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18/06/2024 | FRANCE | N°22/15176

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 18 juin 2024, 22/15176


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 1ère section

N° RG 22/15176

N° Portalis 352J-W-B7G-CYFY2

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
07 décembre 2022







JUGEMENT
rendu le 18 juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [S] [C]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représenté par Me Saïd MELLA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0289


DÉFENDERESSE

S.A. LA BANQUE POSTALE
[

Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Ann...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 22/15176

N° Portalis 352J-W-B7G-CYFY2

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
07 décembre 2022

JUGEMENT
rendu le 18 juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [S] [C]
[Adresse 4]
[Localité 5]

représenté par Me Saïd MELLA, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #A0289

DÉFENDERESSE

S.A. LA BANQUE POSTALE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Jean-philippe GOSSET de la SELEURL CABINET GOSSET, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0812

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, greffière.

Décision du 18 Juin 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 22/15176 - N° Portalis 352J-W-B7G-CYFY2

DÉBATS

A l’audience du 23 avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Patrick NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS CONSTANTS

M. [S] [C] est titulaire d’un compte bancaire ouvert auprès de la BANQUE POSTALE.

Le 16 novembre 2020 un paiement à distance par carte bancaire pour une somme de 6.256,98 euros a été effectué sur le site BACK MARKET consistant dans l’achat de trois IPHONE 11, de deux Mac Book et de 2 téléphones Galaxy.

Le 18 novembre 2020, M. [C] a contesté cette opération auprès de la banque.

Le 9 décembre 2020, M. [C] a porté plainte.

Le 10 décembre 2020 et le 19 avril 2021, la BANQUE POSTALE a rejeté la demande d’indemnisation.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par acte d’huissier en date du 7 décembre 2022, M. [S] [C] a assigné devant le tribunal de céans la BANQUE POSTALE.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 30 octobre 2023, M. [S] [C] demande de :
Vu l'article L 133-18 du Code monétaire et financier,
Vu l'article 1103 du Code civil,
Vu les pièces versées au débat,

− Condamner la BANQUE POSTALE à rembourser à Monsieur [S] [C] la somme de 6.256,98 € au titre de l’opération de paiement non autorisée intervenue le 17 novembre 2020,

− Assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2020,

Subsidiairement :

− Condamner la BANQUE POSTALE à verser à Monsieur [S] [C] la somme de 6.256,98 € à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice résultant des fautes commises par cette Banque,

− Assortir cette condamnation des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2020,

En tout état de cause :

− Condamner la BANQUE POSTALE à verser à Monsieur [S] [C] la somme de 10.000€ à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral résultant du comportement de cette banque et de sa résistance abusive,

− Condamner la BANQUE POSTALE à verser à Monsieur [S] [C] la somme de 5.000€ au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

− Condamner la BANQUE POSTALE aux entiers dépens.

A l’appui de sa demande il fait valoir que :
- que dès le 16 novembre 2020 il a signalé à sa banque l’opération de paiement litigieuse et la banque l’a assuré que ce montant ne serait pas prélevé sur son compte bancaire ;
- qu’il n’a pas agi de manière frauduleuse et n’a pas commis de négligence grave ; que le refus injustifié de la banque de le rembourser lui a causé un préjudice et constitue une résistance abusive ;
-que la Banque omet de préciser que la sécurisation via l’utilisation d’un code 3D SECURE, au moyen d’un simple « SMS », ne répond pas à l’exigence d’authentification forte prévue par l’article L 133-44 du Code monétaire et financier qui s’applique depuis le 14 septembre 2019,
- que la Cour de cassation dans son arrêt en date du 30 août 2023 a jugé que le système d’authentification forte est obligatoire depuis le 14 septembre 2019.

Par dernières conclusions notifiées par RPVA le 24 août 2023, la BANQUE POSTALE demande :
Vu les articles 1103 et 1104 du Code civil,
Vu les articles L.133-1 et suivants du Code monétaire et financier,
Vu les pièces versées aux débats,

RECEVOIR LA BANQUE POSTALE en ses conclusions, l’y déclarant bien fondée,

JUGER que Monsieur [C] ne peut obtenir le remboursement par LA BANQUE POSTALE de l’opération de paiement en ligne qu’il conteste en présence d’une opération conformément authentifiée et donc autorisée et, en toute hypothèse, exécutée suite à ses négligences graves,

DEBOUTER en conséquence Monsieur [C] de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions à l’encontre de LA BANQUE POSTALE,

CONDAMNER Monsieur [C] à verser à LA BANQUE POSTALE la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNER Monsieur [C] aux entiers dépens.

A l’appui de sa demande la banque fait valoir :
- que M. [C] a saisi le code confidentiel qui lui a été envoyé sur son téléphone mobile par SMS ; que dès lors il est bien l’auteur de l’achat litigieux ;
- que si M. [C] reproche à la banque de ne pas avoir mis en place un système d’authentification forte, les autorités françaises et européennes ont laissé un délai jusqu’à fin 2022 pour appliquer ce système :
- qu’en tout état de cause M. [C] n’a pas de droit au remboursement dès lors qu’il a commis une négligence grave ; que M. [C] a forcément communiqué à un tiers les coordonnées de sa carte bancaire ainsi que le code secret qu’il a reçu par SMS ;
- que dans son avis le médiateur de la consommation a rejeté la demande d’indemnisation de M. [C].

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 2 avril 2024 et l’affaire a été plaidée en audience tenue en juge rapporteur le 23 avril 2024.

MOTIVATION

Sur la demande de remboursement des virements litigieux

L'article L. 133-7 alinéa 1 du code monétaire et financier dispose que “Le consentement est donné sous la forme convenue entre le payeur et son prestataire de services de paiement. (...) En l'absence d'un tel consentement, l'opération ou la série d'opérations de paiement est réputée non autorisée”.

