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07/06/2024 | FRANCE | N°22/11507

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 07 juin 2024, 22/11507


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile


N° RG 22/11507

N° MINUTE :


CONDAMNE

Assignation du :
07, 08 et 13 Septembre 2022


GCHARLES






JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [P] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représenté par Maître Hadrien MULLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0871




DÉFENDERESSES

La Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et

des Travaux Publics (SMABTP)
[Adresse 7]
[Localité 5]

représentée par Maître Nathalie ROINE de la SELARL ROINE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0002

LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile


N° RG 22/11507

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
07, 08 et 13 Septembre 2022

GCHARLES

JUGEMENT
rendu le 07 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [P] [U]
[Adresse 1]
[Localité 6]

représenté par Maître Hadrien MULLER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0871

DÉFENDERESSES

La Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (SMABTP)
[Adresse 7]
[Localité 5]

représentée par Maître Nathalie ROINE de la SELARL ROINE & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0002

LE FONDS DE GARANTIE DES ASSURANCES OBLIGATOIRES D E DOMMAGES
[Adresse 3]
[Localité 9]

représentée par Maître Laure FLORENT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0549

Décision du 07 Juin 2024
19ème chambre civile
N° RG 22/11507

CPAM DE HAUTE SAONE
[Adresse 8]
[Localité 4]

non représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 18 Mars 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 27 Mai 2024, prorogée au 07 Juin 2024 pour plus ample délibéré.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSÉ DU LITIGE

Le 8 novembre 2019, sur la route départementale [Localité 12] et [Localité 10] (77), Monsieur [P] [U] a été victime d’un accident de la circulation, reconnu accident de trajet travail, alors qu’il était conducteur d’un camion poids lourd travaux publics.
Il a été percuté par un véhicule camion benne qui circulait avec des objets dépassant de sa benne, et qui a pris la fuite. L’un des objets de la benne est venu traverser le pare-brise de la victime et le percuter au niveau du bras, lui occasionnant une plaie délabrante de la partie postéro-externe du bras allant jusqu'au tiers moyen de l'avant-bras gauche.

Il a été immédiatement hospitalisé à [Localité 11].

Le droit à indemnisation de Monsieur [P] [U] n’est pas contesté en son principe au vu des circonstances de l’accident.
Il a sollicité l’exécution du contrat garantie conducteur du véhicule de son employeur, auprès de la SMABTP dont les termes sont les suivants :
« du jour de l’accident jusqu’à la date de la consolidation :
Remboursement dans la limite de 3.050 euros si vous conservez des frais médicaux et d’hospitalisation à charge après remboursement de la sécurité sociale et de la mutuelle complémentaire.
Remboursement de la perte de vos gains professionnels subie pendant la période d’arrêt des activités professionnelles à compter du 10è jour d’arrêt et pendant 365 jours maximum si votre taux d’AIPP est inférieur ou égal à 10% ou du 1er jour si ce taux est supérieur à 10%.
A partir de la consolidation :
Indemnisation du Déficit fonctionnel permanent si celui-ci est supérieur à 10%, assistance par une tierce personne, perte de gains professionnels, incidence professionnelle, préjudice esthétique et l’accompagnement extra médical ».

Il a également mis en cause le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages (ci-après FGAO), qui n’a pas davantage dénié sa garantie légale, l’auteur des faits n’ayant pas été identifié, afin d’obtenir l’indemnisation des postes de préjudices non prévus aucontrat de son employeur.

