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20/06/2024 | FRANCE | N°21/09573

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 20 juin 2024, 21/09573


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me HABER (B0172)
Me KLIBANER (E1151)





18° chambre
2ème section

N° RG 21/09573

N° Portalis 352J-W-B7F-CUYAM

N° MINUTE : 1

Assignation des :
09 et 13 Juillet 2021







JUGEMENT
rendu le 20 Juin 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. LOOK PRESSING (RCS Paris 572 148 302)
[Adresse 3]
[Localité 11]

représentée par Me Eric HABER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #

B0172


DÉFENDEURS

Monsieur [J] [L]
Madame [E] [I] épouse [L]
demeurant ensemble au : [Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [M] [L]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Madame [F] [L] épouse [H]
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me HABER (B0172)
Me KLIBANER (E1151)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/09573

N° Portalis 352J-W-B7F-CUYAM

N° MINUTE : 1

Assignation des :
09 et 13 Juillet 2021

JUGEMENT
rendu le 20 Juin 2024
DEMANDERESSE

S.A.R.L. LOOK PRESSING (RCS Paris 572 148 302)
[Adresse 3]
[Localité 11]

représentée par Me Eric HABER, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0172

DÉFENDEURS

Monsieur [J] [L]
Madame [E] [I] épouse [L]
demeurant ensemble au : [Adresse 4]
[Localité 8]

Madame [M] [L]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Madame [F] [L] épouse [H]
[Adresse 6]
[Localité 7]

représentés par Maître Thomas KLIBANER de l’AARPI DELANNOY & KLIBANNER AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1151
Décision du 20 Juin 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/09573 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUYAM

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lucie FONTANELLA, Vice-présidente
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente
Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge

assistés de Henriette DURO, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 07 Mars 2024 tenue en audience publique devant Lucie FONTANELLA, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 06 Juin 2024 prorogé au 20 Juin 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 11 décembre 2015, Madame [Y] [I] née [R] a consenti à la S.A.R.L. LOOK PRESSING le renouvellement d'un bail pour une durée de neuf années à compter du 1er juillet 2015 expirant le 30 juin 2024 et moyennant un loyer annuel de 36 000 € HT et HC, portant sur des locaux commerciaux sis [Adresse 3] à [Localité 11], composés d'une boutique au rez-de-chaussée, de cinq caves, d'un droit d'usage des WC communs dans la cour et d'" un appartement au deuxième étage (premier étage sur entresol), porte gauche, comprenant : entrée, deux pièces, cuisine, WC ".

Par acte extrajudiciaire délivré le 22 décembre 2020, Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L],Mmadame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H], venant aux droits de Madame [Y] [I] née [R], et ci-après appelés " les consorts [L] ", ont fait signifier à la locataire un " congé pour reprise de locaux inutilisés " visant l'article L.145-23-1 du code de commerce, entendant reprendre l'appartement loué accessoirement aux locaux commerciaux pour le 30 juin 2021.

La locataire a fait dresser un constat d'huissier le 22 décembre 2020 à 18h afin de justifier d'une occupation de l'appartement.

Les parties ont échangé des courriers par lesquels la locataire a contesté le congé auprès des bailleurs et ceux-ci se sont prévalus d'une mise en scène frauduleuse d'habitation de l'appartement, qu'ils l'ont mise en demeure de libérer.

Par actes des 09 et 13 juillet 2021, la S.A.R.L. LOOK PRESSING a assigné Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L],Mmadame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H] devant le tribunal judiciaire de PARIS en contestation du congé.
Décision du 20 Juin 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/09573 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUYAM

Dans ses dernières écritures du 06 mars 2023, la S.A.R.L. LOOK PRESSING sollicite :
-de juger que le congé délivré le 22 décembre 2020 est nul et de nul effet, et en conséquence de débouter les consorts [L] de toutes leurs demandes,
-subsidiairement, de constater qu'elle est bien fondée à se prévaloir de la faculté de conservation du local d'habitation prévue par l'article L.145-23-1 alinéa 1 in fine et en conséquence de débouter les consorts [L] de toutes leurs demandes,
-à titre infiniment subsidiaire, d'écarter l'exécution provisoire pour toutes les demandes reconventionnelles des consorts [L],
-en tout état de cause, de les condamner solidairement à lui payer une somme de 38 785,28 €, sauf à parfaire,
-outre leur condamnation solidaire à lui payer une somme de 15 000 € au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens.

