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11/06/2024 | FRANCE | N°23/08214

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 11 juin 2024, 23/08214


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




8ème chambre
1ère section


N° RG 23/08214 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2EEX


N° MINUTE :


Assignation du :
20 Juin 2023






ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [P] [I]
[Adresse 6]
[Localité 1] (ITALIE)

représenté par Maître Antonio DI ROSA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1780



DEFENDEUR

Syndicat des coprop

riétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la S.A.S. MAVILLE IMMOBILIER
[Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Maître Ghizlane BOUKIOUDI de la SELARL CABI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

8ème chambre
1ère section

N° RG 23/08214 -
N° Portalis 352J-W-B7H-C2EEX

N° MINUTE :

Assignation du :
20 Juin 2023

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 11 juin 2024

DEMANDEUR

Monsieur [P] [I]
[Adresse 6]
[Localité 1] (ITALIE)

représenté par Maître Antonio DI ROSA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1780

DEFENDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la S.A.S. MAVILLE IMMOBILIER
[Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Maître Ghizlane BOUKIOUDI de la SELARL CABINET LOCTIN & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0283

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Madame Elyda MEY, Juge

assistée de Madame Justine EDIN, Greffière

DEBATS

A l’audience du 22 avril 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 11 juin 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

M. [P] [I] et Mme [T] [B], mariés sous le régime de la séparation des biens, ont acquis en 2010, chacun à hauteur de 50% en pleine propriété, le lot n°10 constituant un appartement au 3ème étage et une cave représentant 77/1.000èmes des parties communes générales, au sein de la copropriété sise [Adresse 3] à [Localité 5] soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

Reprochant au syndic d’avoir partagé leur vote en lui attribuant arbitrairement 39 millièmes et 38 millièmes à Mme [B], M. [P] [I] a fait assigner, par acte du 20 juin 2023, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 3] à [Localité 5], représenté par son syndic, la société Maville Immobilier aux fins de voir annuler l'assemblée générale du 13 mars 2023 et subsidiairement certaines de ses résolutions et de le voir condamner à lui verser la somme de 5.000 euros de dommages-intérêts au titre de son préjudice moral.

Par conclusions d'incident notifiées par RPVA le 20 décembre 2023, le syndicat des copropriétaires a saisi le juge de la mise en état d'un incident et sollicite, au visa des articles 117, 700 et 789 du code de procédure civile, de l'article 815-3 du code civil et de l'article 42 de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965, de :
" Juger le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet Maville Immobilier, recevable et bien-fondé en ses demandes,
Juger irrecevable l'action initiée par M. [P] [I] à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet Maville Immobilier,
Condamner M. [P] [I] au paiement de la somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 4], représenté par son syndic en exercice, le cabinet Maville Immobilier au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,
Condamner M. [P] [I] aux entiers dépens. ".

Par conclusions en réplique d'incident notifiées par RPVA, le 15 mars 2024, M. [P] [I] demande au juge de la mise en état de:
" Juger que le syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis au [Adresse 3] pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS MAVILLE IMMOBILIER, est mal fondé dans sa demande visant à faire déclarer l'irrecevabilité de l'action de M. [P] [I],
Juger recevables l'action et l'ensemble des demandes formées par M. [P] [I],
Débouter en conséquence, le syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis au [Adresse 3] pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS MAVILLE IMMOBILIER, de sa demande d'irrecevabilité ainsi que de l'ensemble de ses demandes formées dans le cadre du présent incident,
Condamner le syndicat de copropriétaires de l'immeuble sis au [Adresse 3] pris en la personne de son syndic en exercice, la SAS MAVILLE IMMOBILIER, à payer à M. [I] la somme de 2.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile outre les entiers frais et dépens. "

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

L'incident a été plaidé à l'audience du 22 avril 2024 à l'issue de laquelle la décision a été mise en délibéré au 11 juin 2024.


MOTIFS DE LA DECISION

Sur la fin de non-recevoir tirée de l'absence de qualité à agir soulevée par le syndicat des copropriétaires

L'article 122 du code de procédure civile dispose que :
" Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit à agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. "

L'article 789 du code de procédure civile prévoit, pour sa part, que :
" Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour :
(…) 6° statuer sur les fins de non-recevoir "

En vertu de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée.

