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11/06/2024 | FRANCE | N°21/07934

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 11 juin 2024, 21/07934


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section


N° RG 21/07934 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUTIX


N° MINUTE :


Assignation du :
10 Juin 2021







JUGEMENT
rendu le 11 juin 2024

DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic, la S.A.R.L. cabinet LA PAGERIE
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Véronique REHBACH de la SELEUR

L NORDEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1786




DÉFENDERESSE

Madame [O] [H]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Lisa BATAILLE, avocat au barreau de PARIS, avocat post...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 21/07934 -
N° Portalis 352J-W-B7F-CUTIX

N° MINUTE :

Assignation du :
10 Juin 2021

JUGEMENT
rendu le 11 juin 2024

DEMANDEUR

Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic, la S.A.R.L. cabinet LA PAGERIE
[Adresse 3]
[Localité 5]

représenté par Maître Véronique REHBACH de la SELEURL NORDEN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1786

DÉFENDERESSE

Madame [O] [H]
[Adresse 4]
[Localité 6]

représentée par Maître Lisa BATAILLE, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #K0110, et par Maître Cédric VANDERZANDEN, avocat au barreau de BORDEAUX, avocat plaidant

Décision du 11 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/07934 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUTIX

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Elyda MEY, Juge
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors des débats, et de Madame Justine EDIN, Greffière lors du prononcé,

DÉBATS

A l’audience du 06 mars 2024 tenue en audience publique devant Madame Elyda MEY, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

***

EXPOSÉ DU LITIGE

Suivant actes en date du 29 décembre 2016 et du 10 mai 2017, Mme [O] [H] a acquis de M. [P] [T] les lots N° 29 et 33, deux appartements situés au 3ème étage de l'immeuble sis [Adresse 2], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis et géré par le Cabinet La Pagerie.
Précédemment, le 13 mars 1991, l'assemblée générale des copropriétaires avait voté la resolution n°9 dans les termes suivants:
"NEUVIEME RESOLUTION
Gestion courante de l'immeuble
- Le syndic informe l'assemblée générale que les locataires de M. [V], qui provoquent certaines nuisances, sont en voie d'expulsion.
- L'assemblée générale se plaint des agissements des locataires de Mme [B] (7e étage droite) M. [Z] en prend note et se charge d'intervenir directement auprès d'eux.
- Le syndic informe l'assemblée générale qu'il donnera accord à M. [T], suivant la possibilité offerte par le règlement de copropriété, de clore le couloir donnant accès à ses lots.
- L'huissier-audiencier désigné dans la procédure contre Mme [B] ne donnant plus signe de vie depuis 2 ans, une demande en commun sera formulae auprès du tribunal en vue de son remplacement.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée à l'unanimité des présents et représentés."

Le 22 mars 2019, le syndicat des copropriétaires du [Adresse 2] a mis Mme [H] en demeure de remettre les lieux en état ou de soumettre une proposition de rachat du couloir du 3ème étage, estimant que cette dernière l'avait annexée à ses lots.

Cette mise en demeure étant restée infructueuse, le syndicat des copropriétaires a fait assigner, par acte d'huissier du 10 juin 2021, Mme [H] devant le tribunal de céans, aux fins de juger illicite et non écrite la clause du règlement de copropriété stipulant que " deviendra propriété privative " du copropriétaire qui le clôt le couloir annexé d'accès aux appartements ainsi que les WC communs, de condamner Mme [H] à libérer des parties communes irrégulièrement appropriées et à remettre en état les lieux.

Par ordonnance du 29 novembre 2022, le juge de la mise en état a débouté Mme [H] des fins de non recevoir tirées de l'absence de publication au service chargé de la publication foncière de l'assignation, de la forclusion de l'action en contestation de l'assemblée générale du 13 mars 1991, de la prescription acquisitive et du défaut de qualité à agir.

