TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 23/55401 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2DBG
N° : 7
Assignation du :
28 Juin et 07 Juillet 2023
[1]
[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:
JUGEMENT RENDU SELON LA PROCÉDURE ACCÉLÉRÉE AU FOND
le 19 juin 2024
par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier
DEMANDERESSE
La Ville de [Localité 5] Représentée par Madame la Maire de [Localité 5], Madame [N] [M]
[Adresse 4]
[Localité 3]
représentée par Maître Fabienne DELECROIX de la SELARL DELECROIX-GUBLIN, avocats au barreau de PARIS - #R0229
DEFENDEURS
S.A.R.L. MAGALANTE 15
[Adresse 2]
[Localité 6]
Monsieur [S] [K]
[Adresse 1]
[Localité 6]
représentés par Me Xavier DEMEUZOY, avocat au barreau de PARIS - #D1735
DÉBATS
A l’audience du 21 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
EXPOSE DU LITIGE
Vu l'assignation délivrée les 28 juin et 7 juillet 2023 par la Ville de [Localité 5] à l'encontre de la SARL MAGALANTE 15, immatriculée au RCS de Paris sous le numéro 831 792 429 et Monsieur [S] [K], né le 30 décembre 1995 à [Localité 6] devant le président du tribunal judiciaire de Paris, saisi selon la procédure accélérée au fond sur le fondement des dispositions des articles L.631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l’habitation ainsi que de l'article L.324-1-1 du code du tourisme, concernant un appartement situé [Adresse 1] ;
Vu les écritures de la Ville de [Localité 5] développées à l'audience ;
Vu les écritures de la société MAGALANTE 15 et de Monsieur [K] développées oralement à l'audience ;
Vu les dispositions des articles 446-1 et 455 du code de procédure civile ;
MOTIFS
Sur la demande de condamnation sur le fondement des dispositions des articles L. 631-7 et L.651-2 du code de la construction et de l'habitation
L'article L.631-7 du code de la construction et de l'habitation dispose que « La présente section est applicable aux communes de plus de 200 000 habitants et à celles des départements des Hauts-de-Seine, de la Seine-Saint-Denis et du Val-de-Marne. Dans ces communes, le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est, dans les conditions fixées par l'article L.631-7-1, soumis à autorisation préalable.
Constituent des locaux destinés à l'habitation toutes catégories de logements et leurs annexes, y compris les logements-foyers, logements de gardien, chambres de service, logements de fonction, logements inclus dans un bail commercial, locaux meublés donnés en location dans les conditions de l'article L. 632-1 ou dans le cadre d'un bail mobilité conclu dans les conditions prévues au titre Ier ter de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
Pour l'application de la présente section, un local est réputé à usage d'habitation s'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970. Cette affectation peut être établie par tout mode de preuve. Les locaux construits ou faisant l'objet de travaux ayant pour conséquence d'en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 sont réputés avoir l'usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés.
Toutefois, lorsqu'une autorisation administrative subordonnée à une compensation a été accordée après le 1er janvier 1970 pour changer l'usage d'un local mentionné à l'alinéa précédent, le local autorisé à changer d'usage et le local ayant servi de compensation sont réputés avoir l'usage résultant de l'autorisation.
Sont nuls de plein droit tous accords ou conventions conclus en violation du présent article.
Le fait de louer un local meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile constitue un changement d'usage au sens du présent article ».
L'alinéa premier de l'article L.651-2 du même code prévoit que « Toute personne qui enfreint les dispositions de l'article L. 631-7 ou qui ne se conforme pas aux conditions ou obligations imposées en application dudit article est condamnée à une amende civile dont le montant ne peut excéder 50 000 euros par local irrégulièrement transformé. »
Conformément aux dispositions de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à la Ville de [Localité 5], d’établir :
l’existence d’un local à usage d’habitation, un local étant réputé à usage d’habitation si la preuve est apportée par tout moyen qu'il était affecté à cet usage au 1er janvier 1970, sauf pour les locaux construits ou faisant l’objet de travaux ayant pour conséquence d’en changer la destination postérieurement au 1er janvier 1970 qui sont réputés avoir l’usage pour lequel la construction ou les travaux sont autorisés ;
un changement illicite, sans autorisation préalable, de cet usage, un tel changement étant notamment établi par le fait de louer un local meublé destiné à l’habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n’y élit pas domicile.