Il est aussi rappelé qu'en cas d'indivision tous les indivisaires doivent agir de concert ; un indivisaire pouvant toutefois agir seul à la condition de justifier d'un mandat commun de ses coindivisaires.

L'article 23 de la loi du 10 juillet 1965 dispose que :
“ Lorsque plusieurs lots sont attribués à des personnes qui ont constitué une société propriétaire de ces lots, chaque associé participe néanmoins à l'assemblée du syndicat et y dispose d'un nombre de voix égal à la quote-part dans les parties communes correspondant au lot dont il a la jouissance.

En cas d'indivision, les indivisaires sont représentés par un mandataire commun qui est à défaut d'accord désigné par le président du tribunal judiciaire saisi par l'un d'entre eux ou par le syndic (…)”

Au regard de ces dispositions, un indivisaire ne peut agir seul en contestation d'une assemblée générale de copropriété s'il n'a pas la qualité de mandataire commun des indivisaires sauf à démontrer l'existence d'un mandat tacite tel que prévu aux articles 815-3 et 1540 du code civil et applicable au lot de copropriété en indivision.

Par application de l'article 815-3 du code civil, l'indivisaire qui prend en main la gestion des biens indivis, au su des autres et néanmoins sans opposition de leur part, est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration mais non les actes de disposition.

L'article 1540 dispose pour sa part que quand l'un des époux prend en main la gestion des biens de l'autre, au su de celui-ci, et néanmoins sans opposition de sa part, il est censé avoir reçu un mandat tacite, couvrant les actes d'administration et de gérance, mais non les actes de disposition.

***

Pour contester la recevabilité de l'action de M. [P] [I], le syndicat des copropriétaires soulève une fin de non-recevoir tirée de son absence de qualité à agir en l'absence de mandat de représentation. Il fait valoir que :
- M. [I] ne peut agir au nom de l'indivision pour introduire une action en contestation des décisions d'assemblée générale laquelle n'est ouverte qu'aux copropriétaires défaillants. Il ne peut davantage former une demande de dommages et intérêts qui ne relève pas d'une mesure d'administration. En effet, seule l'indivision [I]-[B] a qualité à agir conformément à l'article 23 de la loi du 10 juillet 1965 ;
- M. [P] [I] ne justifie pas avoir obtenu une quelconque autorisation de Mme [T] [B] avec qui il est en instance de divorce et ce alors que dans le cadre de la procédure en recouvrement de charges, les époux ont chacun un avocat différent ;
- il ne peut se prévaloir d'aucun mandat tacite et ce d'autant moins qu'il a indiqué en 2021 s'opposer à un tel mandat ; en effet, aux termes d'un courriel du 4 juillet 2021, M. [I] a lui-même indiqué s’opposer de toute mandat tacite de sorte qu'il ne peut se prévaloir d'un tel mandat;
- la seule absence de Mme [B] aux assemblées générales n'est pas suffisante pour justifier d'une gestion unique et ce, alors que l'ancien syndic a dû créée deux comptes séparés pour appeler les charges auprès de chaque indivisaire ; Mme [B] a procédé aux règlements des charges alors que M. [I] est défaillant depuis deux ans.

Pour sa part, M. [P] [I] conteste la fin de non-recevoir en soutenant être titulaire d'un mandat tacite. Il affirme que :
- avoir toujours pris en main la gestion du bien indivis sans opposition de la part de Mme [B] comme en attestent les procès-verbaux d'assemblée générale des années précédentes au cours desquelles il a voté seul au nom de l'indivision pour 77 millièmes alors que lors de celle du 13 mars 2023, le syndic a arbitrairement décidé de partager le vote de l'indivision entre lui et Mme [B], justifiant son action en contestation ;

