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18/06/2024 | FRANCE | N°23/00631

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 18 juin 2024, 23/00631


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :


Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT
Me Anne-constance COLL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/00631 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY333

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mardi 18 juin 2024


DEMANDERESSE
La REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS (RIVP)
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, avocat

au barreau de PARIS, vestiaire : B 0096

DÉFENDEURS
Monsieur [F] [S] demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Anne-constance COLL, avocat au barreau de PARIS...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT
Me Anne-constance COLL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/00631 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY333

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mardi 18 juin 2024

DEMANDERESSE
La REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS (RIVP)
dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Pierre-Bruno GENON-CATALOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : B 0096

DÉFENDEURS
Monsieur [F] [S] demeurant [Adresse 1]
comparant en personne, assisté de Me Anne-constance COLL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0653

Madame [U] [E], demeurant [Adresse 1]
comparante en personne, assistée de Me Anne-constance COLL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #E0653

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Mathilde CLERC, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 23 avril 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 18 juin 2024 par Mathilde CLERC, Juge des contentieux de la protection assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffier

Décision du 18 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/00631 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY333

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat en date du 17 août 2004, la REGIE IMMOBILIERE DE LA VILLE DE PARIS (RIVP) a donné à bail à M. [F] [S] et Mme [U] [E] un appartement à usage d'habitation, situé [Adresse 1] pour un loyer mensuel de 778,28 euros charges comprises.

Par actes de commissaire de justice en dates des 20 février 2020 et 31 mars 2022, la bailleresse a fait signifier aux preneurs deux commandements de payer la somme au principal de 1 248,50 et 1356,34 euros représentant les loyers et charges impayés.

Par acte de commissaire de justice en date du 3 janvier 2023, la RIVP a fait assigner M. [F] [S] et Mme [U] [E] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
-prononcé de la résiliation judiciaire du contrat de bail du 17 août 2004 aux torts exclusifs des preneurs,
-expulsion des preneurs et de tout occupant de leur chef, si besoin avec l'assistance de la force publique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, durant trois mois, avec liquidation de l'astreinte à l'issue de ce délai,
-condamnation solidaire ou in solidum de M. [F] [S] et Mme [U] [E] au paiement de l'arriéré des loyers, d'un montant de 1246,47 euros, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, et capitalisation des intérêts,
-condamnation solidaire ou in solidum de M. [F] [S] et Mme [U] [E] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer, majoré des charges, à compter du jugement jusqu'à la libération des lieux,
-condamnation solidaire ou in solidum de M. [F] [S] et Mme [U] [E] au paiement de la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

L'affaire a été appelée à l'audience du 18 avril 2023, et a fait l'objet de renvois successifs pour être finalement retenue à l'audience du 23 avril 2024, étant précisé que, par exploit du 20 novembre 2023, la RIVP a assigné M. [T] [S], curateur de M. [F] [S], devant le tribunal de céans, et que les deux instances ont été jointes sous le n°23/0063, à l'audience de renvoi du 15 décembre 2023.

A l'audience du 23 avril 2024, la RIVP a déposé des écritures auxquelles elle s'est rapportée et aux termes desquelles elle sollicite, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
-la résiliation judiciaire du contrat de bail du 17 août 2004 aux torts exclusifs des preneurs,
-l'expulsion des preneurs et de tout occupant de leur chef, si besoin avec l'assistance de la force publique, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, durant trois mois, avec liquidation de l'astreinte à l'issue de ce délai,
-la séquestration des meubles garnissant le logement,
-la condamnation solidaire ou in solidum de M. [F] [S] et Mme [U] [E] au paiement de l'arriéré de loyers, d'un montant de 7 665,95 euros au jour de l'audience, avec intérêts de droit à compter de l'assignation, et capitalisation des intérêts,
-la condamnation solidaire ou in solidum de M. [F] [S] et Mme [U] [E] au paiement d'une indemnité mensuelle d'occupation égale au montant du loyer, majoré des charges, à compter du jugement jusqu'à la libération des lieux,
-la condamnation solidaire ou in solidum de M. [F] [S] et Mme [U] [E] au paiement de la somme de 1200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile outre aux entiers dépens, sous le bénéfice de l'exécution provisoire.

