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10/06/2024 | FRANCE | N°22/04721

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 10 juin 2024, 22/04721


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Alexandre BARBELANE

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eric BOHBOT

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 22/04721 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXGW6

N° MINUTE :
1 JCP






JUGEMENT
rendu le vendredi 10 juin 2024


DEMANDERESSE
Société BNP PARIBAS, dont le siège social est sis [Adresse 2]/FRANCE
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430


D

ÉFENDEURS
Monsieur [Y] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Alexandre BARBELANE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0169

Monsieur [L] [S], demeurant [Adresse 1]
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Me Alexandre BARBELANE

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Me Eric BOHBOT

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 22/04721 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXGW6

N° MINUTE :
1 JCP

JUGEMENT
rendu le vendredi 10 juin 2024

DEMANDERESSE
Société BNP PARIBAS, dont le siège social est sis [Adresse 2]/FRANCE
représentée par Me Eric BOHBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0430

DÉFENDEURS
Monsieur [Y] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Alexandre BARBELANE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0169

Monsieur [L] [S], demeurant [Adresse 1]
représenté par Me Alexandre BARBELANE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #G0169

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Pascale GAULARD, Vice-présidente, juge des contentieux de la protection
assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 25 septembre 2023

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 10 juin 2024 par Pascale GAULARD, Vice-présidente assistée de Inès CELMA-BERNUZ, Greffier

Décision du 07 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 22/04721 - N° Portalis 352J-W-B7G-CXGW6

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 6 juin 2015, la société BNP Paribas a consenti à M. [Y] [S] un prêt personnel étudiant d'un montant en capital de 35000 euros remboursable au taux nominal de 1,19% (soit un TAEG de 1,20%) selon les modalités suivantes :
- période de différé de 60 mois avec des mensualités de 5,25 euros correspondant à l’assurance,
- période de remboursement de 60 échéances mensuelles de 638,28 euros chacune avec assurance (637,78 euros sans assurance).

Par acte séparé du 6 juin 2015, M. [L] [S] s’est porté caution solidaire de M. [Y] [S] dans la limite de la somme de 42010 euros couvrant le paiement du principal, des intérêts et le cas échéant des pénalités ou intérêts de retard pour la durée de 144 mois.

Des échéances étant demeurées impayées, la société BNP Paribas a fait assigner M. [Y] [S] et M. [L] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par actes d'huissier en date du 30 mai 2022, pour obtenir leur condamnation solidaire au paiement des sommes suivantes,
- 34307,89 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 1,19 % à compter du 22 novembre 2021, avec, à titre subsidiaire, prononcé de la résolution judiciaire aux torts de l'emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière,
2823,66 euros au titre de l'indemnité légale de 8%, avec intérêts contractuels au taux de 1,19 % à compter de la mise en demeure du 26 mars 2021,1000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.
A l'audience du 25 septembre 2023, la société BNP Paribas, représentée par son conseil, soutient les termes de ses conclusions déposées à l’audience, maintient ses demandes en portant celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile à 1500 euros et sollicite le rejet des demandes de M. [Y] [S] et M. [L] [S].

M. [Y] [S] et M. [L] [S], représentés par leur conseil, soutiennent les termes de leurs conclusions et demandent au juge des contentieux de la protection :
A titre principal :
- de débouter la société BNP Paribas de l’intégralité de ses demandes, fins et prétentions,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts de la société BNP Paribas,
- d’ordonner à la société BNP Paribas, sous astreinte de 100 par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de produire un tableau d’amortissement conforme et prévoyant la reprise du remboursement du prêt outre l’imputation de l’ensemble des intérêts indûment perçus,
A titre subsidiaire,
- de prononcer la déchéance du droit aux intérêts, frais et pénalités de la société BNP Paribas,
- d’ordonner à la société BNP Paribas, sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir, de produire un décompte de sa créance conforme prévoyant l’imputation de l’ensemble des intérêts, frais et pénalités,
En tout état de cause,
- de fixer l’indemnité de résiliation à 1 euro,
- d’autoriser M. [Y] [S] et M. [L] [S] à apurer le remboursement de leur éventuelle dette par mensualités de 400 euros et le reliquat à l’issue d’un délai de 24 mois suivant signification du jugement à intervenir,
- de dire et juger qu’en application de l’article 1345-1 du code civil, les majorations d’intérêts ou les pénalités encourues à raison du retard cessent d’être dues pendant le délai fixé par le juge,
- de condamner la société BNP Paribas à payer à M. [Y] [S] et M. [Y] [S] et M. [L] [S] la somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Pour un plus ample exposé des prétentions et de moyens des aprties, il est renvoyé à leurs conclusions déposées et débattues à l’audience, par application de l’article 455 du code de procédure civile.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation antérieure à l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et au décret n°2016-884 du 29 juin 2016

