TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/50600 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C3XJJ
N° : 11
Assignation du :
19 Janvier 2024
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[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 19 juin 2024
par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier
DEMANDERESSE
Madame [M] [X]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Maître Céline CADARS BEAUFOUR de l’AARPI CADARS-BEAUFOUR - QUER - BILLAUD ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS - #L0244
DEFENDERESSE
Madame [N] [W] [S]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Maître Stéphane JOFFROY de la SARL S.JOFFROY SOCIETE D’AVOCATS, avocats au barreau de PARIS - #C2073
DÉBATS
A l’audience du 21 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Madame [M] [X] et Madame [N] [S] se sont pacsées le 29 avril 2019. Le 31 mai 2023, Madame [S] a signifié à Madame [X] la rupture unilatérale de ce pacs.
L'administration fiscale a émis un avis d'imposition sur les revenus de 2022 aux termes duquel la somme de 25.006€ a été remboursée à « [X] [M] ou [S] [N] ».
Reprochant à Madame [S] d'avoir encaissé ce chèque sur son compte sans lui restituer la somme de 21.243€ correspondant à un remboursement de trop perçu d'impôts payés par elle, Madame [X] a, par exploit délivré le 19 janvier 2024, fait citer Madame [S] devant le président de ce tribunal, statuant en référé, aux fins de la condamner à lui verser la somme de 21.243€ sur le fondement de l'article 835 du code de procédure civile, ainsi que celle de 5000€ au titre des frais irrépétibles.
L'affaire a fait l'objet d'un renvoi à la demande de l'une des parties et celles-ci ont été invitées à rencontrer un médiateur.
A l'audience de renvoi du 21 mai 2024, la requérante conclut au rejet de l'exception de compétence et maintient le bénéfice de son acte introductif d'instance.
En réponse, Madame [S] sollicite de :
- à titre principal, se déclarer incompétent au profit du juge aux affaires familiales et renvoyer les parties à mieux se pourvoir,
- à titre subsidiaire, débouter la requérante de ses prétentions,
- plus subsidiairement :
fixer le montant de la créance de la requérante à la somme de 11.404€, voire 17.865€,condamner par provision Madame [X] à lui verser la somme de 37.054 euros,juger que les créances réciproques se compenseront,- en tout état de cause, condamner la requérante à lui verser la somme de 3000€ au titre des frais irrépétibles ainsi qu'aux dépens.
Conformément aux dispositions des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, de la procédure et des moyens, il est renvoyé à l'acte introductif d’instance, aux écritures de la défenderesse ainsi qu'aux notes d’audience.
MOTIFS
Sur le fondement des dispositions de l'article L.213-3 du code de l'organisation judiciaire et 1073 du code de procédure civile, Madame [S] soutient que le litige relève de la compétence du juge aux affaires familiales, dans la mesure où l'avis d'imposition porte sur les revenus de l'année 2022, alors que la requérante et elle-même étaient encore pacsées, de sorte que cette demande s'inscrit dans le cadre de la liquidation de leurs intérêts patrimoniaux.
En réponse, la requérante soutient que le pacs était rompu lors de la réception du chèque des impôts, dont l'objet ne correspond pas aux charges de contribution du ménage, de sorte que la demande de restitution d'une partie de ce remboursement ne peut relever de la compétence du juge aux affaires familiales.
En vertu de l'article 75 du code de procédure civile, s'il est prétendu que la juridiction saisie en première instance ou en appel est incompétente, la partie qui soulève cette exception doit, à peine d'irrecevabilité, la motiver et faire connaître dans tous les cas devant quelle juridiction elle demande que l'affaire soit portée.
Aux termes de l’article L.213-3 du code de l’organisation judiciaire, le juge aux affaires familiales connaît notamment du divorce, de la séparation de corps et de leurs conséquences, de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des époux, des personnes liées par un pacte civil de solidarité et des concubins, sauf en cas de décès ou de déclaration d’absence.
Il résulte de ces dispositions que le juge aux affaires familiales dispose d'une compétence d'attribution pour statuer sur le partage des intérêts patrimoniaux des personnes liées par un pacte civil de solidarité.
L'article 515-7 du code civil dispose que sauf convention contraire, les créances dont les partenaires sont titulaires l'un envers l'autre sont évaluées selon les règles prévues à l'article 1469. Ces créances peuvent être compensées avec les avantages que leur titulaire a pu retirer de la vie commune, notamment en ne contribuant pas à hauteur de ses facultés aux dettes contractées pour les besoins de la vie commune.
La demande de restitution de la somme remboursée par les impôts n'a de sens qu'en raison de la rupture du pacs. Cette créance, si elle est démontrée, est susceptible d'être compensée par des créances alléguées par l'autre partenaire, ainsi que par les avantages définis à l'article 515-7 précité, de sorte que le litige porte bien en germe la question de la liquidation et du partage des intérêts patrimoniaux des anciens partenaires.
Dès lors, l'action initiée par Madame [X] relève de la compétence d'attribution du juge aux affaires familiales et il convient de lui renvoyer l'affaire.
PAR CES MOTIFS
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,
Nous déclarons matériellement incompétent au profit du juge aux affaires familiales de ce tribunal ;
Renvoyons l'affaire et les parties devant le juge aux affaires familiales de ce tribunal, statuant en référé ;
Ordonnons que la présente décision soit notifiée aux parties par lettre recommandée en application de l’article 84 du code de procédure civile,
Disons qu’à défaut d’appel dans un délai de quinze jours à compter de cette notification, le dossier de l’affaire sera transmis par le secrétariat avec une copie de la décision de renvoi à la juridiction désignée, en application de l’article 82 du code de procédure civile.
Ainsi ordonné et mis à disposition au greffe le 19 juin 2024.
Le Greffier,Le Président,
Daouia BOUTLELISAnne-Charlotte MEIGNAN