En réponse à l'irrégularité de la procédure soulevée en défense, elle oppose l'article 114 du code de procédure civile, considérant que l'absence de signification de l'assignation au curateur constitue une irrégularité de forme, qui ne cause en l'espèce aucun grief aux défendeurs. Elle précise toutefois avoir régularisé la procédure, en faisant signifier une assignation au curateur de M. [F] [S], ce qui permet ainsi de couvrir la nullité.

Sur le fond, elle soutient que les manquements des défendeurs à leur obligation de paiement des loyers ont été répétés. Elle souligne l'absence de preuve au soutien des sommes dont ils se prétendent créanciers, et considère que la mesure d'expertise qu'ils sollicitent est inutile à la solution du litige ; elle rappelle à ce titre qu'une mesure d'instruction n'a pas vocation à suppléer la carence des parties dans l'administration de la preuve. Enfin, elle sollicite le rejet de la demande qu'ils forment au titre de la réparation de leur préjudice de jouissance, considérant qu'ils n'apportent aucune preuve du dysfonctionnement du ballon d'eau chaude dont ils se prévalent.

M. [F] [S] et Mme [U] [E], représentés par leur conseil, ont déposé des écritures, soutenues oralement, aux termes desquelles ils demandent au juge de :
-prononcer la nullité de l'action du bailleur,
- déclarer irrecevable la RIVP en ses demandes dirigées contre eux,
- avant dire-droit, ordonner une expertise judiciaire aux fins de vérification de l'exactitude des montants réclamés par la RIVP,
- à titre principal, rejeter l'ensemble de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de bail,
- à titre subsidiaire, des délais de paiement de leur dette, échelonné sur 24 mois, et un délai pour quiter les lieux,
- à titre reconventionnel, la condamnation de la RIVP à effectuer les travaux de réparation du chauffe-eau sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter d'un délai de 15 jours suivant la signification du jugement à intervenir,
- la condamnation de la RIVP à leur verser la somme de 5000 euros à titre de dommages-intérêts ;
- en tout état de cause, la condamnation de la RIVP à leur payer la somme de 2400 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

Au soutien de leurs prétentions, M. [F] [S] et Mme [U] [E] soulèvent, au visa des articles 122 du code de procédure civile, 467 et 468 du code civil, la nullité de l'assignation délivrée à M. [F] [S], en ce qu'elle n'aurait pas été signifiée à son curateur, dont ils tirent pour conséquence l'irrecevabilité des demandes formées par la RIVP.

Sur le fond, ils contestent la gravité des manquements qui leur sont reprochés ; ils considèrent que le montant de leur dette n'est pas établi, dès lors qu'ils auraient effectué des règlements dont il n'a pas été tenu compte par leur bailleur, et que les sommes réclamées sont insuffisamment détaillées; ils ajoutent qu'une partie de cette dette s'explique par un trop perçu de charges qui ne leur a jamais été remboursé. Ils allèguent en outre un préjudice de jouissance du fait d'un chauffe-eau défectueux, depuis le mois de janvier 2020. Enfin, ils font état de la fragilité de leur état de santé et de la précarité de leur situation financière.

L'affaire a été mise en délibéré au 18 juin 2024 par mise à disposition au greffe.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la recevabilité de l'action

Au regard de la régularité de l'assignation

Aux termes de l'article 467 du code civil, toute signification faite au majeur en curatelle doit aussi être faite au curateur à peine de nullité.

Il est constant que l'omission de la signification de l'assignation au curateur constitue une irrégularité de fond.

Aux termes de l'article 120 du code de procédure civile, les exceptions de nullité fondées sur l'inobservation des règles de fond relatives aux actes de procédure doivent être relevées d'office lorsqu'elles ont un caractère d'ordre public.

Toutefois, en vertu de l'article 121 du Code de procédure civile, dans le cas où elle est susceptible d'être couverte, la nullité ne sera pas prononcée si sa cause a disparu au moment où le juge statue.

