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18/06/2024 | FRANCE | N°21/09284

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 18 juin 2024, 21/09284


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 1ère section

N° RG 21/09284

N° Portalis 352J-W-B7F-CUZNK

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
07 juin 2021






JUGEMENT
rendu le 18 juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [M] [Y]
domicilié : chez Maître Dikpeu Eric BALE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Dikpeu-eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant,

vestiaire #D1635


DÉFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaida...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 21/09284

N° Portalis 352J-W-B7F-CUZNK

N° MINUTE :

Contradictoire

Assignation du :
07 juin 2021

JUGEMENT
rendu le 18 juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [M] [Y]
domicilié : chez Maître Dikpeu Eric BALE
[Adresse 1]
[Localité 3]

représenté par Maître Dikpeu-eric BALE de la SELARL BALE & KOUDOYOR, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D1635

DÉFENDERESSE

S.A. SOCIETE GENERALE
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Etienne GASTEBLED de la SCP LUSSAN, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #P0077

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Sandrine BREARD, greffière.
Décision du 18 Juin 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 21/09284 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUZNK

DÉBATS

A l’audience du 23 Avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Patrick NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS CONSTANTS
Par acte d’huissier du 7 juin 2021, M. [M] [Y] a assigné la société anonyme Société Générale devant le tribunal judiciaire de Paris.
Il expose qu’il a effectué des virements depuis son compte détenu auprès de la Société Générale en pensant investir dans des placements financiers auprès de la société Kepler Gestion.
Il fait valoir qu’il a été victime des agissements de fraudeurs qui seraient spécialisés dans les escroqueries financières. Il précise qu’il a porté plainte pour ces faits.
M. [Y] met en cause la Société Générale en exposant qu’elle aurait manqué à son devoir de vigilance et demande à être indemnisé de son préjudice.
PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 9 octobre 2023, M. [M] [Y] demande au tribunal de :
« Vu l’article 1231-1du code civil,
Vu les articles L 133-21 et L 561-10-2 du code monétaire et financier
Vu l’article 5 du Code civil
Vu l’article 9 du Code de procédure civile,
Vu l’article 10 du Code civil,
Vu les articles L312-1-1, L311-1 et L314-1 du Code monétaire et financier,
Vu l’article L722-9 du Code monétaire et financier,
Vu les pièces communiquées et versées aux débats,
Déclarer Monsieur [M] [Y] recevable et bien-fondé en ses demandes,
Débouter la SOCIETE GENERALE de l’intégralité de ses demandes, fins et conclusions,
Y faisant droit,
Constater les manquements de la SOCIETE GENERALE et déclarer cette dernière responsable des dommages subis par Monsieur [M] [Y],
Constater que Monsieur [Y] a fait sommation à la SOCIETE GENERALE de communiquer le plafond de son virement courant de l’année 2019 et 2020 dans un délai de 15 jours à compter de la signification par RPVA des présentes,
A défaut, tirer toutes les conséquences de droit de cette abstention de la SOCIETE GENERALE,
En conséquence,
Condamner à titre principal la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [M] [Y] une somme de 78 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subis, avec intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20/01/2020,
Condamner à titre subsidiaire la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [M] [Y] une somme de 14 500 euros pour n’avoir pas agi dans les délais et n’avoir pas bloqué les deux virements du 9 août 2019 malgré son opposition, à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice subis, assortis de l’intérêts au taux légal à compter de la mise en demeure du 20/01/2020,
En tout état de cause,
Condamner la SOCIETE GENERALE à verser à Monsieur [M] [Y] la somme de 8 000 euros en application de l’article 700 du Code de procédure civile,
Condamner la banque SOCIETE GENERALE aux dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître BALE, conformément aux dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile,
Rappeler qu’en application de l’article 514 du Code de procédure civile, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire. »
M. [M] [Y] expose qu’il a été approché par des personnes et a effectué les virements suivants :
- Trois ordres de virement pour un montant cumulé de 19 000 euros au crédit de son compte portant les références suivantes : « CAIXABANK SA – Pays : Espagne – Nom du bénéficiaire : FACT ASSUR – [XXXXXXXXXX05] »
* un premier ordre de virement du 17 mai 2019 pour un montant de 4 000 euros a été effectué au guichet de la SOCIETE GENERALE de VARCES par le préposé de la banque lui-même,
* un deuxième ordre de virement du 28 mai 2019 pour un montant de 12 000 euros,
* un troisième ordre de virement du 31 mai 2019 pour un montant de 3 000 euros.
- le 9 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour : FAC023 CHEZ : BESCPTPL» et pour un montant de 2 500 euros intitulé « Pour : FAC023 CHEZ : BESCPTPL »,
- le 12 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] » et pour un montant de 2 500 euros intitulé «Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 »,
- le 13 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] » et pour un montant de 3 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] »,
- le 14 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] » et pour un montant de 3 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] ».
Le demandeur considère que les textes européens et français poursuivent un objectif de protection des consommateurs et, qu’en application de cet objectif, les règles de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme peuvent fonder la responsabilité de la banque à l’égard de son client. Il souligne que la banque n’a pas été vigilante face aux très nombreuses alertes émanant des autorités compétentes concernant les placements atypiques portant sur les cryptomonnaies.
Il soutient que les virements litigieux présentaient des anomalies qui auraient dû alerter la banque en ce que :
- les montants étaient inhabituellement élevés,
- les mouvements étaient répétés avec une fréquence inhabituelle,
- les mouvements étaient dirigés vers l’étranger sans lien avec le fonctionnement habituel du compte,
- ces mouvements présentaient, compte tenu de ce qui précède, un caractère potentiellement frauduleux.
En outre, il affirme que la banque est débitrice à l’égard de ses clients d’une obligation générale d’information ainsi que d’une obligation spéciale en matière d’investissements financiers lorsque les biens acquis peuvent être liés au blanchiment ou au financement du terrorisme. Il reproche à la banque de ne pas avoir alerté son client des publications et alertes de l’AMF concernant les placements financiers et l’illégalité de ces derniers.

