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06/06/2024 | FRANCE | N°23/09304

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 06 juin 2024, 23/09304


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître ROCHMANN


Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître VAN DOOSSELAERE

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 23/09304 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3N3Y

N° MINUTE :
4 JCP






JUGEMENT
rendu le jeudi 06 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [Z] [O] épouse [D],
demeurant [Adresse 2]
HONG KONG CHINE -

représentée par Maître ROCHMANN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D0643
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DÉFENDEUR
Monsieur [N] [T],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître VAN DOOSSELAERE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #C2110


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Ju...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à : Maître ROCHMANN

Copie exécutoire délivrée
le :
à : Maître VAN DOOSSELAERE

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 23/09304 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3N3Y

N° MINUTE :
4 JCP

JUGEMENT
rendu le jeudi 06 juin 2024

DEMANDERESSE
Madame [Z] [O] épouse [D],
demeurant [Adresse 2]
HONG KONG CHINE -

représentée par Maître ROCHMANN, avocat au barreau de Paris, vestiaire #D0643

DÉFENDEUR
Monsieur [N] [T],
demeurant [Adresse 1]

représenté par Maître VAN DOOSSELAERE, avocat au barreau de Paris, vestiaire #C2110

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Romain BRIEC, Juge des contentieux de la protection
assisté de Laura JOBERT, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 04 avril 2024

JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 06 juin 2024 par Romain BRIEC, Juge assisté de Laura JOBERT, Greffier

Décision du 06 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/09304 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3N3Y

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat sous seing privé en date du 1er juin 1993, les époux [I], aux droits de qui intervient Madame [Z] [O] épouse [D], ont donné à bail à Madame [E] [T] un appartement à usage d’habitation situé au [Adresse 1], pour un loyer mensuel de 3700 francs outre 507,50 francs de provision sur charges. Par avenant du 26 juin 2019, Monsieur [N] [T] est devenu seul titulaire du bail à la suite du décès de Madame [E] [T], sa mère pré décédée.

Par acte de commissaire de justice du 31 décembre 2019, Madame [Z] [O] épouse [D] a fait délivrer à Monsieur [N] [T] un commandement d’avoir à payer la somme de 928,50 euros.

Le 5 août 2020, Madame [Z] [O] épouse [D] a en outre fait délivrer par acte de commissaire de justice un congé pour défaut de paiement répété des loyers et charges, à effet au 31 mai 2023.

C'est dans ce contexte que par acte de commissaire de justice en date du 13 septembre 2023, Madame [Z] [O] épouse [D] a assigné Monsieur [N] [T] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins d’obtenir, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
La validation du congé délivré pour motif légitime et sérieux,L’expulsion de Monsieur [N] [T] et de tout occupant de son chef, avec le concours de la force publique et d’un serrurier si besoin est, et avec séquestration des meubles,Sa condamnation à lui verser une indemnité mensuelle d’occupation de 934,88 euros jusqu’à libération définitive des lieux,Sa condamnation à lui payer la somme de 2000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre aux entiers dépens, en compris le coût du congé d’un montant de 137,10 euros.
Après un renvoi, l’affaire a été appelée et retenue à l’audience du 4 avril 2024.

A l'audience, Madame [Z] [O] épouse [D] a été représentée par son conseil et a déposé des écritures dont elle a demandé le bénéfice de lecture, aux termes desquelles elle a réitéré ses demandes sauf à ajouter une demande subsidiaire en résiliation de bail pour impayés, outre 400 euros au titre des frais irrépétibles.

Monsieur [N] [T] a été représenté par son conseil à l’audience utile et a fait viser des conclusions soutenues oralement, par lesquelles il a sollicité de déclarer le congé nul et de déclarer irrecevable l’action subsidiaire en résiliation de bail, la condamnation de Madame [Z] [O] épouse [D] à lui payer 4937,28 euros en paiement des travaux de réparation effectués dans l’appartement, 5000 euros de dommages et intérêts pour résistance abusive, ainsi que 4000 euros sur le fondement de l’article 700, et aux dépens.

L’affaire a été mise en délibéré au 6 juin 2024 par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION

Sur le congé délivré par le bailleur

En application des dispositions de l'article 15-I de la loi n° 89-462 du 6 juillet 1989 applicable aux baux vacants, le bailleur peut délivrer un congé pour motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant, six mois au moins avant l'échéance du bail. A l'expiration du délai de préavis, le locataire est déchu de tout titre d'occupation.