Dans leurs dernières conclusions du 13 décembre 2022,Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L],Mmadame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H] sollicitent :
-le rejet de toutes les demandes de la locataire,
-de juger valable le congé pour reprise des locaux d'habitation inutilisés délivré le 22 décembre 2020 à effet au 30 juin 2021,
-d'ordonner l'expulsion de la locataire et de tous occupants de son chef de la partie des locaux objet dudit congé, à savoir l'" appartement au deuxième étage (premier étage sur entresol), porte gauche, comprenant : entrée, deux pièces, cuisine, WC ", sans délai, avec le concours en tant que de besoin de la force publique et d'un serrurier,
-de juger que le bail en cours se poursuivra, à compter du 1er juillet 2021, uniquement sur la partie des locaux sis [Adresse 3] à [Localité 11] composés d'une boutique au rez-de-chaussée, de cinq caves et d'un droit d'usage des WC communs dans la cour,
-de fixer, à compter du 1er juillet 2021 :
*le loyer de la partie commerciale du bail à la somme annuelle de 34 441,31 € hors charges, outre l'application des indexations,
*la provision sur charges de la partie commerciale du bail à la somme annuelle de 5 250 €,
*le dépôt de garantie de la partie commerciale du bail à la somme de 17 220,65 €, outre l'application des indexations,
-de donner acte aux consorts [L] de ce qu'ils acceptent de restituer à la locataire la différence entre le montant du dépôt de garantie actuellement entre leurs mains et le nouveau dépôt de garantie, soit 899,15 €, outre l'application des indexations, au jour de la libération effective des locaux d'habitation et de remise de leurs clés, sous réserve du complet paiement par cette dernière des sommes dues au titre de ses obligations contractuelles,
-de fixer, à compter du 1er juillet 2021 :
*l'indemnité d'occupation trimestrielle due pour l'appartement à la somme de 1 260,25 €, hors charges et accessoires, jusqu'à sa complète libération par remise des clés,
*la provision sur charges trimestrielle due pour l'appartement à la somme de 687,50 €, jusqu'à sa complète libération par remise des clés,
-de condamner la locataire à leur payer :
*une indemnité trimestrielle de 3 329,75 € au titre du préjudice causé par l'impossibilité de remettre les locaux d'habitation sur le marché, à compter du 1er juillet 2021 et jusqu'à complète libération par remise des clés,
*une indemnité trimestrielle de 14,42 € au titre du préjudice causé par la perte de chance de faire fructifier les sommes qu'ils auraient perçues en remettant les locaux d'habitation sur le marché, à compter du 1er juillet 2021 et jusqu'à complète libération par remise des clés,
-le rejet de la demande de restitution d'une somme de 92 670 €, en la déclarant irrecevable, sinon mal-fondée, en tout état de cause prescrite, plus subsidiairement de limiter son quantum à 36 361,40 € et d'ordonner sa compensation avec les condamnations à intervenir à l'encontre de la locataire,
-en tout état de cause, de débouter la locataire de toutes ses demandes et de la condamner à leur payer une indemnité de 10 000 € pour procédure abusive,
-la condamnation de la locataire à leur payer une somme de 15 000 € au titre de leurs frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.
-qu'il soit dit que l'exécution provisoire de la décision est de droit au titre de leurs demandes et de la retirer au titre des demandes de la locataire à leur encontre.

