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11/06/2024 | FRANCE | N°22/07049

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 11 juin 2024, 22/07049


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :


19ème chambre civile


N° RG 22/07049

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Mai 2022

CONDAMNE

ON











JUGEMENT
rendu le 11 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [S] [W]
[Adresse 8]
[Localité 4]

représenté par Maître Aurélia DELHAYE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0426, et Maître Maryannick BRAUN de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocat au barreau de BORDEAUX

, avocat plaidant



DÉFENDERESSES

S.A. AXA FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1216

CPAM DE [Localit...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

19ème chambre civile


N° RG 22/07049

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Mai 2022

CONDAMNE

ON

JUGEMENT
rendu le 11 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [S] [W]
[Adresse 8]
[Localité 4]

représenté par Maître Aurélia DELHAYE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #G0426, et Maître Maryannick BRAUN de la SELARL MESCAM & BRAUN, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

DÉFENDERESSES

S.A. AXA FRANCE
[Adresse 3]
[Localité 7]

représentée par Maître Jérôme CHARPENTIER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1216

CPAM DE [Localité 9]
[Adresse 1]
[Localité 5]

non représentée

Mutuelle PREVIFRANCE
[Adresse 6]
[Localité 2]

non représenté
Décision du 11 Juin 2024
19ème chambre civile
N° RG 22/07049

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Président de la formation

Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente
Madame Mabé LE CHATELIER, Magistrate à titre temporaire
Assesseurs

Assistés de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DEBATS

A l’audience du 23 Avril 2024 présidée par [L] [E], tenue en audience publique avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 11 Juin 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 21 octobre 1989, Monsieur [S] [W], âgé de 19 ans, était victime d’un accident de la circulation. Ce jour-là, alors qu’il circulait au volant de son scooter, il était percuté par un camion semi-remorque conduit par Monsieur [X], appartenant à la société TRANS-FERT SERVICE et assuré auprès de l’U.A.P.

Par jugement en date du 4 décembre 1992, le Tribunal de Grande instance de PARIS constatait le droit à indemnisation intégrale de Monsieur [W], ce dernier n’ayant commis aucune faute de conduite. Monsieur [X], la SARL TRANS-FRET SERVICE et l’U.A.P étaient condamnés in solidum à verser à Monsieur [W] :
- La somme de 1.314.438,45 Francs à titre de réparation de son préjudice Corporel, en derniers ou quittances, provisions non déduites,
- La somme de 15.950 Francs en réparation de son préjudice matériel, ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,
- La somme de 20.000 Francs en vertu de l’article 700 du NCPC.

A partir de 2018, Monsieur [W] subissait une aggravation de son état de santé liée notamment à l’usage prolongé du fauteuil roulant. En effet, l’usage de son fauteuil roulant provoquait chez lui une lésion des coiffes des rotateurs des deux épaules.
Monsieur [W] sollicitait donc, à l’amiable, la réouverture de son dossier en aggravation, auprès de la compagnie AXA, cette dernière ayant repris le portefeuille d’UAP.
AXA acceptait la mise place d’opérations d’expertise dans un cadre amiable et contradictoire afin de déterminer les postes en aggravation subis par Monsieur [W] et versait 5.000 € de provision.

Monsieur [W] était examiné le 22 septembre 2020 par les Docteurs [K] et [I].
Les conclusions expertales étaient les suivantes :
Date accident : 27 octobre 1989Date consolidation : 18 septembre 1990AIPP initiale : 75 %Aggravation à partir du 1er mars 2018Nouveau DFT total du 29 octobre au 2 novembre 2018, du 5 au 15 mars 2019 et du 12 avril au 14 juin 2019DFT partiel de classe I pour les périodes intermédiaires da la date d’aggravation à celle de consolidationSE : 3,5/7Aggravation DFP : 2% (77 %)Nouveau préjudice esthétique : 0 ,5/7Nouvelles aides techniques : ouiNouvel aménagement du domicile : oui.

Sur la base de ce rapport d’expertise, Monsieur [W] sollicitait l’indemnisation de son préjudice en aggravation. Aucun accord n’intervenait.

