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13/06/2024 | FRANCE | N°23/05497

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp acr fond, 13 juin 2024, 23/05497


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me David DAHAN


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Caroline DARCHIS

Pôle civil de proximité


PCP JCP ACR fond

N° RG 23/05497 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2HRV

N° MINUTE :
2






JUGEMENT
rendu le 13 juin 2024


DEMANDERESSE
Madame [Y] [D] veuve [L],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Caroline DARCHIS de la SARL MANEO AVOCAT, avocats au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : #

PC192

DÉFENDERESSE
Madame [T] [R],
demeurant [Adresse 2]
comparante en personne assistée de Me David DAHAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0263 (bénéficiant ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Me David DAHAN

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître Caroline DARCHIS

Pôle civil de proximité

PCP JCP ACR fond

N° RG 23/05497 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2HRV

N° MINUTE :
2

JUGEMENT
rendu le 13 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [Y] [D] veuve [L],
demeurant [Adresse 1]
représentée par Maître Caroline DARCHIS de la SARL MANEO AVOCAT, avocats au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : #PC192

DÉFENDERESSE
Madame [T] [R],
demeurant [Adresse 2]
comparante en personne assistée de Me David DAHAN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #B0263 (bénéficiant d’une décision d’aide juridictionelle totale n°C750562023507961)

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Patricia PIOLET, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 26 avril 2024

JUGEMENT
contradictoire et en premier ressort prononcé par mise à disposition le 13 juin 2024 par Patricia PIOLET, juge des contentieux de la protection assistée de Lisa BOUCHEMMA, Greffier

Décision du 13 juin 2024
PCP JCP ACR fond - N° RG 23/05497 - N° Portalis 352J-W-B7H-C2HRV

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé du 23 juin 2021, Madame [L] épouse [D] a donné en location à Madame [R], un local à usage d'habitation situé au [Adresse 2], pour un loyer de 855 euros par mois.

Madame [R] n'ayant pas réglé l'intégralité des loyers, Madame [L] épouse [D] lui a fait délivrer un commandement de payer le 08 juillet 2022, faisant état d'un impayé locatif à hauteur de 6685 euros, mais celui-ci s'est révélé infructueux.

Par acte de commissaire de justice du 06 juin 2023, Madame [L] épouse [D] a fait assigner Madame [R] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- être jugée recevable et bien-fondée en ses demandes,
- constater que le commandement de payer signifié le 8 juillet 2022 à la locataire est infructueux au delà des deux mois impartis pour régulariser la situation en s'acquittant de ses arriérés locatifs,
- constater l'acquisition de la clause résolutoire en date du 8 septembre 2022,
- juger que la locataire est occupante sans droit ni titre depuis le 8 septembre 2022,
- ordonner l'expulsion de la locataire ainsi que celle de tous occupants de son chef avec au besoin le concours de la force publique et l'assistance d'un serrurier à défaut de libération volontaire des lieux, le tout sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé un délai de 2 mois suivant la délivrance d'un commandement de quitter les lieux,
- condamner la locataire à lui payer la somme provisionnelle de 16696,20 euros au titre des arriérés de loyers et de charges arrêtés au 28 avril 2023, échéance du mois de mai incluse, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer,
- condamner la locataire à lui payer la somme provisionnelle de 876,20 euros à titre d'indemnité mensuelle d'occupation à compter du 8 septembre 2022 et jusqu'à sa libération des lieux,
- juger que la provision sur charges d'occupation fera l'objet d'une régularisation annuelle sur décompte de charges,
- ordonner la capitalisation des intérêts,
- condamner Madame [R] à lui payer la somme provisionnelle de 3000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice subi avec capitalisation des intérêts,
- condamner Madame [R] à lui payer la somme de 3000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamner Madame [R] aux entiers dépens de la procédure en ce compris le coût du commandement de payer.

Une copie de l'assignation a été notifiée à la préfecture de [Localité 3] par la voie électronique le 07 juin 2023.

