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17/06/2024 | FRANCE | N°23/59565

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 17 juin 2024, 23/59565


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS








N° RG 23/59565 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3SUE

N° : 16

Assignation du :
21 Décembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:


ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 17 juin 2024



par Violette BATY, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [X] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Me Pierre

MURY, avocat au barreau de PARIS - #A593



DEFENDERESSE

La SCI SABLONS 3
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Benoît ATTAL de la SELASU CABINET ATTAL, avocats au barr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS


N° RG 23/59565 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3SUE

N° : 16

Assignation du :
21 Décembre 2023

[1]

[1] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 17 juin 2024

par Violette BATY, Vice-présidente au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Pascale GARAVEL, Greffier.
DEMANDERESSE

Madame [X] [M]
[Adresse 3]
[Localité 6]

représentée par Me Pierre MURY, avocat au barreau de PARIS - #A593

DEFENDERESSE

La SCI SABLONS 3
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentée par Maître Benoît ATTAL de la SELASU CABINET ATTAL, avocats au barreau de PARIS - #G0608

DÉBATS

A l’audience du 13 Mai 2024, tenue publiquement, présidée par Violette BATY, Vice-présidente, assistée de Pascale GARAVEL, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par acte authentique en date du 8 mars 2018, Mme [X] [L] [M] a vendu en viager à la société SCI SABLONS 3 un bien immobilier situé au sein de l’immeuble en copropriété sis, [Adresse 9] à [Localité 6] - lots n° 52, 104 et 204 constituant un appartement, une cave et une aire de stationnement, moyennant le versement de la somme de 50.000 euros comptant et d’une rente annuelle et viagère de 22.200 euros, payable en 12 termes égaux de 1.850 euros, le 5 de chaque mois et ensuite d’année en année, pendant la vie et jusqu’au décès du vendeur.

Des échéances de rentes sont demeurées impayées.

La partie venderesse a fait délivrer un commandement de payer visant la clause résolutoire, par acte d’huissier de justice en date du 3 octobre 2023, à la société SCI SABLONS 3, pour une somme de 8.485,04 euros, au titre de l’arriéré de rentes constitué au 26 septembre 2023.

Par acte délivré le 21 décembre 2023, Mme [X] [L] [M] a fait assigner la société SCI SABLONS 3 devant le président du tribunal judiciaire de Paris statuant en référés, au visa de l’article 1103 du code civil et des articles 834 et 835 du code de procédure civile, aux fins de voir :

- “RECEVOIR Madame [X] [M] en son assignation et l’y dire bien fondé ;

SUR LES PRECISIONS A INDIQUER DANS LE JUGEMENT POUR LES BESOINS DE LA PUBLICITE FONCIERE :

- PRECISER les informations suivantes dans le jugement, aux fins de publication de la décision auprès des services de la publicité foncière :

o la venderesse : Madame [X] [L] [M], retraitée, demeurant à [Adresse 8], née à le 4 décembre 1947, [Localité 4], divorcée en secondes noces de Monsieur [X] [D] [U] [R], suivant jugement rendu par le Tribunal de grande instance de PARIS le 30 janvier 2017, et non remariée ;

o l’acquéreur : la société dénommée SCI SABLONS 3, société civile immobilière au capital de 1000 €, dont le siège est sis à [Adresse 7], identifiée au SIREN sous le numéro de K-bis B 811 880 152 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS ;

o les références de la vente au registre de publicité foncière :
101061902 N° de répertoire: 347
Volume: 2018P N° 1649
Publié par Tele@ctes le 23/03/2018
Au service de la publicité foncière de [Localité 5]
Droits : 23.136,00 €
Taxe 879 CGI : 398,00 €
TOTAL: 23.534,00 €
Service de la Publicité Foncière[P] [I] ;

SUR LA RESOLUTION DE LA VENTE EN VIAGER CONCLUE ENTRE MADAME [M] ET LA SCI SABLONS 3 :

- CONSTATER que la clause résolutoire prévue au contrat de vente en viager conclu entre Madame [X] [M] et la SCI SABLONS 3, en date du 8 mars 2018, est acquise de plein droit du fait du non-versement des rentes viagères et du commandement de payer régulièrement signifié à la SCI SABLONS 3 selon acte de commissaire de justice en date du 3 octobre 2023 ;

Par voie de conséquence :

- DIRE que le contrat de vente en viager conclu entre Madame [X] [M] et la SCI SABLONS 3, en date du 8 mars 2018, est résolu de plein droit ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :

- CONDAMNER la SCI SABLONS 3 au versement à Madame [X] [M] de la somme de 3.000 € au titre des frais irrépétibles ;

- CONDAMNER la SCI SABLONS 3 aux entiers dépens, comprenant les frais de publication au bureau des hypothèques, dont distraction au profit de Me Pierre MURY, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile” .