Il est en outre constant que, s’agissant des conditions de délivrance des autorisations, la Ville de [Localité 5] a adopté, par règlement municipal et en application de l’article L.631-7-1 du code de la construction et de l’habitation, le principe d’une obligation de compensation par transformation concomitante en habitation de locaux ayant un autre usage, obligation de compensation dont il n'est pas allégué qu'elle a été mise en œuvre.
Sur la qualification de résidence principale ou secondaire
Aux termes de l’article L.631-7-1 A du code de la construction et de l’habitation, « [...] Lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986, l'autorisation de changement d'usage prévue à l'article L. 631-7 du présent code ou celle prévue au présent article n'est pas nécessaire pour le louer pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile ».
L'article 2 de la loi du 6 juillet 1989 dispose que la résidence principale est entendue comme le logement occupé au moins huit mois par an, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure, soit par le preneur ou son conjoint, soit par une personne à charge au sens du code de la construction et de l'habitation.
Il appartient à la partie défenderesse qui invoque les dispositions susvisées d'établir la preuve que le local litigieux constitue sa résidence principale.
Monsieur [K], associé de la société MAGALANTE 15, qui prétend que le local en cause constitue sa résidence principale, fait valoir qu'il occupe à titre de résidence principale le lot 24, les lots 24 et 25 étant reliés par un escalier intérieur ; qu'à la suite de travaux réalisés dans les lieux, les lots 23, 24 et 25, superposés aux étages 7 à 9, ont été réunis et forment un triplex ; que ce triplex constitue sa résidence principale, comme cela résulte d'ailleurs de l'avis de dégrèvement adressé par l'administration fiscale qui a pris acte du fait que le local ne devait pas être classé en résidence secondaire, mais en résidence principale.
Pour en justifier, les défendeurs versent aux débats une attestation d'assurance à effet du 9 mars 2020 au nom de la société MAGALANTE 15, décrivant le bien comme un appartement à usage d'habitation comprenant 6 pièces principales, qui constitue la résidence principale de l'assuré, situé à un étage intermédiaire. Il y est précisé que la Compagnie prend acte du fait que l'appartement assuré est un duplex composé de deux appartements reliés par un escalier.
Dans la mesure où les défendeurs exposent que ce n'est qu'après l'achèvement des travaux en 2021 que le lot 23 a été rattaché aux lots 24 et 25, l'appartement déclaré en résidence principale dans l'attestation d'assurance ne peut concerner que les lots 24 et 25. Elle ne fait dès lors pas la preuve de l'occupation à titre de résidence principale du lot 23. Il en est de même des factures adressées par l'opérateur de téléphonie mobile.
En tout état de cause, la domiciliation fiscale ne suffit pas à démontrer l’effectivité de l’occupation de l’appartement dans la mesure où le système fiscal est déclaratif et résulte du fait propre du souscripteur. Aussi, l'avis de dégrèvement ne suffit pas à établir que le lot 23 est occupé à titre de résidence principale, en l'absence des pièces transmises à l'administration fiscale pour en justifier. Par ailleurs, la demande d'usage mixte d'un local d'habitation concerne le local situé au 9ème étage et ne peut justifier du caractère de résidence principale du lot 23 situé au 7ème étage.
En outre, dans la mesure où une partie de l'immeuble mitoyen semble être occupé à titre de résidence principale, il appartient aux défendeurs de démontrer l'unicité des appartements et notamment que le lot 23 serait relié aux lots 24 et 25, ce qu'aucune pièce versé aux débats ne démontre. Enfin, le courrier électronique du 9 juillet 2023 ne permet pas d'établir que le lot 23 est occupé à titre de résidence principale, la mention « habitant les étages supérieurs », ne permettant pas d'y inclure avec certitude le local situé au 7ème étage.
