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10/06/2024 | FRANCE | N°22/13741

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 10 juin 2024, 22/13741


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/13741

N° MINUTE :

Assignations des :
15, 16 et 17 Novembre 2022

CONDAMNE

LG





JUGEMENT
rendu le 10 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [N] [U]
[Adresse 3]
[Localité 13]

Représentée par Maître Anita MIGALSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1921

DÉFENDEURS

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX (ONIAM)
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 14]

Représenté par la SELAR

LU Olivier Saumon Avocat agissant par Maître Olivier SAUMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

Monsieur [W] [J]
[Adresse 5]
[Localité 9]

ET

RELYENS venant aux droit...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/13741

N° MINUTE :

Assignations des :
15, 16 et 17 Novembre 2022

CONDAMNE

LG

JUGEMENT
rendu le 10 Juin 2024
DEMANDERESSE

Madame [N] [U]
[Adresse 3]
[Localité 13]

Représentée par Maître Anita MIGALSKI, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1921

DÉFENDEURS

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MÉDICAUX (ONIAM)
[Adresse 18]
[Adresse 18]
[Localité 14]

Représenté par la SELARLU Olivier Saumon Avocat agissant par Maître Olivier SAUMON, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0082

Monsieur [W] [J]
[Adresse 5]
[Localité 9]

ET

RELYENS venant aux droits de la SOCIETE HOSPITALIERE D’ASSURANCES MUTUELLES (SHAM)
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représentés par Maître Amélie CHIFFERT membre de L’AARPI ACLH AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0845

Monsieur [P] [Z]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
[Adresse 5]
[Localité 9]

ET
Décision du 10 Juin 2024
19ème contentieux médical
RG 22/13741

CNA HARDY
[Adresse 4]
[Localité 10]

Représentés par la SCP d’avocats NORMAND & Associés agissant par Maître Gilles CARIOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0141

LA CLINIQUE [15]
[Adresse 5]
[Localité 9]

ET

La SOCIETE AXA FRANCE IARD
[Adresse 2]
[Localité 12]

Représentées par SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMOT représentée par Maître Vincent BOIZARD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0456

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE [Localité 17]
[Adresse 8]
[Localité 11]

Non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Emmanuelle GENDRE, Vice-Présidente
Monsieur Maurice RICHARD, Magistrat honoraire

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 02 Avril 2024 présidée par Madame Laurence GIROUX tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 10 Juin 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Madame [N] [U], née le [Date naissance 6] 1977, a consulté le 13 mars 2019 le docteur [W] [J], médecin neuro-chirurgien, pour des douleurs de dos. Celui-ci a diagnostiqué une récidive de hernie discale et une discopathie L5-S1.
Elle a été opérée le 5 avril 2019 par le docteur [J] à la clinique [15] dans le cadre d’une arthrodèse intersomatique et interépineuse.

Des complications postopératoires sont apparues suite à l’intervention : un syndrome de la queue de cheval, soit des troubles sensitifs au niveau de la partie intime du corps, et la fuite d’un liquide céphalorachidien provoquant des céphalées.

Un scanner a été réalisé le 6 avril 2019.

A compter du 7 avril 2019, le docteur [Z] prenait temporairement la suite du docteur [J] dans la prise en charge post-opératoire de la patiente.

Une IRM lombaire a été effectuée le 9 avril 2019, puis une IRM cérébrale le 12 avril 2019.

Madame [U] a été opérée de la brèche durale par le docteur [J] le 15 avril 2019, ce qui a amendé les maux de tête.

Après son hospitalisation à la clinique [16], Madame [U] a été transférée en rééducation à l’institution nationale des Invalides en raison des troubles périnéaux.

Faute de réponse à sa proposition de règlement amiable, Madame [U] a saisi le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris.

Par ordonnance du 2 octobre 2020, le professeur [H], neuro-chirurgien a été désigné pour réaliser une expertise.

Le rapport rendu le 23 septembre 2021 a conclu de la manière suivante après prise en compte des dires des parties :
« L’indication opératoire de recalibrage, libération radiculaire est conforme. Il survient une brèche durale symptomatique et un syndrome de la queue de cheval avec atteinte des racines sacrées. En raison du développement d’une hypotension intracrânienne de liquide cérébro-spinal, une reprise chirurgicale est indiquée. Le traumatisme des racines sacrées est lié aux adhérences (reprise opératoire) et constitue un accident médical non fautif susceptible de survenir selon une incidence inférieure à 3% ». (page 107)« L’information telle qu’elle est tracée semble correspondre à une information « usuelle » en chirurgie du rachis dans le cadre d’une récidive de hernie discale ». (page 105)« Le délai de dix jours avant la reprise chirurgicale n’appelle pas à commentaires » (page 105)« Concernant l’établissement de santé, clinique [15], il n’est pas identifié d’aggravation clinique en rapport avec d’éventuels manquements de la part de l’établissement de santé » (page 106)
Il a retenu s’agissant de l’évaluation des préjudices en lien avec l’accident médical, notamment les éléments suivants (pages 107 et 108) :
Une consolidation au 10 novembre 2020,Un DFP de 20% (syndrome partiel de la queue de cheval requérant auto-sondages urinaires avec fuites et infections urinaires, constipation, boiterie, atteinte déficitaire S1 S2, S3 S4 S, douleurs neuropathiques et dépression chronique),Des souffrances endurées à 4/7,Une assistance tierce personne temporaire et pérenne.
Par actes d’huissier du 15 novembre, 16 novembre et 17 novembre 2022, Madame [N] [U] a assigné Monsieur [W] [J] et son assurance la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM), Monsieur [P] [Z] et son assurance la société CNA HARDY, la clinique [S] Saint Hilaire et son assureur la société AXA France IARD, l’office national d’indemnisation des accidents médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) et la caisse primaire d’assurance maladie (CPAM) de Paris devant ce tribunal aux fins d’indemnisation de ses préjudices.