Aux termes de ses dernières conclusions en réponse n°3 notifiées par voie électronique le 23 mars 2023, le syndicat des copropriétaires demande au tribunal :
" Vu les pièces versées aux débats,
Vu les dispositions des articles 26 et 43 de la loi du 10 juillet 1965,
DIRE ET JUGER ILLICITE la clause du règlement de copropriété (article 3 pages 19 et 20) stipulant que " deviendra propriété privative" du copropriétaire qui le clôt, le couloir annexé d'accès aux appartements ainsi que les WC communs.
En conséquence :
DIRE ET JUGER non écrite la clause du règlement de copropriété (article 3 pages 19 et 20) stipulant que " deviendra propriété privative" du copropriétaire qui le clôt, le couloir annexé d'accès aux appartements ainsi que les WC communs.
Subsidiairement
JUGER que Mme [H] ne peut se prévaloir d'un droit de jouissance privatif sur le couloir annexé.
Au surplus :
JUGER que l'assemblée générale des copropriétaires de mars 1991 n'a autorisé ni M. [T], aux droits duquel se trouve aujourd'hui Mme [H], ni Mme [H], à effectuer les travaux tendant à clore le couloir donnant accès à son lot et à l'annexer.
En conséquence :
ORDONNER la libération des parties communes irrégulièrement appropriées (couloir) et la remise en état subséquent des lieux par Mme [H], à ses frais, et sous astreinte de 300 euros par jour de retard, commençant à courir 8 jours à compter de la date de signification du jugement à rendre.
CONDAMNER Mme [H] au paiement d'une somme de 4.000 euros au titre de dommages intérêts, au titre de l'occupation d'une partie commune sans contrepartie.
Sur la demande reconventionnelle de Mme [H]:
DEBOUTER Mme [H] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, parfaitement mal fondées.
En tout état de cause :
CONDAMNER Mme [H] au paiement d'une somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, couvrant à la fois les frais irrépétibles assumés pendant la procédure sur incident ainsi que la procédure au fond, outre les entiers dépens.
JUGER que l'exécution provisoire du présent jugement est de droit et qu'aucune dispense ne pourra être accordée. "

Par conclusions au fond n°3 notifiées par voie électronique le 12 mars 2023, Mme [H] sollicite du tribunal de :
" A titre principal,
Vu notamment les articles 26 a) et 42 de la loi n° 65-557 du 10 juillet 1965,
- ORDONNER que l'action du syndicat des copropriétaires vise bien à contester la neuvième résolution votée par l'assemblée générale des copropriétaires du [Adresse 2] le 13 mars 1991 et que cette demande est prescrite et donc irrecevable
- ORDONNER qu'il n'est pas possible de revenir sur cette résolution qui a bien autorisé la clôture du couloir desservant les lots 29 et 33 situés au troisième étage de l'immeuble sis [Adresse 2] dans le [Localité 1] de [Localité 1] et ce, quand bien même le règlement de copropriété serait jugé irrégulier ;
Par conséquent,
- DEBOUTER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 1] de l'ensemble de ses demandes plus amples ou contraires ;
A titre subsidiaire,
Vu la loi ° 65-557 du 10 juillet 1965,
Vu l'article 1240 du code civil,
Si par impossible Mme [H] était condamnée " à la libération des parties communes irrégulièrement appropriée et à la remise en état subséquent des lieux "
- ORDONNER que le syndicat des copropriétaires a commis des manquements et fautes, notamment dans l'administration et la gestion des parties communes qui engagent sa responsabilité et cause à Mme [H] un préjudice qui doit être entière réparé;
En conséquent,
- CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 1] à verser à Mme [H] la somme, à parfaire, de 7.271,64 euros en réparation de son préjudice matériel et condamner le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 1] à supporter les frais de de démolition du mur et de la porte d'entrée du couloir créées par M. [T] sur autorisation du syndicat des copropriétaires ;
En toute hypothèse,
Vu l'article 10-1 de la loi ° 65-557 du 10 juillet 1965,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
- ORDONNER que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 1], n'invoque ni ne fonde sa demande de condamnation sous astreinte de Mme [O] [H] à libérer et remettre en état les parties communes irrégulièrement appropriées sur aucun texte et, par conséquent, ordonner que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 1] devra être débouté de sa demande ;
- CONDAMNER le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] à [Localité 1], outre aux dépens, à verser à Mme [O] [H] la somme de 3.000 euros, par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
- ORDONNER que Mme [O] [H] sera dispensée de toute participation à la dépense commune des copropriétaires des frais de procédure afférent au présent litige et notamment à la condamnation du syndicat des copropriétaires à l'article 700 et aux dépens à intervenir. "