Dans ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 17 janvier 2024, la Société Générale demande au tribunal de :
« Vu l’article 1240 du code civil
Vu les articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier
JUGER que Monsieur [Y] ne démontre pas le contexte frauduleux sur lequel il fonde ses prétentions
JUGER que les dispositions de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme prévues par les articles L.561-1 et suivants du code monétaire et financier sont inapplicables dans le cadre de l’action initiée par Monsieur [Y] à l’encontre de SOCIETE GENERALE
JUGER que SOCIETE GENERALE a respecté son obligation d’exécuter les ordres de virement transmis par Monsieur [Y]
JUGER que SOCIETE GENERALE n’a, en la circonstance, commis aucune faute susceptible d’avoir engagé sa responsabilité
JUGER que Monsieur [Y] ne démontre aucun préjudice indemnisable et, qu’en toute hypothèse, les graves manquements qu’elle a commis sont de nature à exonérer totalement SOCIETE GENERALE de toute responsabilité dans les pertes qu’il aurait à déplorer
JUGER que SOCIETE GENERALE ne pouvait annuler les deux virements en date du 9 août 2019 dans la mesure où ils étaient devenus irrévocables et qu’elle n’a, en conséquence, nullement engagé sa responsabilité
En conséquence,
DEBOUTER purement et simplement Monsieur [Y] de l’ensemble de ses demandes,
fins, moyens et conclusions
CONDAMNER Monsieur [Y] à verser à SOCIETE GENERALE une somme de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Le CONDAMNER aux entiers dépens.
En tout état de cause,
ECARTER l’exécution provisoire de droit, celle-ci n’étant pas compatible avec la nature de
l’affaire ».
La Société Générale estime que le contexte frauduleux des placements n’est pas établi.
Elle conteste avoir manqué à ses obligations de vigilance en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Elle observe à cet égard qu’il n’est pas contesté que les fonds virés avaient une origine licite.
La Société Générale fait valoir que l’ensemble des virements objet du litige constitue des opérations authentiques et autorisées que M. [Y] a lui-même ordonnées. Elle souligne que ces virements étaient dépourvus d’anomalies apparentes et qu’elle n’était pas informée de la nature des investissements effectués.
Elle considère qu’elle n’était tenue d’aucun devoir d’information sur les placements litigieux dont elle ignorait la teneur et qu’elle n’a pas proposés à M. [Y].
Enfin, la Société Générale remet en cause les préjudices allégués par le demandeur. Elle soutient en particulier qu’il n’est pas démontré un lien de causalité entre le prétendu dommage et la faute alléguée de la banque.
***
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, il sera renvoyé aux dernières écritures des parties pour l’exposé des moyens et arguments venant au soutien de leurs demandes et de leurs défenses.
Le juge de la mise en état a clôturé l’instruction de l’affaire par ordonnance du 2 avril 2024 et fixé l’affaire pour être plaidée à l’audience tenue en juge rapporteur du 23 avril 2024.
MOTIVATION
1. Sur le contexte frauduleux des virements
En application de l’article 9 du code de procédure civile, il appartient au demandeur d’établir le bien-fondé de ses demandes, en fournissant, conformément aux règles de droit, les preuves nécessaires au succès de ses prétentions.
Il ressort des relevés de compte de M. [Y] que celui-ci a bien effectué les virements querellés à destination de l’étranger soit les virements suivants :