La dénonciation du commandement de payer à la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) est intervenue le 11 juillet 2022.

L'affaire a été appelée à l'audience du 02 novembre 2023 et renvoyée à plusieurs reprises.

A l'audience du 26 avril 2024, Madame [L] épouse [D] était représentée par un conseil lequel a sollicité le bénéfice de ses dernières écritures, actualisant le montant de la dette locative à la somme de 28119,12 euros au 03 avril 2024, outre 1006,82 euros au titre des indemnités mensuelles d'occupation, sollicitant à titre subsidiaire la résiliation judiciaire du bail outre le rejet de l'intégralité des demandes formulées à titre reconventionnel par Madame [R].

A l'appui de sa demande de rejet des demandes reconventionnelles formulées par Madame [R], Madame [L] épouse [D] fait valoir que l'exception d'inexécution invoquée par cette dernière, tirée du caractère indécent du logement et notamment de la présence de punaises de lit au sein de l'appartement loué n'est pas fondée, dès lors que l'état des lieux d'entrée établi le 1er juillet 2021 n'en fait pas état ; que Madame [R] n'a jamais alerté quant à cette difficulté avant le 25 septembre 2023, et ne justifie pas de la présence de punaises de lit depuis le mois de décembre 2021, et qu'à la suite de cette mise en demeure, Madame [R] a fait preuve de négligence et de mauvaise foi dans le cadre du protocole de désinfection. En outre, Madame [L] épouse [D] soutient que le commandement de payer en date du 8 juillet 2022 est valable, en ce qu'il a été délivré de bonne foi. Elle s'oppose enfin à l'octroi de délais de paiement.

En défense, Madame [R], représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de ses écritures, sollicitant le rejet de l'ensemble des demandes formulées par Madame [L] épouse [D], l'annulation du commandement de payer signifié le 8 juillet 2022, la diminution du loyer à hauteur de 100% à compter du 15 novembre 2021, des délais de paiement sur 24 mois, outre la condamnation de Madame [L] épouse [D] aux dépens de l'instance et à lui payer la somme de 1000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions, Madame [R] fait valoir que le commandement de payer lui a été délivré de mauvaise foi par Madame [L] épouse [D] en raison de l'indécence du logement dont cette dernière avait connaissance et du refus du gestionnaire de se voir restituer les clés. S'agissant de l'état de l'appartement, Madame [R] évoque des problèmes de ventilation ayant causé des moisissures dont elle dit avoir informé le gestionnaire du logement par téléphone dès le mois d'octobre 2021, puis par courrier le 15 novembre 2021. Elle indique en outre avoir constaté la présence de punaises de lits au début du mois de mars 2022, et avoir requis du gestionnaire du logement une intervention urgente, par courrier du 10 mars 2022, avant de réitérer sa demande par lettre recommandée du 22 septembre 2023. Madame [R] invoque l'exception d'inexécution, qui justifie selon elle une diminution du loyer à hauteur de 100% à compter du 15 novembre 2021. Elle précise par ailleurs qu'elle ne réside plus dans l'appartement depuis le mois de mars 2022, mais qu'aucun congé n'a été délivré au bailleur. Madame [R] sollicite enfin, sur le fondement de l'article 1244-1 du code civil, des délais paiement sur 24 mois.

Pour un plus ample exposé des moyens et prétentions des parties, il sera renvoyé aux écritures des parties déposées à l'audience et reprises oralement.

A l'issue des débats, l'affaire a été mise en délibéré au 13 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

- Sur la recevabilité de la demande portant sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'article 24 III de la loi du 6 juillet 1989 prévoit qu'à peine d'irrecevabilité de la demande, l'assignation aux fins de constat de la résiliation, fondée sur l'existence d'une dette locative du preneur, est notifiée au représentant de l'État dans le département au moins deux mois avant l'audience.