Décision du 11 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/07934 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUTIX

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'affaire a été close par ordonnance du 12 juin 2023 et fixée à l'audience du 6 mars 2024 à l'issue de laquelle elle a été mise en délibéré au 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur les demandes de " dire et juger", de " juger" et d'" ordonner"

Il sera préalablement rappelé qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes, lesquelles n'emportent aucune conséquence juridique et ne constituent donc pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Sur la fin de non recevoir tirée de la forclusion de la contestation de la résolution n°9 de l'assemblée générale du 13 mars 1991

L'article 789 du code de procédure civile dispose que : "Lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le juge de la mise en état est, jusqu'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal, pour :(…) 6° Statuer sur les fins de non-recevoir."

L'article 122 du code de procédure civile dispose que "constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée."

Aux termes de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965, les actions en contestation des décisions des assemblées générales doivent, à peine de déchéance, être introduites par les copropriétaires opposants ou défaillants dans un délai de deux mois à compter de la notification du procès-verbal d'assemblée, sans ses annexes.

***

Mme [H] soulève la forclusion de la contestation de la résolution n°9 de l'assemblée générale du 13 mars 1991 en se fondant sur l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965. Elle soutient que :
- le juge de la mise en état l'a déboutée de sa fin de non recevoir tirée de la forclusion au motif que la demande relevait d'un débat au fond ;
-la résolution n°9 susvisée a autorisé M. [T] à clore le couloir donnant accès à ses lots de sorte que l'action du syndicat des copropriétaires tend en réalité à contester cette résolution plus de trente ans après ;
- ladite résolution constitue une décision au sens de l'article 42 de la loi du 10 juillet 1965 contrairement à ce que soutient le syndicat des copropriétaires ;

- l'assemblée générale a adopté la résolution en respectant l'article 26 a) de la loi du 10 juillet 1965 soumettant les actes d'acquisition immobilière et les actes de disposition sur les parties communes au vote de l'assemblée générale à la majorité représentant au moins les deux tiers des voix ;
- M. [T] n'a pas entendu priver le syndicat des copropriétaires de ses pouvoirs de disposition des parties communes et a donc sollicité l'accord de l'assemblée générale de clore le couloir laquelle l'a adoptée à l'unanimité ; le syndicat des copropriétaires était donc parfaitement informé de cette annexion.

En défense, le syndicat des copropriétaires rétorque que ce point a déjà été tranché par le juge de la mise en état dans son ordonnance du 29 novembre 2022. Il relève en outre que cette résolution ne peut valoir autorisation de clore le couloir puisqu'elle constitue en réalité un point d'information, qu'elle est rédigée au futur et que le syndic n'avait pas la qualité pour octroyer une telle autorisation.

Sur ce,

Il ressort de l'ordonnance du juge de la mise en état rendu le 29 novembre 2022 que celui-ci a débouté Mme [H] de la fin de non-recevoir tirée de la forclusion au motif qu'aucune demande d'annulation de la résolution précitée n'a été formée par le syndicat des copropriétaires et que le point de savoir si l'autorisation de clore le couloir avait été valablement donnée par cette résolution relevait en réalité d'un débat au fond.

Par conséquent, il y a lieu de considérer que cette fin de non recevoir a déjà été examinée et tranchée par le juge de la mise en état et qu'en application de l'article 789 susvisé, il ne relève pas des prérogatives du tribunal d'en connaître. Mme [H] sera donc déboutée de sa demande.