- Trois ordres de virement pour un montant cumulé de 19 000 euros au crédit de son compte portant les références suivantes : « CAIXABANK SA – Pays : Espagne – Nom du bénéficiaire : FACT ASSUR – [XXXXXXXXXX05] »
* un premier ordre de virement du 17 mai 2019 pour un montant de 4 000 euros a été effectué au guichet de la SOCIETE GENERALE de VARCES par le préposé de la banque lui-même,
* un deuxième ordre de virement du 28 mai 2019 pour un montant de 12 000 euros,
* un troisième ordre de virement du 31 mai 2019 pour un montant de 3 000 euros ,
- le 9 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour : FAC023 CHEZ : BESCPTPL» et pour un montant de 2 500 euros intitulé « Pour : FAC023 CHEZ : BESCPTPL » ,
- le 12 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] » et pour un montant de 2 500 euros intitulé «Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 »,
- le 13 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] » et pour un montant de 3 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] »,
- le 14 août 2019 : pour un montant de 12 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] » et pour un montant de 3 000 euros intitulé « Pour SALTYLEVEL MOTIF : FAC063 – [M] [Y] ».
Les résultats de l’enquête pénale, effectuée suite au dépôt de plainte en date du 5 décembre 2019, n’ont pas été communiqués.
De multiples courriels ont été échangés entre les escrocs et M. [Y], qui n’a pas pu récupérer les fonds investis.
Il en résulte que la Société Générale est mal fondée à discuter le contexte frauduleux dans lequel sont intervenus les virements litigieux.
2. Sur les obligations au titre du dispositif de lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme
Les obligations de vigilance et de déclaration imposées aux organismes financiers en application des articles L. 561-2 à L. 561-22 du code monétaire et financier ont pour seule finalité la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme.
Il résulte de l'article L. 561-18 du code monétaire et financier que la déclaration de soupçon mentionnée à l'article L. 561-15 est confidentielle et qu'il est interdit de divulguer l'existence et le contenu d'une déclaration faite auprès du service mentionné à l'article L. 561-23, ainsi que les suites qui lui ont été réservées, au propriétaire des sommes ou à l'auteur de l'une des opérations mentionnées à l'article L. 561-23 ou à des tiers, autres que les autorités de contrôle, ordres professionnels et instances représentatives nationales visés à l'article L. 561-36.
Aux termes de ce dernier article, ces autorités sont seules chargées d'assurer le contrôle des obligations de vigilance et de déclaration mentionnées ci-dessus et de sanctionner leur méconnaissance sur le fondement des règlements professionnels ou administratifs.
Selon l'article L.561-30 du même code, sous réserve de l'application de l'article 40 du code de procédure pénale, les informations détenues par le service mentionné à l'article L. 561-23 ne peuvent être utilisées à d'autres fins que la lutte contre le blanchiment des capitaux et le financement des activités terroristes.
Il s'en déduit que la victime d'agissements frauduleux ne peut se prévaloir de l'inobservation des obligations de vigilance et de déclaration précitées pour réclamer des dommages-intérêts à l'organisme financier.
Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut de vigilance de la banque au titre du dispositif de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme sera rejeté.
3. Sur l’obligation de vigilance
L’article L. 133-6 du code monétaire et financier dispose qu’une opération de paiement est autorisée si le payeur a donné son consentement à son exécution.