Il convient de se référer à l’acte introductif d’instance pour un exposé des moyens qui y sont contenus.

A l’audience du 13 mai 2024, Mme [X] [M] a, par l’intermédiaire de son conseil, repris oralement les conclusions déposées, tendant à voir :

- “RECEVOIR Madame [X] [M] en son assignation et l’y dire bien fondé ;

SUR LES PRECISIONS A INDIQUER DANS LE JUGEMENT POUR LES BESOINS DE LA PUBLICITE FONCIERE :

- PRECISER les informations suivantes dans le jugement, aux fins de publication de la décision auprès des services de la publicité foncière :

o la venderesse : Madame [X] [L] [M], retraitée, demeurant à [Adresse 8], née à le 4 décembre 1947, [Localité 4], divorcée en secondes noces de Monsieur [X] [D] [U] [R], suivant jugement rendu par le Tribunal de grande instance de PARIS le 30 janvier 2017, et non remariée ;

o l’acquéreur : la société dénommée SCI SABLONS 3, société civile immobilière au capital de 1000 €, dont le siège est sis à [Adresse 7], identifiée au SIREN sous le numéro de K-bis B 811 880 152 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS ;

o les références de la vente au registre de publicité foncière :
101061902 N° de répertoire: 347
Volume: 2018P N° 1649
Publié par Tele@ctes le 23/03/2018
Au service de la publicité foncière de [Localité 5]
Droits : 23.136,00 €
Taxe 879 CGI : 398,00 €
TOTAL: 23.534,00 €
Service de la Publicité Foncière[P] [I] ;

SUR LA RESOLUTION DE LA VENTE EN VIAGER CONCLUE ENTRE MADAME [M] ET LA SCI SABLONS 3 :

- CONSTATER que la clause résolutoire prévue au contrat de vente en viager conclu entre Madame [X] [M] et la SCI SABLONS 3, en date du 8 mars 2018, est acquise de plein droit du fait du non-versement des rentes viagères et du commandement de payer régulièrement signifié à la SCI SABLONS 3 selon acte de commissaire de justice en date du 3 octobre 2023 ;

Par voie de conséquence :

- DIRE que le contrat de vente en viager conclu entre Madame [X] [M] et la SCI SABLONS 3, en date du 8 mars 2018, est résolu de plein droit ;

SUR LE REJET DE L’INTEGRALITE DES DEMANDES DE LA SCI SABLONS 3

- DEBOUTER la SCI SABLONS 3 de l’ensemble de ses demandes et prétentions ;
- DEBOUTER notamment la SCI SABLONS 3 de sa demande tendant au prononcé de la «nullité» du « commandement de payer du 3 octobre 2023 » ;
- DEBOUTER la SCI SABLONS 3 de l’intégralité de ses demandes reconventionnelles ;

EN TOUT ETAT DE CAUSE :
- REJETER les demandes de condamnations formées par la SCI SABLONS 3 au titre des frais irrépétibles et des dépens ;
- CONDAMNER la SCI SABLONS 3 au versement à Madame [X] [M] de la somme de 4.000 € au titre des frais irrépétibles ;
- CONDAMNER la SCI SABLONS 3 aux entiers dépens, comprenant les frais de publication au bureau des hypothèques, dont distraction au profit de Me Pierre MURY, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile”.

