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07/06/2024 | FRANCE | N°23/03068

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 07 juin 2024, 23/03068


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître GRIFFITHS


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître GUIDARA

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/03068 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZQ4P

N° MINUTE :
3 JCP






JUGEMENT
rendu le vendredi 07 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [P] [N] épouse [W],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître GUIDARA, avocat au barreau de Paris, vestiaire #A466


DÉFENDERESSE
Madame

[Y] [S],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître GRIFFITHS, avocat au barreau de Lisieux


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eloïse CLARAC, Juge des contentieux de la protection
assistée ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître GRIFFITHS

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître GUIDARA

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/03068 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZQ4P

N° MINUTE :
3 JCP

JUGEMENT
rendu le vendredi 07 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [P] [N] épouse [W],
demeurant [Adresse 2]

représentée par Maître GUIDARA, avocat au barreau de Paris, vestiaire #A466

DÉFENDERESSE
Madame [Y] [S],
demeurant [Adresse 1]

représentée par Maître GRIFFITHS, avocat au barreau de Lisieux

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Eloïse CLARAC, Juge des contentieux de la protection
assistée de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 07 mars 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 07 juin 2024 par Eloïse CLARAC, Juge assistée de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 07 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/03068 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZQ4P

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat sous seing privé en date du 27 octobre 1989 à effet au 1er novembre 1989, Madame [P] [N] épouse [W] a donné à bail à Madame [Y] [S] un appartement à usage d’habitation situé au [Adresse 1]).

Ce contrat a été renouvelé par acte sous seing privé du 10 septembre 1992 à effet au 1er novembre 1992.

Par acte de commissaire de justice du 18 mars 2022, Madame [P] [N] épouse [W] a fait délivrer à la locataire un congé pour vendre à effet au 31 octobre 2022.

Par acte de commissaire de justice en date du 28 décembre 2022, Madame [P] [N] épouse [W] a fait assigner Madame [Y] [S] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
valider le congé pour vente notifié le 18 mars 2022, et subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du bail,ordonner l’expulsion de Madame [Y] [S] et de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai, et ce, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu, sous astreinte de 50 euros pas jour de retard à compter du jugement à intervenir,ordonner au frais de Madame [Y] [S] l'enlèvement des meubles laissés dans les lieux selon les formes légale,supprimer et subsidiairement réduire le délai de deux mois de l'article L412-1 du code des procédure civile d'exécution,se réserver la liquidation de l'astreinte sollicité,condamner Madame [Y] [S] au paiement de la somme de 28 482,27 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 21 décembre 2022 mois de décembre 2022 inclus,condamner Madame [Y] [S] au paiement de la somme de 1 904,24 euros provision pour charges inclus, ou subsidiairement 952,12 euros, à titre d'indemnité d’occupation mensuelle à compter du 1er janvier janvier 2023 et jusqu’à complète libération des locaux, avec indexation annuelle sur l'indice du coût de la construction publié à l'INSEE,condamner le défendeur à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Appelée à l'audience du 3 avril 2023, l'affaire a fait l'objet de trois renvois pour être finalement retenue à l'audience du 7 mars 2024.