C’est ainsi que, après avoir assigné AXA France, la compagnie d’assurances, la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de [Localité 9] et la MUTUELLE PREVIFRANCE, par conclusions récapitulatives signifiées le 23 janvier 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, Monsieur [S] [W] demande au Tribunal de :

- Dire que Monsieur [W] a droit à être intégralement indemnisé des préjudices en aggravation ;
- Condamner en conséquence la compagnie d’assurance du tiers responsable, AXA, à indemniser intégralement son préjudice en aggravation ;
- Liquider le préjudice subi par Monsieur [W] suite à l’aggravation de l’accident de la circulation dont il a été victime le 21 octobre 1989, à la somme de 353.324,22 € ; 26
- Fixer la créance de la CPAM à la somme de 17.081,69 € ;
- Constater que le montant des provisions versées s'élève à la somme totale de 83.000 € ;
- Condamner en conséquence AXA à verser à Monsieur [W], après déduction de la créance de la CPAM poste par poste et des provisions déjà versées, la somme de 253.242,53 € à titre de réparation de son préjudice ;
- Ordonner le doublement des intérêts sur l’indemnité allouée à compter du 22 février 2021 jusqu’à la décision à intervenir.
- Condamner la même à verser à Monsieur [W] une somme de 5.000 € sur le fondement de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens.

Aux termes de leurs dernières écritures signifiées le 1er février 2024, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la Société AXA France demande au Tribunal de :

Déclarer les offres de la société AXA France IARD, satisfactoires et en conséquence,
Fixer les préjudices de Monsieur [W], en deniers ou quittances, avant déduction des provisions versées (5 000,00 €) comme suit :
o PRÉJUDICES PATRIMONIAUX
- Dépenses de santé restées à charge : 79,50 €
- Frais divers : 3.393,04 €
- Frais de logement adapté : 34 109,37 €
- Dépenses de santé futures : 42.026,04 €
- Frais de véhicule adapté : 33 009,07 €
o PRÉJUDICES EXTRA- PATRIMONIAUX
- Déficit fonctionnel temporaire : 2.672,50 €
- Souffrances endurées : 8.000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 150 €
- Déficit fonctionnel permanent : 7.462 €
- Préjudice esthétique permanent : 800 €
Dire que les présentes conclusions valent offre d’indemnisation conformément à l’article L211-9 du Code des assurances et à la jurisprudence en vigueur ;
En conséquence,
Dire que le montant l’offre portera intérêts au double du taux de l’intérêt légal à compter du 23 mars 2021 et jusqu’à la date de signification des premières conclusions soit le 13 janvier 2023 ;
Réduire à de plus justes proportions la demande de Monsieur [W] au titre de l’article 700 du Code de procédure civile.

La clôture de la procédure a été prononcée le 6 février 2024, l’affaire a été évoquée à l’audience du 23 avril 2024 et mise en délibéré au 11 juin 2024.

La CPAM de [Localité 9] et la MUTUELLE PREVIFRANCE, régulièrement assignées, n'ayant pas constitué avocat, le présent jugement susceptible d'appel, sera réputé contradictoire à l'égard de toutes les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

L’application de la loi du 5 juillet 1985 a permis la liquidation du préjudice de Monsieur [W] à la suite de l’accident de la circulation subi en 1989. Les parties s’accordent pour venir en réparation de l’aggravation supportée par le demandeur depuis le 14 mars 2018, aggravation qui consiste en une dégradation des tendons supra et infra épineux avec bursite, situation provoquée par la sollicitation majorée des articulations des épaules par le handicap résultant de l’accident initial et de l’usage forcé du fauteuil roulant.

Le droit a indemnisation de Monsieur [W] n’est ni contestable ni contesté. L’assureur AXA FRANCE sera donc tenu de réparer l’entier préjudice du demandeur.

Réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise susmentionné, présente un caractère complet, informatif et objectif. Il est corroboré par d’autres pièces médicales et les défendeurs, appelés à la procédure en un temps leur permettant d’en discuter librement les conclusions, n’y apportent aucune critique.