Elle expose avoir conclu avec la société défenderesse un contrat de vente viagère prévoyant le versement d’une rente viagère révisable annuellement et incluant une clause résolutoire ; que la société défenderesse a cessé de régler mensuellement les rentes en mars 2023 et n’a pas donné suite à ses relances ; que les causes du commandement de payer visant la clause résolutoire n’ont pas été intégralement soldées dans le délai d’un mois et que ses tentatives de rechercher une solution amiable n’ont pas prospéré ; qu’elle a fait publier l’assignation en constat de l’acquisition de l’effet de la clause résolutoire auprès du Service de la publicité foncière. Elle affirme n’avoir pas déféré à la sommation adverse en cours d’instance d’avoir à lui communiquer un décompte actualisé des sommes dues en mars 2024 alors que le contrat de vente est résilié; que la clause résolutoire inscrite au contrat est claire et non équivoque ; qu’elle a produit son effet un mois après la délivrance du commandement de payer, faute de règlement des rentes mensuelles alors dues ; qu’elle justifie d’une urgence à voir constater la résiliation du bail dès lors que la rente constitue une partie substantielle de ses revenus et que la revente du bien immobilier lui assurera une pérennité de ses revenus ; que la partie défenderesse ne conteste pas sérieusement l’effet du commandement délivré et de la clause résolutoire inscrite au contrat liant les parties ; que la société défenderesse est toujours débitrice de rente au 7 mai 2024 ; que les parties ont par ailleurs expressément écarté l’application de l’article 1978 du code civil ; que le juge des référés a le pouvoir de constater l’acquisition de l’effet de la clause résolutoire ; que la contestation sur la fourniture d’un décompte après résiliation ou l’indexation de la rente n’est pas davantage sérieuse ; que les demandes adverses seront intégralement rejetées.

La société SCI SABLONS 3 représentée par son conseil, a soutenu oralement les conclusions déposées tendant à voir, au visa de l’article 1978 du code civil :

“DIRE Madame [X] [M] irrecevable et mal fondée dans toutes ses demandes;

DIRE la SCI SABLONS 3 bien fondée dans toutes ses demandes;

EN CONSEQUENCE

A TITRE PRINCIPAL :

DEBOUTER Madame [X] [M] de toutes ses demandes ;

CONSTATER ET DECLARER le Juge des référés du Tribunal Judiciaire de Paris incompétent au profit des Juges du fond ;

A TITRE SUBSIDIAIRE :

DEBOUTER Madame [X] [M] de toutes ses demandes ;

PRONONCER la nullité du commandement de payer signifié le 3 octobre 2023 ;

A défaut, DIRE ET JUGER que le commandement de payer signifier le 3 octobre 2023 ne peut emporter l’acquisition de la clause résolutoire du contrat de vente en viager ;

EN TOUTE HYPOTHESE A TITRE RECONVENTIONNEL :

CONDAMNER Madame [X] [M] à verser à la SCI SABLONS 3 la somme de 15.000 euros pour l’indemnisation de son préjudice résultant (1) de sa procédure particulièrement abusive à son encontre et (2) du maintien de cette procédure malgré le paiement des causes injustifiées du commandement de payer étant rappelé :
- que l’assignation de Madame [M] a été signifiée le 21 décembre 2023 alors même que les causes du commandement de payer du 3 octobre 2023 avaient été réglées par la SCI SABLONS 3,
- que Madame [M] a refusé la communication légitime d’un décompte à jour des sommes dues pour empêcher la SCI SABLONS 3 de régulariser la dette relativement faible qu’elle souhaitait régulariser avant l’audience dans le but d’obtenir quoiqu’il en coûte l’acquisition de la clause résolutoire infondée du contrat de rente viagère ;

CONDAMNER Madame [X] [M] à verser à la SCI SABLONS 3 la somme de 4.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de la présente instance, et aux dépens nécessaires pour l’exécution du Jugement à intervenir ;

A TITRE INFINIMEMENT SUBSIDIAIRE :

ACCORDER à la SCI SABLON 3 un délai de 24 mois pour régler les rentes impayées”.

