La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/06/2024 | FRANCE | N°20/09574

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 18 juin 2024, 20/09574


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section


N° RG 20/09574 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E


N° MINUTE :


Assignation du :
28 Septembre 2020







JUGEMENT
rendu le 18 juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [C] [H], représentée par le cabinet J.SOTTO
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Maître Michel HARROCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0311


DÉFEND

EURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 10], représenté par son syndic, la société GID SAS
[Adresse 2]
[Localité 9]

représenté par Maître Michel GRAVE de la SARL MGR AVOCA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/09574 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E

N° MINUTE :

Assignation du :
28 Septembre 2020

JUGEMENT
rendu le 18 juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [C] [H], représentée par le cabinet J.SOTTO
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Maître Michel HARROCH, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #C0311

DÉFENDEURS

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 10], représenté par son syndic, la société GID SAS
[Adresse 2]
[Localité 9]

représenté par Maître Michel GRAVE de la SARL MGR AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

S.A.S.U. Pugil Invest
[Adresse 10]
[Localité 7]

représentée par Maître Florent GUYON de l’AARPI LOG Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0517

Décision du 18 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/09574 - N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E

S.A. MAZET ENGERAND ET GARDY
[Adresse 5]
[Localité 8]

S.A. MMA IARD, en sa qualité d’assureur de la société MAZET ENGERAND ET GARDY
[Adresse 1]
[Localité 6]

Société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, en sa qualité d’assureur de la société MAZET ENGERAND ET GARDY
[Adresse 1]
[Localité 6]

représentées par Maître Manuel RAISON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2444

S.A. AXA FRANCE IARD, es qualité d’assureur du Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 10]
[Adresse 4]
[Localité 11]

représentée par Maître Jean-Marie COSTE-FLORET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0267

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Elyda MEY, Juge
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Justine EDIN, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 20 mars 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

L'immeuble sis [Adresse 10] est soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis, au sein duquel Mme [C] [H] est propriétaire de locaux commerciaux en rez-de-chaussée sur cour, dont la gestion est confiée au cabinet SOTTO, et qui ont été donnés à bail à la SAS Pugil Invest, à l'effet de les aménager en salle de boxe.

Lors de la réalisation de travaux au sein de ce local commercial par le locataire, ont été constatés plusieurs problèmes structurels, dont notamment la présence de fissures et d'humidité.

Le 20 mars 2017, le cabinet SOTTO a informé le syndic de la copropriété, la SA MAZET ENGERAND ET GARDY (ci-après " la société MAZET ") de l'interruption du chantier et de la nécessité de mandater un architecte pour vérifier la nécessité du renforcement des structures.

Le Cabinet SOTTO a procédé à la désignation d'un architecte, la société ALTER-EGO, qui a établi un compte rendu de visite en date des 30 mars 2017 et 10 mai 2017.

Le syndicat des copropriétaires a également missionné la société BADOCHE ROMATET architecte qui a établi un compte rendu de visite le 6 juillet 2017.

Le 24 novembre 2017, l'assemblée générale des copropriétaires a voté la réalisation des travaux préconisés par la société d'architectes BADOCHE ROMATET et désigné la société DEBORD à cette fin.

Par ordonnance du 21 décembre 2017, le juge des référés, saisi par Mme [H], a prononcé une mesure d'expertise judiciaire et a désigné M. [O] à cette fin. Le rapport d'expertise a été déposé le 23 octobre 2019.

Par acte d'huissier délivré le 28 septembre 2020, Mme [H] a assigné devant le tribunal de céans, en ouverture de rapport, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble précité, représenté par son syndic en exercice, et son assureur la SA Axa France Iard, ainsi que la société Mazet en son nom personnel, et son assureur les SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES, et la S.A.S. Pugil Invest, afin d'obtenir indemnisation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 7 mars 2022, Mme [H] demande au tribunal de :
" Vu le rapport de l'expert,
Vu les articles 1240 et 1241 du code civil,
Vu la perte de loyer pour Mme [H] d'un montant de 30.582,22 euros,
- Condamner le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] à régler à Mme [H] la somme de 16.310,52 euros correspondant à la perte de loyer et frais d'architecte d'une durée de 8 mois,
- Condamner le Cabinet MAZET ENGERAND ET GARDY, à régler à Mme [H] la somme de 80.155,26 euros correspondant à la perte de loyer et des frais d'architecte d'une durée de 4 mois,