A l'audience du 7 mars 2024, Madame [P] [N] épouse [W], représentée par son conseil, a déposé des conclusions, dont elle a demandé le bénéfice de lecture, aux termes desquelles elle demande au juge de :
valider le congé pour vente notifié le 18 mars 2022, et subsidiairement prononcer la résiliation judiciaire du bail,ordonner l’expulsion de Madame [Y] [S] et de tous occupants de son chef, immédiatement et sans délai, et ce, avec l’assistance de la force publique et d’un serrurier s’il y a lieu, sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du jugement à intervenir,ordonner au frais de Madame [Y] [S] l'enlèvement des meubles laissés dans les lieux selon les formes légale,supprimer et subsidiairement réduire le délai de deux mois de l'article L412-1 du code des procédure civile d'exécution,se réserver la liquidation de l'astreinte sollicité,condamner Madame [Y] [S] au paiement de la somme de 25 333,47 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 27 octobre 2023 mois de d'octobre 2022 inclus après déduction de 30% déjà appliquée pour les loyers à compter du mois de novembre 2019,condamner Madame [Y] [S] au paiement d'une indemnité d’occupation mensuelle égale au montant du dernier loyer contractuel minoré de 30% à compter du 1er novembre 2023 avec indexation jusqu’à complète libération des locaux, en sus des charges,condamner le défendeur à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens.
Madame [Y] [S], représentée par son conseil, a déposé des conclusions, dont elle a demandé le bénéfice de lecture, aux termes desquelles elle demande au juge de :
sur la demande principale tendant à la validation du congé,
déclarer nul le congé pour vente notifié le 18 mars 2022,débouter Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande principale,sur la demande subsidiaire tendant à la résiliation du bail,
déclarer nulle l'assignation délivrée le 28 décembre 2022déclarer la demande de résiliation du bail irrecevable,subsidiairement, débouter Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande,s'il était fait droit à une de ces demandes,
débouter Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande tendant à réduire ou supprimer le délai de l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution,ordonner l'octroi d'un délai de grâce de neuf mois minimum pour quitter les lieux, ce délai pouvant être augmenté de trois mois suivant la période de l'année concernée,en tout état de cause,
prendre acte de la remise de 30% du loyer consentie à compter du mois d'octobre 2019 avec un effet rétroactif,déclarer prescrite la dette de loyers antérieure au 28 décembre 2019 d'un montant de 2 028,07 euros,débouter Madame [P] [N] épouse [W] pour le surplus de sa demande en paiement de la somme de 25 333,47 euros sur le fondement de l'exception inexécution,subsidiairement, fixer le montant de la réfaction du loyer eu égard au trouble de jouissance subi,
ordonner la compensation des créances réciproque,ordonner l'octroi de délais de paiement d'une durée minimale de deux ans,débouter Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande au titre de l'indemnité d'occupation,subsidiairement fixer le montant de l'indemnité d'occupation,débouter Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande au titre des frais irrépétibles et des dépens,condamner Madame [P] [N] épouse [W] à verser à Maître GRIFFITHS, avocat bénéficiaire de l'aide juridictionnelle, la somme de 1 500 euros HT sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,condamner Madame [P] [N] épouse [W] aux dépens qui seront recouvrés selon les règles applicable en matière d'aide juridictionnelle.
Pour l'exposé des moyens développés par chacune des parties, il sera renvoyé aux écritures qu'elles ont soutenues oralement à l'audience du 7 mars 2024, conformément aux dispositions de l'article 455 alinéa 1 du code de procédure civile.

À l’issue des débats, la décision a été mise en délibéré jusqu’à ce jour, où elle a été mise à disposition des parties au greffe.

MOTIF DE LA DÉCISION

Il sera rappelé que les demandes de « donner acte », de « constater » ou de « dire et juger » ne sont pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, il ne sera donc pas statué sur celles-ci dans le présent jugement.

Sur la validation du congé

En application des dispositions de l'article 15-I et II de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989, le bailleur peut délivrer un congé pour vendre, six mois au moins avant l'échéance du bail. Le locataire dispose d'un droit de préemption qu'il doit exercer pendant un délai de deux mois. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation.

En cas de contestation, le juge peut, même d'office, vérifier la réalité du motif du congé et le respect des obligations prévues au présent article. Il peut notamment déclarer non valide le congé si la non-reconduction du bail n'apparaît pas justifiée par des éléments sérieux et légitimes.

Le bail consenti à Madame [Y] [S] a commencé à courir le 1er novembre 1989 pour une période de trois ans, a été renouvelé le 1er novembre 1992 puis tacitement reconduit le 1er novembre 1995 par période de 3 ans suivant les prévisions des parties et pour la dernière fois le 1er novembre 2019, pour expirer le 31 octobre 2022 à minuit.

Un congé pour vendre lui a été signifié par acte d'huissier délivré le 18 mars 2022, soit plus de six mois avant l'échéance précitée.

Le congé du bailleur a donc été régulièrement délivré conformément à l'article 15 de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989.

