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20/06/2024 | FRANCE | N°24/02710

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp référé, 20 juin 2024, 24/02710


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 20/06/2024
à : Maitre Paul TALBOURDET
Maitre Aude ABOUKHATER

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/02710
N° Portalis 352J-W-B7I-C4HZ4

N° MINUTE : 2/2024


ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 20 juin 2024

DEMANDERESSE

La S.A.S. RIVES SAINT CHRISTOPHE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maitre Paul TALBOURDET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0

045


DÉFENDERESSE

Madame [U] [D] veuve [L], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maitre Aude ABOUKHATER, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #G0...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le : 20/06/2024
à : Maitre Paul TALBOURDET
Maitre Aude ABOUKHATER

Copie exécutoire délivrée
le :
à :

Pôle civil de proximité

PCP JCP référé

N° RG 24/02710
N° Portalis 352J-W-B7I-C4HZ4

N° MINUTE : 2/2024

ORDONNANCE DE REFERE
rendue le 20 juin 2024

DEMANDERESSE

La S.A.S. RIVES SAINT CHRISTOPHE, dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Maitre Paul TALBOURDET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #R0045

DÉFENDERESSE

Madame [U] [D] veuve [L], demeurant [Adresse 2]
représentée par Maitre Aude ABOUKHATER, avocate au barreau de PARIS, vestiaire : #G0031

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Delphine VANHOVE, Greffière,

DATE DES DÉBATS

Audience publique du 14 mai 2024

ORDONNANCE

contradictoire et en premier ressort prononcée par mise à disposition le 20 juin 2024 par Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection assistée de Delphine VANHOVE, Greffière

Décision du 20 juin 2024
PCP JCP référé - N° RG 24/02710 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4HZ4

EXPOSE DU LITIGE

Par acte authentique du 31 mars 2011, la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE, anciennement SCI Belle Poissonnière a acquis un immeuble situé [Adresse 2].

Madame [U] [D], veuve [L] est occupante du logement situé au 3ème étage porte face / rue de cet immeuble en vertu d'un contrat de bail soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948, conclu avec la précédente propriétaire.

Par jugement prononcé le 08 décembre 2016 par le tribunal d'instance du 2ème arrondissement de Paris, l'accord entre la SCI Belle Poissonnière et Madame [U] [D], veuve [L] notamment, a été entériné portant, entre autres, sur l’application conventionnelle de la loi Aurillac en vue de la prolongation des baux des locataires, l'application des accords collectifs de location des 09 juin 1998 et 16 mars 2005, la renonciation à toute vente des logements occupés par les locataires (à l'exception de leur vente à la mairie ou à un bailleur social) ainsi que l'application conventionnelle de la prorogation des baux prévus à l'article 11-2 de la loi du 06 juillet 1989.

La SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE a fait signifier à Madame [U] [D], veuve [L], par acte de commissaire de justice en date du 24 janvier 2023 une offre de vente à laquelle elle s'est opposée, eu égard à l'absence de prise de contact préalable avec la ville de [Localité 3] ou les bailleurs sociaux notamment.

Par courriel du 17 août 2023, la ville de [Localité 3] a décliné cette offre, ce refus valant également pour la SA ELOGIE SIEMP.

Souhaitant faire établir le dossier de diagnostics techniques dans la perspective de la vente du logement à un tiers, la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE a vainement pris attache avec Madame [U] [D], veuve [L] puis leur a fait remettre, par l'intermédiaire de son conseil le 06 avril 2023, une mise en demeure de lui donner accès à leur logement, réitérée le 19 octobre 2023.

Par acte de commissaire de justice en date du 05 février 2024, la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE a fait assigner Madame [U] [D], veuve [L] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de PARIS statuant en référé afin de voir
ordonner à Madame [U] [D], veuve [L] de laisser l'accès à leur logement à la requérante et à tout mandataire de son choix pour permettre la réalisation des diagnostics techniques et mesures obligatoires avant toute vente immobilière sous astreinte de 500 euros par jour de retard après expiration d'un délai de 20 jours à compter de la signification de la présente décision et jusqu'à l'accès effectif au logement,autoriser tout commissaire de justice du choix de la requérante à pénétrer dans l'appartement occupé par Madame [U] [D], veuve [L] afin de permettre à la requérante et à tout mandataire de son choix d'effectuer ces diagnostic et mesures obligatoires avant toute vente immobilière, avec le concours de la force publique si besoin,condamner Madame [U] [D], veuve [L] à lui verser la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.
Lors de l'audience du 14 mai 2024 à laquelle l'affaire a été retenue, la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE, représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance.