Aussi, les défendeurs succombent à démontrer que le local litigieux constitue la résidence principale de Monsieur [K].
Sur l'usage d'habitation du lot
Afin d'établir l'usage d'habitation du local litigieux, la Ville de [Localité 5] produit une déclaration H2 souscrite le 16 octobre 1970 concernant un local situé [Adresse 1], au 7ème étage (et non 70, le « 0 » étant en réalité la première lettre de l'abréviation « ème »), à gauche.
Le propriétaire, Monsieur [O], y indique que les locaux sont occupés par un locataire, [J] [R]. Le montant du loyer au 1er janvier 1970 y est précisé.
Il ressort de la fiche de révision foncière R souscrite le 14 octobre 1970 qu'au 7ème étage, se trouvent deux locaux : l'un à gauche, l'autre à droite. Aucun des deux n'est mentionné comme étant occupé par [J] [R], puisqu'il est indiqué, concernant le local situé à gauche, qu'il est occupé par « [O] ».
La Ville de [Localité 5] produit la fiche hypothécaire dont il résulte que le lot n°23 est décrit de la façon suivante « Au 7è étage, un appartement sur cour ». La fiche mentionne également que Monsieur [U] [O] en a été le propriétaire avant de le vendre à Madame [P].
Dans la mesure où le règlement de copropriété mentionne, en marge du lot 22, situé au 7ème étage, appartement sur rue, la mention « Koenig », qui correspond à celle mentionnée sur la fiche de révision foncière au titre du local situé au 7ème étage à droite, il y a lieu d'en déduire que le local concerné par la déclaration H2, qui se trouve à gauche et sur cour selon la fiche hypothécaire, correspond au local dont sont propriétaires les défendeurs et qui se trouve sur cour.
Le loyer de 15.000 francs annuel et non mensuel n'apparaît pas démesuré, pour un appartement de 65m² situé dans le [Localité 6], même en 1970, et n'est pas de nature à établir à défaut d'autre indication allant en ce sens, que les locaux ont été loués pour un usage professionnel.
Compte tenu de la mention d'un loyer au 1er janvier 1970, la Ville de [Localité 5] démontre l'affectation du local à un usage d'habitation au 1er janvier 1970.
Sur le changement illicite sans autorisation de l’usage
En l'espèce, il ressort du constat de location meublée touristique du 16 juin 2022 établi par l'agent assermenté du service du logement de la mairie de [Localité 5], que le local a été proposé à la location courte durée sur le site airbnb par le biais d'une annonce « Appartement privé avec balcon et vue Tour Eiffel», dont l'hôte se prénomme [S].
Le constat recense 33 commentaires, publiés entre mars 2021 et mai 2022. Enfin, la visite du local le 22 avril 2022 a eu lieu en présence de touristes.
Le moyen soulevé par les défendeurs relatifs à la mise en location de chambre d'hôte sera examiné au stade des demandes fondées sur le code du tourisme, dans la mesure où il n'a aucune incidence sur le changement d'usage dès lors qu'il n'est pas établi que le lot 23 est occupé à titre de résidence principale.
Il en résulte que les défendeurs ont changé sans autorisation préalable l’usage du lot litigieux, au sens de l'article L.631-7 alinéa 1er du code de la construction et de l'habitation, en louant cet appartement meublé destiné à l'habitation de manière répétée pour de courtes durées à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile.
Sur le montant de l’amende
La loi n° 2014-366 du 24 mars 2014 entrée en vigueur le 27 mars 2014, a introduit l’obligation de changement d’usage dont le manquement est sanctionné par l’article L.651-2 du code de la construction et de l’habitation. L'article L.651-2 du code de la construction et de l'habitation dans sa rédaction issue de la loi du 18 novembre 2016, applicable au 20 novembre 2016, a porté l’amende encourue de 25 000 à 50 000 euros.