Décision du 18 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/09574 - N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E

- Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] et le Cabinet MAZET ENGERAND ET GARDY à régler à Mme [H] la somme de 6.116,44 correspondants à 3 mois de délai supplémentaire de perte de loyer,
- Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] et le Cabinet MAZET ENGERAND ET GARDY à régler à Mme [H] la somme de 25.000 euros à titre de dommages et intérêts,
- Condamner solidairement le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] et le Cabinet MAZET ENGERAND ET GARDY au règlement des frais d'expertise avancés par Mme [H],
Vu l'article 10.1 de la loi du 10 juillet 1965,
- Dire et juger que Mme [H] ne participera pas aux éventuelles condamnations à l'encontre du syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], représenté par son syndic.
- Condamner le syndicat des copropriétaires [Adresse 10] et le Cabinet MAZET ENGERAND ET GARDY à payer à la demanderesse la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du NCPC (sic). "

Se prévalant des conclusions expertales au soutien de sa demande principale, Mme [H] sollicite l'engagement des responsabilités du syndicat des copropriétaires et du syndic dans la survenance des désordres ayant affecté son lot, et ce selon les proportions retenues par l'expert judiciaire.

Elle soutient que tant le syndic que le syndicat des copropriétaires ont commis une faute délictuelle dans le traitement tardif du sinistre.

Elle en déduit être fondée à réclamer l'indemnisation de ses préjudices, notamment au titre de la perte de loyers et de divers frais, d'ailleurs validés par l'expert judiciaire.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 17 janvier 2022, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal de :
" A titre principal,
- Débouter Mme [H] de toutes ses demandes, fins et conclusions;
- Débouter la société Pugil Invest toutes ses demandes, fins et conclusions ;
A titre subsidiaire,
- Condamner la SA Axa France IARD à le garantir de toutes les sommes qui pourraient être mises à sa charge ;
En tout état de cause,
- Condamner Mme [H] à lui payer la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens dont distraction au bénéfice de MGR Avocat en application de l'article 699 du code de procédure civile. "

Le syndicat des copropriétaires s'oppose aux prétentions formées à son encontre, soulignant l'absence de précisions du fondement juridique et des moyens tant par Mme [H] que par la société Pugil Invest au soutien de l'engagement de sa responsabilité.

Il rappelle que le juge n'est pas lié par les conclusions de l'expertise judiciaire et qu'en tout état de cause plusieurs points de ces conclusions de l'expertise sont contestables, notamment le préjudice qui aurait été induit de la durée des travaux de réfection.
Décision du 18 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/09574 - N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E

Il prétend en outre que les demandes indemnitaires formées tant par Mme [H] que par la société Pugil Invest ne sont pas justifiées, soulignant à l'inverse que la société Pugil Invest est un professionnel averti, qu'elle a pris à bail les lieux sans préalablement avoir eu recours aux vérifications tenant à la situation des lieux et qu'elle a procédé à d'importants travaux de curages sans l'en informer et au mépris des règles de la copropriété, de sorte qu'elle est mal fondée à réclamer réparation d'un éventuel préjudice.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 29 septembre 2022, la société Axa France IARD demande au tribunal de :
" Vu les articles 1315 et suivants du code civil,
Vu les articles 1241-1 et suivants du code civil,
Vu le rapport d'expertise et les pièces,
A titre principal,
- Dire et juger que la garantie Axa France IARD n'est pas acquise au syndicat des copropriétaires ;
En conséquence :
- Mettre hors de cause la société Axa France IARD ;
- Débouter l'ensemble des parties de leurs demandes qui seraient dirigées à l'encontre d'Axa France IARD ;
- Condamner la partie succombant à verser à Axa France IARD la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ;
Subsidiairement et en tout état de cause,
- Condamner, in solidum, le cabinet MAZET ENGERAND ET GARDY et son assureur MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES à garantir la concluante de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre ;
- Dire que la compagnie Axa France IARD ne saurait être condamnée in solidum à quelque condamnation que ce soit ;
- Dire que la compagnie Axa France IARD ne saurait être que condamnée le cas échéant à garantir le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10], que dans les strictes limites de sa police et notamment en considération des plafonds et franchises contractuelles applicables et opposables ;
- Condamner les parties succombantes à verser à Axa France IARD la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ".

