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17/06/2024 | FRANCE | N°23/04288

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 17 juin 2024, 23/04288


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Paul-emile BOUTMY

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Amandine GONIN

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/04288 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ4MM

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le lundi 17 juin 2024


DEMANDERESSE
Madame [T] [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul-emile BOUTMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D524


DÉFENDERESSE
La Société EOS FR

ANCE, SAS, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Amandine GONIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 3C1312


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, j...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Paul-emile BOUTMY

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Amandine GONIN

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/04288 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ4MM

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le lundi 17 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [T] [N], demeurant [Adresse 1]
représentée par Me Paul-emile BOUTMY, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D524

DÉFENDERESSE
La Société EOS FRANCE, SAS, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Amandine GONIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : 3C1312

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Clara SPITZ, Juge, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 08 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 17 juin 2024 par Clara SPITZ prorogé du 21 mai 2024, Juge assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 17 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/04288 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZ4MM

EXPOSE DU LITIGE

Par acte de commissaire de justice en date du 10 mai 2023, Madame [T] [N] a fait assigner la société EOS FRANCE devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire,
le constat que la société EOS FRANCE n'est pas créancière de la succession de Monsieur [Y] [N],le constat que la société EOS FRANCE a fait preuve d'une légèreté blâmable en réclamant le paiement d'une créance dont elle ne justifie pas,sa condamnation à lui payer les sommes suivantes :4 000 euros en indemnisation de son préjudice moral,2 000 euros en indemnisation de son préjudice économique avec intérêt au taux légal à compter du 11 octobre 2022,2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers dépens.
Lors de l'audience du 08 mars 2024 à laquelle l'affaire a été retenue, Madame [T] [N], représentée par son conseil, a maintenu les demandes formées dans l'assignation.

Elle expose que la société EOS FRANCE a commis une faute engageant sa responsabilité sur le fondement de l'article 1240 du code civil, en réclamant à la succession de feu Monsieur [Y] [N] le paiement d'une créance prescrite et dont l'existence n'est pas démontrée.

La société EOS FRANCE, représentée par son conseil, a déposé des conclusions soutenues oralement aux termes desquelles il est demandé de :
déclarer Madame [T] [N] irrecevable en son action,débouter Madame [T] [N] de l'intégralité de ses demandes,la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive,la condamner au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens
Elle fait valoir que l'action de la requérante est irrecevable en ce qu'elle agit en son nom personnel dans le cadre d'une succession et qu'en outre, le juge des contentieux de la protection n'est pas compétent pour constater l’existence d'une créance à une succession. Sur le fond, elle fait valoir que sa créance est certaine, qu'elle n'est pas prescrite et qu'elle lui a bien été cédée, de sorte qu'elle est bien-fondée à en réclamer le paiement.

Le juge des contentieux et de la protection a invité les parties à produire une note en délibéré sur la la question de son incompétence matérielle au profit de la compétence exclusive du tribunal judiciaire s'agissant d'une question relative au domaine des successions.

L'affaire a été mise en délibéré au 21 mai 2024 et prorogée au 17 juin 2024, date à laquelle elle a été mise à disposition des parties au greffe.

Les parties ont adressé leur note en délibéré les 21et 28 mars 2024 et 16 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

À titre liminaire, il sera rappelé que l'ensemble des demandes des parties qui ne tendent pas à ce que soit tranché un point litigieux et qui se trouvent dépourvues de tout effet juridictionnel – telles que par exemple celles visant à voir « dire et juger » ou « constater » ou « donner acte » – ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile. Il ne sera donc pas statué sur celles-ci dans le présent jugement, et elles ne donneront pas davantage lieu à mention dans le dispositif.

Sur la compétence du juge des contentieux de la protection

En application de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire, le tribunal judiciaire a compétence exclusive notamment en matière de succession.

L'article L 213-4-5 de ce code prévoit, quant à lui, que le juge des contentieux de la protection connaît des actions relatives à toute opération de crédit mentionnée au 6° de l'article L. 311-1 du code de la consommation.