Aux termes de ses dernières écritures régulièrement signifiées le 26 juin 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Madame [U] demande au tribunal de :
Déclarer recevable et bien-fondé Madame [N] [U] en ses demandes, fins et conclusions ; A titre principal :
Juger que Monsieur [W] [J] a commis un manquement à l’obligation d’information à l’égard de Madame [N] [U] sur les risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale en date du 5 avril 2019 ; Déclarer que le défaut d’information sur les risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale en date du 5 avril 2019 réalisé par Monsieur [W] [J] constitue une cause exclusive du dommage entrainant l’indemnisation de tous les préjudices ; En conséquence :
Fixer les postes de préjudice de Madame [U] comme suit : I) Avant consolidation :
Déficit fonctionnel temporaire : 4.382,28 euros.
Déficit fonctionnel temporaire partiel : 1.705,53 euros.
Perte de revenus professionnels : 3.133,5 euros.
Les souffrances endurées 4/7 : 20.000 euros.
Le préjudice esthétique temporaire 4/7 : 6.000 euros.
Préjudice sexuel temporaire majeure : 5.000 euros.
Assistance par tierce personne temporaire : 4.656 euros.
II) Consolidation : 10 novembre 2020
III) Après consolidation
Le déficit fonctionnel permanent 33% : 95.865 euros.
Le préjudice esthétique permanent 4/7 : 20.000 euros.
Le préjudice d'agrément : marche, balades, natation, sorties, promenades : 30.000 euros.
Le préjudice sexuel majeur : 60.000 euros
Dépenses de santé future : 127.121 euros
Perte de gains professionnels futurs : 154.606,43 euros.
L’inaptitude à l'exercice de l'activité professionnelle antérieure : totale
L’assistance par tierce personne permanente : 431.551,87 euros.
Soit un total de : 964.021,61 euros
Condamner Monsieur [W] [J] à payer à Madame [N] [U] la somme de 964.021,61 euros en réparation du préjudice subi à la suite de l’opération chirurgicale du 5 avril 2019 dont les postes sont détaillés ci-dessus, et sous déduction des prestations des organismes sociaux ; Condamner Monsieur [W] [J] à payer à Madame [N] [U] une somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de son droit à être informée des risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale en date du 5 avril 2019 et de son préjudice d’impréparation qui en résulte ; Condamner Monsieur [W] [J] à payer à Madame [N] [U] une somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation de préjudice résultant de la perte de chance d’échapper au dommage survenu ; Condamner Monsieur [W] [J] à payer à Madame [N] [U] une somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les frais de l’expertise dont distraction au profit de Maître Anita MIGALSKI pour ceux dont elle a fait l’avance conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile. A titre subsidiaire :
Constater l’existence de l’aléa thérapeutique ;Prononcer l’ouverture du droit à la réparation des préjudices subis par Madame [N] [U] au titre de la solidarité nationale ; Fixer les postes de préjudice de Madame [U] comme suit : I) Avant consolidation :
Déficit fonctionnel temporaire : 4.382,28 euros.
Déficit fonctionnel temporaire partiel : 1.705,53 euros.
Perte de revenus professionnels : 3.133,5 euros.
Les souffrances endurées 4/7 : 20.000 euros.
Le préjudice esthétique temporaire 4/7 : 6.000 euros.
Préjudice sexuel temporaire majeure : 5.000 euros.
Assistance par tierce personne temporaire : 4.656 euros.
II) Consolidation : 10 novembre 2020
III) Après consolidation
Le déficit fonctionnel permanent 33% : 95.865 euros.
Le préjudice esthétique permanent 4/7 : 20.000 euros.
Le préjudice d'agrément : marche, balades, natation, sorties, promenades : 30.000 euros.
Le préjudice sexuel majeur : 60.000 euros
Dépenses de santé future : 127.121 euros
Perte de gains professionnels futurs : 154.606,43 euros.
L’inaptitude à l'exercice de l'activité professionnelle antérieure : totale
L’assistance par tierce personne permanente : 431.551,87 euros.
Soit un total de : 964.021,61 euros
En conséquence :
Condamner l’ONIAM à payer à Madame [N] [U] la somme de 964.021,61 euros en réparation du préjudice dont les postes sont détaillés ci-dessus, et sous déduction des prestations des organismes sociaux.Condamner l’ONIAM à payer à Madame [N] [U] une somme de 15.000 euros au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux entiers dépens, y compris les frais de l’expertise, dont distraction au profit de Maître [L] [F] pour ceux dont elle a fait l’avance. En tout état de cause :
Condamner in solidum Monsieur [W] [J] et Monsieur [P] [Z] à payer à Madame [N] [U] une somme de 40.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de défaut d’information sur les suites opératoires de l’intervention chirurgicale en date du 5 avril 2019 ; Condamner in solidum Monsieur [W] [J] et Monsieur [P] [Z] à payer à Madame [N] [U] une somme de 60.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de manquement à l’obligation de soin et de surveillance en période postopératoire de l’intervention du 5 avril 2019, en particulier du fait de la reprise chirurgicale tardive ; Condamner la CLINIQUE [16] à payer à Madame [N] [U] une somme de 50.000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de manquement à l’obligation de soin et de surveillance en période postopératoire de l’intervention du 5 avril 2019 ; Assortir ces sommes de l'intérêt au taux légal à compter du prononcé du jugement ; Rappeler que l’exécution provisoire est de droit, Dire n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir. Débouter Monsieur [W] [J], Monsieur [P] [Z] et la CLINIQUE [16] de l’ensemble de leurs demandes, fins et conclusions plus amples ou contraires,
Par dernières conclusions régulièrement signifiées le 24 novembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le docteur [J] et son assureur la SHAM demandent au tribunal de :
Juger que l’ensemble des soins délivrés par le Docteur [J] ont été attentifs, diligents, et conformes aux règles de l’art des données acquises de la science,Juger qu’aucune faute ne peut donc être reprochée au Docteur [J] à l’origine des préjudices dont demeure affectée Madame [U],Débouter Madame [U] de l’intégralité de ses demandes fins et conclusions dirigées à l’encontre du Docteur [J]Condamner Madame [U] à verser au Docteur [J] la somme de 2.500 € au titre de l’article 700 du CPC,La condamner aux entiers dépens.
Par dernières conclusions régulièrement signifiées le 2 février 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, le docteur [Z] et son assureur la société CNA HARDY demandent au tribunal de :
Recevoir le Docteur [P] [Z] et CNA HARDY en leurs conclusions et les dire bien fondées ; Dire que le Docteur [P] [Z] n’a commis aucune faute et que par conséquent sa responsabilité n’est pas engagée ; Rejeter ou limiter telles que présentées dans le corps des présentes les demandes indemnitaires formulées par Madame [U] ; Condamner Madame [U] à régler au Docteur [P] [Z] la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ; Débouter la partie demanderesse de toutes autres demandes plus amples ou contraires, en tant que dirigées contre le concluant.
Par dernières conclusions régulièrement signifiées le 3 février 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, la clinique [S] Saint Hilaire et son assureur la société AXA France IARD demandent au tribunal de :
Accueillir le concluant en ses présentes écritures et l’y déclarer bien fondé, Débouter Madame [U] de toutes ses demandes, fins et conclusions, Reconventionnellement, la condamner à verser au concluant la somme de 3.500 € en application de l’article 700 du CPC, La condamner aux entiers dépens de l’instance.
Par dernières conclusions régulièrement signifiées le 28 novembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l'ONIAM demande au tribunal de :
Juger que les seuils de gravité exigés par la loi pour permettre une indemnisation par la solidarité nationale ne sont pas atteints ;Juger que les conditions d’intervention de la solidarité nationale ne sont pas réunies ; En conséquence, prononcer la mise hors de cause de l’Office ; Débouter madame [D] de l’ensemble de ses demandes dirigées à l’encontre de l’ONIAM ;Condamner tout succombant aux dépens.
La CPAM de [Localité 17], bien que régulièrement assignée, n’ayant pas constitué avocat, la décision sera réputée contradictoire.

