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19/06/2024 | FRANCE | N°23/08587

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 19 juin 2024, 23/08587


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Madame [Y] [L]


Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Valérie FIEHL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/08587 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3G4Z

N° MINUTE :
6 JCP






JUGEMENT
rendu le mercredi 19 juin 2024


DEMANDERESSE
Madame [F] [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1294


DÉFENDERESSE
Madame [Y] [L], deme

urant [Adresse 1]
comparante en personne


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Fairouz HAMMAOUI, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Aline CAZEAUX, Greffier,

DA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :Madame [Y] [L]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :Me Valérie FIEHL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/08587 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3G4Z

N° MINUTE :
6 JCP

JUGEMENT
rendu le mercredi 19 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [F] [T], demeurant [Adresse 2]
représentée par Me Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E1294

DÉFENDERESSE
Madame [Y] [L], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Fairouz HAMMAOUI, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Aline CAZEAUX, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 19 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 19 juin 2024 par Fairouz HAMMAOUI, Vice-présidente assistée de Aline CAZEAUX, Greffier

Décision du 19 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/08587 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3G4Z

EXPOSÉ DU LITIGE

Par contrat sous seing privé en date du 22 mai 2003, Madame [F] [J] a donné à bail à Madame [Y] [L] un appartement à usage d’habitation [Adresse 1]), pour un loyer mensuel de 780 euros outre 75 euros de provision sur charges.

Par acte sous seing privé en date du 22 mai 2003, Monsieur [W] [U] s’est porté caution solidaire de Madame [Y] [L]. Cet engagement a cependant expiré le 21 mai 2012.

Par actes d'huissier en date du 18 septembre 2023, Madame [F] [J] a fait assigner Madame [Y] [L] devant le tribunal d'instance de Paris aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
prononcer la résiliation judiciaire du bail conclu le 22 mai 2003 avec Madame [Y] [L] sur l'appartement situé [Adresse 1],ordonner l'expulsion des preneurs et de tout occupant de leur chef, avec le concours de la force publique s'il y a lieu, et avec séquestration des effets mobiliers,condamner Madame [Y] [L] à lui payer les loyers impayés de janvier 2016 à septembre 2023, soit la somme de 71 181,88 euros avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation, ainsi qu'une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail et jusqu'à libération effective des lieux,condamner la défenderesse à lui payer la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens.
Au soutien de ses prétentions, Madame [F] [J] expose qu’à compter d’octobre 2004 Madame [Y] [L] a cessé de s’acquitter régulièrement de ses loyers et de ses charges locatives. Elle précise que compte tenu notamment de l’âge de la locataire (60 ans), de son état de santé et de leur relation amicale, elle n’a pas immédiatement agi en résiliation du bail. Madame [F] [J] indique également que Madame [Y] [L] a saisi la commission de surendettement des particuliers le 27 décembre 2018 pour voir notamment annuler sa dette locative. Par décision en date du 17 février 2021, sa demande a été déclarée irrecevable et la créance de Madame [J] a été fixée à la somme de 105 023,15 euros à décembre 2020 inclus. La Cour d’appel de PARIS a confirmé cette décision par un arrêt en date du 16 mars 2023. Enfin, Madame [F] [J] rappelle que sa créance n’est pas prescrite, la prescription ayant été interrompue par la reconnaissance de la dette locative réalisée par la locataire du fait de sa saisine de la commission de surendettement des particuliers le 27 décembre 2018 et par la déclaration de créance adressée par la bailleresse à cette commission.

A l'audience du 23 novembre 2023, l’examen de l’affaire a été renvoyé, afin de permettre aux parties de se mettre en état.

A l’audience en date du 19 mars 2024, Madame [J], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance, et a actualisé sa créance de loyers et indemnités d'occupation à la somme de 76 210,03 euros, selon décompte arrêté en février 2024. Elle précise avoir été placée sous sauvegarde de justice avec désignation d’un mandataire spécial pris en la personne de l’AECJF par ordonnance du juge des tutelles de GUERET. Enfin, Madame [J] s’est dite opposée à l’octroi de tout délai, notamment pour quitter les lieux.

Au soutien de ses prétentions, Madame [F] [J] insiste sur le montant conséquent de la dette locative et sur l'absence de tout paiement des loyers depuis 2021.

Madame [Y] [L], représentée en personne, a sollicitée l’octroi de délais pour quitter les lieux (un an). Elle a rappelé avoir des revenus modestes en dépit de la reprise récente d’une activité professionnelle et a déclaré avoir l’intention d’effectuer des démarches de relogement.

L'affaire a été mise en délibéré au 19 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action

Une copie de l’assignation a été notifiée à la préfecture de Paris par la voie électronique le 20 septembre 2023, soit plus de deux mois avant l’audience, conformément aux dispositions de l’article 24 III et IV de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

L’action est donc recevable.

