La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

11/06/2024 | FRANCE | N°20/03796

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 11 juin 2024, 20/03796


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




8ème chambre
1ère section

N° RG 20/03796 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CSAQ7
N° MINUTE :


Assignation du :
04 Mai 2020





JUGEMENT
rendu le 11 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [H] [V]
[Adresse 1]
[Localité 5]

Madame [A] [U] épouse [V]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maître Marc MANCIET de la SELEURL MBS Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0002

r>DÉFENDERESSES

S.A.S. HOTEL RELAIS [8], sis [Adresse 4], représentée par son liquidateur Madame [I] [T]-[K]
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Régine DE LA MORINERIE, avocat ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

8ème chambre
1ère section

N° RG 20/03796 -
N° Portalis 352J-W-B7E-CSAQ7
N° MINUTE :

Assignation du :
04 Mai 2020

JUGEMENT
rendu le 11 juin 2024
DEMANDEURS

Monsieur [H] [V]
[Adresse 1]
[Localité 5]

Madame [A] [U] épouse [V]
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentés par Maître Marc MANCIET de la SELEURL MBS Avocats, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #W0002

DÉFENDERESSES

S.A.S. HOTEL RELAIS [8], sis [Adresse 4], représentée par son liquidateur Madame [I] [T]-[K]
[Adresse 1]
[Localité 7]

représentée par Maître Régine DE LA MORINERIE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1433

AXA FRANCE IARD, es qualité d’assureur de Madame [W] [C]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Céline DELAGNEAU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P435
Décision du 11 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/03796 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSAQ7

AXA FRANCE IARD, es qualité d’assureur de la société HOTEL RELAIS [8]
[Adresse 2]
[Localité 6]

représentée par Maître Florence ROSANO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0390

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laure BERNARD, Vice-Présidente
Madame Elyda MEY, Juge
Monsieur Julien FEVRIER, Juge

assistés de Madame Justine EDIN, Greffière,

DÉBATS

A l’audience du 20 mars 2024 tenue en audience publique devant Madame Laure BERNARD, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seule l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.

JUGEMENT

Prononcé par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

***

EXPOSE DU LITIGE

M. [H] [V] et Mme [A] [U] épouse [V] sont propriétaires non-occupants d'un lot au 3ème étage de l'immeuble sis [Adresse 3] à [Localité 9], soumis au statut de la copropriété des immeubles bâtis.

M. [N] est également propriétaire non-occupant d'un appartement situé au 5ème étage de cet immeuble, loué à Mme [C].

Dans l'immeuble mitoyen à celui sis [Adresse 3] est situé l'hôtel [8], géré par la SAS Hôtel Relais [8] jusqu'en juillet 2015, puis par M. [V] depuis cette date.

Le lot des époux [V] a été touché par un dégât des eaux survenu le 30 décembre 2011.

Faute de règlement amiable, les époux [V] ont saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 16 septembre 2016, a ordonné une mesure d'expertise judiciaire et a commis M. [X] à cette fin.

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 16 mars 2018.
Décision du 11 juin 2024
8ème chambre 1ère section
N° RG 20/03796 - N° Portalis 352J-W-B7E-CSAQ7

Par acte d'huissier délivré le 4 mai 2020, les époux [V] ont assigné devant la juridiction de céans, en ouverture de rapport, la société Hôtel Relais [8], prise en la personne de son liquidateur Mme [I] [K], ainsi que la SA Axa France IARD, tant es qualité d'assureur tant de la société précitée Hôtel Relais [8] que de Mme [C], pour obtenir indemnisation de leurs préjudices.

Par ordonnance du 16 novembre 2021, le juge de la mise en état a débouté la société Hôtel Relais [8] de sa demande d'irrecevabilité pour cause de prescription.