Après révocation d’une première ordonnance de clôture, la clôture est intervenue par ordonnance du juge de la mise en état du 15 janvier 2024. L’affaire a été évoquée à l’audience du 2 avril 2024 et mise en délibéré au 10 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

I / SUR LA RESPONSABILITÉ

A. Sur la responsabilité du médecin

1/ Sur l'obligation d'information

Tout professionnel de santé est tenu en application des articles L.1111-2 et R.4127-35 du code de la santé publique d'un devoir de conseil et d'information ; l'information du patient doit porter de manière claire, loyale et adaptée, sur les différentes investigations, traitements ou actions de prévention qui sont proposés, leur utilité, leur urgence éventuelle, leurs conséquences, les risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que sur les autres solutions possibles et sur les conséquences prévisibles en cas de refus, le texte prévoyant qu'en cas de litige c'est au professionnel d'apporter, par tous moyens en l'absence d'écrit, la preuve que l'information a été délivrée à l'intéressé.
Le droit à l'information est un droit personnel, détaché des atteintes corporelles, et accessoire au droit à l'intégrité corporelle. Le non-respect du devoir d'information cause nécessairement à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral.

Ce préjudice se caractérise par :
- le ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à son atteinte à l'intégrité corporelle
- le défaut de préparation aux risques encourus.

Par ailleurs, le défaut d’information peut porter sur un risque réalisé ouvrant droit à indemnisation de la perte de chance de renoncer à l’intervention et d’éviter le risque ainsi réalisé.

En l’espèce, deux manquements à l’obligation d’information sont allégués, qu’il conviendra ainsi d’examiner successivement.

Sur le manquement du docteur [J] à l’obligation d’information sur les risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019
Madame [U] soutient, à titre principal, que le docteur [J] a commis un manquement à son obligation d’information sur les risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019 et que ce défaut d’information constitue une cause exclusive du dommage entrainant l’indemnisation à sa charge de tous les préjudices.

En conséquence, elle demande sa condamnation à l’indemnisation totale de son préjudice corporel, ainsi qu’à la somme de 60 000 euros à titre de dommages-intérêts en réparation du préjudice résultant de la violation de son droit à être informée des risques opératoires et de son préjudice d’impréparation en résultant et à la somme de 40 000 euros en réparation du préjudice résultant de la perte de chance d’échapper au dommage survenu.

Le docteur [J] conteste tout manquement reprenant les conclusions du rapport d’expertise. Il considère, en effet, qu’il rapporte la preuve de la délivrance d’une information orale et écrite, que la patiente a bénéficié d’un délai de réflexion et qu’elle avait déjà été opérée d’une telle chirurgie peu avant les faits.

Or, l’expert a conclu que : « L’information telle qu’elle est tracée semble correspondre à une information « usuelle » en chirurgie du rachis dans le cadre d’une récidive de hernie discale ». (page 105).

Il ressort, par ailleurs, du rapport que trois documents ont été transmis à l’expert par le docteur [J], Madame [U] contestant qu’une information sur les risques opératoires ait été donnée. Il s’agit de :
Un compte-rendu de consultation daté du 13 mars 2019 relevant notamment : « Explication donnée quant à la chirurgie, principes, bénéfices attendus et risques potentiels majorés par le fait qu’il s’agit d’une reprise » et avec la mention : « courrier validé électroniquement par le docteur [J] [W] le 6 août 2019 ».Une fiche informative non signée et non datée de l’institut de chirurgie intitulée « Je vais être opéré d’une hernie discale lombaire » avec un paragraphe détaillé sur les risques, notamment « Exceptionnellement, une racine peut être blessée ».Un recueil de l’information sur le consentement éclairé du patient signé par Madame [U] le 4 avril 2019, indiquant qu’elle a été informée le 13 mars 2019 sur les risques sans mention spécifique, ni détaillée, soit « les risques et complications potentiels, y compris infectieux de cette chirurgie, non seulement dans les suites opératoires, mais aussi à terme ».
Pour sa part, Madame [U] produit un document intitulé « Bilan de consultation du 13 mars 2019 » à l’en-tête de l’institut de chirurgie, qui ne comporte aucune mention relative à l’information et aux risques.

Le docteur [J] verse également aux débats un historique d’envois de courriels à l’adresse de la fille de la requérante avant l’intervention. Les titres de ces envois sont : consultation rachis, courrier méditation, convocation [S] et devis consentement.

Sur ce, le tribunal relève que la charge de la preuve de la délivrance de l’information incombe au praticien et que l’information doit être adaptée à chaque patient et complète, notamment en portant sur les risques fréquents ou graves normalement prévisibles.

Or, face au manquement reproché par Madame [U], le professionnel n’apporte pas la preuve, qui pèse sur lui, d’une information sur les risques précis et concrets qui étaient encourus par celle-ci. En effet, la réalisation d’une consultation même plusieurs semaines avant l’intervention ne suffit pas à apporter cette preuve, pas plus d’ailleurs que le qualificatif d’information « usuelle » employé par l’expert, alors que l’information doit être adaptée au patient, en l’occurrence une personne d’origine étrangère arrivée en France à l’âge adulte. De plus, le seul document effectivement signé par Madame [U] le 4 avril 2019 ne mentionne qu’une information générique insuffisante au regard de l’obligation circonstanciée pesant sur le professionnel. Enfin, aucune preuve n’est apportée que les autres documents produits, certains explicitant de manière plus détaillée les risques encourus, aient été effectivement remis ou envoyés à la patiente, faute de signature de sa part ou d’accusé de réception d’un envoi électronique au contenu déterminé.

Un manquement à l’obligation d’information est donc établi.