En l’espèce, la défenderesse soulève l'incompétence du juge des contentieux de la protection en indiquant qu'il n'est pas juge de la succession et que par conséquent, il ne saurait constater l’existence d'une créance à une succession.

Toutefois, la demande formée dans l'assignation, tendant à constater que la société EOS FRANCE n'est pas créancière de la succession de Monsieur [Y] [N] constitue, en réalité, un moyen au soutien de la demande de condamnation de la société EOS FRANCE à verser à Madame [T] [N] des dommages et intérêts sur le fondement de l'article 1240 du code civil et implique qu'il soit statué sur l'existence de la créance, le cas échéant.

A cet égard, la formulation employée par la demanderesse, qui indique que la créance en question, « si elle n'a jamais existé, est manifestement prescrite » est ainsi sans équivoque.

Il en résulte que pour accueillir ou rejeter la demande de dommages et intérêts formée par Madame [T] [N], il doit être statué sur l'existence de la créance, dont personne ne conteste qu'elle serait fondée sur la souscription d'un crédit à la consommation. Or seul le juge des contentieux de la protection est compétent pour ce faire.

Par conséquent, le juge des contentieux de la protection sera déclaré compétent.

Sur la recevabilité des demandes formées par Madame [T] [N]

L'article 122 du code de procédure civile dispose que constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée.

Les articles 31 et 32 prévoient que l'action est ouverte à tous ceux qui ont un intérêt légitime au succès ou au rejet d'une prétention, sous réserve des cas dans lesquels la loi attribue le droit d'agir aux seules personnes qu'elle qualifie pour élever ou combattre une prétention, ou pour défendre un intérêt déterminé et que toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d'agir est irrecevable.

En l'espèce, Madame [T] [N] indique intervenir à la fois en son nom personnel et pour le compte de l'indivision.

Toutefois, si l'assignation la mentionne en sa qualité de membre de l'indivision, le projet de déclaration de succession versé au débat indique qu'elle ne détient qu'un tiers des droits indivis. Par conséquent, elle ne peut agir au nom de l'indivision, eu égard aux prévisions de l'article 815-5-1 du code de procédure civile.

C'est ainsi que Madame [T] [N] doit être considérée comme agissant seule à l’encontre de la société EOS FRANCE. Or elle agit aux fins de réparation d'un préjudice économique qu'elle expose être celui subi de l'indivision successorale qui est débitrice, à l'égard de l’administration fiscale, d'un intérêt de 0,20% par mois et ne peut bénéficier de l'actif successoral. Ce faisant, elle ne fait pas la démonstration d'un préjudice qui lui est propre.

Par conséquent, la demande tendant à la réparation du préjudice économique sera déclarée irrecevable pour défaut d'intérêt à agir.

Madame [T] [N] indique en revanche subir un préjudice moral à titre personnel. Par conséquent, Madame [T] [N] sera déclarée recevable en sa demande de réparation du préjudice moral.

Sur la demande de réparation du préjudice moral

En vertu de l'article 1240 du code civil, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Madame [T] [N] soutient que la société EOS FRANCE a commis une faute en réclamant le paiement d'une créance dont elle ne rapporte pas la preuve de l'existence, qu'elle n'aurait pas déclarée, qui serait prescrite et alors qu'elle est dénuée de qualité à agir.

En l'espèce, la société EOS FRANCE produit l'offre préalable d'ouverture du crédit acceptée par Monsieur [Y] [N] ainsi que le jugement du tribunal d'instance de Belfort qui l'a condamné le 31 août 1994 au paiement des sommes dues, l'arrêt d'appel confirmatif du 15 octobre 1996 et la preuve de la signification du jugement intervenue le 04 juin 1997.

Elle a déclaré cette créance en adressant un courrier au notaire en charge de la succession le 11 octobre 2022.

