.

A l’audience du 23 avril 2024, Messieurs les professeurs [E] [J] et [W] [R] ont été entendus comme amici curiae sur les points susvisés.

La société Big Opium a déposé des écritures qu’elle a développées oralement, sollicitant de :

“ Vu l’article 835 du Code de procédure civile, ensemble les articles L145-41 et suivants du code de Commerce
Vu le bail du 1er janvier 2021,
Vu le commandement de payer visant la clause résolutoire du 24 mars 2023,

A titre liminaire,

SE DECLARER compétent ,


Sur les demandes de la société BIG OPIUM,

RECEVOIR la société BIG OPIUM en ses demandes et l’y déclarer bien fondée,

CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire insérée dans le bail du 1 er janvier 2021, à compter du 24 avril 2023,

DECLARER la société CMV TECHNIK occupante sans droit ni titre des locaux sis à [Adresse 3], depuis le 24 avril 2023,

En conséquence,

ORDONNER l’expulsion de la société CMV TECHNIK des locaux sis à [Adresse 3], décrits au bail comme suit :

« Surface indicative quote-part de parties communes incluses de 130 m² environ répartie comme suit :
- Lot n° F3 composé d’environ :
- 130 m² d’activité au RDC »

ORDONNER le transport et la séquestration des meubles, véhicules et objets mobiliers garnissant les lieux dans tel garde-meubles ou fourrière que le Tribunal désignera ou dans tel autre lieu au choix du bailleur, aux frais, risques et périls du défendeur, et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues,

En tout état de cause,

CONDAMNER, à titre provisionnel, la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM la somme de 13.172,12 €, au titre des loyers et charges arrêtés au 27 avril 2023, sauf à parfaire, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 24 mars 2023 à concurrence de son montant et à compter de la présente assignation pour le surplus,

CONDAMNER, à titre provisionnel, la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM une indemnité d’occupation égale au dernier loyer majoré de 50% et de la provision sur charges et ce, jusqu’à sa parfaite libération des lieux et remise des clés.

JUGER que la société BIG OPIUM conservera le dépôt de garantie,

CONDAMNER, à titre provisionnel, la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM une indemnité journalière égale au double du dernier loyer journalier facturé, accessoires compris, pendant la durée nécessaire pour la remise en état éventuelle des lieux,

CONDAMNER la société CMV TECHNIK à payer à la société BIG OPIUM la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens de l’instance, en ce compris le coût du commandement de payer du 24 mars 2023.”

La société CMV Technik, citée par remise de l’acte en l’étude du commissaire de justice, n’a pas constitué avocat.

Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d’instance et aux écritures déposées par les parties.

MOTIFS DE LA DECISION

Conformément aux dispositions de l’article 472 du même code, si le défendeur ne comparaît pas il est néanmoins statué sur le fond. Le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l’estime régulière, recevable et bien fondée.

L'article 76 du code de procédure civile prévoit, en son premier alinéa, que sauf application de l'article 82-1, l'incompétence peut être prononcée d'office en cas de violation d'une règle de compétence d'attribution lorsque cette règle est d'ordre public ou lorsque le défendeur ne comparaît pas. Elle ne peut l'être qu'en ces cas.

L’article R.145-23 du code de commerce dispose :
“Les contestations relatives à la fixation du prix du bail révisé ou renouvelé sont portées, quel que soit le montant du loyer, devant le président du tribunal judiciaire ou le juge qui le remplace. Il est statué sur mémoire.
Les autres contestations sont portées devant le tribunal judiciaire qui peut, accessoirement, se prononcer sur les demandes mentionnées à l'alinéa précédent.
La juridiction territorialement compétente est celle du lieu de la situation de l'immeuble.”

L’article 48 du code de procédure civile énonce :
“ Toute clause qui, directement ou indirectement, déroge aux règles de compétence territoriale est réputée non écrite à moins qu'elle n'ait été convenue entre des personnes ayant toutes contracté en qualité de commerçant et qu'elle n'ait été spécifiée de façon très apparente dans l'engagement de la partie à qui elle est opposée.”

A l’audience du 23 avril 2024, la question de la compétence territoriale de la présente juridiction a été débattue.

Au cas d’espèce, le bail commercial liant les parties stipule en son article 27 que “Pour tout litige survenant dans l’interprétation ou l’exécution du présent bail, les parties conviennent de porter leur différend devant les Tribunaux de Paris”.

La demanderesse a saisi le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé d’une demande de constatation de l’acquisition de la clause résolutoire d’un bail commercial portant sur des locaux commerciaux situés à [Localité 5] (93).

Il est constant que la clause attributive de compétence territoriale est stipulée dans un acte conclu entre deux sociétés commerciales ayant contracté en qualité de commerçantes.

La clause précitée déroge à la règle de compétence territoriale édictée à l’article R.145-23 du code de commerce.

Cette clause, bien qu’apparente, n’est pas explicite, car en visant de manière générale “les tribunaux de Paris”, elle ne renvoie pas à une juridiction précise, de sorte que si le siège de la juridiction choisie est identifiable, tel n’est pas le cas de la nature de la juridiction concernée qui n’est pas déterminée.

Contrairement à ce que soutient la demanderesse, l’exigence de clarté ne constitue pas un ajout au texte qui n’évoque que le caractère apparent, dès lors que s’agissant d’une dérogation aux règles de compétence territoriale, il convient d’être certain que les parties se sont accordées sur la désignation d’une juridiction déterminée pour traiter de leurs différends, ce qui ne peut être déduit des termes imprécis de la clause litigieuse, étant observé que le défendeur n’a pas constitué avocat pour faire connaître ses observations sur ce point.

Par ailleurs, le caractère déterminable, selon la demanderesse, du “tribunal de Paris” compétent, au regard de la compétence de principe du tribunal judiciaire en matière de baux commerciaux, est discutable puisqu’une action non statutaire au titre de l’exécution du bail commercial relèverait naturellement de la compétence du tribunal de commerce en raison de la qualité de commerçantes des deux parties.

En conséquence, ne répondant pas à l’impératif de précision et de prévisibilité, l’irrégularité de cette clause fait obstacle à la compétence de la présente juridiction.

L’affaire sera donc renvoyée devant la juridiction territorialement compétente, soit le tribunal judiciaire de Bobigny, les locaux donnés à bail étant situés à [Localité 5] dans le département de la Seine-Saint-Denis.

La présente décision ne mettant pas fin au litige, les demandes au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens seront réservées.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement rendu en état de référé, réputé contradictoire et en premier ressort,

Se déclare incompétent territorialement pour connaître du présent litige,

Renvoie l’examen du dossier devant le président du tribunal judiciaire de Bobigny statuant en référé,

Dit que le dossier de l’affaire sera transmis par le greffe à la juridiction désignée, avec une copie de la décision de renvoi, à défaut d’appel dans le délai, conformément aux dispositions de l’article 82 du code de procédure civile,

Réserve les demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Fait à Paris le 21 juin 2024

Le Greffier,Le Président,

Pascale GARAVELStéphane NOEL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/54628
Date de la décision : 21/06/2024
Sens de l'arrêt : Se déclare incompétent

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-21;23.54628 ?
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