Une expertise amiable contradictoire a été menée par les docteurs [C] et [Z], qui ont examiné Monsieur [P] [U] le 9 juin 2021 et conclu ainsi que suit :
Hospitalisation imputable : du 08 au 11/11/2019
Arrêt d'activité professionnelle imputable : du 08/11/2019 au 03/03/2021 inclus
Souffrances endurées : 3/7 ( troubles somatiques et psychiques )
Date de consolidation : 4 mars 2021
DFP : 5%
Préjudice esthétique permanent : 2,5/7
Répercussions des séquelles sur l’activité professionnelle : inaptitude au métier antérieur mais apte à l’activité de moniteur auto-école à temps plein en CDI telle que débutée le 01.04.2021
Tierce personne :1h30 par jour du 11/11/2019 au 12/12/2019 puis 4 à 5 h /semaine du 13/12/2019 au 26/12/2019
Pas d’aide viagère
Agrément : sans objet selon la mission
Vie sexuelle: sans objet selon la mission
Frais futurs à caractère certain et prévisible : sans objet selon la mission ».
***
Par actes signifiés par voie d’huissier du 7, 8 et 13 Septembre 2022, suivi de conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 22 novembre 2023, Monsieur [P] [U] a assigné la Société SMABTP, le Fonds de garantie des Assurances Obligatoires (ci-après « FGAO ») et la CPAM de HAUTE-SAÔNE, au visa des articles 1104 du code civil et L113-5 du code des assurances, de la loi du 5 juillet 1985 relative aux accidents de la circulation, aux fins de :
1.Condamner la compagnie SMABTP à lui payer :
- Frais de santé: 255,05 €
- tierce personne temporaire: 1.254,00 €
- perte de gains professionnels actuels : néant
- souffrances endurées: 8.000,00 €
- préjudice esthétique: 6.000;00 €
Ainsi que, à titre principal:
- perte de gains professionnels futurs : 414.742,65 € (incluant la perte de droits à la retraite)
Incidence professionnelle : 20.000,00 €
ou à titre subsidiaire :
- Perte de gains professionnels futurs : 276.495,10 €
- Incidence professionnelle : 158.247,55 € (incluant la perte de droits à la retraite)
2.Condamner le FGAO à lui verser :
- frais divers : 2.450,00 €
- perte de gains professionnels actuels : néant
- déficit fonctionnel temporaire : 2.221,50 €
- déficit fonctionnel permanent : 32.141,53 €
- préjudice d’agrément : 5.000,00 €
- préjudice sexuel : 5.000,00 €
Subsidiairement :
Incidence professionnelle (comprenant les pertes de droit à la retraite) : 158.247,55 €
A titre infiniment subsidiaire :
Perte de droits à la retraite : 138.247,55 €

Condamner la compagnie SMABTP au paiement d’une somme de 3.000,00 € à son profit au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Hadrien Muller, Avocat aux offres de droit, en application de l’article 699 du code de procédure civile.

Condamner le FGAO au paiement d’une somme de 1.500,00 € à son profit au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Rendre le jugement à intervenir commun et opposable à la CPAM de Haute Saône.
***
La Société Mutuelle d’Assurance du Bâtiment et des Travaux Publics (ci-après SMABTP), par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 7 décembre 2023, au visa de la loi du 5 juillet 1985, de l’article L. 121-12 et L. 211-9 du Code des assurances, demande au tribunal de:

LIQUIDER les préjudices de Monsieur [U] dont l’indemnisation est sollicitée à la SMABTP de la manière suivante :
Frais médicaux 125,05 €
Assistance par tierce personne temporaire 896 €
Perte de gains professionnels actuels Débouter
Perte de gains professionnels futurs 16.897,70 €
Incidence professionnelle Débouter
A titre subsidiaire 5.000 €
Souffrances endurées 5.000 €
Préjudice esthétique 3.000 €

DEBOUTER* Monsieur [U] de sa demande au titre du doublement du taux de l’intérêt légal à l’encontre de la SMABTP en ce que l’article L. 211-9 du Code des assurances ne s’applique pas (*la demande a été retirée dans les derniers conclusions du demandeur),

JUGER que la somme à allouer à Monsieur [U] au titre de l’article 700 du code de procédure civile ne saurait excéder 1.000 €.

***
Le FGAO, par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 14 décembre 2023, demande au tribunal, au visa des articles L. 421-1 et suivants, R. 421-5, R- 421-14 et R. 421-15 du code des assurances, de la loi du 5 juillet 1985, et, l’article 514-1 du code de procédure civile :

- Juger que les postes de dépenses de santé actuelles, assistance d’une tierce personne temporaire, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, souffrances endurées et préjudice esthétique permanent doivent être pris en charge intégralement par la SMABTP au titre de la garantie du conducteur souscrite par l’employeur de Monsieur [P] [U],

- Juger* qu’en ce qui concerne le poste de pertes de gains professionnels actuels, la SMABTP doit seule intervenir pour la période du 17 novembre 2019 au 7 novembre 2020, (*la demande a été retirée dans les derniers conclusions du demandeur),

- Rappeler le rôle subsidiaire du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

En conséquence,
- Juger que le Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages pourra prendre en charge les postes de préjudice suivants en réparation du préjudice découlant de l’accident de la circulation dont Monsieur [P] [U] a été victime le 8 novembre 2019 :
Frais divers : 1 750,00 €
Perte de gains professionnels actuels : néant
Déficit fonctionnel temporaire : 1 848,75 €
Déficit fonctionnel permanent : 8 050,00 €

- Débouter Monsieur [P] [U] de toutes ses autres demandes, fins et conclusions dirigées à l’encontre du Fonds de Garantie des Assurances Obligatoires de Dommages,

- Déduire toutes les sommes à déduire,

- Ecarter l’exécution provisoire ou, à tout le moins, la limiter au montant des sommes proposées par le Fonds de Garantie,

- Statuer ce que de droit quant aux dépens.