La société défenderesse explique avoir rencontré des difficultés de virement bancaire à compter de mars 2023 et que la requérante a confirmé le règlement de la somme de 8.964,88 euros au 28 décembre 2023. Elle conclut à l’incompétence du juge des référés dès lors que la clause résolutoire ne lui donne pas compétence pour constater son acquisition ; que le juge du fond a seul le pouvoir de constater son effet. Elle soutient par ailleurs que pour déroger aux dispositions de l’article 1978 du code civil, la clause doit être précise et permettre au débirentier de saisir les conséquences de résiliation de plein droit attachées à cette clause et les moyens de régulariser la situation ; que ladite clause ne prévoit que la résolution et non pas l’acquisition de son effet ; qu’elle ne précise pas la possibilité pour le débirentier de régulariser la situation ; que dans ces conditions, il appartient au juge du fond d’apprécier si le retard de paiement des rentes justifie le prononcé de la résolution du contrat ; que la clause est nulle et lui est inopposable. Elle ajoute que la crédirentière a fait preuve de mauvaise foi en refusant la communication malgré sommation d’un décompte des sommes dues pour régulariser la situation, avant le 30 mars 2024, et en agissant en constat de l’acquisition de l’effet de la clause résolutoire après régularisation des causes du commandement et malgré la faiblesse de l’impayé persistant, ainsi qu’en s’opposant à toute suspension de l’acquisition de la clause. Elle allègue avoir régularisé l’ensemble des rentes exigibles au mois de mai 2024. Elle soulève la nullité du commandement de payer dès lors qu’il porte sur des montants non justifiés et en particulier, vise des rentes révisées sans explication ni justification sur le calcul appliqué, lequel calcul sur 5 années de révisions lui est donc inopposable ; que le décompte remis en cours d’instance n’est pas plus explicite et justifie la restitution de la somme de 1.253,68 euros au titre des révisions effectuées depuis avril 2023 jusqu’à avril 2024. Elle sollicite enfin l’allocation de la somme de 15.000 euros en réparation du préjudice résultant de la poursuite abusive de la procédure et du maintien de celle-ci malgré le paiement des causes injustifiées du commandement.

Conformément à l’article 446-1 du code de procédure civile, pour plus ample informé de l’exposé et des prétentions des parties, il est renvoyé à l'assignation et aux écritures déposées et développées oralement à l’audience.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera rappelé qu’en application de l’article 446-2 alinéa a du code de procédure civile, le juge ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

- Sur la demande relative à l’acquisition de la clause résolutoire et sur la demande de constat de la résolution de plein droit de la vente:

L’acte de vente prévoit une clause résolutoire précise et non équivoque, stipulant la résolution de plein droit de la vente, par dérogation aux dispositions de l’article 1978 du code civil, à défaut de paiement d’un seul terme de la rente viagère, à son exacte échéance, un mois après un commandement de payer demeuré infructueux, contenant déclaration par le crédirentier de son intention d’user du bénéfice de la présente clause et sans mise en demeure préalable.

Les dispositions de l'article 1978 du code civil, prévoyant que “le seul défaut de paiement des arrérages de la rente n'autorise point celui en faveur de qui elle est constituée à demander le remboursement du capital, ou à rentrer dans le fonds par lui aliéné : il n'a que le droit de saisir et de faire vendre les biens de son débiteur et de faire ordonner ou consentir, sur le produit de la vente, l'emploi d'une somme suffisante pour le service des arrérages”, ne sont pas d'ordre public et les parties peuvent y déroger en insérant dans le contrat de rente viagère une clause résolutoire.

En l'absence de clause donnant une compétence expresse au juge des référés, les articles 834 et 835 du code de procédure civile subordonnent la compétence du juge des référés à l'urgence ou à l'existence d'un dommage imminent ou d'un trouble manifestement illicite, ainsi qu'à l'absence de contestation sérieuse.

L’article 834 du Code de procédure civile dispose que, dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire peut ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.

La juridiction des référés n'est toutefois pas tenue de caractériser l'urgence, au sens de l'article 834 du Code de procédure civile, pour constater l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans un contrat.

La requérante se prévaut par ailleurs de l’urgence ressortant du caractère alimentaire de la rente, au regard des incertitudes pesant sur leur bon recouvrement au regard du commandement délivré après manquement répété au règlement mensuel de la rente en 2023. Elle joint sa déclaration de revenus pour justifier du caractère substantiel de la rente dans la composition de son revenu annuel.

Le co-contractant demandant la constatation de l'acquisition de la clause résolutoire stipulée dans le contrat doit rapporter la preuve de sa créance.

Le juge des référés peut constater la résiliation de plein droit du contrat au titre d’une clause contenue à l’acte à cet effet, à condition que :
- le défaut de paiement de la somme réclamée dans le commandement de payer visant la clause résolutoire soit manifestement fautif,
- le co-contractant s’en prévalant soit, de toute évidence, en situation d'invoquer de bonne foi la mise en jeu de cette clause,
- la clause résolutoire soit dénuée d'ambiguïté et ne nécessite pas interprétation.