- si par email du 4 juillet 2021, il a contesté l'existence d'un mandat tacite, ces propos ont été immédiatement abandonnés puisque lors de l'assemblée générale du 5 juillet 2021, il avait voté seul pour l'indivision avec 77 millièmes. Lors de l'assemblée générale du 11 juillet 2022, le syndic lui avait attribué 39 millièmes et 38 à Mme [B]. Au cours de celle-ci, M. [I] a pu voter pour le compte de Mme [B] en qualité de mandataire commun. Au cours de l'assemblée de 2023, il a de nouveau voté pour le compte de l'indivision sans opposition de Mme [B] ;
- l'indivisaire titulaire d'un mandat tacite a qualité pour participer à l'assemblée générale au nom de l'indivision mais également pour agir en nullité de celle-ci ;
- au jour de l'assignation, le divorce n'avait pas encore été prononcé en Italie de sorte qu'il pouvait toujours agir au nom de l'indivision.

Sur ce,

A titre liminaire, il sera rappelé que M. [P] [I] et Mme [T] [B] qui ont acquis chacun à hauteur de 50% en pleine propriété le lot n°10 de la copropriété du [Adresse 3] à [Localité 5] sont aujourd'hui en instance de divorce.

Bien qu'il ne soit pas contesté que M. [I] ait agi comme mandataire tacite au cours des assemblées générales de 2018, 2021, 2022, la simple absence de Mme [B] à l'assemblée générale du 13 mars 2023 ne saurait valoir mandat tacite dès lors que ce dernier par son courriel du 4 juillet 2021, en dépit de ses allégations contraires, a contesté personnellement et sans équivoque tout mandat tacite en écrivant " (…) Dans notre cas on ne peut pas considérer qu'il y a un mandat tacite de représentation de l'un d'entre eux en vertu de l'article 1540 du code civil d'autant plus que j'exprime mon opposition par écrit (…) ".

Cette opposition claire ne saurait être réputée abandonnée au motif que dans le procès-verbal d'assemblée générale du 5 juillet 2021, il aurait voté seul à hauteur de 77 millièmes alors même que le syndic en exercice a créé à compter de l'assemblée générale du 11 juillet 2022 deux comptes séparés pour appeler les charges de copropriété de l'indivision étant précisé que cette assemblée générale n'a jamais été contestée par l'indivision [I] - [B].

Par ailleurs, il n'est pas davantage contesté que les co-indivisaires sont en instance de divorce et que dans le cadre du contentieux en recouvrement de charges de copropriété chacun des coindivisaires a son propre conseil.

En conséquence et au regard de tout ce qui précède, rien ne permet en l'espèce de croire à la bonne entente des coindivisaires et à une concordance d'intérêt, aucun élément ne justifiant que M. [I] aurait agi en vertu d'un mandat tacite de représentation.

M. [I], qui a agi seul, sera déclaré, dépourvu de qualité pour agir et irrecevable en ses demandes d'annulation de l'assemblée générale des copropriétaires du 13 mars 2023 et de certaines de ses résolutions ainsi que de sa demande en dommages-intérêts.

Sur les autres demandes

En application de l'article 790 du code de procédure civile, le juge de la mise en état peut statuer sur les dépens et les demandes formées en application de l'article 700 du même code.

M. [I] qui succombe sera condamné aux dépens de l'incident dont distraction au profit de Maître Ghizlane Boukioudi du cabinet Loctin & Associés dans les conditions de l'article 699 du code précité.

M. [I] sera condamné à verser au syndicat des copropriétaires la somme de 1.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.


PAR CES MOTIFS

Le juge de la mise en état, statuant par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et susceptible de recours,

DECLARONS irrecevables les demandes de M.[P] [I] à l'encontre du syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] pour défaut de qualité à agir ;

CONDAMNONS M. [P] [I] aux dépens de l'incident ;

AUTORISONS Maître Ghizlane Boukioudi du Cabinet Loctin & Associés à recouvrer ceux des dépens dont elle a fait l'avance sans en avoir reçu provision dans les conditions prévues à l'article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNONS M. [P] [I] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 5] représenté par son syndic en exercice la somme de 1.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTONS les parties du surplus de leurs demandes.

Faite et rendue à Paris le 11 juin 2024.

La GreffièreLa Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 23/08214
Date de la décision : 11/06/2024
Sens de l'arrêt : Déclare la demande ou le recours irrecevable

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-11;23.08214 ?
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