Le préjudice de Madame [U] en lien direct et certain avec celui-ci se caractérise par un défaut de préparation aux risques encourus.

Ce préjudice moral sera réparé par la somme de 7 500 euros.

En revanche, Madame [U] n’établit pas qu’elle a également subi un préjudice résultant de la perte de chance d’éviter la réalisation du risque provoqué.

En effet, il ressort du rapport d’expertise, mais également de l’ensemble des éléments médicaux versés en procédure que Madame [U] avait déjà été opérée d’une hernie discale et qu’elle avait consulté le docteur [J] pour la soulager des douleurs apparues dans le cadre d’une récidive. De plus, il est à relever que le risque survenu est particulièrement rare et que le bénéfice attendu de l’intervention était important. Dès lors, il n’est nullement établi que du fait de ce défaut d’information, elle a perdu une chance réelle et sérieuse de renoncer à l’acte proposé et d’éviter le risque réalisé.

Par conséquent, elle sera déboutée de ses demandes à l’encontre du docteur [J] quant à la prise en charge de tous les préjudices résultant du dommage et d’une somme distincte de 40 000 euros à titre de dommages-intérêts au titre de cette perte de chance.

Sur le manquement du docteur [J] et du docteur [Z] à l’obligation d’information sur les suites opératoires de l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019
Madame [U] fait valoir que les docteurs [J] et [Z] ne l’ont pas correctement informée sur les séquelles subies après l’opération. Elle produit des attestations de proches faisant état du manque d’explications reçues sur la perte de sensibilité dans les suites de l’opération.

Les docteurs [J] et [Z] contestent tout manquement. Le docteur [J] indique, notamment, qu’il a bien informé sa patiente des complications survenues et que cela ressort également des transmissions infirmières. Le docteur [Z] se contente pour sa part d’indiquer que l’information sur les risques de l’intervention ne lui incombait pas.

Or, il ressort du rapport d’expertise ce qui suit :
« Information concernant la complication : certaines lésions de la queue de cheval peuvent être transitoires et réversibles. Ce n’est qu’à terme que leur caractère définitif peut être établi (consolidation) ». (page 105)

L’expert a, par ailleurs, retenu que la prise en charge des complications a été conforme aux bonnes pratiques en la matière, la mention du syndrome de la queue de cheval ressortant dès les premiers comptes-rendus après l’opération et la prise en charge de la patiente s’y adaptant.

De plus, Madame [U] se réfère, au soutien de sa demande, au courrier du docteur [B] du 9 juillet 2020, qui l’a prise en charge en rééducation après la seconde intervention et qui l’aurait, selon elle, pour la première fois informée du caractère permanent des troubles périnéaux. Néanmoins, il ressort du paragraphe complet extrait du courrier de cette dernière les éléments suivants : « La patiente est anxieuse et présente une grande tristesse eu égard aux complications post-opératoires. A l’arrivée, j’ai expliqué à la patiente la raison de l’existence des troubles périnéaux (vésico-sphinctériens, ano-rectaux et génitaux) et du risque de leur installation définitive. La patiente me dit n’avoir pas compris cela. Il est vrai que compte tenu des origines polonaises de Madame [U], les informations données ne sont pas toujours bien comprises et doivent être répétées. ».

Dès lors, il n’est pas établi contrairement à ce qu’affirment la requérante et ses proches et sans remettre en cause le choc important lié à un état de santé dégradé après l’opération, qu’elle n’ait pas été informée des suites opératoires entre la première et la seconde intervention. En outre, durant cette période, l’expert relève qu’aucun diagnostic définitif ne pouvait être médicalement posé ; l’information donnée était donc nécessairement évolutive.

Par conséquent, Madame [U] sera déboutée de ses demandes à ce titre contre le docteur [J] et contre le docteur [Z].

2/ Sur la qualité des soins

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute.

Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

En l’espèce, Madame [U] reproche au docteur [Z] et au docteur [J] un manquement à l’obligation de soin et de surveillance en période postopératoire de l’intervention du 5 avril 2019, en particulier du fait de la reprise chirurgicale tardive. Elle en demande indemnisation à hauteur de 60 000 euros.

Le docteur [J] sollicite le débouté de la requérante, faisant état d’un suivi post-opératoire attentif de celle-ci. Il fait siennes les conclusions d’expertise pour justifier le délai de réintervention à 10 jours à son retour.

Le docteur [Z] conteste toute faute en indiquant avoir pris le relai du docteur [J] par des visites quotidiennes auprès de sa patiente et avoir réalisé les examens appropriés en tenant le docteur [J] informé de leurs résultats.

Or, si l’expert dans son pré-rapport avait relevé que la reprise chirurgicale était « un peu tardive » (page 42), il a ensuite, en réponse aux dires de la requérante, exclu tout manquement : « Le délai de dix jours avant la reprise chirurgicale n’appelle pas à commentaires » (page 105).

En tout état de cause, le rapport explique, de manière circonstanciée après prise en compte et réponse aux dires transmis, qu’aucun traitement chirurgical spécifique n’était à envisager pour les lésions directes des racines sacrées et ce qui suit pour le traitement de la brèche durale : « Lorsqu’est observée une brèche durale, la réintervention n’est pas systématique, ni obligatoire. La réintervention est indiquée seulement si la brèche durale est persistante et n’est pas bien tolérée sur le plan clinique ; pour confirmer le caractère symptomatique et non réversible de la brèche durale ; il faut plusieurs jours d’observation avant que de retenir éventuellement l’indication de la reprise chirurgicale. Le délai de 10 jours avant réintervention est un délai acceptable, moyenne 7 à 10 jours de repos » (page 41).

En revanche, sans remettre en cause l’inconfort et les douleurs subies par Madame [U] et confirmées par les attestations de ses proches, celle-ci n’apporte aucun élément de littérature médicale susceptible de remettre en cause les conclusions expertales sur la date de l’intervention retenue comme non fautive.

De plus, il ne peut qu’être constaté que les imageries réalisées, soit le 6 avril 2019 pour le scanner et le 9 avril 2019 pour l’IRM, l’ont été dans un délai inférieur à 7 jours, c’est-à-dire à un moment où une réintervention n’était pas encore indiquée contrairement à ce qu’affirme la requérante. Pour la seconde IRM du 12 avril, il est relevé dans les notes de suivi du docteur [J] l’absence de mise en évidence d’une hypotension intra-crânienne, ce qui expliquait alors une décision commune de poursuite de la prise en charge médicale avant de finalement réintervenir chirurgicalement face à l’échec du traitement.