En l'espèce, une copie de l'assignation a été notifiée à la préfecture de [Localité 3] par la voie électronique le 07 juin 2023 soit plus de deux mois avant le premier appel de l'audience le 02 novembre 2023, conformément aux dispositions de l'article 24 III de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Par ailleurs, Madame [L] épouse [D] justifie avoir saisi la Commission de coordination des actions de prévention des expulsions locatives (CCAPEX) par la voie électronique le 11 juillet 2022, soit deux mois au moins avant la délivrance de l'assignation le 06 juin 2023.

Enfin, aucun élément concernant une éventuelle procédure de surendettement n'est versé au dossier.

La demande de Madame [L] épouse [D] visant à voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du bail litigieux est recevable.

- Sur la nullité du commandement de payer et la mauvaise foi :

En application des dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989, le commandement de payer visant la clause résolutoire doit à peine de nullité reproduire les dispositions de l'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 et les trois premiers alinéas de l'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990 visant la mise en œuvre du droit au logement, en mentionnant la faculté pour le locataire de saisir le fonds de solidarité pour le logement dont l'adresse de saisine est précisée. Il en résulte également que le commandement de payer n'est efficace en tant que moyen de faire jouer la clause résolutoire que si les sommes réclamées constituent réellement des loyers ou des charges et qu'elles sont réellement et valablement dues.

Aux termes de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 toutes actions dérivant d'un contrat de bail sont prescrites par trois ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant d'exercer ce droit.

Il résulte des dispositions des articles 6 et 7 de la loi du 6 juillet 1989 que:
- le bailleur est tenu de remettre un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, répondant à un critère de performance énergétique minimal et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation;
- tandis que le locataire est tenu de répondre des dégradations et pertes qui surviennent pendant la durée du contrat dans les locaux dont il a la jouissance exclusive à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu par cas de force majeure, par la faute du bailleur ou par le fait d'un tiers qu'il n'a pas introduit dans le logement et de prendre à sa charge l'entretien courant du logement, des équipements mentionnés au contrat et les menues réparations ainsi que l'ensemble des réparations locatives.

Le commandement de payer doit avoir été délivré de bonne foi.

En application de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l'espèce, Mme [R] invoque la mauvaise foi de la propriétaire dans la délivrance du commandement de payer, indiquant qu'un bailleur ne peut faire délivrer un tel commandement pour non paiement des loyers alors qu'il n'a pas lui-même répondu à son obligation contractuelle de délivrer un logement décent à sa locataire, la signification du commandement de payer dans ce cas ne pouvant être considérée comme étant de bonne foi alors que le logement présentait un problème de ventilation occasionnant des moisissures et qu'il était infesté de punaises de lit, faits dénoncés par courrier dès mars 2022. Elle justifie l'absence de règlement des échéances courantes à compter de janvier 2022 par l'indécence du logement expliquant qu'elle n'y réside plus depuis février 2022, qu'elle a souhaité restituer les clés à la propriétaire à plusieurs reprises et qu'elle n'a délivré aucun congé au bailleur.

Madame [L] épouse [D] indique en réponse que la locataire ne rapporte pas la preuve de l'indécence invoquée estimant avoir mis à disposition de sa locataire un logement en bon état comme en atteste l'état des lieux d'entrée, et ne pas avoir été alertée de la situation avant la délivrance de l'assignation puisque la mise en demeure lui a été adressée le 25 septembre 2023, relevant à cet égard que les désordres constatés sont incompréhensibles au regard de l'état de l'appartement au moment de sa mise en location et s'interrogeant sur l'entretien de celui-ci par sa locataire, aucune présence de punaises de lit n'étant mentionnée par les autres occupants de l'immeuble selon le syndic.

En tout état de cause, il ressort des éléments du dossier que Mme [R] a constitué une dette locative dès janvier 2022, quelques mois seulement après son entrée dans les lieux, invoquant l'indécence du logement mais elle se contente de verser aux débats deux copies de courriers, non signés, qu'elle aurait adressés au gestionnaire en charge de la location du bien, mais dont rien de ne permet d'établir qu'ils ont effectivement été envoyés s'agissant de courrier qui n'ont pas été adressés en recommandé, qu'il n'existe donc aucune preuve de leur envoi, tandis que la bailleresse affirme ne pas en avoir été informée.