L’amende civile doit être fixée en fonction de l’objectif d’intérêt général poursuivi par la législation dont elle vise à garantir le respect dans une ville comme [Localité 5] où il existe une grande disparité entre l’offre et la demande de logements à la location, des revenus procurés par les locations illicites, de la durée des locations, le cas échéant des diligences du propriétaire pour le retour à un usage d'habitation, de la bonne foi dont l’intéressé a fait preuve et de sa situation personnelle et financière.
Il ressort du constat de location touristique que l’annonce est publiée au moins depuis le mois de mars 2021 et il n'est pas établi que celle-ci aurait été désactivée.
La Ville de [Localité 5] expose que le bien est loué en moyenne 152€ la nuit et que les gains générés au titre des locations s’élèvent à 51.300 euros, sur la base d'une hypothèse de mise en location à hauteur de 22,5 jours par mois, contre un revenu de 28.980€ pour une location classique.
Il convient d'observer que les défendeurs n'ont pas communiqué le décompte des nuitées afférentes à ce lot, et que le montant de la nuitée est en réalité de 139€ en moyenne.
Toutefois et sans qu'il ne soit nécessaire d'examiner les relevés de nuitées, il convient de rappeler que le loyer à la nuitée de 139€ est manifestement supérieur au loyer mensuel médian de 1932€, de sorte que le changement illicite d'usage du bien et les gains engendrés ont généré un profit substantiel par rapport aux revenus issus d'une mise en location en bail d'habitation.
Ainsi, compte tenu de la durée de la période incriminée dont il n'est pas établi qu'elle aurait cessé, de l'opacité des pièces communiquées par les défendeurs quant au contour de la résidence principale de Monsieur [S] [K], du montant de la compensation (140.000€), de l'absence de transmission du relevé des nuitées, et de l'absence d'éléments en faveur de la bonne foi des défendeurs, ces derniers ne communiquant aucun réel justificatif quant à leurs ressources, il convient de fixer le montant de l’amende civile à leur encontre à la somme de 12.000 euros chacun.
Sur la demande de retour à l’usage d’habitation du local litigieux :
Il résulte des dispositions de l'article 651-2 du code de la construction et de l'habitation que le président du tribunal ordonne le retour à l'usage d'habitation du local transformé sans autorisation, dans un délai qu'il fixe. A l'expiration de celui-ci, il prononce une astreinte d'un montant maximal de 1000 euros par jour et par mètre carré utile du local irrégulièrement transformé. Le produit en est intégralement versé à la commune dans laquelle est situé le local irrégulièrement transformé.
Il n'est pas démontré que le lot 23 est occupé à titre de résidence principale et il n'est pas non plus démontré que l'annonce a été désactivée.
Dès lors qu’aucun élément ne permet d’établir que le bien est de nouveau à usage d’habitation, il convient d’ordonner le retour à l’habitation du local litigieux, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision aux défendeurs, ce durant une période maximale de 12 mois.
Il n'y a pas lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte.
Sur la demande de condamnation de la partie défenderesse sur le fondement des dispositions de l’article L. 324-1-1 du code du tourisme
L’article L.324-1-1 du code du tourisme dispose :
“I.-Pour l'application du présent article, les meublés de tourisme sont des villas, appartements ou studios meublés, à l'usage exclusif du locataire, offerts à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
II.-Toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme, que celui-ci soit classé ou non au sens du présent code, doit en avoir préalablement fait la déclaration auprès du maire de la commune où est situé le meublé.
Cette déclaration préalable n'est pas obligatoire lorsque le local à usage d'habitation constitue la résidence principale du loueur, au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n° 86-1290 du 23 décembre 1986.
III.-Par dérogation au II, dans les communes où le changement d'usage des locaux destinés à l'habitation est soumis à autorisation préalable au sens des articles L. 631-7 à L. 631-9 du code de la construction et de l'habitation une délibération du conseil municipal peut décider de soumettre à une déclaration préalable soumise à enregistrement auprès de la commune toute location d'un meublé de tourisme.
La déclaration indique si le meublé de tourisme offert à la location constitue la résidence principale du loueur au sens de l'article 2 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 précitée.