La requérante ne justifie pas davantage ses critiques quant à l’absence de soins nécessaires pour ses selles, l’insuffisance de documentation sur le syndrome de la queue de cheval, la précocité de l’ordonnance de sortie, qui ne sont nullement étayées par les conclusions pourtant circonstanciées de l’expert, qui a pris en compte les dires de la requérante. Elle ne démontre pas davantage en quoi ces éléments seraient à l’origine d’un dommage.

Le rapport ne pointe, d’ailleurs, pas de manquement de l’un ou l’autre praticien dans le suivi post-opératoire partagé entre eux, cette organisation elle-même n’étant pas interrogée ou considérée comme fautive.

Aucune faute du docteur [J] ou du docteur [Z] n’est donc établie et il n’y a dès lors lieu à examiner l’existence d’un dommage ou d’un lien causalité également nécessaires pour engager la responsabilité des praticiens.

Par conséquent, Madame [U] sera déboutée de la demande présentée à ce titre.

B/ SUR LA RESPONSABILITE DE L'ETABLISSEMENT DE SOINS

Le contrat d'hospitalisation et de soins met à la charge de l'établissement de santé l'obligation :
- de mettre à la disposition du patient un personnel qualifié (personnel paramédical et médecins) et en nombre suffisant, pour qu'il puisse intervenir dans les délais imposés par son état,
- de fournir pour l'accomplissement des actes médicaux des locaux adaptés et des appareils sans défaut ayant fait l'objet de mesures d'aseptisation imposées par les données acquises de la science,
- de fournir une information sur l'état de ses locaux (inadaptation de ceux-ci à l'état du patient, notamment en l'absence de service de réanimation),
- d'exercer une surveillance sur les patients hospitalisés.

En vertu du contrat d'hospitalisation et de soins le liant au patient, l'établissement de santé privé est responsable des fautes commises tant par lui-même que par ses substitués ou ses préposés qui ont causé un préjudice à ce patient.

En l’espèce, Madame [U] sollicite la somme de 50 000 euros à l’encontre de la clinique [15] en réparation du préjudice résultant d’un manquement à l’obligation de soins et de surveillance en période post opératoire de l’intervention du 5 avril 2019. Elle critique, notamment, l’insuffisance du dossier médical, l’absence de changement de la sonde urinaire, l’indisponibilité du personnel médical, l’absence de permanence des soins et l’inadaptation des salles de la clinique.

La clinique [15] s’oppose à la demande, faisant valoir que les prétendus manquements ne sont aucunement étayés et ne sont à l’origine d’aucun dommage.

Or, l’expert a relevé : « Concernant l’établissement de santé, clinique [15], il n’est pas identifié d’aggravation clinique en rapport avec d’éventuels manquements de la part de l’établissement de santé » (page 106), ainsi que : « le ratio de personnel/malades pris en charge indiqué sur la période avril, mai, juin 2019 au sein de l’établissement de santé correspond à des ratios usuels » (page 107).

L’expert a également confirmé que la position tête en bas, dont l’inconfort était réel pour la patiente, est une préconisation conforme aux données acquises de la science face aux complications constatées.

De plus, il ressort des comptes-rendus infirmiers versés aux débats des informations précises et quotidiennes sur les soins apportés à Madame [U], notamment pour prendre en charge ses douleurs et ses troubles sensitifs. Il est mentionné les prescriptions médicamenteuses, le recours à des sondes urinaires et le suivi des selles.

Au regard de ces éléments, les critiques de la requérante uniquement confortées par les attestations de ses proches ne sont nullement étayées par les conclusions pourtant circonstanciées de l’expert, qui a pris en compte ses dires conséquents. Elle ne démontre d’ailleurs pas davantage en quoi ils seraient à l’origine d’un dommage.

Aucune faute de l’établissement de soins n’est donc établie et il n’y a dès lors lieu à déterminer l’existence d’un dommage ou d’un lien causalité également nécessaires pour engager sa responsabilité.

Par conséquent, Madame [U] sera déboutée de la demande présentée à ce titre.

C/ SUR LES CONDITIONS DE PRISES EN CHARGE D’UN ACCIDENT MÉDICAL AU TITRE DE LA SOLIDARITÉ NATIONALE

Aux termes de l'article L.1142-1 paragraphe II du code de la santé publique : « Lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ouvre droit à la réparation des préjudices du patient au titre de la solidarité nationale, et, en cas de décès, de ses ayants droit lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'incapacité permanente ou de la durée de l'incapacité temporaire de travail. »

Au titre du critère de gravité du dommage, l’ONIAM n’a vocation à intervenir que si le dommage subi par la victime atteint, a minima, l’un des seuils de gravité suivants :
- un déficit fonctionnel permanent supérieur à 24% ;
- un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire total ou partielle supérieur ou égal à un taux de 50% pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois.

A titre exceptionnel, l’ONIAM a vocation à intervenir :
- lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l’activité professionnelle qu’elle exerçait avant la survenue du dommage ;
- lorsque le dommage occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans ses conditions d’existence.

En l’espèce, Madame [U] sollicite, à titre subsidiaire, l’indemnisation de son entier préjudice par la solidarité nationale compte tenu de l’existence d’un aléa thérapeutique.
L’ONIAM s’y oppose considérant qu’aucun des quatre critères justifiant son intervention n’est rempli.
Or, le rapport d’expertise conclut sans ambiguïté à un accident médical non fautif : « Le traumatisme des racines sacrées est lié aux adhérences (reprise opératoire) et constitue un accident médical non fautif susceptible de survenir selon une incidence inférieure à 3% ». (page 107)
Cette conclusion n’est d’ailleurs pas contestée par les parties.
Il en va différemment des critères d’interventions de l’ONIAM, qui seront successivement examinés.
S’agissant du déficit fonctionnel permanent, l’expert a retenu un taux de 20% prenant le soin dans ses conclusions définitives de répondre aux dires de Madame [U] sollicitant la réévaluation à 33% de la même manière que dans ses présentes écritures. Il indique (page106) : « Concernant la discussion sur la valeur du DFP, il est exact que le barème habituel indique un DFP en cas de syndrome de la queue de cheval susceptible d’être évalué au maximum à 50%. Il faut rappeler les racines de la queue de cheval : L5 L4 L3 L32 LI S1 S2 S3 S4 S5 soit 10 racines à droites et 10 racines à gauche. La valeur d’un DFP de 50% correspondrait donc à l’atteinte complètes des 20 racines sur la totalité de leur fonction. Il parait nécessaire de respecter la proportionnalité entre les atteintes radiculaires anatomiques, la perte de fonction, la capacité restante et la valeur du DFP. L’évaluation psychologique consécutive à l’atteinte d’organes a été prise en compte dans la valeur du DFP au regard des éléments transmis sans nécessité d’appel à un autre technicien ».