Le commandement délivré le 3 octobre 2023, vise la clause résolutoire précitée, laquelle est reproduite en page 2, et indique l’intention de la partie demanderesse de s’en prévaloir à défaut de paiement dans le délai d'un mois. Il détaille le montant de la créance, à savoir la somme de 8.485,04 euros, arrêtée au 26 septembre 2023, correspondant aux rentes des mois de juin à septembre 2023 inclus (20683,80 euros par mois) outre les régularisations pour les mois d’avril et mai 2023 (229,84 euros pour deux mois).

Il n’existe aucune contestation sérieuse sur la régularité du commandement au sein duquel figure le détail complet des loyers et charges dus et le décompte des versements effectués.

Le commandement contenait toutes les précisions permettant au locataire de connaître la nature, les causes et le montant des sommes réclamées, de procéder au règlement des sommes dues ou de motiver la critique du décompte.

Il n’entre pas dans les pouvoirs du juge des référés de prononcer la nullité d’un commandement de payer. Il n’y a donc pas lieu à référé sur ce chef de demande reconventionnelle.

En faisant délivrer ce commandement, Mme [X] [M] n’a fait qu’exercer ses droits légitimes de credirentier face à un débirentier ne respectant pas les clauses de la vente viagère alors que celles-ci avaient été acceptées en toute connaissance de cause.

La contestation du montant de la rente mensuelle indexée, au vu notamment pour le terme de mars 2024 d’un courrier adressé par l’administrateur de biens de la requérante en date du 16 janvier 2024, ne constitue pas une contestation sérieuse de l’effet du commandement antérieur, dès lors qu’avant les termes impayés visés au commandement, le débirentier avait été avisé par sommation de remettre délivrée le 21 avril 2023, du montant de la rente viagère réindexée annuellement, à la date anniversaire du contrat de vente selon l’indice mensuel du coût de la consommation des ménages urbains hors tabac établi et publié par l’INSEE, dans les conditions de l’article F) page 9 de l’acte de vente, s’élevant à 2.063,80 euros par mois à compter de mars 2023, et d’un premier rappel au titre du solde persistant pour avril 2023, de 114,92 euros (2.063,80 -1948,88 = 114,92 euros).

Les causes de ce commandement n’ont pas été acquittées intégralement dans le mois de sa délivrance, seul un versement de 1948,88 euros étant intervenu avant le 3 novembre 2023 à minuit alors que le terme d’octobre 2023 était échu. Le virement de la somme de 8.964,88 euros n’a été demandé ensuite que le 22 décembre 2023 par le débirentier auprès de son établissement bancaire.

Dès lors, la clause résolutoire est acquise et la vente viagère se trouve résolue de plein droit avec toutes conséquences de droit, dans les conditions précisées au dispositif de l’ordonnance.

- sur la demande reconventionnelle de dommages et intérêts :

En vertu de l’article 32-1 du code de procédure civile, celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages-intérêts qui seraient réclamés.

En l’espèce, dès lors que le contrat liant les parties stipule une clause résolutoire et que la requérante se prévaut de l’effet attaché à la délivrance d’un commandement de payer visant la clause résolutoire prévue au contrat, dans les conditions prévues à cette clause, il n’est pas justifié du caractère abusif de l’instance engagée en référé.

Pour le surplus, il n’appartient pas au juge des référés d’allouer au principal des dommages et intérêts en appréciant le comportement des parties à l’occasion de l’exécution des termes du contrat liant lesdites parties, alors que l’appréciation des responsabilités engagées au cours de cette exécution relève de l’office du tribunal judiciaire au fond.

Il n’y a donc pas lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts sollicitée à titre reconventionnel.

Les parties seront renvoyées à mieux se pouvoir au fond sur ce chef de demande.

- Sur la demande reconventionnelle de délai de paiement :

La société défenderesse sollicite à titre infiniment subsidiaire, l’octroi d’un délai de 24 mois pour régler les rentes impayées.

En application de l’article 510 du code de procédure civile, “sous réserve des alinéas suivants, le délai de grâce ne peut être accordé que par la décision dont il est destiné à différer l'exécution.
En cas d'urgence, la même faculté appartient au juge des référés.
Après signification d'un commandement ou d'un acte de saisie ou à compter de l'audience prévue par l'article R. 3252-17 du code du travail, selon le cas, le juge de l'exécution a compétence pour accorder un délai de grâce.
L'octroi du délai doit être motivé”.

