TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
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N° RG 24/51978 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4IDZ
N° : 3
Assignation du :
11 Mars 2024
[1]
[1] 1 Copies exécutoires
délivrées le:
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 17 juin 2024
par Violette BATY, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,
Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE
La société SODIEL S.A.S.
[Adresse 2]
[Localité 4]
représentée par Me Carine SMADJA, avocat au barreau de PARIS - #E1434
DEFENDERESSE
La société FBS S.A.S.
[Adresse 1]
[Localité 3]
non constituée
DÉBATS
A l’audience du 13 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Violette BATY, Vice-présidente, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,
Nous, Président,
Après avoir entendu les conseils des parties,
Par acte signé les 30 janvier et 2 février 2023, la société SODIEL a donné à bail commercial à la société F.B.S des locaux situés [Adresse 1] à [Localité 3], pour une durée de neuf années à compter du 1er février 2023, moyennant un loyer annuel en principal de 40.000 euros, hors charges et hors taxes, payable d'avance à une fréquence trimestrielle.
Des loyers sont demeurés impayés.
Par acte extrajudiciaire délivré le 10 novembre 2023, le bailleur a fait délivrer à la société F.B.S, un commandement de payer visant la clause résolutoire pour une somme de 18.904,68 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 8 novembre 2023.
Par assignation délivrée le 11 mars 2024, la société SODIEL a fait citer la société F.B.S devant le Président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référé, aux fins de :
«- VOIR CONSTATER l’acquisition de la clause résolutoire ;
En conséquence,
-VOIR PRONONCER la résiliation du contrat de bail en date du 10 décembre 2023 ;
-VOIR ORDONNER l’expulsion immédiate et sans délais de la société F.B.S et de tous occupants dans les lieux de son fait, sous astreinte de 100 €uros par jour de retard à compter du jugement à intervenir;
-VOIR DIRE que l’expulsion sera exécutée avec l’assistance du Commissaire de Police et de la Force Publique s’il y a lieu, et qu’il sera procédé au transport des marchandises et objets garnissant les lieux, dans tel local qu’il plaira à la SAS SODIEL aux frais et risques de l’expulsée ;
-VOIR CONDAMNER la société F.B.S, représentée par son président, à payer à la SAS SODIEL:
- la somme de 33.777,90 €uros correspondant au montant des loyers impayés au 20 février 2024 échéance de février 2024 incluse ;
- la somme de 7.087,26 €uros TTC mensuelle à titre d’indemnité d’occupation jusqu’à la libération effective des lieux par remise des clés conformément à l’article 23 du bail ;
-VOIR AUTORISER la SAS SODIEL à conserver le dépôt de garantie entre ses mains à hauteur de 10.000 €uros à titre de dommages et intérêts conformément à l’article 22 du bail ;
-VOIR DIRE n’y avoir lieu à octroi de délais au profit de la société F.B.S tant pour se libérer de sa dette que pour retrouver un local pour l’exploitation du commerce ;
-VOIR CONDAMNER la société F.B.S, représentée par son président, à payer à la SAS SODIEL la somme de 5.000 €uros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ;
-DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir et sans constitution de garantie,
-VOIR CONDAMNER la société F.B.S représentée par son président, aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer. ».
Bien que régulièrement assignée selon les formes prévues à personne morale, la société F.B.S n’a pas constitué avocat, de sorte qu’il doit être statué par décision réputée contradictoire.
A l’audience du 13 mai 2024, la société SODIEL a, par l’intermédiaire de son conseil, maintenu les prétentions de son exploit introductif d’instance et les moyens qui y sont contenus.
L'état des privilèges et publications ne mentionne aucun créancier inscrit sur le fonds de commerce.
Conformément aux articles 446-1 et 455 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation introductive d’instance.
MOTIFS
Conformément à l’article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, le juge ne fait droit à la demande que dans la mesure où il l'estime régulière, recevable et bien fondée.
Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur les demandes subséquentes
L’article 834 du code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.
La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un bail et la résiliation de droit d'un bail.
L’article L. 145-41 du code de commerce dispose que toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.
Le bailleur, au titre d'un bail commercial, demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le bail doit rapporter la preuve de sa créance.
Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du bail au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
- le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
- le bailleur soit, de toute évidence, en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
- la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.
Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses résolutoires, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.
Cependant, la juridiction des référés ne peut, sans excéder ses pouvoirs, accorder d'office un délai de grâce et suspendre les effets de la clause résolutoire dès lors que ce délai ne lui a pas été demandé par le preneur.
En l'espèce, la soumission du bail au statut des baux commerciaux ne donne lieu à aucune discussion.
Le bail comprend en son article 22 une clause résolutoire prévoyant la résiliation de plein droit du contrat à défaut de paiement d'un seul terme de loyer, partiellement ou en totalité, ou encore des accessoires du loyer, des charges, de l’indemnité d’occupation, du coût des sommations et mises en demeure et de tous arriérés, et de toutes sommes dues en application du présent bail et un mois après la délivrance d'un commandement de payer demeuré infructueux.
Le commandement de payer signifié le 10 novembre 2023 à la société F.B.S vise cette clause. Il porte sur un arriéré locatif de 18.904,68 euros, selon décompte annexé à l’acte.
Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement en ce qu'il correspond exactement au détail des montants réclamées au preneur par le bailleur. En annexe du commandement, figure en effet le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués. Le commandement précise qu'à défaut de paiement dans le délai d'un mois, le bailleur entend expressément se prévaloir de la clause résolutoire incluse dans le bail ; la reproduction de la clause résolutoire et de l'article L. 145-41 du code de commerce y figurent. Le commandement contenait ainsi toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.
En faisant délivrer ce commandement, la société SODIEL n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de bailleur face à un locataire ne respectant pas les clauses du bail alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.
