La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

17/06/2024 | FRANCE | N°21/11928

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 17 juin 2024, 21/11928


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:


19ème contentieux médical

N° RG 21/11928

N° MINUTE :

Assignations des :
20 et 21 Septembre 2021

CONDAMNE

PLL





JUGEMENT
rendu le 17 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [A] [I]
[Adresse 11]
[Localité 10]

Représentée par Maître Ingrid CAHOUET, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire Palais PN572

DÉFENDEURS

Monsieur [P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 7]

ET
>La SOCIÉTÉ LA MEDICALE
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentés par la SELARL FABRE & ASSOCIEES représentée Maître Diane ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0124

Monsieur [G] [B]
[Adr...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème contentieux médical

N° RG 21/11928

N° MINUTE :

Assignations des :
20 et 21 Septembre 2021

CONDAMNE

PLL

JUGEMENT
rendu le 17 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [A] [I]
[Adresse 11]
[Localité 10]

Représentée par Maître Ingrid CAHOUET, avocat au barreau des HAUTS-DE-SEINE, vestiaire Palais PN572

DÉFENDEURS

Monsieur [P] [N]
[Adresse 1]
[Localité 7]

ET

La SOCIÉTÉ LA MEDICALE
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentés par la SELARL FABRE & ASSOCIEES représentée Maître Diane ROUSSEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0124

Monsieur [G] [B]
[Adresse 5]
[Localité 6]

ET

Décision du 17 Juin 2024
19ème contentieux médical
RG 21/11928

La SOCIÉTÉ AXA FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 15]

Représentés par SELARL BOIZARD-EUSTACHE-GUILLEMOT ASSOCIES représentée par Maître Vincent BOIZARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0456

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE VERSAILLES
[Adresse 14]
[Localité 9]

Non représentée

La Mutuelle GROUPE SMISO MUTUELLES DES CADRES (GSMC)
[Adresse 13]
[Localité 4]

Non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Pascal LE LUONG, Premier Vice-Président
Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Sarah CASSIUS, Vice-Présidente

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 29 Avril 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Pascal LE LUONG, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 17 Juin 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 22 avril 2009, Madame [I] s’adressait aux docteurs [N] et [B], chirurgiens-dentistes, pour la reprise d’implants, la pose de nouveaux implants et d’une prothèse. Le docteur [N] procédait à la mise en place de 7 implants en site 16, 14, 13, 23, 25, 26 et 27 à l’arcade maxillaire. Le même jour, le docteur [B] devait réaliser un bridge transitoire transvissé avec mise en charge immédiate. Madame [I] ressentait des douleurs à la suite de ces interventions. Le 3 mai 2009, elle se rendait au cabinet du Docteur [B] qui procédait le 7 mai suivant à la dépose du bridge. Ayant constaté que les implants n’étaient pas mobiles, la prothèse était reposée. Le même jour, Madame [I] consultait le Docteur [N] qui n’estimait pas utile d’intervenir. Elle consultait ensuite le Docteur [M] qui adressait la patiente vers le Docteur [E] lequel constatait une infection en site 13 et 14.
Madame [I] était ensuite reçue par le docteur [K] qui procédait à la dépose du bridge ainsi que des implants en raison de leur mobilité à l’exception de ceux situés en site 12, 11 et 21. Le 18 mai 2009, ce patricien réalisait une prothèse amovible complète maxillaire.

La Compagnie AXA France désignait le docteur [F] [C] afin qu’une expertise amiable soit organisée. Au terme de son rapport, ce dernier estimait que la prothèse réalisée par le docteur [B] n’était pas conforme aux données acquises de la science.

Estimant que ces interventions étaient défectueuses, par assignations en date des 23 et 30 juin 2011, Madame [I] a sollicité la désignation d’un médecin expert pour procéder à son examen et évaluer les préjudices subis. Par Ordonnance de référé en date du 14 octobre 2011, le président du tribunal de grande instance de Paris désignait le docteur [D]. Les parties étaient convoquées à une expertise qui se déroulait le 6 mars 2012, à l’issue de laquelle l’expert concluait que : « la simultanéité des actes engageait les deux praticiens conjointement et qu’il n’était pas possible de dissocier les responsabilités par rapport à l’échec du traitement ». Aux termes des conclusions expertales, les préjudices de Madame [I] étaient évalués comme suit :

Souffrances endurées : 1.5/7
Dépenses de santé :
- 1.600 € au titre de la prothèse posée par le docteur [B]
- 1.500 € et 1 400 € ; soit 2 900 € au titre de deux prothèses adjointes totales d’attente posées par le Docteur [J]
- 350 € au titre de la dépose des implants
- 4.000 € au titre de greffes osseuses.