Aux termes de leurs dernières conclusions signifiées par voie électronique le 9 novembre 2022, M. et Mme [V] demandent au tribunal de :
" Vu l'article1240 du code civil,
Vu l'article 1342-2 du code civil,
Vu le rapport d'expertise de M. [X],
- Fixer le préjudice subi par l'appartement de M. et Mme [V] à la somme de 210.682,75 euros, toutes causes confondues,
- Déclarer Mme [C], responsable de ce préjudice à hauteur de 15% et la société Hôtel Relais [8] responsable de ce préjudice à hauteur de 85%,
En conséquence condamner :
-la compagnie Axa IARD, assureur de Mme [C] à payer à M. et à Mme [V] la somme de 31.602,41 euros avec intérêts à compter de l'assignation,
- solidairement, la société Hôtel Relais [8] et la compagnie Axa IARD (sic) à payer à M. et à Mme [V], la somme de 179.080, 33 euros, avec intérêt à compter de l'assignation,
- Ordonner la capitalisation des intérêts,
- Les condamner, dans les mêmes proportions à payer à M. et Mme [V], la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
- Les condamner, dans les mêmes proportions en tous les dépens dont distraction au profit de la SELARL Avocats, aux offres du droit.
- Rappeler que l'exécution provisoire est de droit. "

Se prévalant des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, les époux [V] sollicitent, au visa de l'article 1240 du code civil, l'engagement des responsabilités tant de Mme [C] que de la société Hôtel Relais [8] dans la survenance du sinistre subi au sein de leur lot, exposant que l'expert judiciaire retient 3 origines des désordres : une fuite sur la machine à laver de Mme [C] et sur ses WC ainsi que l'absence d'étanchéité des salles de bains de l'hôtel Relais [8], et qu'il conclut à la responsabilité de Mme [C] pour 15% et de la société Hôtel Relais [8] pour 85%.

Ils s'estiment dès lors fondés réclamer l'indemnisation de l'ensemble de leurs préjudices, matériel et immatériel, fixé à un montant global de 210.682,75 euros, à l'encontre de l'assureur de Mme [C], d'une part, et solidairement à l'encontre de la société Hôtel Relais [8] et de son assureur, d'autre part.

S'agissant de leur préjudice de perte de loyers, les époux [V] arguent de ce l'appartement n'était pas habitable entre janvier 2012 et décembre 2017 du fait d'une humidité persistante, et sollicitent à titre subsidiaire, si seule la perte de chance était retenue, d'une diminution du quantum de leur demande ne pouvant être inférieur à 50%.

En réponse aux moyens de défense, les époux [V] opposent que tant l'expert judiciaire que les défendeurs confondent " habitable " et
" louable ", que leur appartement n'était pas " décent " conformément à la loi du 13 décembre 2000 puisqu'il présentait un taux d'humidité de 100% dans un mur et au plafond et qu'en leur qualité de propriétaires ils n'ont pu procéder aux travaux de réfection des lieux qu'une fois la cause déterminée, de sorte que dans l'attente il était impossible de le proposer à la location.

Ils contestent toute négligence dans la gestion du sinistre et rappellent qu'ils ont été l'objet des désaccords des experts d'assurance pendant quatre ans, d'une part, et que l'expert judiciaire n'est intervenu qu'en 2016, d'autre part.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 29 avril 2022, la société Hôtel Relais [8], prise en la personne de son liquidateur Mme [I] [K], demande au tribunal de :
" Vu l'article 2224 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article 700 du code de procédure civile,
Vu le rapport d'expertise de M. [X], expert judiciaire, déposé le 16 mars 2018,
Vu les pièces communiquées ;
- Déclarer recevable et bien fondée la société Hôtel Relais [8] en ses demandes, fins et conclusions ;
A titre principal,
- Mettre hors de cause la société Hôtel Relais [8] de la présente procédure enrôlée sous le numéro RG 20/03796 ;
A titre subsidiaire,
- Constater l'absence de lien de causalité entre les dommages évoqués par les époux [V] et la gérance de l'hôtel [8] par la société Hôtel Relais [8] ;
- Débouter les époux [V] de l'intégralité de leurs demandes ;
- Condamner les époux [V] à verser à la société Hôtel Relais [8] la somme de 10.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens. "

La société Hôtel Relais [8] conteste l'engagement de sa responsabilité dans la survenance du sinistre litigieux.

Rappelant qu'elle a quitté la gérance de l'hôtel [8] le 15 juillet 2015, elle fait valoir les termes d'un constat d'huissier de Maître [L], à sa sortie des lieux, établissant que lesdits lieux étaient laissés dans un bon état général et qu'il n'existait aucune fuite d'eau, et souligne qu'en 2013, à l'issue de la visite de l'architecte de l'immeuble du [Adresse 3], M. [J], il avait été conclu qu'aucune responsabilité ne pouvait être imputée à l'hôtel [8].