Pour un exposé exhaustif des prétentions des parties, le tribunal se réfère expressément à leurs écritures par application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de la mise en état a été prononcée par ordonnance du 12 avril 2023 et l'affaire renvoyée à l'audience de plaidoiries du 07 mars 2024, à laquelle elle a été mise en délibéré au 06 juin 2024, prorogé au 20 juin suivant.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le congé afin de reprise des locaux d'habitation délivré le 22 décembre 2020

En l'espèce, la demanderesse se prévaut de ce que ce congé est nul, en ce qu'il est motivé par une inutilisation de l'appartement " apparente ", supposée, mais non démontrée par des pièces justificatives qui y seraient jointes, et une absence d'utilisation à l'usage d'habitation alors que l'article L.145-23-1 du code de commerce ne prévoit de reprise que pour des locaux qui ne sont pas affectés à cet usage.

Elle ajoute que ce congé n'est pas fondé, les bailleurs ne rapportant pas la preuve, qui leur incombe, du défaut d'affectation de ces locaux à un usage d'habitation, au moment de sa délivrance, et qu'en tout état de cause, ses effets seraient neutralisés par l'utilisation à usage d'habitation qui en a été faite dans les six mois qui ont suivi.

Les bailleurs répliquent que le congé n'est affecté d'aucune irrégularité de forme et qu'il est fondé, que l'utilisation effective des locaux concernés est une condition inhérente de l'article L.145-23-1 du code de commerce, s'ajoutant à celle de l'affectation à l'usage d'habitation, de sorte que le seul usage de l'appartement litigieux comme " pied à terre " par le gérant de la locataire, au demeurant faux, ne suffit pas à rendre ledit congé inefficace.

Ils font valoir que les explications de la locataire sont mensongères et qu'elle a organisé une véritable mise en scène frauduleuse.

L'article L.145-23-1 du code de commerce dispose que :
" Le bailleur peut, à l'expiration d'une période triennale, dans les formes prévues par l'article L. 145-9 et au moins six mois à l'avance, reprendre les locaux d'habitation loués accessoirement aux locaux commerciaux s'ils ne sont pas affectés à cet usage d'habitation. La reprise ne peut être exercée que si, après un délai de six mois suivant le congé délivré à cet effet, les locaux ne sont pas utilisés à usage d'habitation.
Toutefois, la reprise dans les conditions indiquées au premier alinéa ne peut être exercée sur des locaux affectés à usage d'hôtel ou de location en meublé, ni sur des locaux à usage hospitalier ou d'enseignement.
De même, la reprise ne peut être exercée lorsque le locataire établit que la privation de jouissance des locaux d'habitation apporte un trouble grave à l'exploitation du fonds ou lorsque les locaux commerciaux et les locaux d'habitation forment un tout indivisible.
Dans le cas de reprise partielle prévu au présent article, le loyer du bail est diminué pour tenir compte des surfaces retranchées sans que cette reprise puisse en elle-même constituer une modification notable des éléments de la valeur locative mentionnée à l'article L. 145-33. "

L'article L.145-9 dudit code prévoit notamment que le bail commercial ne cesse que par l'effet d'un congé par acte extrajudiciaire donné six mois à l'avance ou d'une demande de renouvellement ; il doit, à peine de nullité, préciser les motifs pour lesquels il est donné et indiquer que le locataire qui entend, soit contester le congé, soit demander le paiement d'une indemnité d'éviction, doit saisir le tribunal avant l'expiration d'un délai de deux ans à compter de la date pour laquelle le congé a été donné.

Le bailleur doit justifier que le preneur a laissé vacants les locaux d'habitation loués accessoirement aux locaux commerciaux, ou qu'il en a fait un autre usage (tels que de réserve ou d'annexe pour son commerce).

S'il en justifie, le locataire peut encore faire obstacle au droit du bailleur, soit en faisant usage d'habitation des locaux dans les six mois suivant la délivrance du congé, ce qui rend celui-ci inopérant, soit en démontrant que la privation de jouissance de ces locaux apporte un trouble grave à l'exploitation du fonds, soit, encore, en faisant valoir que les locaux commerciaux et d'habitation forment un tout indivisible.

En l'espèce, le congé ayant été donné par acte extrajudiciaire, six avant l'échéance triennale du bail, et le motif de sa délivrance, à savoir une reprise du local d'habitation en raison d'une inutilisation, ainsi que le délai de deux ans pour le contester devant le tribunal, y étant mentionnés, il convient de constater que les conditions nécessaires à sa validité sont bien réunies.