Il ressort de l'examen de ce congé que celui-ci vise le motif du non-renouvellement du bail, à savoir la décision de son auteur de vendre le bien, qu'il mentionne expressément le prix de vente de 400 000 euros ainsi que les conditions de la vente projetée, et qu'il reproduit les dispositions exigées par l'article 15-II 6ème alinéa de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989.

Il n'est pas contesté que la défenderesse n’a pas exercé son droit de préemption pendant les deux premiers mois du délai de préavis, et qu'elle continue néanmoins d’occuper les lieux précédemment pris à bail.

Il appartient à Madame [Y] [S] qui invoque le caractère frauduleux du congé d'en apporter la preuve conformément aux dispositions susvisées.

Cette dernière soutient que la bailleresse n'a pas réellement l'intention de vendre le bien, aucune démarche positive en vue de vendre le bien n'ayant été accomplie.

Le fait que Madame [P] [N] épouse [W] n'ait pas déjà mis en vente l'appartement, ou que celui-ci n'ait pas déjà été visité, sont autant d'éléments insusceptibles de caractériser par eux-mêmes l'intention frauduleuse de la bailleresse, laquelle est parfaitement fondée à attendre que son bien soit effectivement libéré par le locataire pour le mettre en vente.

Ainsi, Madame [Y] [S] échoue, à rapporter la preuve qui lui incombe du caractère frauduleux du congé pour vendre.

Le congé est ainsi régulier au fond, et le bail s'est donc trouvé résilié par l'effet du congé le 31 octobre 2022 à minuit.

La demande subsidiaire de résolution judiciaire devenue sans objet ne sera donc pas examinée.

Sur l'expulsion

Selon l'article 1719 du code civil, Le bailleur est obligé, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation particulière : 1° De délivrer au preneur la chose louée et, s'il s'agit de son habitation principale, un logement décent. Lorsque des locaux loués à usage d'habitation sont impropres à cet usage, le bailleur ne peut se prévaloir de la nullité du bail ou de sa résiliation pour demander l'expulsion de l'occupant.
En l'espèce, il n'est pas contesté que des dégâts des eaux ont dégradé l'appartement. Il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 12 juin 2019, que :
la peinture du séjour s'écaille sur deux murs et sous le plafond, les surface étant par contre sèches.Dans la salle de bain, la peinture est cloquée et s'écaille, est constatée une humidité moyenne à forte sur le haut de deux murs et sous la moitié du plafond.Dans la chambre à proximité du mur situé sous la périphérie de la toiture terrasse est constaté en haut du mur et sur une petite partie du plafond une humidité moyenne à forte ainsi qu'à mi-hauteur du mur.Des traces jaunâtre laissées par des ruissellements sont constatées sur le mur des WC attenant à la salle de bain.
L'expert conclu a l'existence d'un préjudice de jouissance qu'il évalue à 25% de la valeur locative du bien. Il ne résulte pas de ce rapport que les locaux loués sont impropres à l'habitation et Madame [Y] [S] ne produit aucun autre élément sur l'état de l’appartement qui se serait fortement dégradé, selon elle. Le seul fait qu'il n'y ait pas eu de travaux de réparation depuis la rédaction du rapport d'expertise ne permet pas de démontrer que le local est impropre à l'habitation.

Madame [Y] [S] se trouve ainsi occupant sans droit ni titre du local litigieux depuis le 31 octobre 2022 à minuit et il convient d'ordonner son expulsion ainsi que l'expulsion de tous occupants de son chef selon les modalités fixées au dispositif du présent jugement.

Aucune circonstance particulière de l’espèce ne justifiant que le délai prévu par l'article L.412-1 du code des procédures civiles d'exécution soit réduit ou supprimé, deux mois apparaissant un délai minimal nécessaire pour permettre au défendeur de s'organiser dans cette perspective, il convient d'indiquer que ladite expulsion ne pourra intervenir que passé un délai de deux mois après qu'un commandement d'avoir à libérer les lieux ait été signifié au défendeur.
Le recours à la force publique se révélant une mesure suffisante pour contraindre le locataire à quitter les lieux, il n'y a pas lieu d'ordonner une astreinte, le bailleur obtenant par ailleurs une indemnité d'occupation.