Elle en déduit que le défaut d'étanchéité et l'humidité constaté par M. [X] en 2017 ne peut être imputable qu'à M. [V], en sa double qualité de gérant de l'hôtel [8] depuis juillet 2015 et propriétaire des murs, ce dernier ayant notamment fait réaliser au sein de l'hôtel des travaux dont l'absence de conformité aux règles de l'art a d'ailleurs été souligné par l'expert judiciaire.

A titre subsidiaire, la société Hôtel Relais [8] conclut au rejet des prétentions indemnitaires des époux [V], se prévalant de l'absence de caractérisation du lien de causalité entre les constatations effectuées au sein de l'hôtel et la gestion des lieux par la société Hôtel Relais [8], et soulignant la confusion opérée par l'expert judiciaire, dans le cadre de son rapport, entre la société Hôtel Relais [8] et l'hôtel du même nom géré par M. [V] depuis juillet 2015.

Elle critique en outre la réalité des préjudices allégués par les époux [V], soulignant que ces derniers n'ont pris aucune mesure pour assécher les locaux objets du litige et ont donc contribué à leur propre dommage, et qu'en toute hypothèse l'appartement sinistré est toujours resté habitable.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 5 février 2022, la société Axa France IARD, es qualité d'assureur de la société Hôtel Relais [8], demande au tribunal
de :
" SUR LA RESPONSABILITE
- Juger que la responsabilité de l'hôtel a des conséquences limitées sur les dommages de l'appartement de M. et Mme [V],
- Juger que M. et Mme [V] sont responsables de leur propre préjudice,
SUR LA GARANTIE D'AXA France
Vu l'article 1103 du code civil,
- Juger que l'hôtel a souscrit une police d'assurance au 15 juillet 2015 alors qu'il avait parfaitement connaissance de l'état de dégradation de ses installations sanitaires,
- Juger que l'origine des sinistres est antérieure à la prise d'effet de la police,
- Juger que le risque était réalisé avant la souscription de la police,
- Juger que la police est dépourvue d'aléa au moment de la souscription de la police,
- Juger que les sinistres n'ont aucun caractère accidentel,
En conséquence
- Mettre hors de cause la compagnie Axa France,
A titre subsidiaire,
SUR L'EXCLUSION DE GARANTIE
Vu les conditions générales de la police,
- Juger que l'hôtel avait parfaitement connaissance de l'état de délabrement de ses salles de bains et ce depuis 2012,
- Juger que l'hôtel en toute connaissance de cause n'a pas procédé à la moindre réparation pour mettre un terme aux infiltrations en provenance de ses salles de bains,
- Juger que la société AXA France est bien fondée à opposer une exclusion de garantie tant à son assuré qu'aux tiers lésés,
En conséquence
-Débouter M. et Mme [V] de l'ensemble de leurs demandes dirigées contre Axa France,
-Mettre hors de cause la compagnie Axa France
A titre plus subsidiaire,
SUR LE PREJUDICE MATERIEL
- Juger que les travaux pouvaient être entrepris dès 2012
- Juger que l'absence de travaux d'assainissement de l'appartement résulte de la seule attitude de M. et Mme [V],

- Juger qu'ALLIANZ a formé une proposition dès 2012 et puis en juillet 2013 pour une somme de 5.874,44 euros pour la réfection de l'appartement pour les conséquences dommageables du sinistre du 30 décembre 2011,
- Juger que le montant des travaux tels que réclamés aujourd'hui n'est que la résultante de l'inertie de M. et Mme [V]
- Juger que l'indemnité proposée par ALLIANZ, assureur de l'immeuble, était satisfactoire,
En conséquence,
- Débouter M. et Mme [V] de leur demande de prise en charge des dommages matériels tels que retenus par l'expert,
A titre subsidiaire,
- Limiter le préjudice matériel imputable à l'hôtel à la seule somme de 2.771,56 euros,
SUR LE PREJUDICE DE PERTE DE LOYER
- Juger que le comportement de M. et Mme [V] est à l'origine de leur prétendu préjudice locatif,
- Juger que M. et Mme [V] ne démontrent pas avoir destiné cet appartement à la location,
- Juger que l'appartement a toujours été occupé et que les dommages étaient purement esthétiques et très limités,
- Juger que l'appartement pouvait être loué, ce dernier étant décent,
- Juger que le préjudice de perte de loyer n'est aucunement justifié et résulte du seul comportement des demandeurs,
- Juger que la demande de prise en charge des charges de copropriétaire et la taxe sur les ordures ménagères est tout aussi injustifiée, l'appartement ayant toujours été occupé,
En conséquence,
-Débouter M. et Mme [V] de leur demande comme infondée
A titre subsidiaire,
- Juger que la perte de loyer s'analyse en une perte de chance de pouvoir louer leur appartement,
- Juger que cette perte de chance est de 5% du loyer mensuel l'appartement pouvant parfaitement être donné en location avec une réfaction du loyer,
- Juger que l'appartement aurait pu être remis en état dès le mois de septembre 2013,
- Limiter la perte de loyer de janvier 2012 à septembre 2013 soit 21 mois à raison de 125 euros,
En conséquence,
- Limiter la prétendue perte de loyer à la somme de 2.625 euros et débouter les demandeurs pour le surplus,
-condamner in solidum M. et Mme [V] au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à la compagnie AXA France,
-condamner in solidum M. et Mme [V] aux entiers dépens dont distraction au profit de Maitre Florence Rosano conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. "