Un téléservice permet d'effectuer la déclaration. La déclaration peut également être faite par tout autre moyen de dépôt prévu par la délibération susmentionnée.
Dès réception, la déclaration donne lieu à la délivrance sans délai par la commune d'un accusé-réception comprenant un numéro de déclaration.
Un décret détermine les informations qui peuvent être exigées pour l'enregistrement.
IV.-Dans les communes ayant mis en œuvre la procédure d'enregistrement de la déclaration préalable mentionnée au III, toute personne qui offre à la location un meublé de tourisme qui est déclaré comme sa résidence principale ne peut le faire au-delà de cent vingt jours au cours d'une même année civile, sauf obligation professionnelle, raison de santé ou cas de force majeure.
La commune peut, jusqu'au 31 décembre de l'année suivant celle au cours de laquelle un meublé de tourisme a été mis en location, demander au loueur de lui transmettre le nombre de jours au cours desquels ce meublé a été loué. Le loueur transmet ces informations dans un délai d'un mois, en rappelant l'adresse du meublé et son numéro de déclaration. [...]
V.-Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du III est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 5 000 euros.
Toute personne qui ne se conforme pas aux obligations résultant du IV est passible d'une amende civile dont le montant ne peut excéder 10 000 euros. [...]”
Par délibération des 4, 5 et 6 juillet 2017, le Conseil de [Localité 5] a décidé de mettre en œuvre le dispositif prévu par l’article L.324-1-1 II et III du code du tourisme et de soumettre à déclaration préalable soumise à un enregistrement toute location pour de courtes durées d’un local meublé à destination d’une clientèle de passage n’y élisant pas domicile, cette déclaration précisant si le logement constitue la résidence principale du loueur et donnant lieu à la délivrance d’un numéro d’enregistrement.
Il s'ensuit qu'à [Localité 5], est soumise à déclaration préalable auprès des services municipaux toute location meublée de tourisme, définie par l'article L.324-1-1 I du code du tourisme comme tout appartement, villa ou studio meublé, à l'usage exclusif du locataire, offert à la location à une clientèle de passage qui n'y élit pas domicile et qui y effectue un séjour caractérisé par une location à la journée, à la semaine ou au mois.
Les chambres d'hôtes, définies par l'article L.324-3 du code du tourisme comme des chambres meublées situées chez l'habitant en vue d'accueillir des touristes, à titre onéreux, pour une ou plusieurs nuitées, assorties de prestations, sont soumises à une obligation de déclaration sur un fondement distinct de l'article L.324-1-1 invoqué par la Ville de [Localité 5].
En l'espèce, l'annonce publiée sur le site airbnb est intitulée « Appartement privé avec balcon et vue Tour Eiffel. Chambre privée dans : appartement. 5 voyageurs – 2 chambres – 3 lits – une salle de bain partagée ».
Monsieur [K], qui reconnaît proposer son bien à une clientèle de passage n'y élisant pas domicile pour de brefs séjours, conteste la qualification de location meublée de tourisme en affirmant que doit s'appliquer celle de chambre d'hôtes, non soumise aux dispositions de l'article L.324-1-1 du code du tourisme.
Toutefois, hormis la mention d'une salle de bains partagée, dont le contour n'est pas clair, le texte de l'annonce ne comprend aucune indication relative au partage du logement avec l'hôte ni ne précise que la nuitée est assortie de prestations, comme le petit-déjeuner, pourtant caractéristique des chambres d'hôtes. Bien au contraire, l'annonce précise que l'appartement – et non les chambres – est un « appartement privé avec entrée privée et grande terrasse », écartant ainsi par cette description la possibilité de toute interaction entre les voyageurs et l'hôte.
D'ailleurs, l'un des voyageurs a posté le commentaire suivant en décembre 2021 : « [S] a communiqué avec moi et a envoyé un monsieur pour ouvrir le lieu et me remettre la clé ». En mai 2022, un autre voyageur écrit « La dame qui est arrivée n'a rien expliqué, vient de remettre la clé et est partie, ne parle pas d'autres langue (…) [S] parle anglais et a répondu à la plupart des messages », ce qui contredit toute l'argumentation fondée sur une prétendue mise en location de chambres chez l'habitant impliquant à tout le moins une rencontre physique avec l'occupant des lieux.