***
La CPAM de Haute-Saône, qui n’a pas constitué avocat, ni conclu, a produit sa créance définitive d’un montant total de 94.728,75 €, se décomposant comme suit:
« Frais hospitaliers: 4.575,86 €
Frais médicaux: 3.035,22 €
frais pharmaceutiques: 253,57 €
Frais de transport: 231,99 €
Franchises: -125,05 €
Indemnités journalières:
Du 11.11.2109 au 08.12.2019: 1.342,04 €
Du 09.12.2019 au 03.03.2021: 28.462,61 €
Du 05.03.2021 au 25.03.2021; 1.325,31 €
Arrérages échus: 801,68 €
Capital rente AT: 54.825,42 € » .

La Caisse Primaire d’Assurance-Maladie de Haute Saône, quoique régulièrement assignée par acte remis à personne morale, n’a pas constitué avocat ; susceptible d'appel, le présent jugement sera donc réputé contradictoire et sera déclaré commun à la caisse.
La clôture de la présente procédure a été prononcée le 19 Janvier 2024.
En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.
L'affaire a été mise en délibéré au 27 mai 2024, prorogée au 7 juin 2024 pour plus ample délibéré.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LE DROIT À INDEMNISATION
La loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accidents de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, dite « loi Badinter » dispose notamment, que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages.

Ainsi, le droit à indemnisation du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'est pas apprécié en fonction du comportement de l'autre automobiliste impliqué. Il convient d'apprécier uniquement le comportement du conducteur blessé, en l'occurrence, Monsieur [P] [U].
Est impliqué dans un accident, au sens des dispositions précitées tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident. Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ne peut se dégager de son obligation d'indemnisation que s'il établit que cet accident est sans relation avec le dommage.

Aux termes des dispositions de l’article L124-3 du code des assurances, Monsieur [P] [U] dispose d’une action directe contre l’assureur.
En vertu des articles L 421-1 et R 421-13 du code des assurances, le FGAO est tenu de payer les indemnités qui ne peuvent être prises en charge à aucun autre titre.

En l’espèce, la société SMABTP et le FGAO, qui ne contestent pas le principe du droit à indemnisation de Monsieur [P] [U], seront tenus de réparer son entier préjudice au titre de leurs garanties respectivement contractuelle et légale, soit :
- dépenses de santé, assistance tierce personne temporaire, perte de gains professionnels futurs, incidence professionnelle, souffrances endurées, préjudice esthétique, à la charge de la société SMABTP,
- frais divers, déficit fonctionnel temporaire, déficit fonctionnel permanent, préjudice d’agrément, préjudice sexuel, à la charge du FGAO.
Bien que réalisé dans un cadre amiable, le rapport d’expertise ci-dessus évoqué présente un caractère complet, informatif et objectif. Les parties, appelées à la procédure en un temps leur permettant de discuter librement de ces éléments, n’y apportent aucune critique.
Dès lors, ces données apportent un éclairage suffisant pour statuer sur les demandes d’indemnisation.
SUR L'ÉVALUATION DU PRÉJUDICE CORPOREL
Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Monsieur [P] [U], né le [Date naissance 2] 1985, âgé de 34 ans lors de l'accident, 36 ans à la date de consolidation de son état de santé, 39 ans à la date de la liquidation, exerçant la profession de conducteur poids-lourd dans le cadre d’un emploi salarié depuis avril 2019, titulaire du permis de poids-lourd, et, du titre professionnel de conducteur de transport routier de marchandises sur porteur depuis le 13 décembre 2018, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.
Sur le barème de capitalisation applicable
Il convient, en l'espèce, pour établir une projection cohérente de l’indemnisation sur une longue durée, d'utiliser le barème de capitalisation publié par la Gazette du Palais 2022, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles, à savoir celui fondé sur les tables d'espérance de vie définitive publiées par l'INSEE et sur un taux d'intérêt de 0 %.