Par ordonnance en date du 22 octobre 2021, le président du tribunal judiciaire de Paris, statuant en référé, a condamné in solidum les docteurs [N] et [B] et leurs assureurs, la société LA MÉDICALE et la société AXA FRANCE IARD, à verser à Madame [I] la somme de 4.000 € à titre de provision à valoir sur la liquidation de ses préjudices, tous postes de préjudices confondus, et à la somme de 2.000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Madame [I] a saisi, par assignation en date du 20 et 21 septembre 2021, le tribunal de céans afin d’obtenir la liquidation de la totalité de ses préjudices en demandant la condamnation in solidum des docteurs [N] et [B] et de leurs assureurs au versement de la somme de 31 754,18 €, outre 5 000 € au titre des frais irrépétibles et 2.091,18 € au titre des dépens.

Par conclusions signifiées par RPVA le 1er mars 2023, Madame [I] demande au tribunal de déclarer Messieurs [N] et [B] entièrement et solidairement responsables du préjudice subi par Madame [I] à la suite des actes réalisés par eux le 22 avril 2009, d’évaluer ses préjudices comme suit :

Dépenses de santé actuelles : 4.901,70 €
Dépenses de santé futures : 28.125,28 €
Déficit fonctionnel temporaire : 2.000,00 €
Préjudice d’agrément : 20.000,00 €
Souffrances endurées : 5.000,00 €.

Elle demande également au tribunal de condamner solidairement Messieurs [N] et [B] ainsi que les sociétés SA LA MÉDICALE DE FRANCE et SA AXA FRANCE à lui verser la somme totale de 60.026,98 € en indemnisation de ses préjudices, de déduire de ce montant la somme de 4.000,00 € versée solidairement par Messieurs [N] et [B] ainsi que les sociétés SA LA MÉDICALE DE FRANCE et SA AXA FRANCE à titre de provision en vertu de l’ordonnance de référé en date du 22 octobre 2021, de débouter Monsieur [N] et la société SA LA MÉDICALE DE FRANCE de leur demande relative à la déduction du montant total de 6.370,00 € correspondant aux honoraires prétendument dus par Madame [I], de la somme qui lui sera allouée, de débouter Monsieur [N] et [B] ainsi que les sociétés SA LA MÉDICALE DE FRANCE et SA AXA FRANCE de leurs demandes relatives à la déduction du montant total de 8.563,74 €, correspondant à la prétendue provision d’ores et déjà versée, de la somme qui sera allouée à Madame [I], de condamner solidairement Messieurs [N] et [B] ainsi que les sociétés SA LA MÉDICALE DE FRANCE et SA AXA FRANCE en chaque hypothèse au paiement de la somme de 2.000,00 € au titre des frais de consignation ainsi qu’à celle de 5.000 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens, sous le bénéfice de l’exécution provisoire.

Par conclusions signifiées par RPVA le 12 septembre 2022, le docteur [N] et la société LA MÉDICALE demandent au tribunal de les recevoir en leurs écritures et les y déclarer bien-fondés, d’enjoindre à Madame [A] [I] de produire les créances de la caisse d’assurance maladie et de sa mutuelle, de la débouter de ses demandes au titre des dépenses de santé actuelles (DSA), des dépenses de santé futures (DSF), du déficit fonctionnel temporaire (DFT) et du préjudice d’agrément, de fixer à 1.500 € la somme allouée à Madame [A] [I] au titre des souffrances endurées, de limiter à 50 % de la somme allouée au titre des souffrances endurées la part mise à la charge du Docteur [N] et de LA MÉDICALE, de fixer à 2.000 € la somme allouée au titre des frais de consignation d’expertise, de limiter à 50 % de la somme allouée au titre des frais de consignation la part mise à la charge du Docteur [N] et de LA MÉDICALE, de fixer à 2.000 € la somme allouée sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile, de limiter à 50 % de la somme allouée en application de l’article 700 du code de procédure civile la part mise à la charge du Docteur [N] et de LA MÉDICALE, de limiter la part des dépens mis à la charge du Docteur [N] et de LA MÉDICALE à 50 %, de déduire des sommes allouées la provision d’un montant de 4.281,87€ déjà versée par le Docteur [N] et son assureur, et à titre reconventionnel, de condamner Madame [I] à rembourser au Docteur [N] et à la MÉDICALE toute somme allouée au-delà d’un montant total de 10.651,87 € correspondant aux sommes à devoir par Madame [I] (6.370 €) et celles déjà versées par le Docteur [N] et son assureur (10.651,87 €) et de limiter le montant de l’exécution provisoire aux sommes proposées compte tenu du risque de non-restitution.