S'agissant de la demande accessoire portant sur le transport et la séquestration des meubles se trouvant dans les lieux, les dispositions des articles L.433-1 et L.433-2 du code des procédures civiles d'exécution ne prévoient nullement, pour leur mise en œuvre, la nécessité que le juge saisi au fond autorise ou ordonne un tel transport et une telle séquestration. La demande en ce sens sera donc rejetée.

Sur la demande de délai pour quitter les lieux

Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il doit notamment tenir compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.

En l'espèce, Madame [Y] [S] ne justifie que de ses revenus, elle ne produit aucun autre justificatif sur sa situation personnelle, et elle ne démontre pas davantage que son relogement ne pourrait avoir lieu dans des conditions normales.
Il ne peut donc qu'être retenu que les circonstances ne justifient pas qu'il lui soit accordé un délai supplémentaire pour quitter les lieux, et sa demande en ce sens sera rejetée.

Sur la demande en paiement des loyers et charges et au titre de l'indemnité d'occupation

Aux termes de l’article 1353 du code civil, celui qui réclame l’exécution d’une obligation doit la prouver tandis que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement.

L'article 1103 du même code prévoit, par ailleurs, que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le paiement des loyers et charges aux termes convenus dans le contrat est une obligation essentielle du locataire, résultant tant des dispositions contractuelles du bail signé entre les parties que des dispositions de l’article 7a) de la loi du 6 juillet 1989.

Madame [Y] [S] est redevable des loyers et charges jusqu'au 31 octobre 2022, date de l’expiration du contrat. Par ailleurs, le maintien dans les lieux postérieurement à la date d’expiration du contrat constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.

Madame [P] [N] épouse [W] accepte d'appliquer une remise de 30% par mois à compter du mois de novembre 2019, date à laquelle elle a été informée par Madame [Y] [S] de ses demandes au titre du préjudice de jouissance.

Madame [P] [N] épouse [W] demande le paiement de la somme de 25333,47 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 27 octobre 2023 mois de d'octobre 2023 inclus après déduction de 30% déjà appliquée pour les loyers à compter du mois de novembre 2019.

Sur la prescription

Madame [Y] [S] oppose la prescription triennale de l'article 7-1 de la loi du 6 juillet 1989 et soutient que l'action en paiement des loyer antérieurs au 28 décembre 2019 est prescrite.

Selon l'article 1342-10 du code civil, le débiteur de plusieurs dettes peut indiquer, lorsqu'il paie, celle qu'il entend acquitter. A défaut d'indication par le débiteur, l'imputation a lieu comme suit : d'abord sur les dettes échues ; parmi celles-ci, sur les dettes que le débiteur avait le plus d'intérêt d'acquitter. A égalité d'intérêt, l'imputation se fait sur la plus ancienne ; toutes choses égales, elle se fait proportionnellement.

En l'espèce, les paiements réalisés par la défenderesse après le 28 décembre 2019 ont réglé la dette existant à cette date, dès lors que la locataire avait un intérêt égal à payer les différentes échéances de loyers impayées, et la prescription n’est ainsi pas opposable à la dette locative faisant l’objet de la présente instance.

Sur l’exception d’inexécution

En application de l'article 1219, une partie peut refuser d'exécuter son obligation, alors même que celle-ci est exigible, si l'autre n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

Sauf impossibilité d'exercer son droit de jouissance, le locataire ne peut opposer au bailleur, n'exécutant pas correctement ses obligations, l'exception d'inexécution. Cette impossibilité de jouissance s'analyse comme une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination.

En l'espèce, comme il a été constaté ci-dessus, Madame [Y] [S] ne démontre pas une impossibilité totale d'utiliser les lieux loués conformément à leur destination.

En conséquence, le moyen tiré de l'exception d'inexécution sera écarté.

Madame [Y] [S] demande que subsidiairement soit fixé le montant de la réfaction du loyer eu égard au trouble de jouissance subi, et ordonner la compensation des créances réciproque. Cependant, en l'absence de demande chiffrée et d'argumentation sur ce point dans les écritures de Madame [Y] [S], la demande ne peut qu'être rejetée.
Madame [Y] [S] sera donc condamnée au paiement de la somme de 25 333,47 euros. Cette somme correspondant à l'arriéré des loyers impayés et aux indemnités d'occupation échues au 27 octobre 2023 mois et incluant l'échéance d'octobre 2023.