Au soutien de sa demande contestée par l’ONIAM, Madame [U] n’apporte pas d’autres éléments que ceux déjà discutés dans le rapport d’expertise.

Il n’y a dès lors pas lieu de remettre en cause ces conclusions prenant en compte les aspects somatiques et psychologiques des séquelles permanentes. Il ne pourra donc qu’être constaté que le critère d’intervention (seuil de DFP supérieur à 24%) n’est pas rempli.

S’agissant du critère de l’arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d’un déficit fonctionnel temporaire total ou partiel supérieur ou égal à un taux de 50% pendant six mois consécutifs ou six mois non consécutifs sur une période de 12 mois, il ne ressort pas des conclusions de l’expert (page 107) qu’il soit rempli.

Ce point n’est pas contesté par les parties.

S’agissant de l’inaptitude à exercer l’activité professionnelle exercée qui était la sienne avant la survenue du dommage, l’expert a relevé ce qui suit (page 106) : « il est rappelé que Madame [U] était sans activité professionnelle au moment de la prise en charge chirurgicale du docteur [J]. L’inaptitude à l’exercice de la profession de femme de ménage est en rapport avec la maladie ».

Madame [U] fait, cependant, valoir qu’elle entendait reprendre son métier après l’intervention chirurgicale et qu’elle travaillait ponctuellement encore sans être déclarée. L’ONIAM s’oppose à ce que soit prise en compte cette activité et réfute l’imputabilité de l’inaptitude à l’accident médical.

Le tribunal ne peut que constater qu’aucun bulletin de paie postérieur à 2017, soit deux ans avant l’intervention, n’est fourni. Ainsi, même si Madame [U] bénéficie désormais de l’allocation adulte handicapé, elle ne démontre pas que l’arrêt de son métier de femme de ménage est imputable à l’intervention. Dès lors, le critère d’inaptitude n’est pas rempli.
Enfin, s’agissant de savoir si le dommage occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d’ordre économique, dans les conditions d’existence, Madame [U] fait valoir la nécessité d’auto-sondages urinaires, l’exonération manuelle des selles, l’absence de toute sensation intime et, sans contredire le rapport d’expertise sur la possibilité médicale d’avoir un second enfant, les difficultés pratiques extrêmes de mener une seconde grossesse et de prendre en charge un nourrisson.
L’ONIAM s’y oppose considérant que la jurisprudence ne retient que dans des circonstances très exceptionnelles l’existence de troubles particulièrement graves.

Or, l’expert a retenu un DFP côté à 20 % pour les raisons suivantes : « syndrome partiel de la queue de cheval requérant auto-sondages urinaires avec fuites et infections urinaires, constipation, boiterie, atteinte déficitaire S1 S2, S3 S4 S, douleurs neuropathiques et dépression chronique ».

Il est également mentionné dans le rapport d’expertise que Madame [U] enlève manuellement ses selles le matin (extraction digitale avec gants et vaseline), qu’elle utilise une canne pour se déplacer, qu’un besoin d’aide en tierce personne a été reconnu et que le préjudice sexuel est majeur avec perte des sensations intimes et difficultés des rapports sexuels compte tenu du risque de fuites urinaires.

Au regard de ces éléments, il est caractérisé que le dommage subi par Madame [U], âgée de seulement 43 ans au moment de la consolidation, lui a occasionné des troubles particulièrement graves en ce que :
Elle est confrontée au quotidien à un risque de fuites urinaires particulièrement inconfortable tant pour sa vie personnelle, sociale, que professionnelle le cas échéant, ainsi qu’à l’adaptation de son mode de vie et de ses déplacements à la pratique des auto-sondages dans des conditions permettant de prévenir les risques infectieux,L’exonération manuelle des selles et les auto-sondages urinaires constituent en eux-mêmes une atteinte particulière à son intimité et elle devra le faire de manière permanente pendant la seconde moitié de sa vie,L’absence de sensation au niveau des parties intimes prive la requérante de la possibilité d’avoir une vie sexuelle satisfaisante pour elle-même et dans le cadre de sa relation de couple,Les séquelles physiques permanentes subies ne peuvent que sérieusement rendre difficile, voire impraticable tout éventuel projet de nouvelle grossesse pour une femme encore en âge de procréer durant quelques années au moment de l’intervention.
Dès lors, le critère d’intervention de l’ONIAM à titre exceptionnel est rempli.

Par conséquent, il sera reconnu le droit de Madame [U] à obtenir la prise en charge de son entier préjudice par la solidarité nationale.

II/ SUR LA RÉPARATION DES PRÉJUDICES
Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Madame [U], née le [Date naissance 6] 1977, femme de ménage ne travaillant plus à l’époque des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.
Il convient en l'espèce d'utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais du 15 septembre 2020, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles, à savoir celui fondé sur les tables d'espérance de vie définitive de 2014-2016 publiées par l'INSEE et sur un taux d'intérêt de 0 % conformément à la demande.

I/ Préjudices patrimoniaux

A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)

1) Dépenses de santé actuelles
Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.
En l’espèce, Madame [U] ne fait valoir aucune demande au titre de dépenses restées à charge et il n’est pas produit les débours de la CPAM de [Localité 17] pourtant régulièrement mise en cause.
Il n’y a donc lieu à statuer.

2) Pertes de gains professionnels actuels
Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.
En l’espèce, Madame [U] sollicite la somme de 3133,50 euros. Elle forme sa demande en calculant sur la base de ses revenus en 2016 et 2017 le montant moyen qu’elle aurait pu percevoir sur une période de 5 mois, durée d’incapacité qu’elle impute à l’intervention.

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

Il n’est pas produit les débours de la CPAM de [Localité 17] pourtant régulièrement mise en cause. Il n’est pas davantage versé aux débats les avis d’imposition de Madame [U].
De plus, l’expertise a retenu que Madame [U], femme de ménage, n’avait plus d’activité professionnelle depuis deux ans au moment de l’intervention litigieuse. Celle-ci ne le conteste d’ailleurs pas faisant uniquement valoir des aides ponctuelles non déclarées ou du bénévolat.

Dès lors, Madame [U] ne démontre ni l’imputabilité à l’intervention de l’arrêt d’une activité professionnelle, ni la réalité d’une perte de revenus quelconque.

Elle sera donc déboutée de sa demande.

3) Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne provisoire : 1 heure par jour jusqu’à la consolidation.