Dès lors, ce rapport apporte un éclairage suffisant pour statuer sur les demandes d’indemnisation.

Sur l'évaluation du préjudice

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [W], âgé de 49 ans lors de la consolidation de son état suite à l’aggravation de sa situation, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il sera utilisé le barème de capitalisation 2022 publié dans la Gazette du Palais, barème le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles, à savoir celui fondé sur les dernières tables d'espérance de vie définitive publiées par l'INSEE et sur un taux d'intérêt de 0 %.

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé

Il y a lieu de constater que les parties s’accordent pour retenir que l’indemnisation due à ce titre s’élève à la somme de 79,50 €.

Il y a donc lieu de retenir une indemnisation à hauteur de 79,50 € de ce chef de préjudice.

- Dépenses de santé futures

Ces dépenses sont liées à l’achat par Monsieur [W] d’un nouveau fauteuil roulant manuel et d’une assistance électrique en mars 2020.

Il sollicite en conséquence 2.619,90 € pour le fauteuil et 6.540 € pour l’assistance électrique. Il demande, pour le renouvellement de chacun et respectivement : 16.637,93 € et 41.532,92 €.

AXA France fait valoir que les médecins n’ont évoqué que l’assistance électrique, que le fauteuil mécanique n’a pas été prévu, en conséquence, et en soulignant que l’avis de l’ergothérapeute n’est pas contradictoire, l’assureur demande que ne soient retenus que les frais relatifs à l’assistance électrique.

A titre liminaire, il sera rappelé que la jurisprudence sur l’indemnisation des préjudices corporels, en 1992 lors de la première décision intéressant Monsieur [W], était beaucoup moins codifiée et que la jurisprudence s’est développée et rationnalisée après application, au 1er janvier 2007, de la nomenclature DINTIHAC. Il y a lieu de noter que le renouvellement d’un fauteuil roulant n’était pas prévu dans le cas présent.
L’avis de l’ergothérapeute (pièce n°13) a été réalisé par le demandeur pour justifier sa demande. Cet avis, régulièrement communiqué, a pu être librement commenté par le défendeur. Cette pièce explique que le fauteuil roulant est indispensable à Monsieur [W] pour se déplacer dans son logement ainsi qu’à l’extérieur, que ce nouveau fauteuil, plus léger et maniable par rapport à ses fauteuils antérieurs, convient mieux à son nouvel état et notamment à l’usure de ses épaules.
Il faut souligner en effet que l’accident, qui l’a frappé alors qu’il n’avait que 19 ans, remonte à une trentaine d’années, que l’usure de ses épaules qui ont été sur-sollicitées pendant ces 30 ans à l’occasion du maniement de ses fauteuils plus lourds et moins maniables que celui qu’il possède actuellement et de leur portage par Monsieur [W] est la cause de l’aggravation de son état.
Dès lors, afin d’éviter de poursuivre la détérioration des épaules du demandeur, détérioration qui est douloureuse, il est indispensable, et l’ergothérapeute le souligne avec justesse comme auraient dû le faire les médecins qui ont réalisé l’expertise, de recourir à ce nouveau fauteuil plus léger et performant, notamment pour éviter toute dégradation supplémentaire et tout accroissement des douleurs de Monsieur [W].

En conséquence c’est à bon droit que le demandeur sollicite la prise en charge de ce nouveau fauteuil plus adapté à la dégradation de son état et à sa nouvelle situation, et il sera du, en retenant un renouvellement tous les 5 ans comme préconisé par les fiches techniques et en retenant un euro de rente pour un homme de 55 ans :
[2.619,90 + 6.540] + [(2.619,90 + 6.540) /5 ans x 26,873] = 58.390,70 €.

L’indemnisation à ce titre se fixe donc à 58.390,70 €.

- Frais divers

Monsieur [W] sollicite à ce titre la somme de 1.500 € en raison des honoraires de médecin conseil qu’il supporte (pièce n°6) et des frais de déplacement qu’il a exposés à hauteur de 1.893,04 €, somme dont il se justifie (pièces n°7 à 9).
L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité.

L’assureur accepte ces montants qui seront donc retenus.