Ce commandement détaille le montant de la créance, à savoir la somme de 18.904,68 euros en principal.
Il ressort du décompte produit par la société SODIEL que les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées dans le mois de sa délivrance.
Dès lors, la clause résolutoire est acquise et le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit au 11 décembre 2023.
Aux termes de l’article 835 alinéa 1er du code de procédure civile, le président peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.
Le maintien dans un immeuble, sans droit ni titre du fait de la résiliation du bail, constitue un trouble manifestement illicite.
L’expulsion de la société F.B.S et de tout occupant de son chef doit donc être ordonnée en cas de non restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance.
Le concours de la Force publique étant octroyé, le prononcé d’une astreinte n’est pas justifié.
Le sort des meubles trouvés dans les lieux sera régi en cas d’expulsion conformément aux dispositions du code des procédures civiles d’exécution et selon les modalités précisées au dispositif de l’ordonnance.
Il est rappelé qu’à compter de la résiliation du bail par l'effet de la clause résolutoire, le preneur n'est plus débiteur de loyers mais d'une indemnité d'occupation.
Le bailleur sollicite une indemnité provisionnelle d’occupation égale au dernier montant du loyer annuel majoré de 50%.
Les pouvoirs du juge des référés qui accorde une provision sont limités par le caractère non sérieusement contestable de l'obligation. La clause du bail qui stipule que l'indemnité d'occupation sera fixée au montant du dernier loyer majoré de 50% s'analyse en une clause pénale pouvant être modérée par le juge du fond en raison de son caractère manifestement excessif. Elle relève donc de l'appréciation de ce juge et ne peut donc être accueillie devant le juge des référés, juge de l'évidence, qu'à concurrence du montant du loyer courant, charges en sus, auquel le bailleur peut prétendre en cas de maintien dans les lieux après résiliation du bail.
Sur les demandes de provision
L’article 835 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, il peut accorder une provision au créancier.
Aux termes de l'article 1353 du code civil, c'est à celui qui réclame l'exécution d'une obligation de la prouver et à celui qui se prétend libéré de justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l’espèce, au vu du décompte produit par la société SODIEL, l'obligation de la société F.B.S au titre des loyers, charges, taxes, accessoires et indemnités d'occupation au 20 février 2024 n'est pas sérieusement contestable à hauteur de 33.777,90 euros (échéance du mois de février 2024 comprise), somme au paiement de laquelle il convient de condamner la société F.B.S à titre de provision.
Cette provision sera assortie en application de l’article 1231-6 du code civil des intérêts au taux légal depuis la date de délivrance du commandement du 10 novembre 2023 à hauteur de 18.904,68 euros et à compter de l'assignation pour le solde.
Enfin, la clause du bail qui prévoit la conservation du dépôt de garantie par le bailleur en cas de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire s'analyse en une clause pénale pouvant être modérée par le juge du fond en raison de son caractère manifestement excessif, en application des dispositions de l’article 1231-5 du Code civil, de sorte que le caractère non sérieusement contestable de l'obligation n'est pas établi. Il n'y a pas lieu à référé sur l'application de cette clause.
Sur les mesures accessoires
L’article 491 alinéa 2 du code de procédure civile dispose que le juge statuant en référé statue sur les dépens. L’article 696 dudit code précise que la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n’en mette la totalité ou une fraction à la charge d’une autre partie.
Le défendeur, qui succombe, doit supporter la charge des dépens, incluant le coût du commandement de payer du 10 novembre 2023.
L’article 700 du code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, 2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.
Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.
Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de la société F.B.S ne permet d’écarter la demande de la société SODIEL formée sur le fondement des dispositions susvisées. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 1.000 euros en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.
PAR CES MOTIFS
Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision réputée contradictoire et en premier ressort,
Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au bail à la date du 11 décembre 2023 à minuit;
Ordonnons, à défaut de restitution volontaire des lieux dans le mois suivant la signification de la présente ordonnance, l’expulsion de la société par actions simplifiée F.B.S et de tout occupant de son chef des lieux situés [Adresse 1] à [Localité 3] avec le concours, en tant que de besoin, de la force publique et d’un serrurier ;
Disons n’y avoir lieu au prononcé d’une astreinte ;
Rappelons que le sort des meubles trouvés sur place est régi par les dispositions des articles R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d’exécution ;
Condamnons à titre provisionnel la société par actions simplifiée F.B.S à payer, à titre d'indemnité d’occupation due à compter de la résiliation du bail du 12 décembre 2023 et jusqu’à la libération effective des lieux par la remise des clés, une somme égale au montant du loyer contractuel, outre les taxes, charges et accessoires ;
Condamnons par provision la société par actions simplifiée F.B.S à payer à la société par actions simplifiée SODIEL la somme de 33.777,90 euros à valoir sur les loyers, charges, accessoires et indemnités d’occupation arriérés arrêtés au 20 février 2024 (échéance du mois de février 2024 incluse), assortie des intérêts au taux légal depuis la date de délivrance du commandement du 10 novembre 2023 à hauteur de 18.904,68 euros et à compter de l'assignation pour le solde ;
Disons n'y avoir lieu à référé sur la demande formée au titre du dépôt de garantie ;
Condamnons la société par actions simplifiée F.B.S aux entiers dépens, en ce compris le coût du commandement de payer délivré le 10 novembre 2023 ;
Condamnons la société par actions simplifiée F.B.S à payer à la société par actions simplifiée SODIEL la somme de mille euros (1.000 euros) par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
Disons n’y avoir pas lieu à référé sur le surplus des demandes ;
Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.
Fait à Paris le 17 juin 2024
Le Greffier,Le Président,
Pascale GARAVELViolette BATY