L'article L.311-24 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur peut demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice de l'application des articles 1152 et 1231 du code civil, est fixée suivant un barème déterminé par décret. L'article D.311-6 du même code précise que lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l' ancien article L.311-24, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de ce que le terme du contrat est bien échu et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la déchéance du terme

Aux termes de l’article 1315 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver.

Par ailleurs, selon l'article 1103 du code civil, les conventions légalement formées engagent leurs signataires et en application de l'article 1224 du même code, lorsque l'emprunteur cesse de verser les mensualités stipulées, le prêteur est en droit de se prévaloir de la déchéance du terme et de demander le remboursement des fonds avancés soit en raison de l'existence d'une clause résolutoire soit en cas d'inexécution suffisamment grave. L'article 1225 précise qu'en présence d'une clause résolutoire, la résolution est subordonnée à une mise en demeure infructueuse s'il n'a pas été convenu que celle-ci résulterait du seul fait de l'inexécution.

En matière de crédit à la consommation en particulier, la jurisprudence est venue rappeler qu'il résulte des dispositions de l’ancien article L.311-24 du code de la consommation, que si le contrat de prêt d’une somme d’argent peut prévoir que la défaillance de l’emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut sauf disposition expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d’une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.

Il appartient au prêteur de se ménager la preuve de l'envoi d'une telle mise en demeure et de s’assurer que la mise en demeure a bien été portée à la connaissance du débiteur.

En l’espèce, le contrat de prêt contient une clause d'exigibilité anticipée en cas de défaut de paiement (page 3) et une mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme de payer la somme de 1278,62 euros précisant le délai de régularisation (de 15 jours) a bien été envoyée le 27 octobre 2020 ainsi qu'il ressort de l'avis de recommandé produit (l'avis de réception ayant été par ailleurs signé le 30 octobre 2020) ; la société BNP Paribas a prononcé la déchéance du terme par courrier adressé en recommandé avec avis de réception du 26 mars 2021.

M. [Y] [S] et M. [L] [S] estiment que la déchéance du terme a été prononcée de mauvaise foi par la société BNP Paribas : ils exposent que M. [L] [S] s’est rapproché de la société BNP Paribas le 27 août 2020 afin de procéder à un virement pour régler l’échéance de juillet, puis qu’il a sollicité par message électronique du 9 octobre 2020 que le remboursement du prêt soit différé d’un an contre un remboursement de 4000 euros et une régularisation du compte courant, ce que la société BNP Paribas aurait accepté selon message électronique du 21 octobre 2020. Les défenduers soutiennent que la banque aurait accepté de porter le montant des échéances mensuelles à 300 euros.

Si M. [L] [S] la réglé la somme de 1545.03 euros entre juin et novembre 2021, il n'est pas rapporté la preuve qu'un avenant aurait été signé entre les parties portant sur un différé d'un an du remboursement du prêt, ni sur un accord pour un règlement de mensualités de 300 euros comme invoqué par les défendeurs.

Il ressort toutefois du relevé de compte de M. [Y] [S] que la somme de 650 euros a été portée au crédit du compte le 27 juillet 2020 pour couverture de la mensualité impayée de juillet 2020 et qu’une somme de 3400 euros a été également portée au crédit le 28 octobre 2020 permettant de régulariser trois échéances d’un montant total de 1944.84 euros (3*648.28).