Madame [U] sollicite la somme de 4656 euros sur la base d’un taux horaire de 16 euros et d’un nombre d’heures majoré par rapport à l’expertise à compter de la fin d’hospitalisation le 30 mai 2019 jusqu’à la consolidation le 10 novembre 2020.

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

Sur ce, il n’y a lieu à écarter les conclusions du rapport d’expertise précises et circonstanciées. De plus, il convient de retenir le taux horaire de 16 euros demandé par la requérante s’agissant d’une aide non spécialisée.

Par conséquent, il peut être calculé une somme de 8480 euros (16 euros x 530 jours x 1heure) et il sera alloué une somme ramenée à 4656 euros au regard de la demande calculée sur 144 jours en dépit des dates précédemment évoquées.

B/ Préjudices patrimoniaux permanents

1) Dépenses de santé futures
Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation exposés ou à exposer après la consolidation tant par les organismes sociaux que par la victime.
En l’espèce, l’expert a retenu les besoins suivants : matériel pour auto-sondage, protections et garnitures, matériel d’hygiène corporelle, sous-vêtements, 1 canne tous les deux ans, Cs SSR tous les 4 mois.
Madame [U] sollicite la somme totale de 127 121 euros. Cette demande correspond à la capitalisation de frais pour du matériel d’auto-sondage, des protections et garnitures, des consultations psychologiques, des séances de kinésithérapie, un lit thérapeutique, une canne, un embout de canne et des sous-vêtements. Elle produit uniquement une facture de pharmacie du 1er octobre 2021 pour quelques produits d’hygiène
L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

Or, il n’est pas produit les débours de la CPAM de [Localité 17] pourtant régulièrement mise en cause. Dès lors, outre l’absence de justification de la plupart des montants ayant servi de base au calcul, il ne peut qu’être constaté que certaines dépenses pour lesquelles la requérante sollicite un remboursement peuvent être pris en charge par la sécurité sociale.
Par conséquent, le tribunal n’est, en l’état, pas en mesure de liquider ce poste de préjudice, qui sera réservé.

2) Pertes de gains professionnels futurs
Elles correspondent à la perte ou à la diminution des revenus consécutive à l'incapacité permanente à compter de la date de consolidation
En l’espèce, Madame [U] sollicite la somme de 154 606,43 euros estimant qu’elle a perdu une chance de 100% de reprendre son emploi. Elle calcule le montant demandé sur la base d’un revenu annuel moyen de 7520,50 euros capitalisé jusqu’à l’âge de la retraite.

Elle produit un relevé de CAF justifiant de la perception actuelle d’une allocation adulte handicapé. Il n’est pas en revanche pas versé les avis d’imposition de Madame [U].
En tout état de cause, l’expertise a retenu que Madame [U], femme de ménage, n’avait plus d’activité professionnelle depuis deux ans au moment de l’intervention litigieuse et que l’inaptitude à la profession de femme de ménage relève de sa maladie.

Au regard des éléments, il n’est pas justifié de l’imputabilité à l’accident de la perte de revenus, ni même de la réalité de cette perte de revenus, étant précisé qu’aucune demande autonome chiffrée n’est formé au titre de l’incidence professionnelle.
Par conséquent, Madame [U] sera déboutée de sa demande.

3) Assistance tierce personne permanente
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation.

En l’espèce, Madame [U] sollicite la somme de 431 551,87 euros en capitalisant de manière viagère sur la base d’un coût horaire de 16 heures, d’une durée annuelle de 412 jours et d’un besoin majoré d’1h30 par jour.

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.
L’expert conclut à une aide humaine après la consolidation à hauteur de 5 heures par semaine (aide au domicile, entretien du logement, courses). Pour les mêmes raisons que précédemment, il n’y a lieu à remettre en cause cette évaluation.

S’agissant des arrérages échus jusqu’au jugement, le calcul se fera sur la base de 5 heures par semaine, d’un taux horaire de 16 euros et sur 365 jours par an s’agissant d’une aide n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales.

Ainsi, il sera fixé la somme de 14 960 euros, telle que calculée : 1309/7 jours x 5 heures x 16 euros.

S’agissant des arrérages à échoir, un besoin de 5 heures par semaine sur la base d’un taux horaire de 16 euros et de 412 jours par an conformément à la demande de la requérante et d’une capitalisation viagère avec un prix d’euro de rente à 38,883 pour une femme de 47 ans au jour du présent jugement.

La somme capitalisée représente donc 183 083,38 euros : ((16 euros x 5 heures x (412/7))) x 38,883.

Il sera, par conséquent, fixé la somme totale de 198 043,38 euros.

II/ Préjudices extrapatrimoniaux

A/ Préjudices extrapatrimoniaux après consolidation

1. Déficit fonctionnel temporaire
Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

Madame [U] sollicite une indemnité de 4382,28 euros et 1705,53 euros sur une base journalière de 59,22 euros (taux journalier net du SMIC).

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

En l’espèce, l’expert retient les éléments suivants :
- Déficit Fonctionnel temporaire Total : hospitalisation au sein de la clinique [15] du 4 au 23 avril 2019, rééducation du 23 avril au 29 mai, puis du 2 au 21 juin 2019,
- Déficit fonctionnel Temporaire Partiel :
Première période : du 30 mai au 1er juin 2019 à 50%
Deuxième période : du 22 juin 2019 à la consolidation pour un taux de 33%.

Madame [U] déduit de cette évaluation les 5 jours d’hospitalisation habituels pour ce type d’opération.

Sur la base de 30 euros par jour de déficit fonctionnel temporaire total et du nombre de jours retenu par la requérante, le calcul est le suivant : (74 jours x30) + (3 jours x 50% x 30) + (141 x 33% x 30) = 3 660,90 euros.

Par conséquent, il sera alloué à Madame [U] la somme de 3 660,90 euros de ce chef de préjudice.

En revanche, il ne peut qu’être constaté que la demande de 5 000 euros formée au titre d’un préjudice sexuel temporaire est incluse dans ce poste de préjudice, dont le taux a été évalué tenant compte de l’ensemble des incapacités de la requérante, et qu’il n’est pas justifié d’une indemnisation autonome.
La demande sera donc rejetée.

2. Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

Madame [U] sollicite la somme de 20.000 euros.
L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

En l’espèce, l’expert a retenu un taux de 4/7 en lien avec le syndrome de la queue de cheval (réintervention, auto-sondages, douleurs, prolongation des hospitalisations et de la rééducation).

La requérante produit de nombreuses attestations de proches témoignant de sa douleur physique et morale après l’intervention.