Concernant les responsabilités engagées dans la survenance des désordres dénoncés au sein de l'appartement des époux [V], la société Axa soutient que si la responsabilité de l'hôtel est avérée dans la persistance de l'humidité dans le mur du haut de la cuisine et de la salle de bain dudit appartement, le comportement d'inertie de M. [V] depuis le sinistre doit être retenu comme étant la seule cause de son préjudice, estimant que les conséquences dommageables du sinistre strictement entendu sont sans proportion avec les sommes réclamées en demande à titre indemnitaire.

Concernant sa garantie, la société Axa conclut au rejet aux motifs de l'antériorité du sinistre par rapport à la date de conclusion de la police d'assurances souscrite par son assurée et dont il est sollicité l'application, d'une part, ainsi que de l'absence d'aléa dans la survenance du sinistre, son assurée ayant manqué de loyauté au moment de la souscription de la police dès lors qu'elle connaissait l'état du bien, les dégradations étant apparentes et connues, d'autre part.

La société Axa se prévaut également d'une exclusion de garantie pour les dommages résultant d'un défaut d'entretien ou de réparation caractérisé, ce qui est le cas en l'espèce comme cela ressort des conclusions du rapport d'expertise judiciaire, soutenant que ladite clause est valable.

L'assureur critique par ailleurs les prétentions indemnitaires des époux [V], qu'il estime infondées tant dans leur principe que dans leur quantum.

Il souligne notamment, s'agissant de la prétendue perte de loyers, que le demandeur a volontairement laissé perdurer la situation et ainsi fait augmenter son préjudice sans avoir recours à des travaux qui auraient permis une mise en location plus rapide de son appartement, outre qu'il n'est pas établi que ledit appartement n'a pas été occupé par la fille de M. [V] au-delà de la période 2015-2016 ou encore que celui-ci a eu la volonté de mettre en location son bien.

A titre subsidiaire sur ce point, la société Axa conclut que la perte de chance de pouvoir louer le bien doit être quantifiée à hauteur de 5% eu égard à l'emplacement du bien et de son état, et doit être limitée dans le temps compte tenu de ce que dès 2013, M. [V] était en mesure de faire les travaux de réfection des lieux.

Aux termes de ses dernières conclusions signifiées par voie électronique le 19 octobre 2022, la société Axa France IARD es qualité d'assureur de Mme [C] demande au tribunal de :
" Vu les articles 9 du code de procédure civile et 1353 du code civil,
Vu l'article 1240 du code civil,
Vu l'article L.112-9 du code des assurances,
-Débouter M. [H] [V] et Mme [A] [U] épouse [V] de toutes leurs demandes formées à l'encontre d'Axa France IARD es qualité d'assureur de Mme [W] [C] ;
Subsidiairement,
-Fixer le préjudice matériel subi par M. [H] [V] et Mme [A] [U] épouse [V] à 693 euros ;
- Fixer la perte de chance de pouvoir louer le bien à compter d'août 2013 à 2.625 euros ;
- Limiter à 5% la quote-part qui pourrait être imputée à Mme [C], sous la garantie d'Axa France IARD, au titre des préjudices matériels et immatériels de M. [H] [V] et de Mme [A] [U] épouse [V] ;
-Débouter toutes les parties de toutes demandes plus amples ou contraires qu'elles pourraient former à l'encontre d'Axa France IARD, es qualité d'assureur de Mme [W] [C] ;
-Faire droit aux limitations contractuelles de garantie d'Axa France IARD dont la franchise opposable aux tiers ;