- Aménagement du véhicule

Monsieur [W] présente une demande à ce titre en expliquant que, du fait de ses douleurs à l’épaule, il a des difficultés pour entrer et descendre de sa voiture et y mettre ou en sortir son fauteuil roulant, puisque, jusqu’à présent, ces opérations se font à la force de ses bras, ce qui ne peut perdurer en raison des douleurs subies.

Sur le principe, l’assureur n’est pas opposé à la demande, par contre il conteste l’importance des adaptations du véhicule prises en compte dans le devis produit (pièces n°16 et 17) d’un montant de 24.719,98 € et ne retient que 7.300,60 €. L’assureur ajoute que le renouvellement devrait s’effectuer tous les 7 ans et non tous les 5 ans.

Si les frais liés aux adaptations du hayon latéral et du plancher du véhicule sont incontestablement indispensables, et retenues par les deux parties, il apparaît aussi indispensable de prévoir l’embase 6 positions sollicitée qui permet effectivement une mobilité du siège du conducteur. Il en va de même pour l’adaptation de l’ouverture de la porte latérale qui s’impose.
Par contre, le surplus de demande relatif au frein et à l’accélérateur n’est pas expliqué et ne sera donc pas retenu.
Ainsi il convient de fixer le montant de l’adaptation du véhicule au montant suivant :
7.300,60 € + (2.000 + 1.200) + (1.850 + 1.950) = 14.300,60 €.LMEst-ce à dire que la demande relative au frein et à l’accélérateur vaut 10 419 € ?

Compte tenu de la qualité du véhicule choisi, de sa robustesse, le renouvellement sera envisagé tous les 7 ans.

Il est donc dû à ce titre, en retenant un euro de rente pour un homme de 56 ans :
14.300,60 + [14.300,60/7 ans x 26,031] = 67.480,45 €.

Le montant de l’indemnisation due à ce titre est donc de 67.480,45 €.

- Logement adapté

Monsieur [W] explique que des aménagements de son domicile lui sont indispensables afin de pouvoir l’occuper sans difficultés inutiles.
Il demande que soient réalisés la pose d’un lève-personne sur rail à son domicile et l’aménagement de sa cuisine.
Il envisage le renouvellement de ces dispositifs.

Il sollicite en conséquence, pour le rail, pour la pose initiale, 6.789,60 € (pièce n°10) et, considérant un renouvellement tous les 5 ans, une capitalisation à hauteur de 43.117,39 €

Pour la cuisine, il est demandé, 4.560 € et, avec une capitalisation prenant en compte un renouvellement tous les 10 ans, 12.001 €.

L’assureur AXA FRANCE accepte le coût initial du rail à 6.789,60 €, demande que le renouvellement soit effectué tous les 10 ans, et, pour la cuisine, accepte le principe de l’aménagement et du renouvellement tous les 10 ans. Compte tenu du fait que les parties n’ont pas utilisé le barème retenu par ce Tribunal, les calculs seront repris ci-dessous.

Il sera retenu que le rail doit être remplacé tous les dix ans, en effet la fiche produit du lève-personne (pièce AXA n°9) indique bien une durée de vie de 10 ans, il doit être considéré que le fabricant a une juste connaissance du produit dont s’agit.

Il sera donc dû, en tenant compte de l’euro de rente au jour du renouvellement pour un homme de 55 ans, pour le rail, de 60 ans pour la cuisine :

Pour le rail : 6.789,60 € + [6.789,60/10 ans x 26,873] = 25.035,29 €
Pour la cuisine : 4.560 + [4.560/10 ans x 22,772] = 14.944,03 €

Il sera donc dû au titre de l’aménagement du domicile du demandeur les sommes suivantes : 25.035,29 € et 14.944,03 €.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L’expert retient les éléments suivants : le DFT a été total du 29/10 au 02/11/2018, du 05/03 au 15/03/2019 et du 12/04 au 14/06/2019, soit 80 jours, et partiel de classe I pendant tout le reste du temps entre l’aggravation et la consolidation, soit 269 jours.