Sur l’actualisation du revenu de référence
Le préjudice subi par la victime doit être évalué au jour de la décision qui le fixe, en tenant compte de tous les éléments connus à cette date. Il convient de prendre en compte la dépréciation monétaire en procédant à une revalorisation du salaire de référence, laquelle a été acceptée par la SMABTP sur la base de l’indice des prix à la consommation hors tabac de l’INSEE, qui sera donc appliqué aux faits de l’espèce.

I. PREJUDICES PATRIMONIAUX
- Dépenses de santé
Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.

En l'espèce, aux termes du relevé de ses débours, daté du 10 décembre 2021, le montant définitif des débours de la CPAM de Haute-Saône s'est élevé à une somme totale de 94.728,75 € comprenant au titre des dépenses de santé actuelles les sommes suivantes :
- Frais hospitaliers: 4.575,86 €
- Frais médicaux: 3.035,22 €
- frais pharmaceutiques: 253,57 €
- Frais de transport: 231,99 €
- Franchises: -125,05 €

Il n’est pas contesté que le contrat de la SMABTP offre un remboursement dans la limite de 3050 €, si des frais médicaux et d’hospitalisation restent à charge, après remboursement de la sécurité sociale et de la mutuelle complémentaire pour toutes les dépenses de cette nature avant consolidation.

Monsieur [P] [U] estime son reste à charge à la somme de 255,05 € (130,00€ - 2 séances de psychologie (EMDR) + 125,05 € - Franchises).
La SMABTP, qui accepte le remboursement de la franchise, reste dans l’attente des relevés de remboursement de la caisse complémentaire pour justifier que les séances EMDR des 2 et 16 novembre 2020 n’auraient pas déjà été prises en charge.
En conséquence de quoi, Monsieur [P] [U], qui n’a pas répondu à la SMABTP, y compris par la simple communication d’une pièce complémentaire à son bordereau, n’a pas apporté la preuve par tous moyens de l’absence de prise en charge de la dépense de psychologue ; il lui revient donc une indemnité de 125,05€ au titre du remboursement de sa franchise tel que proposée par la SMABTP.

- Frais divers
L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.
Le Fonds de garantie ne dénie pas sa garantie légale sur ce poste.
Monsieur [P] [U] estime avoir exposé la somme totale de 2450 € :
-1.750,00 € au titre des honoraires de son médecin-conseil,
-500,00 € forfaitairement calculés au titre des frais de déplacement pour les rendez-vous médicaux et expertises
-200,00 € forfaitairement calculés pour les frais vestimentaires,

Le Fonds de garantie accepte de prendre en charge les honoraires (1750€), à l’exception des autres dépenses considérant qu’il appartient à la victime d’apporter la preuve de la réalité de ses frais avancés, qu’elle ne saurait consister en un forfait, précisant également que la CPAM a assumé des frais de transport à hauteur de 231,99 € (détail non communiqué).
Sur ce,
le tribunal retient la carence probatoire invoquée par le Fonds de garantie s’agissant des frais de déplacement dont Monsieur [P] [U] ne justifie pas précisément alors même que la caisse de sécurité sociale a expressément visé, dans ses débours, des dépenses de cet ordre ; il sera donc débouté de ses demandes formées à ce titre.

S’agissant des vêtements endommagés, il n’est en revanche pas contestable qu’ils ont été ensanglantés et détériorés du fait des circonstances de l’accident avec une plaie transperçante du bras gauche. La somme sollicitée à hauteur de 200€ n’est pas de nature à contredire le principe de la réparation intégrale due à la victime.

En conséquence de quoi, il sera alloué à Monsieur [P] [U] la somme de 1950 € (1750 € + 200 €) au titre de ses frais divers, mise à la charge du FGAO.

- Assistance tierce personne provisoire
Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.
La SMABTP ne dénie pas sa prise en charge, de ce chef.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise un besoin en assistance tierce-personne temporaire :
-du 11 novembre au 12 décembre 2019 soit 32 jours, à raison d’1heure 30 par jour
-du 13 décembre au 26 décembre 2019 soit 2 semaines, à raison de 4 à 5 heures par semaine

Monsieur [P] [U] sollicite une indemnité de 1.254,00 € (1.056,00 € +198,00 €) à ce titre, sur la base d’un taux horaire de 22 €. Sans contester le quantum du besoin retenu, la SMABTP lui offre 896€ sur une base horaire de 16€.
Etant retenu un taux horaire de 18 euros, adapté à la situation de la victime, en l’absence de justificatif de dépenses éventuellement supérieures ayant donné lieu au paiement de charges sociales, il convient de lui allouer la somme de 1026€ ainsi calculée : 864 € (32 x18 x 1,5) + 162 € (2 x18 x 4,5).