Sur la demande principale de juger illicite et non écrite la clause du règlement de copropriété stipulant que deviendra propriété privative du copropriétaire qui le clôt, le couloir annexé d'accès aux appartements ainsi que les WC communs

L'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 prévoit que " Sont prises à la majorité des membres du syndicat représentant au moins les deux tiers des voix les décisions concernant :
a) Les actes d'acquisition immobilière et les actes de disposition autres que ceux visés à l'article 25 d ;[…]
Elle ne peut, sauf à l'unanimité des voix de tous les copropriétaires, décider l'aliénation des parties communes dont la conservation est nécessaire au respect de la destination de l'immeuble ou la modification des stipulations du règlement de copropriété relatives à la destination de l'immeuble. "

En application de l'article 43 de la même loi, " Toutes clauses contraires aux dispositions des articles 1er, 1-1, 4, 6 à 37, 41-1 à 42-1 et 46 et celles du décret prises pour leur application sont réputées non écrites ".

Décision du 11 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/07934 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUTIX

Une clause qui a pour effet de priver par avance l'assemblée générale des pouvoirs de disposition et d'administration sur les parties communes concernées qu'elle tient des règles d'ordre public des art. 17, 26 et 24 doit être réputée non écrite. (Cass, Civ. 3e, 11 févr. 2009, n°07-21.318)

Les clauses réputées non écrites étant non avenues par le seul effet de la loi, elles sont censées n'avoir jamais existé (Cass, Civ. 3e, 1er avril 1987).

***

Le syndicat des copropriétaires sollicite que soit déclarée illicite et non écrite la clause du règlement de copropriété, figurant à son article 3 stipulant que :
" 2° Dans l'immeuble [Adresse 2]
Si un seul copropriétaire est propriétaire des appartements contigüs de une pièce dans le couloir de droite sur les paliers ou dans le couloir de gauche, il aura la faculté de réunir ces deux ou trois appartements et de fermer par une porte le couloir actuel y donnant accès, et qui deviendra propriété privative, mais ce, sous les réserves suivantes :
A) d'exécuter les travaux à sa charge et sous la direction du syndic de l'immeuble.
B) de conserver l'harmonie des paliers.
D'autre part, si un seul copropriétaire des appartement contigüs de une pièce dans le couloir de droite sur les paliers, voulait inclure dans la modification sus-énoncée les water-closets communs, qui deviendront sa propriété, il en aurait la faculté sous les réserves suivantes :
A) d'exécuter les travaux à sa charge et sous la direction du syndic de l'immeuble.
B) de conserver l'harmonie des paliers.
C) d'obtenir l'accord écrit des propriétaires des parts s'appliquant aux appartements du couloir de gauche ainsi que des locataires occupants les dits appartements. "

Au soutien de sa demande, il fait valoir que cette clause du règlement de copropriété contrevient aux pouvoirs de disposition et d'administration sur les parties communes relevant de l'assemblée générale et prévus par les articles 17, 26 et 24 de la loi du 10 juillet 1965, dispositions d'ordre public.
En effet, il considère que cette clause prive par avance les copropriétaires du droit d'exprimer leur accord à l'aliénation des parties communes en application des articles 26 a) et 43 de la loi précitée.

En défense, Mme [H] sans s'opposer à la demande observe que le fait de déclarer illicite et non écrite la clause susvisée n'a pas d'incidence sur la régularité de l'annexion du couloir laquelle a été valablement autorisée par la résolution n°9 de l'assemblée générale du 13 mars 1991.

Sur ce,

Il ressort du règlement de copropriété que les couloirs constituent des parties communes.
La clause critiquée octroie aux titulaires des lots concernés un droit à effectuer des travaux tendant à clore un couloir, partie commune, devenant ainsi partie privative alors que de tels travaux relèvent d'une autorisation de l'assemblée générale des copropriétaires en vertu de l'article 26 a) de la loi du 10 juillet 1965.
Décision du 11 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 21/07934 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUTIX

Ainsi, cette clause apparaît ainsi contraire à une disposition d'ordre public en ce qu'elle prive par avance l'assemblée générale des pouvoirs de disposition et d'administration sur les parties communes.