En l'espèce, la RIVP a signifié une assignation au curateur de M. [F] [S], en date du 20 novembre 2023, de sorte que la cause de la nullité a disparu.

En conséquence, l'exception de nullité et la fin de non recevoir soulevées par les défendeurs seront rejetées.

Au regard des dispositions de l'article 24 III et IV de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989

Une copie de l'assignation a été notifiée à la préfecture de Paris par la voie électronique le 9 janvier 2023, soit plus de deux mois avant l'audience, conformément aux dispositions de l'article 24 III et IV de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

La notification CCAPEX est intervenue le 4 avril 2022.

L'action est donc recevable.

Sur la demande d'expertise judiciaire avant dire droit

L'article 143 du code de procédure civile dispose que les faits dont dépend la solution du litige peuvent, à la demande des parties ou d'office, être l'objet de toute mesure d'instruction légalement admissible.

En vertu de l'article 144 du même code les mesures d'instruction peuvent être ordonnées en tout état de cause, dès lors que le juge ne dispose pas d'éléments suffisants pour statuer.

L'article 146 du CPC énonce qu'en aucun cas une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve.

En l'espèce, M. [F] [S] et Mme [U] [E] sollicitent, avant dire droit, une expertise judiciaire aux fins de vérification du montant de leur dette.

Le bailleur produit pour sa part un décompte de loyers et charges, démontrant qu'à la date du 15 avril 2024, la somme de 7665,95 euros lui était due, et les avis d'échéance pour la période du 1 mai 2019 au 31 mars 2024.

Y apparaissent le montant des loyers, de la consommation d'eau froide, et des provisions appelées chaque mois au titre des charges courantes, du chauffage, des impôts et taxes, ainsi que les opérations réalisées sur le compte des locataires, après régularisation annuelle des charges, et notamment :
- en date du 19 avril 2020 : le crédit, sur le compte des preneurs, de la somme de 293,07 euros au titre de la " régularisation chauffage ", et le débit de la somme de 2,80 euros au titre de la régularisation impôts et taxes, et de la somme de 3,65 euros au titre de la régularisation prestations, soit une somme de 286,62 euros créditée sur leur compte à cette date,
- le 16 février 2021 : le crédit, sur le compte des preneurs, de la somme de 51,35 euros au titre de la régularisation des charges 2016, 2017 et 2018,
- le 16 avril 2021 : le crédit, sur le compte des preneurs, de la somme de 70,09 euros au titre de la " régularisation chauffage ", et de la somme de 90,72 euros au titre de la " régularisation prestations ", et le débit de la somme de 2,74 euros au titre de la régularisation impôts et taxes soit une somme de 158,07 euros créditée sur leur compte à cette date,
-le 15 avril 2022 : le crédit, sur le compte des preneurs, de 78,46 euros au titre de la " régularisation prestations " et le débit de la somme de 84,44 euros au titre de la régularisation chauffage et de la somme de 2,89 euros au titre de la régularisation impôts et taxes, soit une somme de 8,87 euros débitée sur leur compte à cette date,
- le 19 avril 2023 : le crédit, sur le compte des preneurs, de la somme de 306,80 euros au titre de la " régularisation chauffage ", et le débit de la somme de 18,61 euros au titre de la " régularisation prestations " et de la somme de 9,08 euros au titre de la régularisation impôts et taxes, soit une somme de 279,11 euros créditée sur leur compte à cette date,
- le 16 novembre 2023 : le crédit, sur le compte des preneurs, de la somme de 192,98 euros au titre du " remboursement gaz 2022 " ,
- le 16 février 2024 : le crédit, sur le compte des preneurs, de la somme de 60,69 euros au titre de la régularisation des charges 2021.