- Perte de gains professionnels avant consolidation
Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.
Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence restant le revenu net annuel imposable avant l’accident jusqu’à la date de consolidation.
Le contrat employeur prévoit le « remboursement de la perte de vos gains professionnels subie pendant la période d’arrêt des activités professionnelles à compter du 10ème jour d’arrêt et pendant 365 jours maximum si le taux d’AIPP est inférieur ou égal à 10% ou du 1er jour si ce taux est supérieur à 10% ».
L’expert retient un arrêt de travail en lien avec l’accident sur la période du 08/11/2019 au 03/03/2021 inclus, date de consolidation de son état de santé : « un arrêt de travail est prescrit sur formulaire AT régulièrement reconduit du 08/11/19 au 03/03/2021 inclus, puis autorisation de reprise de travail le 04/03/2021 avec d'importantes restrictions selon la médecine du travail, qui ne permettra pas de reclassement dans l'entreprise, conduisant à son licenciement le 26/03/2021. »
La période devant être indemnisée par la SMABTP court du 17 novembre 2019 (10ème jour d’arrêt comme prévu au contrat pour un DFP inférieur à 10%) au 7 novembre 2020 (indemnisation pendant 365 jours maximum si le taux d’AIPP est inférieur ou égal à 10%).
Monsieur [P] [U] travaillait au moment de l’accident comme conducteur poids-lourd dans le cadre d’un emploi salarié, qu’il occupait depuis le 8 avril 2019, soit 7 mois avant l’accident. Il est titulaire du titre professionnel de conducteur de transport routier de marchandises sur porteur, acquis le 13 décembre 2018. Il est également titulaire du permis poids lourd.
Pour le calcul de son salaire de référence, il sera retenu les mois complets de mai (1982,47€), juin (2047,24€), juillet (2080,13€), août (1506,90€), septembre (2106,80€) et octobre 2019 (2131,51€).
Le salaire mensuel net de référence retenu est donc de 1975,84€ soit 65,86€ net/jour (11855,05€/6).
Sur la période indemnisable (du 17/11/2019 au 7/11/2020), Monsieur [P] [U] aurait dû percevoir la somme de 23 380,79 € (355jx65,86€).

Cependant, il a perçu des indemnités journalières de la CPAM de Haute-Saône supérieures :
-du 18.11.2019 au 08.12.2019 (21 jours x 47,93) à hauteur de 1.006,53 €
-du 09.12.2019 au 12.12.2020 (389 jours x 63,11) à hauteur de 24 549,79 €
Outre des indemnités journalières de la Caisse Nationale des Entrepreneurs de Travaux Publics telles que calculées par le demandeur à hauteur de 3520,75 € (2.132,77 €+1.387,98 € du 14.11.2019 au 17.02.2020, et, du 18.02.2020 au 11.11.2020).

Monsieur [P] [U] n’a sollicité aucune somme à ce titre dans ses dernières conclusions récapitulatives, ne lui revenant aucune indemnité.
- Perte de gains professionnels futurs
Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé. La demande qui tend à l’indemnisation de perte de gains professionnels actuels ou futurs ne constitue pas une demande tendant à réparer l’existence d’une perte de chance de percevoir ses gains.
Ce préjudice est évalué à partir des revenus antérieurs afin de déterminer la perte annuelle, le revenu de référence restant le revenu net annuel imposable avant l’accident distingué sur deux périodes, de la consolidation à la décision (arrérages échus sous forme de capital), à partir de la décision (arrérages à échoir).
Comme il a été exposé supra, Monsieur [P] [U] travaillait au moment de l’accident en qualité de conducteur poids-lourd dans le cadre d’un emploi salarié depuis avril 2019 dans le domaine des travaux publics. Monsieur [U] a été considéré comme inapte à son métier de chauffeur poids lourd camion grue par avis du service de santé au travail du 4 mars 2021, le motif tenant à la limitation fonctionnelle de son bras gauche. Il a été licencié par son employeur, LPVRD, pour inaptitude imputable à l’accident, le 12 mars 2021.
Il a ensuite été embauché en qualité de moniteur auto-école le 1er avril 2021, en contrat à durée indéterminée, pour un salaire effectivement inférieur au salaire de référence calculé supra, à l’époque de son accident.
Au vu des pièces versées aux débats, il est établi que Monsieur [P] [U] a perçu, dans le cadre de ce contrat de moniteur auto-école, un revenu moyen annuel net imposable de 20 352,94 € :
celui-ci ayant déclaré 21 545 € en 2021 / 19 188 € en 2022 / 20 325,83 € estimés pour 2023 (avec une augmentation de 100 € du salaire net mensuel à compter d’avril 2023).