Par conséquent, en application de l'article 43 de la loi du 10 juillet 1965 précité, il convient de réputer non écrite la clause figurant à l'article 3 du règlement de copropriété " 2° Dans l'immeuble [Adresse 2]
Si un seul copropriétaire est propriétaire des appartements contigüs de une pièce dans le couloir de droite sur les paliers ou dans le couloir de gauche, il aura la faculté de réunir ces deux ou trois appartements et de fermer par une porte le couloir actuel y donnant accès, et qui deviendra propriété privative, mais ce, sous les réserves suivantes :
A) d'exécuter les travaux à sa charge et sous la direction du syndic de l'immeuble.
B) de conserver l'harmonie des paliers.
D'autre part, si un seul copropriétaire des appartement contigüs de une pièce dans le couloir de droite sur les paliers, voulait inclure dans la modification sus-énoncée les water-closets communs, qui deviendront sa propriété, il en aurait la faculté sous les réserves suivantes :
A) d'exécuter les travaux à sa charge et sous la direction du syndic de l'immeuble.
B) de conserver l'harmonie des paliers.
C) d'obtenir l'accord écrit des propriétaires des parts s'appliquant aux appartements du couloir de gauche ainsi que des locataires occupants les dits appartements. "

Sur la demande de libération des parties communes et de remise en état formée à l'encontre de Mme [H]

Le syndicat des copropriétaires demande la condamnation de Mme [H] à libérer le couloir, partie commune irrégulièrement annexée, à ses frais et sous astreinte en soutenant que :
- la clause précitée étant illicite, l'annexion reprochée devient sans titre;
- les travaux d'annexion n'ont jamais été autorisés par les copropriétaires puisque la résolution n°9 de l'assemblée générale du 13 mars 1991 n'était en réalité qu'un point d'information, que le syndic n'avait pas la possibilité de donner un tel accord et que la résolution est rédigée au futur ;
- les lots cédés par M. [T] à Mme [H] sont ceux désignés dans le règlement de copropriété et ne contiennent pas le couloir ;
- si l'annexion avait été autorisée, elle aurait donné lieu à la modification de l'état descriptif de division et du règlement de copropriété ainsi que des tantièmes de charges ;
- si Mme [H] reconnaît elle-même que ce couloir est resté partie commune, elle ne peut toutefois pas considérer qu'il est devenu partie commune à jouissance privative en l'absence de disposition expresse dans le règlement de copropriété et d'autorisation de l'assemblée générale en application de l'article 6-4 de la loi du 10 juillet 1965.

En défense, Mme [H] conclut au débouté en opposant que :
- l'annexion du couloir a respecté le règlement de copropriété puisque les deux conditions stipulées pour ladite annexion ont été respectées ; que ce couloir est resté en toute hypothèse partie commune ; aucun accord écrit des copropriétaires n'était requis pour cette annexion, le règlement de copropriété ne le prévoyant qu'en cas d'annexion des WC;

- M. [T] n'a jamais invoqué le bénéfice de cette clause pour fonder ses travaux ; que la clause critiquée ne s'applique pas sur l'annexion d'un couloir qui est resté partie commune justifiant qu'aucun modificatif au règlement de copropriété établi par un géomètre expert n'ait été adopté ;
- en application de l'article 6-3 de la loi du 10 juillet 1965, le couloir annexé constitue en réalité une partie commune à jouissance privative;
- elle tient la clé à disposition du syndic et des copropriétaires qui souhaiteraient y accéder ; le couloir étant libre d'accès, elle ne peut être condamnée à libérer les lieux et à détruire une porte qu'elle n'a jamais posée ;
- la résolution n°9 susvisée a été votée à l'unanimité des copropriétaires présents et représentés de sorte que la majorité des deux tiers prévus par l'article 26 de la loi du 10 juillet 1965 pour les actes d'aliénation et de disposition des parties communes était acquise ;
- ce couloir étant une partie commune, si des travaux doivent être ordonnés, ils doivent être mis à la charge du syndicat des copropriétaires qui a autorisé l'annexion.