L’article L.133-18 alinéa 1 du code monétaire et financier, dans sa rédaction applicable au litige, dispose que : “En cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L. 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu.”

L’article L.133-44 du code monétaire et financier dispose que : « I. – Le prestataire de services de paiement applique l'authentification forte du client définie au f de l'article L. 133-4 lorsque le payeur :

1° Accède à son compte de paiement en ligne ;

2° Initie une opération de paiement électronique ;

3° Exécute une opération par le biais d'un moyen de communication à distance, susceptible de comporter un risque de fraude en matière de paiement ou de toute autre utilisation frauduleuse. (…) »

En application des articles L.133-19 IV et L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre, et il appartient également à la banque, qui se prévaut des articles L.133-16 et L.133-17 du code monétaire et financier imposant à l’utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, de prouver que l’utilisateur a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations. Cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.

Il ressort de l'article L. 133-19, V, du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, que, sauf agissement frauduleux de sa part, le payeur ne supporte aucune conséquence financière si l'opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que le prestataire de services de paiement du payeur n'exige une authentification forte du payeur prévue par le second de ces textes.

Il résulte de l'article 34, VIII, 3°, de l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, que l'article L. 133-44 du code monétaire et financier, dans sa rédaction issue de l'ordonnance n° 2017-1252 du 9 août 2017, auquel renvoie l'article L. 133-19, V, est entré en vigueur le 14 septembre 2019, dix-huit mois après l'entrée en vigueur du règlement délégué (UE) 2018/389 de la Commission du 27 novembre 2017 complétant la directive (UE) 2015/2366 du Parlement européen et du Conseil du 25 novembre 2015 par des normes techniques de réglementation relatives à l'authentification forte du client et à des normes ouvertes communes et sécurisées de communication.

En l’espèce, il n’est pas contesté que les produits achetés auprès de BLACK MARKET ont été livrés le 18 novembre 2020 chez une personne dénommée [P] [N] [Adresse 2] sur la commune de [Localité 6] et que cette personne est inconnue de M. [C]. D’ailleurs la société BLACK MARKET a attesté que M. [C] avait bien été victime d’une fraude à la carte bancaire.

La BANQUE POSTALE ne conteste pas que lors du paiement elle n’a pas demandé d’authentification forte puisqu’après que M. [C] a renseigné les coordonnées de sa carte bancaire sur le site BLACK MARKET elle a envoyé un SMS avec un code secret qui a ensuite été validé pour pouvoir effectuer l’achat. Aucune autre opération n’a été demandée. Mais la BANQUE POSTALE fait valoir que l’obligation d’effectuer une authentification forte n’était pas entrée en vigueur et se fonde notamment sur un avis de l’autorité bancaire européenne qui invitait les autorités nationales à proroger les délais accordés aux banques et sur un communiqué de l’observatoire des moyens de paiement. Toutefois ces décisions n’ont pas eu pour effet de proroger la date d’entrée en vigueur des textes qui précisaient qu’à compter du 14 septembre 2019 les banques devaient mettre en place une authentification forte. On peut aussi ajouter que la Cour de cassation dans son arrêt en date du 30 août 2023, pourvoi n°22-11.707, s’est prononcé dans ce sens.

L'opération de paiement non autorisée a été effectuée sans que la BANQUE POSTALE qui est le prestataire de services de paiement de M. [C] n'exige une authentification forte qui est pourtant prévue par les textes.

Dès lors c’est seulement en cas d’agissements frauduleux de la part de M. [C] que la BANQUE POSTALE ne supporte aucune conséquence financière. Or la BANQUE POSTALE ne soutient pas que M. [C] a agi de manière frauduleuse mais fait simplement valoir que M. [C] a fait preuve d’une négligence grave dès lors qu’il a reçu un SMS sur son téléphone portable qui a servi à la personne responsable de la commande frauduleuse d’effectuer son achat alors que ce moyen est inopérant.

Dès lors en l’absence d’agissement frauduleux, il y a lieu de condamner la BANQUE POSTALE à rembourser à M. [C] la somme de 6.256,98 euros avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2020, date de la demande effectuée par M. [C] auprès de la BANQUE POSTALE.

Sur les autres demandes

M. [C] n’établit pas avoir subi un préjudice moral.

La BANQUE POSTALE verse aux débats une copie des détails de la transaction qui démontre que le SMS a bien été envoyé à M. [C] le 16 novembre 2020 à 9H40 et que c’est bien à cette même date et à cette même heure que l’achat a été effectué sur le site BLACK MARKET selon l’attestation de cette dernière qui est produite par M. [C]. Or M. [C] n’a jamais apporté de précisions sur la possession de son téléphone portable lors de l’opération litigieuse ainsi que d’une éventuelle perte ou vol de ce dernier. De plus, il produit un avis du médiateur qu’il a saisi pour résoudre le litige qui est défavorable à sa demande de remboursement.

Dès lors la demande de dommages et intérêts tant pour préjudice moral que pour résistance abusive doit être rejetée.

Partie perdante au litige, la BANQUE POSTALE sera condamnée aux dépens et sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile sera rejetée. Elle sera également condamnée à verser à M. [C] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à la disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :

CONDAMNE la BANQUE POSTALE à rembourser à Monsieur [S] [C] la somme de 6.256,98 € avec intérêts au taux légal à compter du 18 novembre 2020 ;

CONDAMNE la BANQUE POSTALE à payer à Monsieur [S] [C] la somme de 1.000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE M. [S] [C] du surplus de ses demandes ;

DÉBOUTE la BANQUE POSTALE de sa demande fondée sur l’article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE la BANQUE POSTALE aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 18 juin 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 22/15176
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;22.15176 ?
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