Sur le prononcé de la résiliation judiciaire et l'expulsion des lieux

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Enfin, il sera rappelé que l'une des obligations essentielles du preneur d'un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

En l'espèce, les décomptes produits par la bailleresse fait état de paiement partiel des loyers d’octobre 2004 à février 2024 et d'une absence totale de paiement des loyers depuis mars 2024, soit une dette de 76 210,03 euros. Cette dette n’est pas contestée par la défenderesse.

Il sera également indiqué que la carence totale de la bailleresse à réclamer les loyers depuis des années ne saurait s'analyser en une renonciation à leur perception et celle-ci demeure légitime et bien fondée à les solliciter.

La dette de loyer 76 210,03 euros sera ainsi retenue. Ce défaut de paiement de loyers sur plusieurs années est une faute suffisamment grave pour entraîner le prononcé de la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de la locataire.

Madame [Y] [L] devenant ainsi sans droit ni titre il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Il sera rappelé que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution, dont l’application relève, en cas de difficulté -laquelle n'est à ce stade que purement hypothétique-, de la compétence du juge de l’exécution et non de la présente juridiction.

Sur la demande reconventionnelle de délais pour quitter les lieux

Il résulte des articles L613-1 du Code de la construction et de l'habitation et L412-3 et L412-4 du code des procédures civiles d'exécution, que le juge qui ordonne la mesure d'expulsion peut accorder des délais aux occupants de lieux habités ou de locaux à usage professionnel, dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales, sans que ces occupants aient à justifier d'un titre à l'origine de l'occupation.

Le juge doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement ainsi que droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés et du délai prévisible de relogement des intéressés. La durée de ces délais ne peut être inférieure à trois mois ni supérieure à trois ans.

En l’espèce, il apparaît que Madame [Y] [L], âgée de 60 ans, qu’elle vient de reprendre un emploi en qualité de vacataire dans les écoles de la ville de PARIS et qu’elle perçoit à ce titre une rémunération de 1163 euros par mois ce qui ne lui permettra pas de se reloger facilement dans le parc privé. A l’audience, son conseil fait état de sa volonté d’effectuer des démarches en vue de trouver un nouveau logement.

Au regard de ces éléments, il convient de lui accorder un délai de six mois à compter de la signification du jugement pour quitter les lieux.

Sur la demande en paiement

La locataire est redevable des loyers impayés jusqu'à la date de résiliation du bail en application des articles 1103 et 1217 du code civil. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

En l'espèce, l'arriéré de loyers en mars 2024, date de l'assignation, est de 76 210,03 euros.

Comme rappelé ci-dessus, la défenderesse n’apporte aucun élément de nature à contester le principe ni le montant de la dette. Elle sera donc condamnée au paiement de la somme de 76 210,03 euros.

La somme portera intérêts au taux légal à compter de la demande de prononcé de la résiliation judiciaire, soit à compter du 18 septembre 2023.

Madame [Y] [L] sera aussi condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant du présent jugement à la date de la libération effective et définitive des lieux et ce même si elle n'y réside plus, les lieux n'ayant pas été restitué au bailleur qui demeure ainsi en l'état actuel privé de la jouissance de son bien.

Sur les demandes accessoires

La défenderesse, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile, en ce compris les frais d'assignation et de signification du présent jugement.

L’équité justifie de ne pas faire droit à la demande formée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire, compatible avec la nature de l'affaire et apparaissant nécessaire compte tenu de l'ancienneté du litige, sera ordonnée en application de l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la résiliation judiciaire du contrat de bail conclu en mars 1998 entre Madame [F] [J] et Madame [Y] [L] concernant l’appartement à usage d’habitation situé [Adresse 1] )aux torts de la locataire ;

ACCORDE à Madame [Y] [L] un délai de six mois à compter de la signification de la présente décision pour quitter les lieux ;

ORDONNE en conséquence à Madame [Y] [L] de libérer les lieux et de restituer les clés à Madame [F] ;

DIT qu’à défaut pour Madame [Y] [L] d’avoir restitué les clés dans ce délai, Madame [F] [J] pourra faire procéder à leur expulsion ainsi qu’à celle de tous occupants de son chef, y compris le cas échéant avec le concours d’un serrurier et de la force publique, étant précisé que le délai de deux mois de l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution ne s'applique pas, les lieux n'étant plus habités ;

DIT n'y avoir lieu à ordonner l'enlèvement, le transport et la séquestration des meubles éventuellement laissés sur place et rappelle que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

CONDAMNE Madame [Y] [L] à verser à Madame [F] [J] la somme de 76 210,03 euros au titre de l'arriéré locatif (arriéré entre octobre 2004 et mars 2024) avec intérêts au taux légal à compter du 18 septembre 2023 ;

CONDAMNE Madame [Y] [L] une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi, à compter du présent jugement et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux, caractérisée par la restitution des clés ;

REJETTE le surplus des demandes ;

CONDAMNE Madame [Y] [L] aux dépens en ce compris les frais d'assignation et de signification du présent jugement;

ORDONNE l'exécution provisoire.

LA GREFFIERE LA JUGE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/08587
Date de la décision : 19/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 30/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-19;23.08587 ?
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