Si M. [F] [S] et Mme [U] [E] excipent de l'imprécision des comptes versées aux débats pour solliciter une expertise, et contestent le montant de leur dette, en s'appuyant sur des versements qu'ils auraient effectués qui n'auraient pas été pris en compte, et sur une régularisation de charges en leur faveur, mais dont le montant aurait par erreur été débité sur leur compte locataire, force est de constater qu'ils n'apportent aucune preuve tangible au soutien de leur argumentation. En effet, seuls deux messages, non datés, envoyés par M. [F] [S], à un destinataire non identifié aux fins de se voir communiquer " tous les versements effectués sur le compte bancaire RIVP loyer 002001H0011 depuis l'année 2015 ", des attestations si mal photocopiées qu'elles sont illisibles, et un courrier adressé par M. [F] [S] à la CAF de PARIS daté du 22 mars 2021 exposant que la somme de 286,62 euros, figurant sur son avis d'échéance du mois d'avril 2020 aurait été débitée sur son compte alors qu'elle lui était due, sont versés aux débats.

Or, l'avis d'échéance du mois d'avril 2020 comme le décompte produits par la RIVP démontrent au contraire que cette somme a été déduite, par le bailleur, du total de la somme appelée, et donc créditée à leur compte.

Quant aux versements de 1700 euros en 2018 et de 700 euros en 2019 prétendument effectués sur leur compte locataire grâce à une aide financière de La Poste, force est de constater qu'ils ne sont étayés par aucune preuve tangible, pas même par un écrit de La Poste permettant d'établir le montant et à quel titre leur banque leur aurait accordé cette aide. Enfin, il n'est produit aucun relevé de compte bancaire, qu'ils auraient pourtant été en mesure de produire, permettant d'établir les versements effectués à destination de leur bailleur.

Le décompte et les avis d'échéances produits par le bailleur, permettant d'établir, de façon précise et détaillée, à quels titres ont été appelées les différentes sommes réclamées par la RIVP à compter du 1 mai 2019, les défendeurs échouant à apporter la preuve de leurs allégations, qui leur incombe, tant en vertu de l'article 9 du code de procédure civile que de l'article 1353 du code civil, l'expertise expertise judiciaire apparait non seulement inutile à la solution du litige, mais également demandée par les défendeurs en vue de suppléer leur carence dans l'administration de la preuve.

Leur demande sera en conséquence rejetée.

Sur le prononcé de la résiliation judiciaire et l'expulsion des lieux

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

Enfin, il sera rappelé que l'une des obligations essentielles du preneur d'un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

En l'espèce, il est établi que la dette des preneurs s'élevait, au 15 avril 2024, à la somme de 7665,95 euros, et que le solde de leur compte a été débiteur, sans discontinuer, depuis le 30 avril 2022.

Il apparaît toutefois que M. [F] [S] et Mme [U] [E] effectuent des versements réguliers, qui, s'ils ne permettent pas d'apurer le montant de la dette, témoignent de leur volonté de la résorber.

En ces conditions, si le manquement contractuel de M. [F] [S] et Mme [U] [E] constitué par l'absence de paiement de l'intégralité des sommes appelées au titre du bail est avéré sur une période de deux ans, il convient de le relativiser en le rapportant à la durée totale du bail d'une durée de 20 ans au cours duquel, 16 années se sont manifestement exécutées sans difficulté, le montant de leur dette s'élevant à 1248,50 euros, soit à un montant équivalent à moins de deux mois de loyers sur une période d'occupation de 16 ans à la date de la délivrance du premier commandement de payer, le 20 février 2020. Il convient en outre de tenir compte de l'incompréhension manifeste des locataires de leurs avis d'échéance, dès lors qu'il est établi que M. [F] [S], placé sous le régime de la curatelle en date du 31 janvier 2020, a cru que la somme de 286,62 euros lui avait été débitée au mois d'avril 2020, alors qu'elle lui avait été créditée, ce qui permet d'écarter leur mauvaise foi.

Il résulte par ailleurs du diagnostic social et financier du 18 avril 2024 que le versement des aides au logement a été suspendu et qu'existe une possibilité de résorption de la dette par l'intermédiaire du FSL.