Elle démontre qu'elle a qualité à agir puisqu'elle justifie du changement de dénomination de la Banque SOFI-SOVAC en BANQUE SOFI, laquelle a fusionné avec l'organisme CREDIPAR auprès duquel la société FINANCIERE SUFFREN, devenue CREDIREC FINANCE puis EOS FRANCE, a racheté la créance litigieuse.

S'agissant de la prescription invoquée par Madame [T] [N], il convient de rappeler qu'une créance en elle-même ne saurait être prescrite mais qu'en revanche, il ressort de l'article 111-4 du code des procédures civiles d'exécution que « l'exécution des titres exécutoires mentionnés aux 1° à 3° de l'article L. 111-3 ne peut être poursuivie que pendant dix ans, sauf si les actions en recouvrement des créances qui y sont constatées se prescrivent par un délai plus long. Le délai mentionné à l'article 2232 du code civil n'est pas applicable dans le cas prévu au premier alinéa », étant précisé que le délai de prescription biennale invoquée par la demanderesse concerne plus spécifiquement les intérêts légaux.

En l'espèce, l'arrêt confirmant la condamnation prononcée à l'encontre de Monsieur [Y] [N] lui a été signifié le 04 juin 1997 si bien qu'en l'absence, pendant 10 ans, de tout acte suspensif ou interruptif de prescription, ce titre qui n'a reçu aucune exécution est prescrit depuis 2007.

Néanmoins, le principe de la créance, dont l'existence, en l'espèce, a été démontrée, demeure et la société EOS FRANCE ne commet aucune faute en en réclamant le paiement auprès du notaire en charge de la succession du débiteur, hors cadre judiciaire.

Par conséquent, Madame [T] [N] échoue à rapporter la preuve d'une quelconque faute délictuelle de nature à engager sa responsabilité, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande de réparation au titre du préjudice moral qu'elle dit avoir subi.

Sur la demande reconventionnelle formée par société EOS FRANCE

Il ressort de l'article 32-1 du code de procédure civile que celui qui agit en justice de manière dilatoire ou abusive peut-être condamné à une amende civile d'un maximum de 10 000 euros, sans préjudice des dommages et intérêts qui seraient réclamés.

En l'espèce, la société EOS FRANCE ne démontre pas que le droit de Madame [T] [N] d'ester en justice a dégénéré en faute dès lors qu'elle sollicite le paiement d'une créance auprès des héritiers du débiteur plus de quinze années après l'obtention d'un titre exécutoire et en l'absence de tout acte de poursuite à l'encontre du débiteur de son vivant, depuis 1997 et qu'il résulte des éléments versés aux débats qu'elle a tardé à justifier de cette créance et que c'est notamment au regard de l'absence de transmission des documents sollicités par l'indivision, finalement produits, que la procédure a été initialement introduite par Madame [T] [N].

Par conséquent, la société EOS FRANCE échoue à rapporter la preuve de la mauvaise foi de Madame [T] [N] et sera déboutée de sa demande.

Sur les demandes accessoires

Madame [T] [N], partie perdante, sera condamnée aux dépens en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société EOS FRANCE les frais irrépétibles de représentation exposés par elle dans le cadre de la présente instance. Madame [T] [N] sera ainsi condamnée à lui verser la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'exécution provisoire est de droit et sera rappelée.

PAR CES MOTIFS

Le juge des contentieux de la protection, statuant, après débats en audience publique, par jugement prononcé par mise à disposition au greffe le jour du délibéré, contradictoire et en premier ressort,

SE DECLARE compétent pour connaître du litige,

DÉCLARE Madame [T] [N] irrecevable en sa demande tendant à la réparation du préjudice économique subi,

DÉBOUTE Madame [T] [N] de sa demande tendant à la réparation du préjudice moral subi,

DÉBOUTE la société EOS FRANCE de sa demande reconventionnelle au titre de l'article 30-1 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [T] [N] à verser à la société EOS FRANCE la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [T] [N] aux entiers dépens,

DÉBOUTE les parties du surplus de leur demande,

RAPPELLE que le jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire

La greffièreLa juge


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/04288
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 24/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;23.04288 ?
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