-Condamner M. [H] [V] et Mme [A] [U] épouse [V] à payer à Axa France IARD, en sa qualité d'assureur de Mme [W] [C], la somme de 5.000 euros au titre des frais irrépétibles et aux dépens qui pourront être recouvrés par Maître Céline Delagneau, avocat aux offres de droit dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile. "

La société Axa conteste l'engagement de la responsabilité de son assurée Mme [C] dans la survenance des dégâts des eaux dénoncés par les époux [V], se prévalant des termes du rapport d'expertise judiciaire, rappelant que si dans son rapport, l'expert a évoqué en date du 30 décembre 2011 la rupture d'un joint d'une machine à laver dans l'appartement occupé par Mme [C], il n'a cependant pas constaté les traces de ce désordre lors des réunions d'expertise organisées, et qu'il a affirmé que le lien de causalité entre ce dégât des eaux et la localisation des désordres dans l'appartement des époux [V] au 3ème étage n'était pas démontré.

Elle se prévaut en outre du comportement d'inertie fautive des époux [V], qui ont fait le choix de refuser les indemnités d'assurance proposées par l'assureur Gan Eurocourtage (devenu Allianz), assureur de l'immeuble, et n'ont pas fait le nécessaire pour faire réaliser, en temps utile, des travaux de réfection des lieux afin de faire cesser l'humidité persistante.

A titre subsidiaire, la société AXA conclut au rejet des prétentions indemnitaires des époux [V], qu'elle estime infondées tant dans leur principe que dans leur quantum.

S'agissant plus précisément des préjudices immatériels, elle les qualifie de disproportionnés, rappelant que les époux [V] ont fait le choix de ne pas assécher leur appartement et de ne pas procéder aux travaux de remise en état alors que selon l'expert judiciaire ils auraient pu entreprendre des travaux dans le même calendrier que ceux entrepris par la propriétaire du 4ème étage, outre que l'appartement a été habité de septembre 2015 à septembre 2016, et qu'il n'est pas démontré que l'appartement était loué au moment des deux sinistres ponctuels de décembre 2011.

Plus subsidiairement, la société AXA demande à ce que le tribunal considère que les époux [V] n'ont subi qu'une perte de chance de 5% de pouvoir mettre leur bien en location à partir de 2013, date à laquelle Allianz a formalisé une proposition d'indemnisation.

Pour un exposé plus détaillé des moyens et prétentions des parties, il convient de renvoyer aux termes de leurs dernières écritures susvisées, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.

L'ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2023.

L'affaire, appelée à l'audience du 20 mars 2024, a été mise en délibéré au 11 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur les demandes de " juger "

Il n'y a pas lieu de statuer sur ces demandes, lesquelles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile mais sont la reprise des arguments développés dans les écritures des parties.

Sur la matérialité des désordres, leur(s) origine(s) et les responsabilités

Aux termes de l'article 1240 du code civil, " tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. " Sur ce fondement, il incombe à la partie demanderesse, de rapporter la triple preuve de l'existence, d'une faute d'un préjudice et d'un lien causal entre les deux.

Chacun des responsables d'un même dommage doit par principe être condamné à le réparer en son entier, sans qu'il y ait lieu de tenir compte du partage de responsabilité auquel il est procédé entre eux et qui n'affecte pas l'étendue de leurs obligations envers la partie lésée.

Sur ce,

A titre liminaire, relevons qu'il ressort du rapport d'expertise judiciaire et des écritures des parties que M. [V] est propriétaire des murs de l'immeuble abritant l'hôtel [8] ainsi que du fonds dudit hôtel, ce que ce dernier ne conteste pas bien qu'il ne verse sur ce point aucune pièce justificative.

Sur la matérialité des désordres

Il ressort des éléments versés aux débats dont, essentiellement, le rapport d'expertise judiciaire que le 30 décembre 2011 un sinistre est intervenu au sein du lot appartenant aux époux [V], subséquemment à la rupture d'un joint d'une machine à laver située dans l'appartement de M. [N] situé au 5ème étage occupé par Mme [C].