C’est ainsi que ces souffrances morales et physiques de Madame [U] seront réparées par l’allocation d’une somme de 20 000 €.

3.Préjudice esthétique temporaire

La demanderesse sollicite la somme de 6000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire.

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

En l’espèce, l’expert retient une cotation de 4/7 durant trois semaines, puis 3/7 (fauteuil roulant, 2 cannes puis 1 canne).

Compte-tenu de la durée d’hospitalisation et des différentes séquelles de marche que la victime a subies, il convient de lui allouer la somme de 3 000 € au titre du préjudice esthétique temporaire.

B/ Préjudices extrapatrimoniaux après consolidation

1. Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

Madame [U] sollicite une somme de 95 865 euros sur la base d’un taux de 33%.

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

La victime souffre d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 20% par l’expert compte-tenu des séquelles. Pour les mêmes raisons que développées précédemment, il n’y a lieu à remettre en cause cette évaluation.

C'est ainsi qu'il sera retenu pour une femme âgée de 43 ans à la date de consolidation de son état de santé, une valeur de 2245 euros du point, ce qui donne le calcul suivant : 2245 x 20 = 44 900.
Il convient donc d’allouer à Madame [U] la somme de 44 900 euros au titre de ce préjudice.

2. Préjudice esthétique permanent
Madame [U] sollicite une somme de 20 000 € de ce chef de préjudice.
L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

L’expert a retenu un préjudice définitif évalué à 1,5/7 pour tenir compte de la boiterie et des autosondages.

C'est ainsi qu'il sera alloué une somme de 15 000 € au titre du préjudice esthétique permanent.
3. Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident et également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

En l’espèce, Madame [U] sollicite la somme de 30 000 euros.
L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

Or, les conclusions d’expertise retiennent qu’elle n’a pas repris les activités sportives ou les promenades à part avec son petit-fils. Toutefois, la requérante ne produit aucun justificatif d’activités particulières auxquelles elle a dû renoncer se contentant d’une énumération : piscine, promenades, théâtre, opéra, cinéma, musées, sorties au parc.
Dans ces conditions, la demande formulée à ce titre ne pourra qu'être rejetée.
4. Préjudice sexuel
Ce préjudice recouvre trois aspects pouvant être altérés séparément ou cumulativement, partiellement ou totalement : l’aspect morphologique lié à l’atteinte aux organes sexuels, le préjudice lié à l’acte sexuel (libido, perte de capacité physique, frigidité), et la fertilité (fonction de reproduction).

En l’espèce, Madame [U] sollicite la somme de 60 000 euros.

L’ONIAM n’a fait aucune offre même à titre subsidiaire.

L’expertise a retenu un préjudice sexuel majeur (perte de sensations et risque de fuites urinaires).

Tenant compte également de son âge à la consolidation, il lui sera alloué la somme de 30 000 euros.

III/ SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

* Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile

L’ONIAM et le docteur [J] avec son assureur, parties succombantes, seront solidairement condamnés aux dépens de la présente instance, ainsi qu’à la somme de 3 500 euros à verser à Madame [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, au regard de la nature et de la complexité du litige, le docteur [J] avec son assureur, le docteur [Z] avec son assureur, ainsi que la clinique [15] avec son assureur seront déboutés de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

* Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514-1 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l'exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DECLARE le docteur [W] [J] responsable d’un défaut d’information sur les risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019 ;

CONDAMNE Monsieur [W] [J] in solidum avec son assurance la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM)aux droits de laquelle vient désormais la société RELYENS à payer à Madame [N] [U] la somme de 7 500 euros au titre de son préjudice d’impréparation avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

DIT que le défaut d’information du docteur [W] [J] sur les risques opératoires liés à l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019 n’a occasionné aucune perte de chance de renoncer à l’intervention ;

DEBOUTE Madame [N] [U] de ses demandes contre le docteur [J] en indemnisation de son préjudice corporel et du préjudice résultant de la perte de chance d’échapper au dommage survenu ;

DEBOUTE Madame [N] [U] de ses demandes contre le docteur [J] et le docteur [Z] au titre d’un manquement à l’obligation d’information sur les suites opératoires de l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019 ;

DEBOUTE Madame [N] [U] de ses demandes contre le docteur [J] et le docteur [Z] au titre d’un manquement à l’obligation de soins et de surveillance dans les suites opératoires de l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019 ;

DEBOUTE Madame [N] [U] de ses demandes contre la clinique[15]e au titre d’un manquement à l’obligation de soins et de surveillance dans les suites opératoires de l’intervention chirurgicale du 5 avril 2019 ;
DIT que l'accident médical subi par Madame [N] [U] n'engage pas la responsabilité des professionnels de santé, et que son indemnisation relève de la solidarité nationale ;
CONDAMNE l’ONIAM à réparer le préjudice subi en intégralité ;

CONDAMNE en conséquence l’ONIAM à régler à Madame [N] [U] les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, avec intérêt au taux légal à compter de la présente décision, pour les préjudices suivants :
4 656 euros au titre de la tierce personne temporaire ;198 043,38 euros au titre de la tierce personne pérenne ;3 660,90 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire ;20 000 euros au titre des souffrances endurées ;3 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;44 900 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;15 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent ;30 000 euros au titre du préjudice sexuel ;DEBOUTE Madame [N] [U] de ses demandes au titre des pertes de gains professionnels actuels, des pertes de gains professionnels futurs, du préjudice sexuel temporaire et du préjudice d’agrément ;
RESERVE les demandes formulées par Madame [N] [U] au titre des dépenses de santé futures ;
DECLARE le présent jugement commun à la CPAM de [Localité 17] ;
CONDAMNE in solidum l’ONIAM, d’une part, et Monsieur [W] [J] in solidum avec son assurance la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM) aux droits de laquelle vient désormais la société RELYENS, d’autre part, à payer à Madame [N] [U] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE Monsieur [W] [J] et son assurance la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM) aux droits de laquelle vient désormais la société RELYENS, Monsieur [P] [Z] et son assurance la société CNA HARDY, la clinique [15] et son assureur la société AXA France IARD de leurs demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE in solidum l’ONIAM, d’une part, et Monsieur [W] [J] in solidum avec son assurance la société hospitalière d’assurance mutuelle (SHAM) aux droits de laquelle vient désormais la société RELYENS, d’autre part, aux dépens de la présente instance ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
REJETTE le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 10 Juin 2024.

La GreffièreLa Présidente

Erell GUILLOUËTLaurence GIROUX


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 22/13741
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;22.13741 ?
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