La fourniture, avec ce congé, d'un justificatif de son bien-fondé n'est pas, comme le soutient la locataire, une condition de sa régularité.

Il y a lieu en conséquence, en l'absence d'irrégularité du congé, de rejeter la demande tendant à le déclarer nul.

Au soutien de leur prétention selon laquelle l'appartement n'est pas affecté à un usage d'habitation, les bailleurs produisent les éléments suivants :
-les appels de charges de copropriété et relevés de compteurs d'eau des années 2017 à 2020 et du premier semestre 2021 (relevé du 08 juin 2021) permettant de constater une consommation de 5m3 en 2017, une consommation nulle en 2018 et 2019, une consommation de 6m3 en 2020 et de 4m3 au cours du premier semestre 2020,
-une attestation de Monsieur [U] [P] du 30 novembre 2021 témoignant de ce qu'il " habite avec (sa) femme et (ses) deux filles au 2ème étage du [Adresse 3]. Cet étage est le seul de l'immeuble à comporter deux appartements reliés par un palier privatif. Aussi (il) confirme que l'appartement en face de chez (lui) n'est pas occupé, ni par une personne, ni par une famille, ni la semaine, ni le week-end. En deux ans, (il n'a) croisé qu'une seule fois (son) voisin. ",
-des extraits Kbis de la S.A.R.L. LOOK PRESSING des 30 novembre 2020, 30 juin 2021, 09 juillet 2021, 31 août 2021 et 18 avril 2022 desquels il ressort que son gérant, Monsieur [X] [T], et son co-gérant, [K] [T], sont domiciliés, pour le premier au numéro 112, et pour le second, au numéro 138, de la [Adresse 12], à [Localité 10],
-une photographie de l'interphone de l'appartement, lequel est encore au nom de Monsieur [S], précédent gérant de la locataire qui a démissionné de ses fonctions en 2017,
-un procès-verbal d'huissier du 1er juillet 2021 selon lequel il a été tenté sans succès de délivrer une sommation destinée à l'occupant de l'appartement, de donner ses prénom, nom, qualité et titre d'occupation des lieux, personne n'étant présent ni n'ayant répondu après avoir frappé plusieurs fois à la porte, et alors que le pressing au rez-de-chaussée était fermé, les lundi 14 juin 2021 à 6h20, vendredi 18 juin 2021 à 20h30, jeudi 24 juin 2021 à 20h45, mardi 29 juin 2021 à 7h25, mercredi 30 juin à 20h34 et jeudi 1er juillet 2021 à 06h21,

-un procès-verbal de signification de cet acte à Monsieur [X] [T] au [Adresse 1], mentionnant que son nom est inscrit sur l'interphone et que son adresse est confirmée par un voisin.

La locataire fait notamment valoir qu'elle a fait constater par un huissier, le jour-même de la délivrance du congé, que l'appartement est habité.

Ce constat d'huissier du 22 décembre 2020 démontre que le jour-même de la délivrance du congé, les lieux étaient meublés, même sommairement, qu'ils étaient équipés d'une télévision en état de fonctionnement, qu'il y avait un lit avec des draps, des effets personnels (nécessaire de toilette dans la salle de bains, ainsi que vêtements et chaussures dans la chambre) et de la nourriture dans les placards.

Les bailleurs critiquent ce constat, y voyant " une mise en scène ", et font valoir que le gérant a déclaré qu'il était domicilié dans les lieux depuis la prise d'effet du bail, ce qui s'est avéré mensonger.

Toutefois, le tribunal ne peut déduire du simple détail, certes troublant, de la présence d'une casserole à laver dans l'évier, alors qu'il n'y pas d'équipements de cuisson dans la cuisine (le four et la plaque de cuisson ont été posés ultérieurement selon facture de l'entreprise MAD du 09 février 2021), que les divers éléments de nature à démontrer une occupation des lieux ont tous été disposés pour " mettre en scène " une habitation qui serait fausse.