Elle expose, dans ses écritures et oralement, au visa des articles 834 et 835 du code de procédure civile qu'il lui est fait obligation par les dispositions du code de l'habitation et de la construction mais également dans le cadre des accords collectifs des 9 juin 1998 et 16 mars 2025 de procéder à la réalisation du diagnostic de performance énergétique du bien dont elle est propriétaire, en vue de la vente de ce logement, ce qu'elle ne peut pas faire en raison de la résistance de l'occupante. Elle indique donc rapporter la preuve de l'urgence à y procéder étant précisé qu'il s'agit d'une obligation non contestable et que le refus opposé par Madame [U] [D], veuve [L] est constitutif d'un trouble manifestement illicite.

Madame [U] [D], veuve [L], représentée lors de l'audience, a déposé des conclusions soutenues oralement aux termes desquelles elle de :
dire n'y avoir leu à référé sur les demandes formées par la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE,rejeter les demandes de la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE,dire que chaque partie conservera à sa charge frais et dépens.
Elle fait valoir que les demandes de la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE, qui ne se fondent que sur la volonté de celle-ci de vendre son bien, se heurtent à une contestation sérieuse du fait de l'impossibilité, en application des accord collectifs, de le céder à un tiers alors qu'il est occupé par des locataires, hormis à la mairie de [Localité 3] ou à un bailleur social ; qu'ainsi, la demande est également dépourvue de tout caractère d'urgence et que le refus de Madame [U] [D], veuve [L] de laisser pénétrer la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE dans son domicile n'est pas constitutif d'un trouble manifestement illicite.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 20 juin 2024.

MOTIFS

En application des articles 834 et 835 du code de procédure civile, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend. Le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.

Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Le trouble manifestement illicite est la perturbation résultant d'un fait matériel ou juridique qui, directement ou indirectement, constitue une violation évidente de la règle de droit.

Sur la demande d'autorisation à pénétrer dans les lieux

L'article L 271-4 du code de la construction et de l'habitation impose au propriétaire qui souhaite vendre son logement, de fournir un dossier de diagnostic technique, annexé à la promesse de vente ou, à défaut de promesse, à l'acte authentique de vente. En cas de vente publique, le dossier de diagnostic technique est annexé au cahier des charges.

Il résulte par ailleurs des article 1 et 2-2 de l'accord collectif de location du 9 juin 1998 relatif aux congés pour vente par lots aux locataires dans les ensembles immobiliers d’habitation, que :

1.1 Préalablement à la décision d’un bailleur de mettre en vente par lots plus de dix logements dans un même immeuble, celui-ci informe de son intention les associations de locataires représentatives au sens de l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986.
A ce stade, le bailleur et les représentants des associations de locataires examinent notamment les modalités de l’information future des locataires.
A défaut d’association de locataires représentative, le bailleur apprécie l’intérêt d’informer les locataires le plus tôt possible en fonction des données qu’il peut alors fournir pour répondre aux interrogations suscitées.

1.2. Une fois que le bailleur est prêt à rendre publique l’intention de vendre, une information est donnée à tous les locataires concernés, quelle que soit la date d’expiration de leur bail respectif Elle consiste au moins en une réunion à laquelle sont invités les locataires et leurs associations au sens de l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986. Une documentation dans une forme accessible est utile à ce stade.
Le bailleur confirme par écrit à chaque locataire les modalités envisagées pour la vente. Il complète l’information générale par une information particulière destinée aux locataires, susceptibles de se porter acquéreurs, en soulignant que cette information est donnée par le bailleur à titre indicatif et ne constitue pas une offre de vente.
A compter de cette confirmation, le bailleur respectera un délai de 3 mois avant d’envoyer aux locataires l’offre de vente prévue à l’article 10 de la loi du 31 décembre 1975.
Une fois notifiée l’offre de vente, le congé pour vente peut être envoyé conformément aux dispositions de l’article 15 de la loi du 6 juillet 1989.
Par ailleurs, une information est donnée au maire de la commune ou de l’arrondissement du siège de l’immeuble dès la décision de vente