Il appararaît ainsi que la somme de 1278.62 euros a été réglée dans le délai de 15 jours suivant la mise en demeure du 27 octobre 2020. Sans nouvelle mise en demeure, la société BNP Paribas a prononcé à tort la déchéance du terme par courrier adressé en recommandé avec avis de réception du 26 mars 2021.

Il en résulte que la déchéance du terme n'a pu régulièrement intervenir et qu'il convient ainsi d'examiner la demande subsidiaire en prononcé de résolution judiciaire.

Sur la résolution judiciaire du contrat de prêt

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Il sera également rappelé que le prêt qui se réalise par la remise des fonds à l'emprunteur, est un contrat instantané, dont les échéances ne sont que le fractionnement d'une obligation unique de remboursement (Ccass 1re Civ., 5 juillet 2006 n° 05-10.982), et que la sanction du manquement contractuel est ainsi bien la résolution judiciaire et non la résiliation judiciaire.

En l'espèce, il ressort de l'historique de compte produit que les échéances du prêt sont impayées depuis le mois de novembre 2020. Il appraît que depuis novembre 2020 et jusqu'à ce jour seule la somme de 1545.03 euros a été versée, alors que le paiement des mensualités de remboursement figure comme première obligation essentielle de l'emprunteur. Ce défaut de paiement pendant plusieurs mois caractérise un manquement contractuel suffisamment grave pour justifier la résolution du contrat de crédit aux torts de l'emprunteur au jour du présent jugement.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels

La résolution d'un contrat de prêt entraîne la remise des parties en l'état où elles se trouvaient antérieurement à sa conclusion (Ccass 1re Civ., 14 novembre 2019 n°18-20955), à la différence de la résiliation qui n'est pas rétroactive mais ne joue que pour les contrats à exécution successive, ce que n'est pas le prêt.

Dès lors, l'emprunteur est tenu de restituer le capital prêté, moins les sommes qu'il a déjà versées.

Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société BNP Paribas à hauteur de la somme de 30545.13 euros au titre du capital restant dû : 35000 montant du prêt – 4454.87 (650+1944.84+5.25*60+1545.03) montant des règlements déjà effectués.

M. [Y] [S] et M. [L] [S] seront ainsi condamnés solidairement à payer à la société BNP Paribas la somme de 30545.13 euros.

Dès lors qu’il y a résolution du contrat de prêt, il ne peut être fait droit à la demande au titre de la clause pénale.

M. [Y] [S] et M. [L] [S] seront condamnés solidairement au paiement de la somme totale de 30545.13 euros avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement.

Sur les délais de paiement

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

En l'espèce, M. [Y] [S] et M. [L] [S] n’apportent aucun élément de preuve permettant au juge des contentieux de la protection de vérifier leur situation actuelle (ressources et charges) et leur capacité à faire face aux échéances qu’ils proposent.

Ils seront déboutés de leur demande de délais de paiement.

Sur les autres demandes

Les défendeurs, qui succombent, supporteront in solidum les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société BNP Paribas les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 100 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions de prononcé régulier de la déchéance du terme du prêt personnel du 6 juin 2015 de 35000 euros accordé par la société BNP Paribas à M. [Y] [S] ne sont pas réunies ;

PRONONCE la résolution judiciaire du prêt personnel du 6 juin 2015 de 35000 euros accordé par la société BNP Paribas à M. [Y] [S] aux torts de l'emprunteur ;

CONDAMNE en conséquence solidairement M. [Y] [S] et M. [L] [S] à verser à la société BNP Paribas la somme de 30545.13 euros au titre du capital restant dû avec intérêts au taux légal à compter de la signification du présent jugement ;

DEBOUTE M. [Y] [S] et M. [L] [S] de leur demande de délais de paiement ;

CONDAMNE in solidum M. [Y] [S] et M. [L] [S] à verser à la société BNP Paribas la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum M. [Y] [S] et M. [L] [S] aux dépens ;

REJETTE le surplus des demandes ;

Le greffier Le juge des contentieux
de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 22/04721
Date de la décision : 10/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 16/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-10;22.04721 ?
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