Si l'affirmation de Monsieur [T] selon laquelle il est domicilié dans les lieux depuis la prise d'effet du bail ne peut être exacte, compte tenu de sa domiciliation à une autre adresse et de consommations d'eau nulles en 2017 et 2018, il est relevé que l'affectation à l'usage d'habitation du logement au sens de l'article L.145-23-1 du code de commerce ne saurait se limiter à une domiciliation, ou même à une résidence habituelle ou principale, l'habitation pouvant être plus occasionnelle.

En effet, les dispositions de cet article, issu de la loi n°2006-872 du 13 juillet 2006 visent à développer l'offre urbaine de logements en permettant aux bailleurs de reprendre des locaux à usage d'habitation laissés vacants par le locataire, ou affectés à d'autres usages ; elles n'ont pas vocation à permettre la reprise de locaux affectés à l'habitation et qui ne sont pas véritablement vacants.

Ainsi, la domiciliation des gérants de la locataire à une autre adresse, ou leur absence au moment des passages de l'huissier entre le 14 juin et le 1er juillet 2021, ne démontre pas qu'ils n'utilisent pas l'appartement à son usage d'habitation.

Par ailleurs, les travaux de rénovation et d'aménagement réalisés dans l'appartement à la fin de l'année 2019 et au début de l'année 2020 prouvent, au delà de l'obligation contractuelle de la locataire d'entretenir les lieux et de remplacer les équipements de la cuisine et de la salle de bain qui ont été déposés, qu'elle a aménagé confortablement les lieux et ne s'est pas contentée des précédents aménagements.

Si les factures de l'abonnement internet Orange sont à l'adresse du [Adresse 3], " étage 0 ", correspondant au niveau du pressing situé en rez-de-chaussée, le téléviseur dans l'appartement fonctionnait au jour de la délivrance du congé litigieux.

La locataire produit une attestation du 22 décembre 2020 de Madame [G] [D], gérante du magasin Carrefour Express situé au [Adresse 2], selon laquelle son commerce livre deux fois par semaine le [Adresse 3], au 2ème étage, porte gauche, chez Monsieur [T] ; cette attestation ne respecte certes pas les conditions de forme des articles 200 et suivants du code de procédure civile, mais n'est pas pour autant nulle et dépourvue de force probante.
En outre, les consommation d'eau en 2020 et sur le premier semestre 2021 sont certes faibles mais ne sont pas nulles, quelques mètres cubes d'eau pouvant correspondre à plusieurs douches et chasses d'eau notamment par mois et donc à un usage occasionnel mais certain de l'appartement, si l'on se réfère, comme le font les bailleurs, à une consommation de 55m3 d'eau par personne en moyenne et à l'absence de lave-vaisselle et de lave-linge dans l'appartement, ce qui limite la consommation d'eau à la salle de douche, à l'évier de la cuisine et aux WC.

Ces deux derniers éléments contredisent sérieusement le témoignage de Monsieur [U] [P], dont les affirmations peuvent être empreintes d'une certaine subjectivité, n'étant pas évident qu'il aurait nécessairement remarqué toute occupation de l'appartement situé sur le même palier.

Il convient en conséquence de constater que les bailleurs échouent à apporter la preuve, leur incombant, de ce que l'appartement n'est pas affecté à un usage d'habitation et qu'ils peuvent donc prétendre à sa reprise.

Il y a lieu, en conséquence, de juger que le congé délivré le 22 décembre 2020 n'est pas fondé et n'a pu produire ses effets, ainsi que de rejeter les demandes reconventionnelles d'expulsion, de paiement d'indemnités et de fixation des nouvelles conditions du bail formées par les bailleurs.

Sur la demande additionnelle de paiement d'une somme de 38 785,28 €

La locataire sollicite un remboursement partiel de loyers, motif pris de ce qu'il a significativement été augmenté en contrepartie d'un engagement du bailleur de rénover trois fenêtres, qui n'a pas été exécuté.

Les bailleurs lui opposent que cette demande additionnelle est irrecevable car elle ne se rattache pas aux prétentions initiales par un lien suffisant et car elle est prescrite, mais également qu'elle n'est pas fondée, puisque leur engagement ne devait pas être exécuté au moment de la prise d'effet du bail renouvelé, mais au cours de celui-ci.