Par conclusions signifiées par RPVA le 23 décembre 2022, le docteur [B] et la compagnie AXA demandent au tribunal de dire que la responsabilité du Docteur [B] est limitée à 50 % du dommage, d’indemniser le préjudice de Madame [I] comme suit, avant partage de responsabilité :
- Dépenses de santé futures :
A titre principal, REJET, à titre subsidiaire, limiter à hauteur de 4.000,00 €, à titre infiniment subsidiaire, limiter à hauteur de 10 630,28€
- Souffrances endurées : 2 000 €
- Compte tenu des sommes déjà versées par la société AXA France IARD, condamner Madame [I] à lui verser la somme de 2 000€ indûment perçue ;
- Subsidiairement, condamner Madame [I] à rembourser à la société AXA France IARD toutes sommes reçues en règlement provisionnel dans ce sinistre qui excéderaient le montant du préjudice;
- Limiter la somme allouée au titre de l’article 7 00 du Code de procédure civile à une somme de 2 000 € dont seuls 50 % pourraient être mis à la charge du Docteur [B] et de son assureur ;
- Limiter à 50 % la part des dépens, notamment des frais d’expertise, mise à la charge du Docteur [B] et de son assureur ;
- Débouter Madame [I] du surplus de ses demandes en tant qu’elles sont dirigées à l’encontre du Docteur [B] et de son assureur.

La CPAM des Yvelines (Versailles) et la Mutuelle GROUPE SMISO MUTUELLES DES CADRES (GSMC), bien que régulièrement assignées, n’ont pas constitué avocat, la décision sera donc réputée contradictoire.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L’ordonnance de clôture était rendue le 9 octobre 2023 et l’audience de plaidoiries se tenait le 29 avril 2024. La décision était mise en délibéré au 18 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / SUR LA QUESTION RELATIVE A LA DOUBLE INDEMNISATION

Il convient de rappeler qu’aux termes de l’article 1353 du Code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Le Docteur [N] affirme que Madame [I] n’a jamais réglé ses honoraires, dont le montant s’élèverait à la somme de 6.370,00 €. Il demande que cette somme soit déduite de l’indemnisation de Madame [I] au titre de ses dépenses de santé futures.

Madame [I] prétend qu’aucun devis pour lequel elle aurait donné son accord n’est versé aux débats, permettant de prendre connaissance du détail de la somme sollicitée et des interventions effectuées dont le Docteur [N] demande le paiement.

Il ressort des pièces versées aux débats qu’un devis daté du 15 novembre 2007 a été établi par le docteur [P] [N] au nom de Madame [A] [I], d’un montant de 6.370 € concernant “ la pose de 7 implants en place de 13-14-16-23-24-26 & 27 (3 implants de gros diamètre) ”et que par courrier du 27 mai 2009, ce praticien a rappelé à cette patiente qu’il était toujours dans l’attente du règlement des honoraires de chirurgie pour ledit montant. Il résulte également des pièces du dossier et des débats que cette dernière a accepté que cette prestation de soins, fût-elle contestable totalement ou partiellement dans sa réalisation, soit effectuée par le docteur [N], objet du présent litige. Dans ces conditions, ladite somme sera déduite des indemnités qui seront allouées à la demanderesse au titre des dépenses de santé futures.