Sur ce,

La résolution n°9 de l'assemblée générale du 13 mars 1991 a été votée dans les termes suivants :
"NEUVIEME RESOLUTION
Gestion courante de l'immeuble
- Le syndic informe l'assemblée générale que les locataires de M. [V], qui provoquent certaines nuisances, sont en voie d'expulsion.
- L'assemblée générale se plaint des agissements des locataires de Mme [B] (7e étage droite) M. [Z] en prend note et se charge d'intervenir directement auprès d'eux.
- Le syndic informe l'assemblée générale qu'il donnera accord à M. [T], suivant la possibilité offerte par le règlement de copropriété, de clore le couloir donnant accès à ses lots.
- L'huissier-audiencier désigné dans la procédure contre Mme [B] ne donnant plus signe de vie depuis 2 ans, une demande en commun sera formulée auprès du tribunal en vue de son remplacement.
Mise aux voix, cette résolution est adoptée à l'unanimité des présents et représentés."

Il apparaît ainsi que la résolution critiquée en visant expressément la clause illicite est fondée sur une disposition du règlement de copropriété qui est censée n'avoir jamais existé.

La circonstance que la résolution a été votée à l'unanimité des copropriétaires présents et représentés et donc, conforme à la majorité exigée par l'article 26 a) de la loi du 10 juillet 1965 ne permet néanmoins pas de la considérer comme un acte de disposition et d'aliénation librement consenti par l'assemblée générale.
En effet, la mention "suivant la possibilité offerte par le règlement de copropriété" établit que cette décision a été prise en application d'une clause illicite et ne peut donc avoir créée des droits au profit de M. [T] et subséquemment de Mme [H] que ce soit un droit de propriété ou un droit de jouissance privative sur ce couloir.

Au surplus, comme le relève justement le syndicat des copropriétaires, une telle annexion aurait obligatoirement entrainé un modificatif de l'état descriptif de division et de tantièmes de copropriété ou le cas échéant la mention expresse dans le règlement de copropriété d'un droit de jouissance privative sur une partie commune, ce qui n'a pas été le cas.

Par conséquent, ce couloir dont Mme [H] au demeurant ne revendique pas la propriété et dont elle affirme sans être contestée qu'il est désormais libre d'accès, devra donc être restitué au syndicat des copropriétaires.

Cependant, le syndicat des copropriétaires ne peut valablement soutenir que Mme [H] ou son auteur, M. [T] aurait procédé à des travaux non autorisés alors que ceux-ci ont été adoptés par l'assemblée générale le 13 mars 1991 par la résolution n°9 laquelle ayant donné lieu à un vote, doit être analysée comme une décision au sens de l'article 42 de la loi de 1965.

Dès lors, en autorisant le syndic à donner son accord à M. [T] à effectuer ses travaux, le syndicat des copropriétaires a laissé ce dernier entreprendre les travaux d'annexion sur le fondement d'une clause illicite et ne peut donc valablement le lui reprocher.

Ainsi, il n'est pas établi que Mme [H] ait commis une quelconque faute, cette dernière ayant acquis en l'état ses lots de M. [T] lequel avait sollicité une autorisation de travaux en toute bonne foi.

Par conséquent, les frais et les travaux de remise en état de cette partie commune doivent être assumés par le syndicat des copropriétaires et ne peuvent être imputés à Mme [H].

Le syndicat des copropriétaires sera donc débouté de sa demande de libération des lieux et de remise en état formée à l'encontre de Mme [H].

Sur la demande indemnitaire du syndicat des copropriétaires

Aux termes de l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. " Sur ce fondement, il incombe à la partie qui l'invoque, de rapporter la triple preuve de l'existence, d'une faute d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

***

Le syndicat des copropriétaires forme à l'encontre de Mme [H] une demande en paiement de la somme de 4.000 euros au titre de l'occupation sans contrepartie de la partie commune irrégulièrement annexée et dont elle a eu l'usage pendant plusieurs années.