La société AXA France IARD conclut à sa mise hors de cause, en l'absence de prétention tendant à sa condamnation formée à son encontre.

Elle conclut, subsidiairement, à l'absence de toute garantie due à son assuré, l'origine et la cause des désordres se situant dans une vétusté importante et un défaut d'entretien manifeste des parties communes, privant de tout caractère d'aléa le contrat d'assurance souscrit par le syndicat des copropriétaires.

En cas de décision venant dire la garantie acquise, la société Axa estime ne pas avoir à prendre en charge les préjudices nés des fautes de tiers au contrat d'assurance, notamment du syndic et le Cabinet MAZET et son assureur.

Elle souligne par ailleurs que les préjudices allégués par la demanderesse ne sont justifiés ni dans leur principe ni dans leur quantum, et qu'il en est de même s'agissant de la société Pugil Invest.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 21 mars 2022, la société MAZET, la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES (ci-après " les MMA ") demandent au tribunal de :
" Vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 ;
Vu les articles 1984 et 1989 du code civil ;
Vu l'article 1240 du code civil ;
Vu les articles 699 et 700 du code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence ;
A TITRE PRINCIPAL :
- Constater l'absence de faute de la société MAZET ;
- Constater l'absence de lien de causalité entre son intervention et les préjudices allégués ;
- Constater l'absence de préjudice indemnisable opposable à la société MAZET ;
- En déduire que sa responsabilité ne peut être engagée en l'espèce ;
En conséquence :
- Débouter Madame [H], la SCI PUGIL INVEST, la société AXA France IARD et toute partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et prétentions formulées à l'encontre de la société MAZET, la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES;
A TITRE SUBSIDIAIRE :
- Constater le caractère excessif et injustifié des préjudices allégués ;
En conséquence :
- Minorer substantiellement le montant pouvant être mis à la charge de la société MAZET, la société MMA IARD et la société MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES ;
- Constater qu'il ne saurait excéder la somme totale de 3.519,88 euros pour Madame [H] et 11.164,00 euros pour la SCI PUGIL INVEST ;
EN TOUTE HYPOTHESE :
- Minorer les condamnations pouvant être mises à la charge des sociétés MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES du montant de la franchise restant due par l'assuré, soit 10% du montant total des condamnations avec un minimum de 750 euros et un maximum de 7.500 euros.
- Condamner tout succombant, au besoin in solidum, à verser à la société MAZET, MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES la somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers dépens, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Maître Manuel Raison. "

La société MAZET et son assureur les MMA concluent au rejet des prétentions formées à leur encontre, critiquant les conclusions du rapport d 'expertise judiciaire en ce que l'expert a dépassé sa mission en faisant une appréciation juridique des faits.

Les défenderesses rappellent que la responsabilité du syndic est une responsabilité pour faute, en sa qualité de mandataire, et soutiennent qu'en l'espèce celle-ci n'est pas démontrée, ce dernier ayant géré le sinistre subi par Mme [H] de façon adaptée, exposant qu'une fois que la cause et l'origine des désordres ont été identifié par le cabinet ALTER EGO dans son rapport du 10 mai 2017, le syndic a mandaté sans délai l'architecte de la copropriété le 2 juin 2017, rien ne permettant d'affirmer que les délais auraient été plus courts si celui-ci avait été mandaté dès le mois d'avril 2017, et prétendant avoir réalisé de nombreuses diligences afin de mettre un terme aux désordres dans les meilleurs délais.

Ils font valoir que le griefs soulevés par Mme [H] ne peuvent être opposés au syndic, simple mandataire du syndicat des copropriétaires et qui n'a pas la charge des parties communes.

Ils font également valoir que les travaux litigieux n'ayant aucun caractère d'urgence au sens de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965, il était impossible pour le syndic de faire réaliser des travaux dans les parties communes sans accord préalable de la copropriété, et qu'ils ne pouvaient démarrer sans avoir au préalable déterminé les causes des désordres.