Afin de calculer ses pertes de gains futurs, Monsieur [P] [U] sollicite l’actualisation de ses revenus au moment de l’accident (1975,84 € nets mensuels retenus par le tribunal), en fonction de l’évolution du SMIC en 2023 (date présumée du jugement).
Il est fait droit à cette demande d’actualisation, à la date de la liquidation, sur la base de l’indice des prix à la consommation hors tabac- ensemble des ménages de l’INSEE, tel qu’accepté en défense, pour fixer le salaire de référence net mensuel à 2262,75 €, calculé ainsi que suit :
1975,84 € x 1.14
(119.01/103.92 -date de l’ancien indice novembre 2019/date du nouvel indice avril 2024).

La perte de gains sera donc calculée en tenant compte du salaire annuel net de référence, actualisé au jour du jugement à 27 152,97 € (2262,75€ x12 mois).

Il est ainsi établi que Monsieur [P] [U] a subi une perte annuelle net de gains, imputable à son accident de 6800,02 € (27 152,97€ - 20 352,94€ ) / 12 / 30 = 566,67€/mois ou 18,89 €/jour).

En conséquence de quoi, il aurait dû percevoir :
- arrérages échus du 4 mars 2021 au 7 juin 2024 (date arrêtée pour la liquidation) : 22 156,74 €
(3 ans x 6800,02 €)+ (3 mois x 566,67 €) + (3 jours x 18,89 €) = 20 400,06 € + 1700,01 €+ 56,67 €
-arrérages à échoir, à compter du 7 juin 2024, date arrêtée pour la liquidation, aux 39 ans de Monsieur [P] [U], jusqu’à ses 64 ans, sans élément probatoire quant à une date de départ postérieure à l’âge légal connu à ce jour au vu de l’état civil du demandeur :
6800,02 x 24,461 = 166 335,29 €
dont à déduire la somme de 56 952,41 € déjà versée à la victime au titre de :
-Créance CPAM du 05.03.2021 au 25.03.2021 (1.325,31 €)
-Arrérages échus (801,68 €)
-Capital rente AT (54.825,42 €)
soit une perte de gains futurs de 131 539,62 € (22 156,74 € + 166 335,29 € - 56 952,41 €), qui sera allouée à Monsieur [P] [U], mise à la charge de la SMABTP, qui ne dénie pas sa prise en charge contractuelle, sur les pertes de gains futurs avant retraite.

- Incidence professionnelle
Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.
Monsieur [U] fait valoir qu’il a été contraint d’abandonner sa profession de chauffeur poids lourd pour inaptitude et se reconvertir à l’âge de 36 ans.
La SMABTP soutient qu’elle ne serait pas tenue de prendre en charge ce poste de préjudice, au vu du libellé des conditions générales du contrat : « correspond au préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, à une perte de chance quant à l’intérêt du travail ou une possibilité de promotion, à une augmentation de la pénibilité du travail du fait du handicap subi. »
Sur ce,
Concernant l’incidence professionnelle stricto sensu
Le tribunal, au regard des éléments versés aux débats et du libellé du contrat, considère comme recevable, aux termes des dispositions contractuelles qui l’intègrent expressément, l’incidence sur sa sphère professionnelle des séquelles de l’accident, laquelle est parfaitement établie, en l’espèce, au regard de l’impossibilité de poursuivre son activité antérieure alors qu’il s’y épanouissait, de sa dévalorisation sur le secteur du travail spécifique qui était le sien de par les limitations fonctionnelles de son bras-gauche (étant relevcé notamment une absence d’élévation du bras-gauche au-dessus de l’épaule).

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 6 000 € à ce titre, tenant compte de la possibilité de reprise d’une autre activité qu’il occupe désormais depuis 2021, cette indemnité étant mise à la charge de la SMABTP.