En application de l’article 1231-1 du code civil, le principe de la non-ingérence du banquier dans les affaires de son client cède devant son obligation de vigilance portant sur la régularité apparente du fonctionnement d’un compte.
Ainsi, dans l’hypothèse d’un virement autorisé, le banquier demeure tenu de contrôler la régularité de l’ordre de virement, afin de déceler toute anomalie tant matérielle qu'intellectuelle susceptible de l’affecter.
A défaut d’anomalies apparentes, intellectuelles ou matérielles, faisant naître à sa charge un devoir de vigilance l’obligeant à se rapprocher de son client aux fins de vérification de son consentement, le banquier teneur de compte n’a pas à s’immiscer dans les affaires de son client. Il ne saurait ainsi effectuer des recherches ou réclamer des justifications pour s’assurer que les opérations de son client, dont il n’a pas à rechercher la cause, sont opportunes et exemptes de danger.
En l’espèce, M. [Y] a effectué 11 virements et demande le remboursement de ces opérations.
Il n’est pas contesté que les virements ont été effectués conformément aux ordres donnés par M. [Y] depuis son compte en ligne ou depuis le guichet de la banque.
Les relevés de compte de M. [Y] montrent que le montant et la fréquence de ces virements étaient inhabituels, et que les sommes étaient importantes. En outre, les virements ont été effectués à destination de l’Espagne et du Portugal alors que M. [Y] n’avait pas pour habitude d’effectuer des virements vers l’étranger et n’avait pas de lien privilégié avec ces pays.
Pour autant, le caractère inhabituel de ces virements ne saurait constituer une anomalie que la banque est tenue de déceler alors que M. [Y] avait la libre disposition de ses fonds et que les virements ont été effectués avec un compte bancaire créditeur.
L’obligation de la banque consistait en l’occurrence à assurer la bonne exécution des ordres de virement reçus et elle n’avait ni à en contrôler la finalité, ni à s’assurer de l’identité des destinataires en dehors des instructions reçues de son client. En outre le plafond des virements qui était fixé à 12.499 euros n’a jamais été dépassé et il était bien stipulé dans les conditions générales de la banque à distance qui sont versées aux débats (pièce n°4 de la Société Générale).
Si concernant les deux virements effectués le 9 août 2019 pour des sommes de 2.500 euros et 12.000 euros, M. [Y] a, le 10 août 2019, fait une demande d’annulation aux motifs d’erreurs sur le nom du bénéficiaire et sur l’objet des virements concernés, cette demande était conditionnée à l’accord de la banque destinataire des fonds soit la NOVO BANCO qui a refusé la restitution des fonds.
Pour le banquier, non alerté par des éléments extérieurs tangibles, le simple caractère inhabituel d'une opération n'implique pas nécessairement qu'elle soit illicite ou frauduleuse.
Le demandeur ne fournit aucun élément qui pourrait démontrer que la banque avait connaissance de l’objet des virements et de l’intention de M. [Y] d’effectuer des placements financiers. Le libellé des motifs des virements comme par exemple « FAC 063 » ou « Fac063- [M] [Y] » ne renseignait pas sur leur finalité réelle.
La banque n’était pas tenue d’un devoir de mise en garde sur des placements ou des investissements financiers dont elle ignorait tout, auxquels elle n’a en rien participé et dont la nature exacte ne lui a pas été révélée par M. [Y] au moment de la passation des ordres de virement.
Par conséquent, la responsabilité de la Société Générale ne saurait être engagée au titre du manquement à son devoir de vigilance.