Madame [R] produit également une lettre de mise en demeure adressée en recommandé le 25 septembre 2023 au gestionnaire du logement, mais dont le caractère probant doit être apprécié au regard de sa date d'envoi, trois mois après la délivrance de l'assignation par la bailleresse.

La présence de punaises de lit dans le logement a finalement été confirmée en 2024 suite aux passages de la société HYGIENE OFFICE dans le logement en cours de procédure les 15 janvier et 2 février 2024, à la demande de la bailleresse, qui est donc intervenue dès qu'elle a eu connaissance des nuisances occasionnées.

Au total, il ressort de l'état des lieux d'entrée établi contradictoirement le 1er juillet 2021 que l'appartement, ainsi que ses équipements, étaient en bon état lors de la mise en location, ce qui démontre que le logement était décent lorsque Madame [R] en a pris possession. Si la présence de punaises de lit a été confirmée par les opérations de désinfection entreprises par Madame [L] épouse [D] en 2024, le courriel du Syndic de la copropriété adressé au gestionnaire de l'appartement en date du 4 octobre 2023, indique " nous n'avons eu à ce jour aucun signalement relatif à des punaises de lit au sein de la copropriété ", ce dont il résulte que la présence des punaises semble circonscrite à l'appartement occupé par Madame [R]. Par ailleurs, l'obligation faite à la bailleresse de délivrer un logement décent ne pouvait peser sur elle qu'après connaissance de la nécessité d'effectuer une intervention, soit le 25 septembre 2023.

Au total, Madame [R] n'établit aucune faute de la requérante puisque dès qu'elle a été informée de la situation, dont rien ne permet de dire qu'elle lui était imputable, elle a effectué les diligences requises.

La demande d'annulation du commandement de payer pour délivrance de mauvaise foi sera en conséquence rejetée.

- Sur l'acquisition de la clause résolutoire

L'article 24, alinéa 1er, de la loi du n° 89-462 du 6 juillet 1989, dans sa rédaction applicable à la cause, dispose : " Toute clause prévoyant la résiliation de plein droit du contrat de location pour défaut de paiement du loyer ou des charges aux termes convenus ou pour non versement du dépôt de garantie ne produit effet que deux mois après un commandement de payer demeuré infructueux ".

Le contrat signé par les parties prévoit une clause résolutoire de plein droit à défaut de paiement du loyer et de ses accessoires deux mois après la délivrance d'un commandement de payer resté infructueux.

Il résulte des pièces produites et des débats que Madame [R], locataire du logement situé [Adresse 2] suivant bail sous seing privé du 23 juin 2021, était redevable d'un arriéré de loyers et de charges de 6685 euros, échéance de juin 2022 incluse.

Le commandement de payer qui a été signifié à Madame [R] le 08 juillet 2022 a rappelé les termes de la clause résolutoire insérée au bail ainsi que les dispositions de l'article 24 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 et celles de l'article 6 de la loi n° 90-449 du 31 mai 1990.

Il apparaît qu'à la suite de ce commandement de payer, Madame [R] n'a ni réglé l'intégralité de la dette dans le délai légal de deux mois ni sollicité une suspension des effets de la clause résolutoire dans les formes prévues par la loi.

Il convient donc de constater que les effets de la clause résolutoire insérée au bail sont acquis.

- Sur l'exception d'inexécution :

Aux termes de l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

Il résulte des principes généraux du droit des contrats que, dans les contrats synallagmatiques, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si son cocontractant n'exécute pas la sienne et que cette inexécution est suffisamment grave. Ce principe est rappelé à l'article 1219 du code civil.

En application de l'article 1315 du code civil, il appartient alors à celui qui invoque l'exception d'inexécution en alléguant que son cocontractant n'a rempli que partiellement son obligation d'établir à la fois cette inexécution et sa suffisante gravité.