II/ SUR LA RÉPARATION DES PRÉJUDICES

Sur la responsabilités des praticiens

Il résulte de l’expertise que la mise en charge immédiate d’un bridge complet sur implants est la résultante d’un travail commun aux deux praticiens mis en cause. L’expert observe cependant que la mise en charge immédiate prothétique est “tout à fait” contemporaine de la pose des implants et que la prise en charge des suites opératoires et de la conformité prothétique est conjointe et doit être partagée par les deux praticiens. Il conclut qu’il n’est pas possible de dissocier les responsabilités par rapport à l’échec en ajoutant que “la simultanéité des actes et leurs concepts engagent les deux praticiens conjointement dans les suites chirurgicales et prothétiques”. Dans ces conditions, les deux praticiens et leurs assureurs respectifs supporteront à parts égales l’indemnisation des préjudices de Madame [I].

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [A] [I], née le [Date naissance 12] 1953, âgée de 56 ans lors de la consolidation le 18 mai 2009 et exerçant la profession de dirigeant de société, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en vertu de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.

Il sera utilisé, le cas échéant, le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 31 octobre 2022, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles.
I/ Préjudices patrimoniaux

A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.

Les frais médicaux exposés par La CPAM des Yvelines s’élèvent à 48,30 € et figurent dans une attestation datée du 06/01/2022, qui, fût-elle provisoire, doit être considérée comme définitive, aux termes de la lettre datée le même jour, adressée au président du tribunal judiciaire de Paris pour l’audience de la 19ème chambre civile du 17 janvier 2022, dans la mesure où la consolidation de la patiente a eu lieu le 18 mai 2009, soit 13 ans avant l’audience. Par ailleurs, il n’est pas démontré que Madame [I] bénéficiait d’une mutuelle à l’époque des faits.

Madame [I] sollicite une indemnité de 4.901,70 € (4.950,00 € - 48,30 €).Toutefois, les frais retenus par l’expert s’élèvent à :
∙ 1.600 € au titre de la prothèse posée par le docteur [B]
∙ 1.500 € et 1 400 € ; soit 2 900 € au titre de deux prothèses adjointes totales d’attente posées par le Docteur [J]
∙ 350 € au titre de la dépose des implants.

Il y a lieu, dans ces conditions et au vu des documents produits de fixer l’indemnité due à ce titre à la somme de 4.801,70 €.

B/ Préjudices patrimoniaux permanents

1) Dépenses de santé futures

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation exposés tant par les organismes sociaux que par la victime après la consolidation.

L’expert indique qu’on peut envisager d’améliorer l’état de Madame [I] en remplaçant la prothèse adjointe supérieure par une prothèse fixe sur des implants endo-osseux et précise que la pose des implants nécessitera la réalisation de greffes osseuses (provoquées par les pertes osseuse) évaluées à 4.000 €; L’expert estime qu’il faudra réaliser d’éventuels nouveaux implants avec de grandes précautions et de grandes sécurités.

Madame [I] sollicite l’allocation d’une indemnité totale de 28.125,28 € se décomposant comme suit :

Devis du Docteur [M]
- La réalisation d’implants : 12.500 €
- Frais de prothèse à régler au laboratoire CERAM 3D :12.500,00 €
TOTAL : 14.900,00 €, dont 645 € pris en charge par la CPAM, soit une somme de 14.255 €.

Devis du Docteur [H]
- Pose d’implants :13.150,00 €
- Comblement de sinus gauche : 1.200 €
- Le comblement de sinus droit : 1.200 €
Total de 15.550 €
La Mutuelle prendra en charge 1.679,72 €.

Reste à charge : 13.870,28 €.

Le docteur [N] considère qu’en l’état, ni le montant des dépenses de santé futures ni la créance officielle des tiers payeurs ne pouvant être établis, les demandes de Madame [I] à ce titre ne pourront qu’être rejetées.

Le docteur [B] considère que cette demande d’indemnisation ne correspond pas, une nouvelle fois, aux conclusions de l’Expert lequel concluait à des dépenses de santé futures à la somme totale de 4.000 € au titre d’une greffe osseuse et qu’en l’absence de toute créance des organismes sociaux, la part devant effectivement rester à la charge de Madame [I] est à ce jour inconnue.

S’agissant du devis du docteur [M], il apparaît que la somme raisonnable se situe autour de 8.500 €.

S’agissant du devis du docteur [H], le montant raisonnable se situe autour de 10.630,28 €.

Dans ces conditions, les dépenses de santé futures peuvent être évaluées, hors prise en charge par les organismes sociaux, à un montant de 23.130,28 € (4.000 + 8.500 + 10.630,28 €) duquel il convient de retrancher 48,30 € et 1.679,72 €, représentant ainsi, une indemnité totale de 21.402,26 €, soit :

Pour le docteur [N] : 4.331,13 € (21.402,26/2 € - 6.370 €)
Pour le docteur [B] : 10.701,13 €.