S'agissant d'un bail meublé, c'est l'article 25-8 de ladite loi qui prévoit que le bailleur qui ne souhaite pas renouveler le contrat doit informer le locataire avec un préavis de trois mois et motiver son refus de renouvellement du bail soit par sa décision de reprendre ou de vendre le logement, soit par un motif légitime et sérieux, notamment l'inexécution par le locataire de l'une des obligations lui incombant.

A peine de nullité, le congé donné par le bailleur doit indiquer le motif allégué.

Que le bail soit meublé ou non, un congé pour motif sérieux et légitime est ainsi possible pour le bailleur, la différence se situant sur la durée du préavis, et le moment de la délivrance du congé, la durée minimale du bail n'étant pas la même (un an pour les meublés en application de l'article 25-7, trois ou six ans selon la qualité de bailleur en application de l'article 10 pour les non meublés).

En l'espèce, le bail a été consenti pour une durée de trois ans à Madame [E] [T], aux droits de laquelle vient Monsieur [N] [T], à effet du 1er juin 1993. Il a été tacitement reconduit le 1er juin 1996 pour à nouveau trois années, et en dernier lieu le 1er juin 2020 pour expirer le 31 mai 2023 conformément à l'article 10 de la loi du 6 juillet 1989.

Le congé du bailleur du 5 août 2020 a donc été régulièrement délivré six mois avant l'échéance précitée. Il sera relevé en outre que le congé rappelle le motif du congé, délivré pour le non-paiement répété des loyers.

Mais s’agissant du motif dudit congé, Madame [Z] [O] épouse [D] vise le commandement de payer du 31 décembre 2019, soit plus de 7 mois plus tôt, et portant sur des défauts de paiement sur la période de juillet à septembre 2019, consécutifs au décès de Madame [E] [T] le 28 avril précédent, mère de Monsieur [N] [T]. Il ressort aussi du tableau établi à titre de décompte versé aux débats que l’arriéré a été purgé au plus tard en janvier 2020, le solde à cette échéance étant de 0 euro.

Sur le motif tiré des retards supposés dans le paiement des échéances, nul ne pouvant se constituer de titre à soi-même en application de l’article 1363 du code civil, il sera relevé que Madame [Z] [O] épouse [D] produit des tableaux qu’elle s’est elle-même constitués au format bureautique, pour illustrer des retards supposément répétés de paiement des loyers, ce qui ne saurait être suffisant pour étayer du moyen soulevé à défaut de toute autre pièce (relevé bancaire, mise en demeure, etc). Ce motif ne figure pas non plus expressément sur le congé.

Sur l’arriéré progressivement constitué sur la période de mai 2021 à novembre 2022 à hauteur de 218,39 euros (9,80x18), il apparaît d’un montant très faible, rendant vraisemblable le motif de l’erreur sur le montant exact du loyer invoqué par Monsieur [N] [T], à défaut là encore de tout autre élément contraire communiqué par Madame [Z] [O] épouse [D]. Par définition, le congé du 5 août 2020 n’y fait pas non plus référence.

En ces conditions, le motif sérieux et légitime invoqué n’étant pas caractérisé, le bailleur ne pourra qu'être débouté de sa demande de validation de son congé. Le bail a donc été tacitement reconduit le 1er juin 2023 pour une nouvelle période de trois ans.

Sur la demande subsidiaire en résiliation du bail

Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.

En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.

Enfin, il sera rappelé que l'une des obligations essentielles du preneur d'un contrat de bail est celle du paiement des loyers aux termes convenus en application de l'article 7 de la loi n°89-462 du 06 juillet 1989.

Il appartient à celui qui se prévaut de la résiliation judiciaire du contrat de rapporter la preuve du manquement et de justifier de sa gravité suffisante à entraîner la résiliation du contrat de bail aux torts du locataire et son expulsion des lieux.

En l’espèce, Madame [Z] [O] épouse [D] invoque les mêmes moyens que ceux mis dans le débat au soutien de sa demande principale en validation de congé. Dès lors, il sera indiqué que la gravité des manquements est insuffisamment caractérisée pour justifier d’une résiliation du bail. Ceux-ci ne portent en effet que sur des impayés pendant trois mois de juillet à septembre 2019 et purgés dès janvier 2020, soit quelques jours après le commandement de payer du 31 décembre 2019. Les retards dans les paiements des loyers ne sont pas non plus établis par une pièce qui ne serait pas constituée par Madame [Z] [O] épouse [D] elle-même. Enfin les paiements partiels sur la période de mai 2021 à novembre 2022 est d’un montant minime (9,80x18), résultent à l’évidence d’une erreur du locataire, ce qu’il a purgé dès qu’il en a eu connaissance.