Madame [Y] [S] sera également condamnée au paiement d'une indemnité mensuelle d’occupation pour la période courant du 1er novembre 2023 à la date de la libération effective et définitive des lieux, égale au montant des loyers minoré de 30% et charges qui auraient été dus si le bail s'était poursuivi, soit 580 euros (loyer de 914,23 euros – 30% + 60 euros de charges).

Sur la demande de délais pour payer la dette

L'article 24 de la loi du 6 juillet 1989 applicable en cas de demande par le bailleur de voir constater l'acquisition de la clause résolutoire du contrat de bail n'est pas applicable en l'espèce.

En vertu de l'article 1343-5 du code civil compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, le juge peut, dans la limite de deux années, reporter ou échelonner le paiement des sommes dues.

Le montant de l'arriéré locatif et la situation actuelle de Madame [Y] [S] ne permettent pas d'envisager un règlement de l'arriéré locatif dans le délai légal susvisé. La demande de délai de paiement sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

Madame [Y] [S], partie perdante, sera condamnée aux dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

L’équité et la situation économique des parties justifient de ne pas faire droit aux demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats publics, par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort,

CONSTATE que les conditions de délivrance à Madame [Y] [S] par Madame [P] [N] épouse [W] d'un congé pour vente relatif au bail conclu le 27 octobre 1989 et concernant l’appartement à usage d’habitation situé [Adresse 1]) sont réunies et que le bail a ainsi expiré le 31 octobre 2022,

ORDONNE à Madame [Y] [S] de libérer de sa personne, de ses biens, ainsi que de tous occupants de son chef, les lieux situés [Adresse 1]) ainsi que, le cas échéant, tous les lieux loués accessoirement au logement,

REJETTE la demande de délai pour quitter les lieux formulée par Madame [Y] [S],

DIT qu’à défaut de libération volontaire, il pourra être procédé à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef avec l’assistance de la force publique,

DEBOUTE Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande d'astreinte,

DEBOUTE Madame [P] [N] épouse [W] de sa demande de suppression ou de réduction du délai prévu par l’article L. 412-1 du Code des procédures civiles d’exécution,

RAPPELLE que l’expulsion ne pourra avoir lieu qu’hors période hivernale et à l’expiration d’un délai de deux mois suivant la délivrance d’un commandement d’avoir à libérer les lieux,

REJETTE la demande relative à l'enlèvement des meubles garnissant le logement RAPPELLE que le sort du mobilier garnissant le logement est prévu par les articles L.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

REJETTE la fin de non recevoir tirée de la prescription de la dette locative,

CONDAMNE Madame [Y] [S] à verser à Madame [P] [N] épouse [W] la somme de 25 333,47 euros (décompte arrêté au 27 octobre 2023, incluant la mensualité d'octobre 2023), correspondant à l'arriéré de loyers, charges et indemnités d’occupation,

REJETTE la demande de délai de paiement,

CONDAMNE Madame [Y] [S] à verser à Madame [P] [N] épouse [W] une indemnité mensuelle d’occupation d'un montant équivalent à celui du loyer et des charges, tel qu'il aurait été si le contrat s'était poursuivi (soit à ce jour 580 euros), à compter du 1er novembre 2023 et jusqu’à la date de la libération effective et définitive des lieux (volontaire ou en suite de l'expulsion),
REJETTE les demandes de Madame [Y] [S] tendant à voir fixer le montant de la réfaction du loyer eu égard au trouble de jouissance subi et à ordonner la compensation des créances réciproque,

REJETTE les demandes en paiement d'une indemnité au titre de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE Madame [Y] [S] aux dépens,

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Ainsi jugé et prononcé par mise à disposition les jour, mois et an susdits par le Juge des contentieux de la protection et le Greffier susnommés.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/03068
Date de la décision : 07/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 18/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-07;23.03068 ?
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