Concernant le calcul des pertes éventuelles de droits à retraite,
Les pertes consécutives qui s’en suivraient pour ses droits à retraite sont réservées, faute pour Monsieur [P] [U] de verser des éléments précis afin de procéder à leur calcul : il sera relevé l’absence d’un quelconque document officiel, de reconstitution de carrière ou de restitution de son expérience professionnelle passée, de la liste exhaustive des caisses de retraite auquel il aurait cotisé ou d’une simulation de pension, permettant d’apprécier la réalité de son préjudice à ce titre.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Par conséquent, il inclut les préjudices sexuel et d’agrément durant la période temporaire.

Le Fonds de garantie ne dénie pas sa garantie légale.

Il ressort du rapport d'expertise, s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
-DFTT : du 8 au 11 novembre 2019 (quatre jours)
-DFTP classe III : du 12 novembre au 20 décembre 2019 (39 jours)
-DFTP classe II : du 21 décembre 2019 au 1er février 2020 (43 jours)
-DFTP classe I : du 1er février 2020 à la consolidation (4 mars 2021) (398 jours)

Monsieur [P] [U] sollicite une indemnité de 30 € par jour, soit une somme totale de 2221,50 €, le fonds lui offrant, sur la base de 25 € par jour, la somme totale de 1848,75 €
Sur la base d’une indemnisation de 30€ par jour, adaptée à la situation de la victime, il lui sera allouée une indemnité à hauteur de 2221,50 € tels que sollicitée.

- Souffrances endurées
Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.
La SMABTP n’a pas dénié sa garantie contractuelle.

Les souffrances endurées ont été évaluées à 3/7, réputées modérées, elles sont caractérisées par le traumatisme initial, les traitements subis, et le retentissement psychique des faits avec un état anxieux à l’évocation de situations similaires.

Monsieur [P] [U] sollicite une indemnité de 8000 €, l’assureur lui en offre 5000 €.

En conséquence de quoi, il convient de lui allouer la somme de 6000€ à ce titre.

- Déficit fonctionnel permanent
Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ses conditions d'existence. Il comporte en conséquence une part du préjudice dont il est demandé l'indemnisation au titre du préjudice d'agrément et qui sera réparé ici.

En l'espèce, l’expert a retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 5% en raison de séquelles liées « à une gêne douloureuse du bras gauche avec sensation de diminution de force musculaire et résistance aux efforts, quelques phénomènes anxieux à la vue de camions ou de véhicules avec chargement volumineux ou hasardeux, sur un plan cutané, une importante perte de substance de l’extrémité distale du bras gauche au bord postérieur et externe avec une longue cicatrice sinueuse allant jusqu’au tiers moyen de l’avant-bras homolatéral ».

Le Fonds de garantie n’a pas dénié sa garantie légale, seules les AIPP d’un taux supérieur à 10 % donnant lieu à indemnisation dans le contrat conducteur non contesté de la SMABTP.

La méthodologie dont Monsieur [P] [U] demande l’application, fondée sur une indemnisation journalière en fonction du taux de déficit retenu et de l’espérance de vie de la victime, comme pour le déficit fonctionnel temporaire, ne tient pas compte du fait que ce poste est un poste permanent, distinct des autres préjudices permanents tels les préjudices d’agrément et sexuel, qui font l’objet d’un traitement autonome, ce qui n’est pas le cas du poste de déficit fonctionnel temporaire qui les englobe au titre de préjudices temporaires. 
Dès lors, il convient d’écarter la méthodologie sollicitée par le demandeur et d’apprécier ce préjudice en fonction de l’âge de la victime au jour de la consolidation, des séquelles décrites et du taux de déficit retenu.

La victime étant âgée de 36 ans lors de la consolidation de son état, au vu de son état séquellaire, il lui sera alloué une indemnité de 8850 € (valeur du point fixée à 1770€).

- Préjudice esthétique permanent
Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

La SMABTP n’a pas dénié sa garantie contractuelle.

Le préjudice esthétique a été coté à 2,5/7, caractérisé par une importante perte de substance de l’extrémité distale du bras gauche au bord postérieur et externe avec une longue cicatrice sinueuse allant jusqu’au tiers moyen de l’avant-bras homolatéral.

Monsieur [P] [U] sollicite une indemnité de 6000 €, l’assureur lui en offre 3000 €.

En conséquence de quoi, il convient de lui allouer la somme de 4000€ à ce titre.