II / Préjudices extra-patrimoniaux

A/ Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

Madame [I] sollicite une indemnité de 2.000 € à ce titre, expliquant qu’elle ne parvenait plus à dormir durant sa maladie traumatique et que les vives douleurs ressenties dans l’ensemble de sa mâchoire supérieure l’empêchaient de s’alimenter convenablement, et notamment de mastiquer durant toute la période pré-consolidation, à savoir jusqu’au 18 mai 2009, soit durant 27 jours.

L’expert n’a retenu aucune période de déficit fonctionnel temporaire.

Il convient par ailleurs d’observer que les douleurs ressenties sont indemnisées au titre des souffrances endurées.

Dans ces conditions, cette demande sera rejetée.

2) Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, la dignité et l’intimité et des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Celles-ci ont été évaluées à 1,5/7 par l’expert.

En l’espèce, Madame [A] [I] sollicite la somme de 5.000€. Ce poste sera donc réparé par une somme fixée à 2.000 €.

B/ Préjudices extra-patrimoniaux permanents

Préjudice d’agrément

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. L’appréciation s’en fait in concreto, au vu des justificatifs produits, de l’âge et du niveau sportif de la victime.

En l’espèce, Madame [A] [I] explique qu’elle souffre encore bel et bien d’un préjudice d’agrément temporaire, dans l’attente de la pose de nouveaux implants. Elle dit : “Le port d’un dentier l’empêche évidemment de jouir de l’ensemble de ses facultés et de pratiquer normalement certains loisirs fondamentaux au quotidien tels que la dégustation de certains plats ou boissons, que ce soit au restaurant, chez des tiers ou chez elle, mais également de fumer ou tout simplement de parler ou de rire, en raison de la gêne provoquée par son dentier, du risque de perte de celui-ci mais aussi des contre-indications inhérentes à son port (s’abstenir de manger certains aliments trop durs, trop collants, susceptibles de se coincer sous le dentier, demandant une traction vers l’avant…)”.

Elle sollicite la somme de 20.000 € à laquelle s’opposent les défendeurs.

Ce préjudice n’est pas retenu par l’expertise.

Par conséquent, Madame [A] [I] sera déboutée de sa demande.

III/ SUR LES AUTRES DEMANDES

* Frais de consignation

Ces frais sont inclus dans les dépens.

* Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner in solidum les docteur [P] [N] [G] [B] et leurs assureurs respectifs, parties perdantes du procès, à payer à Madame [A] [I] une somme de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.

Par ailleurs, les dépens seront mis à la charge des parties perdantes.

* Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DÉCLARE les docteurs [P] [N] et [G] [B] responsables des conséquences dommageables des interventions chirurgicales réalisées le 22 avril et 7 mai 2009 sur Madame [A] [I];

CONDAMNE in solidum les docteurs [P] [N] et [G] [B] et leurs assureurs, LA MÉDICALE DE FRANCE et AXA IARD, à payer à Madame [A] [I], les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, pour les postes énoncés ci-après :
- dépenses de santé actuelles 4.801,70 €
- dépenses de santé futures :
pour le docteur [N] :4.331,13 €
pour le docteur [B] : 10.701,13 €
- souffrances endurées : 2.000 € ;

CONDAMNE in solidum les docteurs [P] [N] et [G] [B] et leurs assureurs, LA MÉDICALE DE FRANCE et AXA IARD, à payer à Madame [A] [I], la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

Lesdites sommes ci-dessus mentionnées, augmentées des intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

CONDAMNE in solidum les docteurs [P] [N] et [G] [B] et leurs assureurs, LA MÉDICALE DE FRANCE aux dépens incluant les frais de consignation ;

REJETTE les demandes de Mme [I] au titre du déficit fonctionnel temporaire et au titre du préjudice d’agrément ;

DECLARE le présent jugement commun à la CPAM de VERSAILLES et à la mutuelle GROUPE SMISO MUTUELLE DES CADRES (GSMC) ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit ;

REJETTE le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 17 Juin 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTPascal LE LUONG


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 21/11928
Date de la décision : 17/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 26/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-17;21.11928 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award