Par ailleurs, en application de l'article 1719 du code civil, le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. 2° D'entretenir cette chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée ; 3° D'en faire jouir paisiblement le preneur pendant la durée du bail.

Aux termes de l'article 6 alinéa 1er de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur est également tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation.

En l'espèce, Mme [R] justifie le non-paiement des loyers et charges par les manquements qu'elle impute à son bailleur quant à son obligation de lui délivrer un logement décent . Il lui appartient de rapporter la preuve du bien fondé de l'exception d'inexécution qu'elle allègue, conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil.

À cet égard, le paiement des loyers et charges aux termes convenus constituant une obligation essentielle du locataire en application de l'article 7 a) de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989, il en résulte de manière constante que le locataire n'est pas en droit de suspendre le paiement du loyer même si le bailleur n'exécute pas ses obligations, à moins qu'il se trouve dans l'impossibilité totale d'utiliser les lieux loués comme le prévoit le contrat de bail, c'est-à-dire à moins que le logement soit inhabitable.

Or, il a d'ores et déjà été constaté que Mme [R] procède principalement par affirmations en la matière et ne justifie nullement avoir été dans l'impossibilité totale d'utiliser les lieux loués, produisant aucun constat de commissaire de justice, aucune photo, aucun courrier à l'inspecteur de salubrité ni aucun rapport de ce dernier concernant l'état de son logement, aucun élément probant au soutien de ses prétentions.

Ainsi elle ne justifie pas que son logement est inhabitable. Elle ne justifie pas plus résider à une autre adresse depuis 2022 et n'a d'ailleurs délivré aucun congé pour quitter les lieux.

Il n'est pas contestable que le bailleur, sur la problématique de punaises de lit, est intervenu dès qu'il en a été informé, en cours de procédure.

Ainsi, l'indécence du logement n'étant pas démontrée, ni l'impossibilité totale pour la locataire d'habiter dans les lieux dans lesquels, par ailleurs, elle s'est maintenue, faute pour elle d'établir le contraire, l'exception d'inexécution sera rejetée.

Au surplus, pour la partie postérieure aux effets du commandement de payer, Madame [R] s'avère particulièrement mal-fondée à soulever l'exception d'inexécution alors qu'elle a la qualité d'occupante sans droit ni titre depuis le 09 septembre 2022, et que même si la bailleresse avait eu connaissance des désordres affectant le logement à compter de cette date, elle n'a plus cette qualité depuis la résiliation du bail, Madame [R] n'ayant plus la qualité de locataire et sa propre faute en se maintenant sans droit dans les lieux contribuant à son propre préjudice.

Par ailleurs, elle s'avère particulièrement mal fondée à prétendre à une diminution du loyer de 100% à compter du 15 novembre 2021, date à laquelle aucune présence de nuisibles n'est établie et son absence de maintien dans les lieux n'étant pas établie. Sa demande à ce titre sera rejetée.

- Sur les sommes dues au titre de l'arriéré de loyers

L'article 7a de la loi du 6 juillet 1989 dispose que le locataire est obligé de payer le loyer et les charges récupérables aux termes convenus.

En l'espèce, Madame [L] épouse [D] indique à l'audience que Madame [R] est redevable d'une somme de 28119,12 euros au titre des loyers et charges impayés au 03 avril 2024.

Madame [R] sera en conséquence condamnée à verser cette somme à Madame [L] épouse [D], avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision.

Par ailleurs, en l'absence d'élément concernant la situation personnelle et financière de la défenderesse, dont la capacité de remboursement est inconnue tandis qu'elle ne règle plus aucune échéance courante depuis octobre 2022, il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande de délais de paiement.

- Sur l'expulsion :

Madame [R] étant occupante sans droit ni titre depuis le 09 septembre 2022, il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef, selon les modalités fixées au dispositif de la présente décision.

Le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre la locataire à quitter les lieux qu'elle prétend ne pas occuper d'ailleurs, il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte.