Les désordres consécutifs à ce sinistre ont consisté, selon les demandeurs, en un éclatement du faux-plafond dans leur séjour, le tuilage du parquet en chêne massif et une forte présence d'eau au niveau des murs.

Dans le cadre de la mesure expertale, intervenue près de cinq ans après la survenance de ce sinistre, l'expert judiciaire a noté (pages 42 et 43):
" Lors de notre première réunion :
Aucune trace d'humidité n'a été constatée dans l'appartement du 5ème étage ([N])
Le désordre constaté dans l'appartement du 3ème étage est situé de façon très localisée dans le séjour et plus particulièrement dans le coin cuisine : doublage mis en œuvre sur le mur mitoyen, faux plafond de ce coin cuisine et au-dessus du meuble suspendu, contre la salle de bains, le désordre est situé à plus de 6m de la localisation de la machine à laver défectueuse.
(…) ".

Sur la/les cause(s) des désordres et les responsabilités

L'expert relève, aux termes des opérations expertales (page 41), que
" le sinistre allégué dans l'assignation a trois origines distinctes :
- le débordement de la machine à laver dans l'appartement du 5ème étage (M. [N] propriétaire, Mme [C] locataire)
- la rupture d'un joint sur l'arrivée d'eau de la cuvette des WC de l'appartement du 5ème étage (M. [N] propriétaire, Mme [C] locataire)
- l'absence totale de l'état d'étanchéité des aménagements des salles de bains de l'hôtel Relais [8], qui a laissé perdurer les infiltrations dans le mur mitoyen.
Ces salles de bains se situant exactement contre les séjours des appartements du [Adresse 3]. "

Sur ce point l'expert a relevé, lors de sa seconde réunion sur place, que " la réalisation de ces salles de bains, dont certaines ont pourtant étaient refaites récemment, ne répondait pas aux règles de l'art, DTU et règlement sanitaire de la ville de paris mais aussi un grave défaut d'entretien.
Cette absence d'état d'étanchéité a entraîné le développement de l'humidité qui a perduré dans la maçonnerie du mur mitoyen provenant plus particulièrement de la salle de bains de la chambre 12 (...) ".

Il précise néanmoins, en page 42, que " en l'état actuel de nos investigations (…) il apparaît que :
- le dégât des eaux survenu en décembre 2011 dont l'origine était la défectuosité d'une machine à laver dans l'appartement du 5ème étage, appartenant à M. [N] et loué à Mme [C], n'est pas à l'origine des dégâts constatés dans le séjour et le coin cuisine de l'appartement du 3ème étage appartenant à M. et Mme [V].
- le dégât des eaux survenu en décembre 2011 dont l'origine était la rupture d'un joint sur l'arrivée d'eau de la cuvette du WC dans l'appartement du 5ème étage, appartenant à M. [N] et loué à Mme [C], est bien celui qui est, en partie, à l'origine des dégâts constatés dans le séjour et le coin cuisine de l'appartement du 3ème étage appartenant à M. et Mme [V] ".

Au regard de ces éléments, s'agissant d'abord de Mme [C], dont la qualité d'occupante de l'appartement du 5ème étage au moment de la rupture d'un joint d'arrivée d'eau au niveau des WC n'est pas contestée, si les éléments objectifs de l'expertise judiciaire précités établissent qu'une des origines du sinistre dénoncé par les époux [V] se situe dans le bien qu'elle occupait alors, cela ne saurait pour autant suffire à caractériser, à son encontre, une faute délictuelle.

Ce d'autant moins que l'expert judiciaire évoque à plusieurs reprises sur ce point, un sinistre " accidentel ", soulignant que Mme [C] a fait le nécessaire sans délai auprès de son assureur, et qu'il ne fait pas état, à l'inverse, d'un défaut d'entretien courant de cette installation sanitaire par l'intéressée ni d'un mauvais usage qu'elle en aurait fait.

Les époux [V], s'ils sollicitent l'engagement de la responsabilité de Mme [C] au visa de l'article 1240 du code civil, ne prétendent ni ne caractérisent un quelconque fait fautif de cette dernière.

Par conséquent, compte tenu de la carence probatoire des demandeurs, la responsabilité délictuelle de Mme [C] ne saurait être retenue.