A titre surabondant, la société MAZET et les MMA se prévalent du non-respect par Mme [H] et/ou la société Pugil Invest des dispositions légales et du règlement de copropriété, dès lors qu'elles ont fait réaliser au sein du local commercial des travaux sans information ni autorisation préalable du syndicat des copropriétaires.

Les sociétés défenderesses critiquent par ailleurs les montants réclamés par Mme [H] et la société Pugil Invest à titre indemnitaire, infondés dans leur principe et leur quantum.

Elles sollicitent, en cas d'engagement de la responsabilité du syndic, la minoration des sommes allouées à titre indemnitaire, ainsi que l'application du montant de la franchise prévue à la police d'assurance.

Elles s'opposent, en toute hypothèse, à la garantie réclamée par la société Axa ainsi qu'à toute condamnation solidaire, arguant de ce qu'une telle condamnation ne peut intervenir qu'en cas de collusion frauduleuse, ce qui n'est pas le cas en l'espèce.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées le 24 mai 2022, la société Pugil Invest demande au tribunal de :
" Vu l'article 1719 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu la jurisprudence citée,
Vu le rapport d'expertise et les pièces,
A titre principal :
- Donner acte à la société Pugil Invest de ce qu'aucune partie ne sollicite sa condamnation,
A titre reconventionnel :
- Condamner in solidum Mme [C] [H], Le syndicat des copropriétaires du [Adresse 10] et son assureur la société Axa France Iard, La société Mazet Engerand et Gardy, et ses assureurs les sociétés MMA Iard et MMA Iard Assurances Mutuelles, à verser à la société Pugil Invest la somme de 129.912 euros, à titre de dommages et intérêts, au titre du préjudice d'exploitation,
En tout état de cause :
- Débouter toutes les parties de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Pugil Invest,

- Condamner la partie succombant à verser à la société Pugil Invest la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
- Condamner la partie succombant aux entiers dépens, distraits au profit de Maître Florent Guyon, avocat, sur son affirmation de droit,
- Dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire du jugement à intervenir. "

En substance, la société Pugil Invest soutient qu'elle n'a commis aucune faute et a parfaitement respecté ses obligations légales et contractuelles comme cela a été relevé dans l'expertise, et en déduit que sa responsabilité ne peut dès lors être engagée d'une quelconque façon dans la survenance des désordres dénoncés.

Elle soutient ainsi qu'il appartenait au bailleur de solliciter les autorisations idoines pour les travaux effectués ; que cela n'aurait eu que peu d'incident compte tenu des carences de la copropriété.

Elle sollicite à titre reconventionnel la condamnation du syndicat des copropriétaires et du syndic à indemniser les préjudices qu'elle a subis du fait de leur inertie et négligences fautives, ainsi que celle de Mme [H] en sa qualité de bailleur, pour manquement à son obligation de jouissance paisible des lieux loués.

Elle prétend avoir subi un préjudice important, direct et certain dont elle s'estime bien fondée à demander réparation, faisant valoir que pendant la période d'indisponibilité des biens immobiliers, elle a dû faire face à des dépenses et charges courantes, n'a pas pu exploiter le local et donc n'a bénéficié d'aucune recette.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 26 octobre 2022.

L'affaire, appelée à l'audience du 20 mars 2024, a été mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la matérialité des désordres, leur(s) origine(s) et les responsabilités engagées

Sur la matérialité des désordres

Il ressort des éléments versés au débat, et n'est au demeurant pas contesté, qu'à la faveur de travaux de mise à nu des menés par la société Pugil Invest au sein des locaux de Mme [H], des désordres de structure ont été mis en exergue, de type fissurations au plafond, avec nécessité d'un étaiement pour renforcer la poutre droite située en partie droite du local, fissurations dans les murs, présence d'humidité, affaissement d'une partie du plafond avec effritement de plâtre, notamment.

L'expert judiciaire a relevé, au cours des opérations expertales, une détérioration des éléments structure, en particulier la non-conformité de l'état du plancher, des travaux de remaniage d'une partie du plafond par parpaings creux non conformes de l'art, ainsi que la présence de pavés de verre, ne permettant pas l'obtention d'une isolation requise, le tout aggravé par problématique d'étanchéité, et fuite de plomberie.