- Sur l'indemnité d'occupation

L'application de la clause résolutoire ayant pour effet de déchoir les locataires de tout droit d'occupation d'un local donné à bail, le maintien dans les lieux malgré cette déchéance du droit d'occupation constitue une faute civile ouvrant droit à réparation. Il revient au juge de fixer le montant de cette réparation sous la forme d'une indemnité d'occupation, dont le montant dépend de son appréciation souveraine.

En l'espèce, il convient de fixer le montant de l'indemnité d'occupation à la somme prévue dans le bail résilié et de condamner Madame [R] à son paiement à compter de la résiliation du bail et jusqu'à parfaite libération des lieux par remise des clés au bailleur ou à son mandataire.

- Sur la demande de capitalisation des intérêts

Il convient en application des dispositions de l'article 1154 du Code civil, devenu 1343-2, d'ordonner la capitalisation des intérêts.

- Sur la demande de dommages et intérêts

Madame [L] épouse [D] sollicite une somme de 3000 euros au titre du préjudice subi pour avoir été privée de la jouissance de son bien.

La demanderesse ne justifiant pas d'un préjudice particulier autre que celui résultant du retard de paiement des loyers et compensé par les intérêts légaux, elle sera déboutée de sa demande à ce titre.

- Sur les dépens :

L'article 696 du code de procédure civile dispose : " La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie ".

En l'espèce, Madame [R], qui succombe, supportera les dépens de l'instance qui comprendront le coût du commandement de payer, de l'assignation et de la notification au préfet.

- Sur l'article 700 du code de procédure civile :

Il résulte des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile que : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

Il convient en équité de condamner Madame [R] à payer à Madame [L] épouse [D] qui a du engager des frais pour obtenir un titre exécutoire, une somme de 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Sur l'exécution provisoire :

La présente décision est exécutoire à titre provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le Juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, statuant par jugement contradictoire et en premier ressort,

Déboute Madame [R] de sa demande en nullité du commandement de payer ;

Constate l'acquisition de plein droit à compter du 09 septembre 2022 de la clause résolutoire du bail conclu entre Madame [D] veuve [L] et Madame [R] portant sur le logement sis au [Adresse 2] ;

Ordonne en conséquence à Madame [R], devenue occupante sans droit ni titre, ainsi qu'à tout occupant de son chef, de libérer les lieux et de restituer les clés dans le délai de quinze jours à compter de la signification de la présente décision et à défaut, Madame [D] veuve [L] pourra faire procéder à l'expulsion de Madame [R] ainsi qu'à celle de tous occupants de son chef, le cas échéant avec le concours d'un serrurier et de la force publique ;

Rappelle que le sort des meubles sera régi par les dispositions des articles L. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;

Condamne Madame [R] à payer à Madame [D] veuve [L] une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer du logement actualisé, augmenté de la provision sur charges, qui aurait été payé si le bail s'était poursuivi, à compter de la résiliation du bail et jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés au bailleur ou à son mandataire, ou par l'expulsion ;

Rejette l'exception d'inexécution ;

Condamne Madame [R] à payer à Madame [D] veuve [L] la somme de 28119,12 euros au titre des arriérés de loyers et des charges arrêtés au 03 avril 2024, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

Ordonne la capitalisation des intérêts ;

Déboute Madame [D] veuve [L] de sa demande de dommages et intérêts ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires ;

Condamne Madame [R] à payer à Madame [D] veuve [L] la somme de 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [R] au paiement des dépens de l'instance, qui comprendront le coût du commandement de payer, de l'assignation et de la notification au préfet ;

Rappelle que la présente décision est de droit exécutoire à titre provisoire.

Jugement rendu par mise à disposition au greffe du tribunal judiciaire de PARIS le 13 juin 2024.

LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT.


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp acr fond
Numéro d'arrêt : 23/05497
Date de la décision : 13/06/2024
Sens de l'arrêt : Expulsion "ferme" ordonnée au fond (sans suspension des effets de la clause résolutoire)

Origine de la décision
Date de l'import : 19/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-13;23.05497 ?
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