En réponse, Mme [H] oppose qu'elle n'occupe pas ce couloir et qu'aucune faute ne peut lui être reprochée de sorte que sa responsabilité ne peut être engagée. En outre, elle soutient que la copropriété ne justifie pas d'un préjudice tant dans son principe que dans son quantum.

Sur ce,

En l'espèce, le syndicat des copropriétaires ne vise aucun fondement au soutien de sa demande indemnitaire mais la justifie sur une occupation sans contrepartie du couloir irrégulièrement annexé durant plusieurs années. Sa demande sera donc examinée à l'aune de l'article 1240 du code civil.

Comme développé ci-avant, le syndic n'établit pas que Mme [H] ait commis une quelconque faute de nature à engager sa responsabilité. En outre, il ne justifie d'aucun préjudice ni sur son principe ni sur le quantum réclamé. Il sera donc débouté de sa demande.

Sur la demande reconventionnelle de Mme [H]

Aux termes de l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. " Sur ce fondement, il incombe à la partie qui l'invoque, de rapporter la triple preuve de l'existence, d'une faute d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

***

A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où elle " était condamnée à la libération des parties communes irrégulièrement appropriée et à la remise en état subséquent des lieux ", Mme [H] forme une demande indemnitaire de 7.271, 64 euros à parfaire à l'encontre du syndicat des copropriétaires sur le fondement de l'article 1240 du code civil. Elle sollicite également la condamnation du syndicat des copropriétaires à supporter les frais de démolition du mur et de la porte d'entrée du couloir.

En réponse, le syndicat des copropriétaires conteste le bien-fondé de ces demandes.

Sur ce,

Mme [H] n'ayant pas été condamnée à libérer les lieux et à les remettre en état, il n'y a pas lieu d'examiner ses demandes reconventionnelles subsidiaires tant en paiement d'une indemnité et en prise en charge de frais de remise en état.

Sur les autres demandes

Le syndicat des copropriétaires, partie principalement succombante, est condamné aux dépens.

En outre, il sera condamné à payer à Mme [H] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Il convient de faire droit à la demande de dispense de Mme [H] de toute participation aux frais de la présente procédure conformément à l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965.

Conformément aux dispositions de l'article 514 du code de procédure civile, l'exécution provisoire est de droit et il n'y a pas lieu de l'écarter.

Enfin, les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,
Statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort, rendu par mise à disposition au greffe,

DEBOUTE Mme [O] [H] de sa fin de non recevoir tirée de la forclusion de la contestation de la résolution n°9 de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] tenue le 13 mars 1991 ;

REPUTE NON ECRITE la clause du règlement de copropriété (article 3 page 19 et 20) de l'immeuble sis [Adresse 2] stipulant que :

" 2° Dans l'immeuble [Adresse 2]
Si un seul copropriétaire est propriétaire des appartements contigüs de une pièce dans le couloir de droite sur les paliers ou dans le couloir de gauche, il aura la faculté de réunir ces deux ou trois appartements et de fermer par une porte le couloir actuel y donnant accès, et qui deviendra propriété privative, mais ce, sous les réserves suivantes :
A) d'exécuter les travaux à sa charge et sous la direction du syndic de l'immeuble.
B) de conserver l'harmonie des paliers.
D'autre part, si un seul copropriétaire des appartement contigüs de une pièce dans le couloir de droite sur les paliers, voulait inclure dans la modification sus-énoncée les water-closets communs, qui deviendront sa propriété, il en aurait la faculté sous les réserves suivantes :
A) d'exécuter les travaux à sa charge et sous la direction du syndic de l'immeuble.
B) de conserver l'harmonie des paliers.
C) d'obtenir l'accord écrit des propriétaires des parts s'appliquant aux appartements du couloir de gauche ainsi que des locataires occupants les dits appartements. "

DEBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice du surplus de ses demandes ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic en exercice aux entiers dépens ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] représenté par son syndic à payer à Mme [O] [H] la somme de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l'exécution provisoire est de droit ;

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 11 juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/07934
Date de la décision : 11/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-11;21.07934 ?
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