Sur les causes et imputabilités

Aux termes de l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. "

L'article 1242 alinéa 1er du code civil prévoit que "On est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde".

Le principe de la responsabilité du fait des choses inanimées trouve son fondement dans la notion de garde, indépendamment de toute faute personnelle du gardien.

L'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que le syndic est chargé "d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci".

Si le syndic engage sa responsabilité contractuelle à l'égard du syndicat des copropriétaires sur ce fondement, les copropriétaires qui subissent un préjudice personnel et direct sont fondés à mettre en cause la responsabilité délictuelle du syndic sur le fondement de l'article 1240 du code civil.

Cette responsabilité suppose qu'une faute ayant causé un préjudice direct et personnel, dont la preuve incombe au copropriétaire demandeur, puisse être retenue à l'encontre du syndic.

Compte tenu de l'ampleur des tâches qui lui incombent et des difficultés pratiques auxquelles il est fréquemment confronté, le syndic est tenu d'une obligation de diligence et de vigilance, donc de moyens et non pas de résultat (ex. : Cour d'appel de Paris, 19 novembre 2014, n° RG 12/00684).

Son appréciation s'opère in abstracto par rapport au standard du bon père de famille et des diligences normales du professionnel averti (ex.: Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 1-5, 10 septembre 2020, n° RG 18/11191).

Ne peut engager sa responsabilité un syndic qui démontre avoir accompli les diligences nécessaires, en ayant respecté les délibérations de l'assemblée générale, en ayant mandaté l'architecte de la copropriété et en étant intervenu auprès des copropriétaires pour déterminer l'origine des désordres et les faire cesser (ex. : Civ. 3ème, 8 juillet 2015, n° 13-28.083).

Décision du 18 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/09574 - N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E

L'article 1719 du code civil dispose notamment que le bailleur a l'obligation d'assurer à son preneur une jouissance paisible des lieux loués.

Cette obligation n'étant pas de l'essence du contrat, les parties sont libres de la restreindre ; ainsi le preneur qui a renoncé à agir contre le bailleur en cas d'infiltrations ne peut éviter l'application de cette clause en agissant contre le bailleur sur un fondement délictuel (Civ. 3ème, 05 juin 2002, n°00-21.519).

Aux termes de l'article 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Sur ce,

Il s'évince de la lecture tant des rapports de cabinet d'architecture intervenus sur place que de l'expertise judiciaire que, de manière concordante, les désordres de structure affectant le lot de Mme [H] trouvent leur origine dans la vétusté importante et le défaut d'entretien des parties communes, comprenant ouvrages de structure, de plomberie et d'étanchéité, du plancher haut du rez-de-chaussée où se trouve le local commercial affecté.

Pour autant, cette donnée objective ne saurait à elle seule constituer une faute délictuelle du syndicat des copropriétaires pouvant engager sa responsabilité.

Or, force est de constater qu'il n'est établi ni par le rapport d'expertise judiciaire ni par les autres éléments versés au débat, étant en outre relevé la carence de démonstration de la demanderesse sur ce point, une quelconque attitude dudit syndicat pouvant constituer une faute au sens de l'article 1240 du code civil précité.

Il n'est notamment pas établi que le syndicat des copropriétaires aurait eu connaissance, avant la réalisation des travaux au sein des locaux litigieux et des opérations expertales, des désordres dénoncés et, le cas échéant, de son éventuel refus d'y remédier, étant relevé qu'il est profane en la matière.

A l'inverse, il est à souligner que les travaux de renforcement des structures ont été adoptés lors de l'assemblée générale du 24 novembre 2017, soit dans un délai raisonnable au vu de ma date à laquelle les désordres ont été découverts (mars 2017).

Concernant le syndic, la société MAZET, si l'expert judiciaire a pu souligner une gestion trop lente par celle-ci du sinistre, il ressort des éléments produits que dès avoir été informé de la situation le 20 mars 2007, le syndic a fait les diligences nécessaires pour permettre un traitement adapté de la situation, en lien avec le cabinet SOTTO, gestionnaire des locaux de Mme [H].