4. Sur l’obligation d’information de la Société Générale
Aux termes de l’article 1112-1 du code civil : « Celle des parties qui connaît une information dont l'importance est déterminante pour le consentement de l'autre doit l'en informer dès lors que, légitimement, cette dernière ignore cette information ou fait confiance à son cocontractant.
Néanmoins, ce devoir d'information ne porte pas sur l'estimation de la valeur de la prestation.
Ont une importance déterminante les informations qui ont un lien direct et nécessaire avec le contenu du contrat ou la qualité des parties.
Il incombe à celui qui prétend qu'une information lui était due de prouver que l'autre partie la lui devait, à charge pour cette autre partie de prouver qu'elle l'a fournie.
Les parties ne peuvent ni limiter, ni exclure ce devoir.
Outre la responsabilité de celui qui en était tenu, le manquement à ce devoir d'information peut entraîner l'annulation du contrat dans les conditions prévues aux articles 1130 et suivants. »
Le demandeur reproche à la Société Générale un manquement à son devoir d’information.
Il n’est pas contesté que les virements litigieux ne concernaient pas un investissement proposé par la banque. Il n’est pas démontré au surplus que la banque ait eu connaissance de la nature de l’investissement en cause.
Il en résulte que la banque n’était tenue d’aucun devoir d’information à l’égard de son client s’agissant d’investissements qui lui étaient étrangers.
Ainsi que l’affirme le demandeur, les placements frauduleux ont fait l’objet de multiples alertes des autorités et notamment de l’Autorité des Marchés Financiers. Ces alertes avaient pour but de mettre en garde les investisseurs mais elles n’ont pas créé d’obligations d’information spécifiques à l’égard des banques.
Par conséquent, le moyen tiré du défaut de la banque à son devoir d’information sera écarté.
L’ensemble des moyens relatifs à la faute de la banque étant écartés, les demandes indemnitaires du demandeur seront rejetées.
5. Sur les frais du procès
L’article 695 du code de procédure civile énumère les frais du procès qui entrent dans la catégorie des dépens. Il est de principe que les dépens sont à la charge de la partie perdante, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Partie perdante au procès, M. [Y] sera condamné au paiement des entiers dépens, conformément à l’article 696 du code de procédure civile.
Il sera également condamné à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros afin de compenser les frais de justice non compris dans les dépens qu’elle a dû exposer afin d’assurer la défense judiciaire de ses intérêts, en application de l’article 700 du code de procédure civile.
6. Sur l’exécution provisoire
Les décisions de première instance sont exécutoires de droit à titre provisoire, en application de l’article 514 du code de procédure civile.
Le juge peut toutefois écarter l’exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s’il estime qu’elle est incompatible avec la nature de l’affaire, conformément à l’article 514-1 du code de procédure civile.
Aucune circonstance du présent litige n’impose d’écarter l’exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,
REJETTE l’ensemble des demandes de M. [M] [Y] ;
CONDAMNE M. [M] [Y] aux entiers dépens ;
CONDAMNE M. [M] [Y] à payer à la Société Générale la somme de 3 000 euros sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire ;
RAPPELLE que le présent jugement est de droit exécutoire à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 18 juin 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/09284
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;21.09284 ?
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