S'agissant de la société Hôtel Relais [8], dont il faut rappeler qu'elle a été en charge de la gestion de l'hôtel [8] jusqu'en juillet 2015, il s'évince des constats précités de l'expertise judiciaire que le défaut d'étanchéité des installations sanitaires de cet hôtel est également à l'origine du phénomène d'humidité persistante affectant le lot des époux [V], faisant suite au sinistre originel du mois de décembre 2011.

Pour autant, comme précédemment retenu, cette donnée objective ne saurait suffire à considérer comme caractérisée une faute délictuelle à l'encontre de la société défenderesse.

Or, il doit être relevé que l'expertise judiciaire n'a pas permis de dater avec certitude la période durant laquelle ces installations ont été réalisées et/ou refaites, ni le cas échéant si lors de ces travaux la société Hôtel Relais [8] a été informée de la nécessité d'installations sanitaires conformes aux réglementations en vigueur par les sociétés professionnelles intervenantes, alors qu'il n'est pas contesté que la société défenderesse est profane en matière de bâtiment.

Cette connaissance par la société Hôtel Relais [8] de la défectuosité des installations sanitaires de l'hôtel est d'autant moins établie qu'elle verse aux débats le procès-verbal de constat d'huissier de sortie des lieux, daté du 15 juillet 2015, ainsi que le compte-rendu de visite de l'immeuble établi par l'architecte M. [J], dont il ressort à chaque fois qu'aucune fuite active n'était constatée au droit des installations sanitaires existantes, aucun travaux sur ces installations n'ayant été préconisé par l'architecte dans la perspective de la remise des clés définitive.

Le défaut d'entretien de l'hôtel confinant au délabrement, également relevé par l'expert en 2017, ne peut être davantage daté, pour savoir s'il était déjà caractérisé durant la période de gérance des lieux par la société Hôtel Relais [8].

Au demeurant et en toute hypothèse, le tribunal ne dispose d'aucun élément lui permettant de déterminer si ledit défaut d'entretien ainsi que la non-conformité des installations sanitaires constituaient des manquements aux obligations de la société de gérance du fonds hôtelier ou du propriétaire des murs et du fonds, soit M. [V].

Dès lors, les époux [V] ne se prévalant d'aucun autre moyen de nature à permettre de caractériser une faute délictuelle à l'encontre de la société Relais Hôtel [8], sa responsabilité ne saurait être davantage retenue.

Enfin, il doit être relevé l'attitude d'inertie fautive dont les époux [V] ont fait preuve dans la gestion du sinistre litigieux, l'expert judiciaire ayant souligné dans le cadre de son rapport qu'aucun travaux de reprise n'avait été réalisé entre 2011 et 2017 au sein du lot dégradé, ce qui a indubitablement concouru à l'aggravation des dommages.

En conclusion, compte tenu de l'ensemble de ces éléments, les époux [V] seront déboutés de l'ensemble de leurs prétentions formées à l'encontre des parties défenderesses.

Il n'y a dès lors pas lieu d'examiner si les conditions de garantie des assureurs en la cause sont ou non réunies.

Sur les demandes accessoires

Succombants au litige, les époux [V] doivent être condamnés in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Florance Rosano et de Me Céline Delagneau, ainsi qu'à verser à la société Hôtel Relais [8] une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Les prétentions formées au même titre par la société Axa seront rejetées.

En application de l'article 514 modifié par le décret n°2019-1333 du 11 décembre 2019, applicable aux instances introduites à compter du 1er janvier 2020, les décisions de première instance sont de droit exécutoires à titre provisoire à moins que la loi ou la décision rendue n'en dispose autrement.

Il n'y a pas lieu en l'espèce d'écarter l'exécution provisoire de droit.

Les parties seront déboutées du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes plus amples ou contraires.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, mis à disposition au greffe et en premier ressort,

DEBOUTE M. [H] [V] et Mme [A] [U] épouse [V] de l'ensemble de leurs prétentions,

Les CONDAMNE in solidum aux dépens, dont distraction au profit de Me Florance Rosano et de Me Céline Delagneau,

CONDAMNE in solidum M. [H] [V] et Mme [A] [U] épouse [V] à payer à la SAS hôtel Relais [8], prise en la personne de son liquidateur Mme [I] [K], une somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les prétentions des autres parties formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs demandes formées au titre des dépens et des frais irrépétibles ainsi que de leurs autres demandes.

Fait et jugé à Paris le 11 juin 2024.

La GreffièreLa Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 20/03796
Date de la décision : 11/06/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 17/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-11;20.03796 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award