En considération de ces éléments, il n'est pas démontré par les défendeurs la réalité de la mise en location de chambre d'hôtes. Ces derniers ne contestent pas avoir omis de déposer une déclaration soumise à enregistrement du bien, préalablement à la mise en location meublée touristique de celui-ci.
La violation des dispositions invoquées par la Ville de [Localité 5] est ainsi démontrée.
En l'espèce, le manquement a commencé au mois de mars 2021 et il n'est pas démontré qu'il a cessé. Compte tenu de ces éléments et en l'absence de tout justificatif probant sur la situation financière des défendeurs, il y a lieu de les condamner, chacun, à verser à la requérante la somme de 5000 euros.
Par ailleurs, s'agissant de la demande portant sur l'amende de 10.000 euros pour défaut de transmission d'information relative au nombre de jours loués en infraction aux dispositions de l'article L. 324-1-1 IV du code du tourisme, il convient de rappeler que l'obligation de transmission issue des dispositions précitées ne concerne que les personnes qui offrent à la location un meublé de tourisme déclaré comme résidence principale, l’usage de l’immeuble au 1er janvier 1970 étant, dans ce cadre précis, indifférent, la notion de meublé de tourisme étant autonome et distincte de celle du changement d'usage définie aux termes du code de la construction et de l'habitation, et notamment de son article L.631-7.
En l'espèce, il ressort des écritures des défendeurs et des courriers adressés aux services fiscaux que les locaux litigieux sont déclarés comme résidence principale, les défendeurs soutenant à la présente procédure qu'il s'agit bien de la résidence principale de l'un de ses associés.
Il s’ensuit que les dispositions susvisées leur sont applicables.
Il n'est pas contesté que les défendeurs n'ont pas transmis les relevés de nuitées à la suite de la demande en ce sens effectuée par la Ville de [Localité 5] le 25 avril 2022.
Ainsi, compte tenu de ces éléments et des éléments précités, les défendeurs seront, chacun, condamnés à verser à la Ville de [Localité 5] la somme de 8000 euros à ce titre.
Sur les demandes accessoires
Succombant à l'instance, les défendeurs seront condamnés au paiement des dépens en vertu de l’article 696 du code de procédure civile.
Ils seront également condamnés à verser chacun à la Ville de [Localité 5] la somme de 2000 € au titre de ses frais de procédure en vertu de l'article 700 du même code.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant publiquement, par décision contradictoire rendue en premier ressort, par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique,
Condamne la SARL MAGALANTE 15 et Monsieur [S] [K] à verser, chacun, à la Ville de [Localité 5] :
une amende civile de 12.000 euros sur le fondement du code de la construction et de l'habitation dont le produit sera intégralement versé à la Ville de [Localité 5] ;une amende civile de 5000 euros sur le fondement du code du tourisme dont le produit sera intégralement versé à la Ville de [Localité 5] ;une amende civile de 8000 euros sur le fondement du code du tourisme dont le produit sera intégralement versé à la Ville de [Localité 5] ;la somme de 2000 euros au titre des frais irrépétibles ;
Ordonne le retour à l’habitation des locaux transformés sans autorisation situés [Adresse 1] appartenant à la société MAGALANTE 15, sous astreinte provisoire de 200 euros par jour de retard à l’expiration d’un délai de deux mois à compter de la signification de la présente décision à la société MAGALANTE 15, pour une durée maximale de douze mois ;
Dit n'y avoir lieu de se réserver la liquidation de l'astreinte ;
Condamne la SARL MAGALANTE 15 et Monsieur [S] [K] aux dépens ;
Rappelle que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de plein droit.
Fait à Paris le 19 juin 2024
Le Greffier,Le Président,
Daouia BOUTLELISAnne-Charlotte MEIGNAN