Sur la base d’une indemnisation de 27 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [W] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi de somme sollicitée soit 2.886,30 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

Il y a lieu de constater que les parties s’accordent pour retenir que l’indemnisation due à ce titre s’élève à la somme de 8.000 €.

Il y a donc lieu de retenir une indemnisation à hauteur de 8.000 € de ce chef de préjudice.

- Préjudice esthétique temporaire

Monsieur [W] sollicite à ce titre une somme de 500 €, l’assureur offre celle de 150 €.

Sur le principe de l’existence de ce chef de préjudice non mentionné par les médecins, les parties s’accordent car, effectivement, Monsieur [W] a été contraint avant consolidation et à raison de l’aggravation de son état de recourir à l’usage d’un fauteuil et de cannes anglaises, il a aussi présenté des dermabrasions sur le nez, le coude droit et la paume gauche.

Il lui sera accordé à titre de réparation une somme de 400 €.

- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence.
Il est traditionnellement inclus dans la définition de ce chef de préjudice la perte de la qualité de vie, dès lors aucune majoration du point ne peut être retenue contrairement à la demande présentée.

La victime souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 77 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées au total, soit 2 % de plus que dans l’état antérieur, et étant âgée de 49 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 9.770 € calculée selon une valeur du point d’incapacité de 4.885 €, valeur du point retenue habituellement par ce Tribunal.

- Préjudice esthétique

Fixé à 1/7, ce chef de préjudice est constitué par des cicatrices à l’épaule droite. Il sera noté qu’il s’agit de marques facilement dissimulables par les vêtements et affectant un homme de 49 ans.

En conséquence, il justifie l'octroi de la somme de 1.000 € à titre d’indemnisation.

Sur le débiteur de l'indemnisation

La société AXA France n’a jamais contesté être tenue à réparation intégrale de l’aggravation constatée.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances, une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne/aggravation de son état dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.

A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En l’espèce, la connaissance de l’aggravation est établie à la date du dépôt du rapport des médecins, soit le 23 octobre 2020. L’offre devait être faite avant le 23 mars 2021. Tel n’a pas été le cas.
Il apparaît cependant que les conclusions en date du 13 janvier 2023 doivent être considérées comme des offres sérieuses et officielles.

Il convient par conséquent d’assortir la condamnation à indemnisation d’intérêts au double du taux de l’intérêt légal, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, du 23 mars 2021 au 13 janvier 2023.

Sur les demandes accessoires

La Société AXA FRANCE qui succombe en la présente instance, sera condamnée aux dépens.

En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par le demandeur dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 3.000 €.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que Monsieur [S] [W] a droit à indemnisation intégrale des préjudices résultant de l’aggravation de sa situation de santé physique suite à l’accident initial de la circulation survenu le 21 octobre 1989 ;

CONDAMNE la Société AXA FRANCE à payer à Monsieur [S] [W] les sommes suivantes, à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites :

- Dépenses de santé restées à charge : 79,50 €
- Frais divers : 3.393,04 €
- Frais de logement adapté : 25.035,29 € et 14.944,03 €
- Dépenses de santé futures : 58.390,70 €
- Frais de véhicule adapté : 67.480,45 €
- Déficit fonctionnel temporaire : 2.886,30 €
- Souffrances endurées : 8.000 €
- Préjudice esthétique temporaire : 400 €
- Déficit fonctionnel permanent : 9.770 €
- Préjudice esthétique permanent : 1.000 € ;

CONDAMNE la Société AXA FRANCE à payer à Monsieur [S] [W] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant alloué, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 23 mars 2021 et jusqu'au 13 janvier 2023 ;

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du Code civil ;

DÉCLARE le présent jugement commun à la CPAM de [Localité 9] et à la MUTUELLE PREVIFRANCE ;

CONDAMNE la Société AXA FRANCE aux dépens et à payer à Monsieur [S] [W] la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.LMTu ne parles pas de l’EP ?

Fait et jugé à Paris le 11 Juin 2024

Le GreffierLe Président
Célestine BLIEZOlivier NOËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/07049
Date de la décision : 11/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-11;22.07049 ?
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