Aux termes de l'article 789 du code de procédure civile :
" Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :
(…)
6° Statuer sur les fins de non-recevoir.
(...)
Les parties ne sont plus recevables à soulever ces fins de non-recevoir au cours de la même instance à moins qu'elles ne surviennent ou soient révélées postérieurement au dessaisissement du juge de la mise en état. "

En vertu de l'article 122 du code de procédure civile,
" Constitue une fin de non recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. "

En l'espèce, il convient de relever que les défendeurs, qui concluent à l'irrecevabilité de la demande additionnelle, n'ont pas saisi le juge de la mise en état afin qu'il statue sur les fins de non-recevoir par voie de conclusions d'incident et ne sont plus recevables à le faire devant le tribunal.

Si ce moyen est soulevé d'office par le tribunal, il n'est pas nécessaire de permettre un débat contradictoire dès lors qu'en tout état de cause, la demande est rejetée sur le fond.

En effet, la clause dont se prévaut la locataire stipule :
" En contrepartie de cette augmentation de loyer, Madame [I] s'engage au cours du présent renouvellement à rénover, sur cour et sur rue, hors bow-windows, les trois fenêtres présentes dans l'appartement objet du bail situé au 1er étage.
La rénovation s'entend par la pose de fenêtres double-vitrage sur la base du devis ci-annexé. "

Or, comme le relèvent les bailleurs, force est de constater que le bail renouvelé est toujours en cours, puisqu'il expire le 30 juin 2024, date postérieure à la clôture de la mise en état du 12 avril 2023 mais également au présent jugement, de sorte que le délai pour qu'ils s'exécutent n'est pas achevé, qu'ils peuvent encore réaliser les travaux litigieux et que le manquement dont se prévaut la locataire n'est pas caractérisé.

La locataire sera donc déboutée de sa demande à ce titre.

Sur la demande d'indemnité pour procédure abusive

Aux termes de l'article 1240 du code civil, celui qui, par sa faute, cause un dommage à autrui, lui en doit réparation.

L'action ou la défense en justice constituent un droit et ne dégénèrent en abus fondant, si elles causent un préjudice, une créance de dommages et intérêts qu'en cas de malice, mauvaise foi, erreur équipollente au dol ou légèreté blâmable.

Il est constant que celui qui triomphe, même partiellement, en ses prétentions ne peut être condamné pour avoir agi abusivement.

En l'espèce, étant fait droit aux prétentions de la S.A.R.L. LOOK PRESSING, il y a lieu de rejeter la demande d'indemnisation pour procédure abusive.

Sur les demandes accessoires

Les défendeurs, qui succombent à titre principal, seront condamnés in solidum aux entiers dépens de l'instance, ainsi qu'à payer une somme à la demanderesse au titre de ses frais irrépétibles que les circonstances de la cause commandent de fixer à 5 000 €.

Il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la présente décision, qui est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire rendu en premier ressort

JUGE que le " congé pour reprise de locaux inutilisés " visant l'article L.145-23-1 du code de commerce, délivré le 22 décembre 2020 par Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L], Madame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H] à la S.A.R.L. LOOK PRESSING n'est pas fondé et n'a pu produire ses effets,

DÉCLARE irrecevables les fins de non-recevoir soulevées par Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L], Madame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H] en ce qu'elles n'ont pas été soulevées devant le juge de la mise en état mais devant le tribunal, par voie de conclusions au fond,

CONDAMNE in solidum Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L], Madame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H] aux entiers dépens de l'instance ainsi qu'à payer une somme de cinq-mille euros (5 000 €) à la S.A.R.L. LOOK PRESSING en application de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE le surplus des demandes de la S.A.R.L. LOOK PRESSING,

REJETTE toutes les demandes de Madame [E] [I] épouse [L], Monsieur [J] [L], Madame [M] [L] et Madame [F] [L] épouse [H],

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit.

Fait et jugé à Paris le 20 Juin 2024

Le GreffierLe Président
Henriette DUROLucie FONTANELLA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/09573
Date de la décision : 20/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-20;21.09573 ?
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