- Préjudice d'agrément
Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

Ce poste de préjudice ne figure pas stricto sensu dans la liste des préjudices corporels énumérés par le contrat d’assurance de la SMABTP au titre de la garantie conducteur. Le Fonds de garantie accepterait, en son principe, sa prise en charge.
Il n’a pas été relevé par l’expertise amiable.
Monsieur [P] [U] expose, cependant, avoir abandonné la pratique de la musculation depuis l’accident, versant une attestation d’un coach, sans valeur probante faute d’éléments précis quant à la réalité de cette activité, ayant renoncé aussi à des activités de loisirs dans un contexte où le Docteur [C] a malgré tout constaté l’impossibilité de reprendre la moto outre une baisse de la force motrice du bras gauche.
Il sollicite, à ce titre, une indemnité à hauteur de 5000 € que le Fonds de garantie conteste, se conformant strictement à l’expertise et considérant, pour le surplus, que Monsieur [P] [U] ne rapporte pas la preuve de la pratique antérieure d’une activité spécifique, sportive ou de loisirs.
Sur ce,
le tribunal déboute Monsieur [P] [U] de sa demande d’indemnisation au titre d’un préjudice d’agrément, qui n’a pas été spécifiquement retenu par l’expert, alors même qu’il a été tenu compte de ce préjudice dans l’appréciation de la fixation du taux de déficit fonctionnel permanent (de 5%) et que les pièces versées aux débats ne permettent pas de relever un préjudice distinct.
- Préjudice sexuel
La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.

Ce poste de préjudice ne figure pas stricto sensu dans la liste des préjudices corporels énumérés par le contrat d’assurance de la SMABTP au titre de la garantie conducteur. Le Fonds de garantie accepterait, en son principe, sa prise en charge.
Monsieur [P] [U] considère que l'expert a relevé un préjudice sexuel positionnel que son épouse a confirmé par une attestation. Il sollicite une indemnité à hauteur de 5000 €.
Le Fonds de garantie rappelle que l’expert ne retient pas ce préjudice, sollicitant son rejet.
En l’absence de conclusion expertale qui aurait retenu l’existence de ce préjudice, Monsieur [P] [U] sera débouté de cette demande, qui n’est pas suffisamment caractérisée pour justifier une indemnisation distincte de celle déjà intervenue au titre du déficit fonctionnel permanent.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES
La société SMABTP, qui succombe au principal, devra supporter les dépens, dont distraction au profit de Maître Hadrien Muller, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.
La société SMABTP sera condamnée de la même manière au paiement des frais irrépétibles engagés par Monsieur [P] [U] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à hauteur de 2500€.
Au vu de la solution du litige et de sa nature, il n’y a pas lieu de condamner le Fonds de garantie au paiement de frais irrépétibles supplémentaires, au bénéfice du demandeur.
Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS
Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,
DIT que Monsieur [P] [U] a été victime d’un accident de la circulation le 8 novembre 2019 en qualité de conducteur et que son droit à indemnisation est entier ;
DIT que la société SMABTP et le FGAO sont tenues d'en réparer toutes les conséquences dommageables, respectivement au titre de leurs garanties contractuelle et légale ;
CONDAMNE la société SMABTP à payer à Monsieur [P] [U], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
Frais médicaux : 125,05 €
Assistance par tierce personne temporaire : 1.026 €
Perte de gains professionnels futurs : 131 539,62 €
Incidence professionnelle : 6.000€
Souffrances endurées 6.000 €
Préjudice esthétique 4.000 €

CONDAMNE le FGAO à payer à Monsieur [P] [U], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
Frais divers : 1 950,00 €
Déficit fonctionnel temporaire : 2 221,50 €
Déficit fonctionnel permanent : 8 850,00 €

DEBOUTE Monsieur [P] [U] de ses demandes d’indemnisation au titre de préjudices d’agrément et sexuel ;
DÉCLARE le jugement à intervenir commun à la CPAM de Haute-Saône ;
CONDAMNE la société SMABTP aux entiers dépens, dont distraction au profit de Maître Hadrien Muller, avocat au Barreau de Paris, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la Société SMABTP à payer à Monsieur [P] [U] la somme de 2500€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour;
RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;
DÉBOUTE les parties de toutes leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 07 Juin 2024

Le GreffierLa Présidente
Célestine BLIEZGéraldine CHARLES


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/11507
Date de la décision : 07/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-07;22.11507 ?
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