Ainsi, elle a notamment mandaté l'architecte de la copropriété dès le mois de mai 2017, après rédaction par le cabinet d'architecte missionné par le cabinet SOTTO de ses compte-rendus de visite, datés des 30 mars et 10 mai 2007. Il est d'ailleurs logique d'avoir attendu ces éléments pour missionner l'architecte de la copropriété, afin que son intervention soit utile et prenne en compte les données déjà relevées par les précédents professionnels s'étant rendus sur les lieux.
Elle a en outre obtenu l'ensemble des devis répondant aux travaux à mener pour que cette question soit soumise utilement à l'assemblée générale des copropriétaires du mois de novembre 2017, puis dès le 7 décembre 2017, elle a donné l'ordre de service à la société choisie pour l'exécution des travaux, qui ont débuté le 2 mars 2018 pour s'achever début mai 2018.

Il ne saurait lui être reproché de ne pas avoir fait diligenter ces travaux sans accord préalable alors qu'il n'est établi par aucun des éléments au débat qu'ils présentaient un caractère d'urgence et nécessaires à la sauvegarde de l'immeuble au sens de l'article 18 de loi du 10 juillet 1965.

Enfin, la durée d'exécution des travaux, si elle devait être caractérisée d'excessive ce qui n'est pas davantage établie, ne saurait être en toute hypothèse mise à la charge du syndic, totalement tiers à ces opérations.

Ainsi, faute pour Mme [H] et la société Pugil Invest de rapporter la preuve, qui leur incombe, d'une faute tant du syndicat des copropriétaires que du syndic MAZET, leur responsabilité délictuelle dans la survenance des désordres objets du litige ne saurait être retenue.

Concernant la responsabilité de Mme [H], si la société Pugil Invest se prévaut d'un manquement de celle-ci à son obligation de lui assurer une jouissance paisible des lieux, le tribunal relève qu'aux termes du contrat de bail commercial signé entre les intéressées, versé au débat, il est prévu, à l'article IX " Responsabilité - recours " que " le preneur renonce expressément à tout recours en responsabilité contre le bailleur : (…) au cas où les lieux viendraient à être détruits en totalité ou en partie, par vétusté, vice de construction, cas fortuit (…) et en cas de trouble apporté à la jouissance du preneur par la faute de tiers, quelle que soit leur qualité, le preneur devant agir directement contre eux sans pouvoir mettre en cause le bailleur ".

Dès lors en application de ces clauses, dont la société Pugil Invest ne prétend pas ignorer l'existence, sa demande tendant à l'engagement de la responsabilité de sa bailleresse ne saurait être accueillie et sera rejetée.

Compte tenu des développements précédents, les recours en garantie deviennent sans objet et seront rejetés.

Sur les demandes accessoires

Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

Le juge qui statue sur un litige peut condamner les parties aux dépens d'une autre instance, s'il s'agit de frais relatifs à une instance ayant préparé celle dont le juge est saisi (frais relatifs à la procédure d'expertise et frais d'expertise - Civ. 3ème, 17 mars 2004, n°00-22.522).

Décision du 18 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/09574 - N° Portalis 352J-W-B7E-CS44E

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Sur ce,

Succombant principalement, Mme [H] doit être condamnée aux dépens, dont distraction au profit de MGR Avocat, de Me [Y] et de Me Raison.

Elle est également condamnée à verser, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, les sommes suivantes :
3.000 euros au syndicat des copropriétaires,
2.000 euros à la société MAZET et les MMA,
1.000 euros à la société Axa.

En équité la demande formée à ce titre par la société Pugil Invest sera rejetée.

Mme [H] sera déboutée de sa demande de dispense de participation aux frais en application de l'article 10-1 de loi du 10 juillet 1965 , compte tenu du sens de la décision.

Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE Mme [C] [H] de l'ensemble de ses prétentions,

DEBOUTE la SAS Pugil Invest de l'ensemble de ses prétentions reconventionnelles,

DIT que les demandes aux fins de garantie sont sans objet,

CONDAMNE Mme [C] [H] aux dépens,

ORDONNE que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [C] [H] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 10], représenté par son syndic en exercice, une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [C] [H] à payer à la SA MAZET ENGERAND ET GARDY ainsi qu'aux SA MMA IARD et MMA IARD ASSURANCES MUTUELLES une somme globale de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Mme [C] [H] à payer à la SA Axa France Iard une somme de 1.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 18 juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/09574
Date de la décision : 18/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-18;20.09574 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award