Les manquements invoqués n’étant pas suffisamment graves, la demande en résiliation sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes indemnitaires à titre reconventionnel

Sur le manquement à l'obligation de délivrance du bailleur

Aux termes de l'article 6 de la loi du 6 juillet 1989, le bailleur est tenu de remettre au locataire un logement décent ne laissant pas apparaître de risques manifestes pouvant porter atteinte à la sécurité physique ou à la santé, exempt de toute infestation d'espèces nuisibles et parasites, répondant à un critère de performance énergétique minimale et doté des éléments le rendant conforme à l'usage d'habitation. Le décret n°2202-120 du 30 janvier 2002 vient préciser que vient préciser que le logement doit permet une aération suffisante et que les dispositifs d'ouverture et les éventuels dispositifs de ventilation des logements sont en bon état et permettent un renouvellement de l'air et une évacuation de l'humidité adaptés aux besoins d'une occupation normale du logement et au fonctionnement des équipements. Pareillement, le gros œuvre du logement et de ses accès doit être en bon état d'entretien et de solidité et protéger les locaux contre les eaux de ruissellement et les remontées d'eau.

Le bailleur est également obligé de délivrer au locataire le logement en bon état d'usage et de réparation ainsi que les équipements mentionnés au contrat de location en bon état de fonctionnement.

Ces obligations forment plus généralement l'obligation de délivrance du bail. De telles obligations sont des obligations de résultat et ne nécessitent pas de rapporter la preuve d'une faute du bailleur ou d'un défaut de diligences.

En cas de méconnaissance par le bailleur de son obligation de délivrance, le locataire dispose de l'action en exécution des travaux avec demande d'indemnisation pour les préjudices subis tels que la restriction d'usage ou le préjudice d'agrément. Pour la réalisation des travaux, une astreinte peut être prononcer pour assurer l'exécution de la décision en application de l'article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution.

Par ailleurs, aux termes de l’article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.

En l’espèce, Monsieur [N] [T] sollicite le paiement d’une indemnité équivalant aux frais supposément engagés pour le compte du bailleur dans l’appartement et non remboursés par elle. Or, s’il ressort des échanges entre bailleur et locataire que Madame [Z] [O] épouse [D] a pu envisager d’effectuer des travaux, Monsieur [N] [T] n’établit pas que la facture du 1er juillet 2020 versée aux débats corresponde à des travaux diligentés par Madame [Z] [O] épouse [D] pour un devis qui aurait été validé par elle (choix de l’entreprise, étendue des travaux, types de fournitures, prix, etc). Ceci d’autant plus que la facture a été dressée à une période où Madame [Z] [O] épouse [D] s’apprêtait à demander le départ de son locataire, suivant congé du 5 août 2020, lequel faisait suite à un commandement de payer du 31 décembre précédent.

La prétention de Monsieur [N] [T] sera en conséquence rejetée, faute d’être étayée.

Sur la résistance abusive

L’article 1231-6 du code civil dispose que les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.

Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire.

Par ailleurs, en application de l'article 1240 du même code, il est de jurisprudence constante que la faute, même non grossière ou dolosive suffit, lorsqu'un préjudice en résulte, à justifier une condamnation à des dommages-intérêts pour résistance abusive à une action judiciaire.

En l'espèce, Monsieur [N] [T] n’établit pas en quoi il aurait subi un préjudice indépendant des frais engagés dont il sera tenu compte au titre des frais irrépétibles et des dépens.

Sa demande sera en conséquence rejetée.

Sur les demandes accessoires

Madame [Z] [O] épouse [D], qui succombe, supportera les dépens en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Il sera alloué à Monsieur [N] [T] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

Il sera rappelé que l’exécution provisoire est de droit, en application de l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,

REJETTE les demandes de Madame [Z] [O] épouse [D] ;

REJETTE les demandes indemnitaires de Monsieur [N] [T] ;

CONDAMNE Madame [Z] [O] épouse [D] à verser à Monsieur [N] [T] la somme de 1000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procedure civile ;

REJETTE le surplus des demandes des parties ;

CONDAMNE Madame [Z] [O] épouse [D] aux dépens ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire est de droit.

LE GREFFIER LE JUGE DES CONTENTIEUX DE LA PROTECTION


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 23/09304
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;23.09304 ?
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