Enfin, il convient de constater que la voie procédurale choisie, celle de la résiliation judiciaire, alors que le constat de l'acquisition de la clause résolutoire était possible, compte-tenu de la qualité de la bailleresse, a empêché qu'il soit octroyé aux locataires des délais de paiement suspensifs de la clause résolutoire, lesquels auraient pu leur être accordés compte tenu du montant de la dette permettant un apurement en 36 mois.

En conséquence, la RIVP sera déboutée de ses demandes de résiliation judiciaire et d'expulsion des locataires sous astreinte.

Sur la demande en paiement et les délais de paiement

Sur l'arriéré locatif

M. [F] [S] et Mme [U] [E] sont redevables des loyers impayés en application de l'article 1103 du code civil et du bail.

Il a précédemment été établi que les impayés de loyers s'élèvent au 15 avril 2024 à 7665,95 euros.

Ils seront donc condamnés in solidum au paiement de la somme de 7665,95 euros, avec les intérêts au taux légal sur la somme de 1246,67 euros à compter de l'assignation, et à compter du présent jugement pour le surplus conformément aux dispositions de l'article 1231-6 du code civil.

La capitalisation des intérêts étant de droit lorsqu'elle est sollicitée, elle sera ordonnée.

Sur les délais de paiement

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Les défendeurs justifiant de la fragilité de leur état de santé et de la précarité de leur situation financière, des délais de paiements seront accordés, selon les modalités précisées au dispositif.

Il sera toutefois précisé qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible.

Sur les demandes reconventionnelles

Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

En cas de méconnaissance par le bailleur de son obligation de délivrance, le locataire dispose de l'action en exécution des travaux avec demande d'indemnisation pour les préjudices subis tels que la restriction d'usage ou le préjudice d'agrément.

En l'espèce, les défendeurs exposent avoir vécu, depuis le mois de janvier 2020, dans un logement dont le chauffe-eau ne fonctionnait plus.

Force est toutefois de constater qu'en dépit de la charge de la preuve qui leur incombe en vertu des dispositions de l'article 9 du code de procédure civile, ils ne produisent aucune pièce permettant de se convaincre de la réalité de cette allégation, le rapport d'intervention daté du 21 juillet 2020 versé aux débats ne faisant aucunement mention d'un chauffe-eau défectueux, et aucun courrier adressé par les preneurs à leur bailleur concernant ce problème n'étant produit.

Ils seront par conséquent déboutés de leurs demandes formées au titre de la réalisation des travaux de réparation du chauffe-eau sous astreinte et de dommages-intérêts.

Sur les demandes accessoires

Compte-tenu des succombances réciproques des parties, chaque partie conservera ses propres dépens à sa charge.

L'équité commande de ne pas faire application de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

REJETTE l'exception de nullité et la fin de non recevoir soulevées par M. [F] [S] et Mme [U] [E] de leur exception de nullité de l'assignation ;

REJETTE la demande d'expertise judiciaire avant dire droit,

DEBOUTE la RIVP de ses demandes de résiliation judiciaire du bail conclu le 17 août 2004 avec M. [F] [S] et Mme [U] [E] ainsi que de ses demandes d'expulsion sous astreinte, de séquestration du mobilier et de fixation d’une indemnité d’occupation;

CONDAMNE in solidum M. [F] [S] et Mme [U] [E] à verser à la RIVP somme de 7665,95 euros, avec intérêts au taux légal sur la somme de 1246,67 euros à compter de l'assignation, et à compter du présent jugement pour le surplus,

ORDONNE la capitalisation des intérêts,

AUTORISE M. [F] [S] et Mme [U] [E] à s'acquitter de cette somme en 24 mensualités de 310 euros, le 15 de chaque mois et pour la première fois le 15 du mois suivant la signification de la présente décision, la dernière mensualité étant majorée du solde de la dette,

DIT qu'à défaut de paiement d'une seule mensualité à son terme, la totalité des sommes restant dues deviendra immédiatement exigible,

REJETTE les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DIT que chacune des parties conservera la charge de ses propres dépens ;

RAPPELLE l'exécution provisoire.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection

Décision du 18 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/00631 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY333


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/00631
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;23.00631 ?
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