2.2. Les modalités de réalisation de diagnostics et bilans techniques sont examinées entre le bailleur et les associations de locataires représentatives au sens de l’article 44 de la loi du 23 décembre 1986. En l’absence d’associations de locataires représentatives, un état de l’immeuble doit être établi. Les diagnostics et bilans techniques peuvent être effectués par des organismes spécialisés d’expertise technique. Ils portent sur les éléments essentiels du bâti, les équipements communs et de sécurité susceptibles d’entraîner des dépenses importantes pour les futurs copropriétaires dans les années qui suivront la vente. Il s’agit en particulier du clos, du couvert, de l’isolation thermique, des conduites et canalisations collectives, des équipements de chauffage collectif, des ascenseurs, de la sécurité en matière d’incendie. Les diagnostics et bilans sont mis dès que possible à disposition des locataires et, en tout état de cause, leur sont communiqués avec l’offre de vente prévue à l’article 10 de la loi du 10 décembre 1975. Le propriétaire s’assure que ces documents sont aisément lisibles, et peut sinon demander une version simplifiée aux auteurs des diagnostics et bilans. Le propriétaire fait la récapitulation des travaux réalisés dans les parties communes les cinq dernières années et des coûts exposés. Il fournit une liste des travaux qu’il serait souhaitable d’entreprendre à court et moyen terme. Il indique éventuellement quelle partie de ces derniers il serait prêt à prendre en charge avant la première vente.

En l’epèce, la requérante entend démontrer l'existence d'une obligation non contestable du fait de la nécessité pour elle de procéder à la réalisation du diagnostic de performance énergétique avant toute vente.

Il résulte du jugement prononcé le 8 décembre 2016 par le tribunal d’instance du 2ème arrondissement de Paris ayant homologué l'accord entre les parties que les accords collectifs de location des 09 juin 1998 et 16 mars 2005 sont applicables concernant le bien litigieux d'une part et que d'autre part, la propriétaire renonce à toute vente des logements de l'immeuble dont elle est propriétaire tant qu'ils sont occupés par les locataires, à l'exception de leur vente à la mairie ou à un bailleur social.

Or, il n'est pas contesté que le bien est occupé par Madame [U] [D], veuve [L] et que la mairie de [Localité 3] a fait part de son refus, par courriel du 17 août 2023, de l'acquérir, valant aussi refus de la SA ELOGIE SIEMP.
Par conséquent, eu égard aux dispositions du jugement du 08 décembre 2016, la propriétaire ne peut poursuivre la vente de son bien à un tiers qu'après avoir délivré congé à la locataire occupante, selon les modalités prévues par les accords collectifs susvisés.

Toutefois, la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE n'a délivré aucun congé pour vente à Madame [U] [D], veuve [L] et ne justifie pas qu'elle a mis en œuvre la phase d'information préalable prévue par l'article 1, étant précisé que l'offre de vente qui lui a été faite le 24 janvier 2023 ne saurait être analysée comme tels.

Ainsi, en l'absence de toute perspective de vente à court terme, la requérante ne saurait se prévaloir d'une quelconque urgence ni d’une quelconque obligation non contestable à faire réaliser le diagnostic de performance énergétique imposée par le code de la construction et de l’habitation au propriétaire, étant précisé que l’accord collectif du 09 juin 1998 en son article 2 n’impose, au stade de l’information des locataires préalable à la vente, qu’un diagnostic portant sur l’immeuble dans son ensmble.

La SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE ne rapporte pas non la preuve de l'existence d'un trouble manifestement illicite en ce que le refus de la locataire de la laisser pénétrer dans leur logement ne viole aucune règle de droit.

Par conséquent, non lieu à référé sera prononcé sur les demandes formées par la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE.

Sur les demandes accessoires

La SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE, partie perdante, sera condamnée au dépens de l'instance, par application de l'article 696 du code de procédure civile.

Elle sera déboutée de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé qu'en application de l'article 514-1 du code de procédure civile, l'exécution provisoire des décisions de première instance est de droit.

PAR CES MOTIFS,

Nous juge des contentieux de la protection statuant en référés, par ordonnance mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

DISONS n'y avoir lieu à référé sur les demandes formées par la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE,

DÉBOUTONS la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE de sa demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNONS la SAS RIVES SAINT-CHRISTOPHE au dépens

RAPPELONS que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par la Juge et la Greffière susnommées.

LA GREFFIERELA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp référé
Numéro d'arrêt : 24/02710
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Dit n'y avoir lieu à prendre une mesure en raison du défaut de pouvoir

Origine de la décision
Date de l'import : 29/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;24.02710 ?
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