En l’espèce, il n’est pas sollicité à l’audience, en demande, de paiement d’une provision.
La société défenderesse fait valoir au moyen des justificatifs produits à l’audience, être à jour du paiement à l’audience des rentes viagères également pour le mois de mai 2024. Elle ne justifie donc pas d’une dette en cours.
Le commandement de payer visant la clause résolutoire a déjà produit effet avant l’assignation délivrée et avant la présentation en défense d’une demande de délais de paiement.

Dans ces conditions, à défaut de provision sollicitée en référé concernant le paiement des rentes à ce jour impayées, il n’y a pas lieu à référé sur la demande de délais de paiement à titre reconventionnel.

- Sur les autres demandes :

La société SCI SABLONS 3, défenderesse échouant dans ses prétentions, doit supporter la charge des dépens, incluant les frais de publication au service de la publicité foncière, lesquels seront recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile.

L’article 700 du Code de procédure civile dispose que le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer : 1° A l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens, 2° et, le cas échéant, à l'avocat du bénéficiaire de l'aide juridictionnelle partielle ou totale une somme au titre des honoraires et frais, non compris dans les dépens, que le bénéficiaire de l'aide aurait exposés s'il n'avait pas eu cette aide. Dans ce cas, il est procédé comme il est dit aux alinéas 3 et 4 de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.

Dans tous les cas, le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à ces condamnations. Néanmoins, s'il alloue une somme au titre du 2° du présent article, celle-ci ne peut être inférieure à la part contributive de l'Etat.

Il est rappelé que la juridiction des référés a le pouvoir de prononcer une condamnation en application de ces dispositions.

Aucun élément tiré de l’équité ou de la situation économique de la société SCI SABLONS 3 ne permet d’écarter la demande de Mme [X] [M] formée sur le fondement des dispositions sus-visées. Celle-ci sera cependant évaluée à la somme de 1 000 euros en l’absence d’éléments de calcul plus explicites versés aux débats.

Les parties seront déboutées du surplus des demandes au même titre.

PAR CES MOTIFS

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Renvoyons les parties à mieux se pourvoir au principal, mais dès à présent et par provision :

Disons n’y avoir lieu à référé sur la demande tendant à voir prononcer la nullité du commandement de payer signifié le 3 octobre 2023 ;

Constatons l’acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de vente liant les parties, à la date du 3 novembre 2023 à minuit ;

Constatons la résolution de plein droit du contrat de vente en viager conclu en date du 8 mars 2018, entre :

o la venderesse : Madame [X] [L] [M], retraitée, demeurant à [Adresse 8], née à le 4 décembre 1947, [Localité 4], divorcée en secondes noces de Monsieur [X] [D] [U] [R], suivant jugement rendu par le Tribunal de grande instance de PARIS le 30 janvier 2017, et non remariée ;

o l’acquéreur : la société dénommée SCI SABLONS 3, société civile immobilière au capital de 1000 €, dont le siège est sis à [Adresse 7], identifiée au SIREN sous le numéro de K-bis B 811 880 152 et immatriculée au registre du commerce et des sociétés de PARIS ;

o les références de la vente au registre de publicité foncière :
101061902 N° de répertoire: 347
Volume: 2018P N° 1649
Publié par Tele@ctes le 23/03/2018
Au service de la publicité foncière de [Localité 5]
Droits : 23.136,00 €
Taxe 879 CGI : 398,00 €
TOTAL: 23.534,00 €
Service de la Publicité Foncière[P] [I] ;

Disons n’y avoir pas lieu à référé sur la demande de dommages et intérêts présentée à titre reconventionnel par la société SCI SABLONS 3 ;

Disons n’y avoir pas lieu à référé sur la demande de délai de paiement présentée à titre reconventionnel ;

Condamnons la société SCI SABLONS 3 aux entiers dépens, incluant les frais de publication au service de la publicité foncière, lesquels seront recouvrés dans les conditions prévues à l’article 699 du code de procédure civile ;

Condamnons la société SCI SABLONS 3 à payer à Mme [X] [M] la somme de 1.000 euros par application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Déboutons les parties du surplus de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;

Disons n’y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Rappelons que la présente décision est exécutoire à titre provisoire.

Ainsi fait à PARIS, le 17 juin 2024.

Le Greffier,Le Président,

Pascale GARAVELViolette BATY


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 23/59565
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;23.59565 ?
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