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06/06/2024 | FRANCE | N°23/01545

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jtj proxi requêtes, 06 juin 2024, 23/01545


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :

Copie conforme délivrée
à : Me Nathalie YOUNAN

Copie exécutoire délivrée
à : Me Sandy MOCKEL

Pôle civil de proximité


PCP JTJ proxi requêtes

N° RG 23/01545 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZDNI

N° MINUTE :
1/2024






JUGEMENT
rendu le jeudi 06 juin 2024


DEMANDEURS
Madame [G] [U],
Monsieur [S] [B] [T], demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Sandy MOCKEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0298


DÉFENDERE

SSE
Société TURKISH AIRLINES, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Nathalie YOUNAN, SELAS FTPA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P010


COMPOSITI...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :

Copie conforme délivrée
à : Me Nathalie YOUNAN

Copie exécutoire délivrée
à : Me Sandy MOCKEL

Pôle civil de proximité

PCP JTJ proxi requêtes

N° RG 23/01545 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZDNI

N° MINUTE :
1/2024

JUGEMENT
rendu le jeudi 06 juin 2024

DEMANDEURS
Madame [G] [U],
Monsieur [S] [B] [T], demeurant [Adresse 1]
représentés par Me Sandy MOCKEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #D0298

DÉFENDERESSE
Société TURKISH AIRLINES, dont le siège social est sis [Adresse 2]
représentée par Me Nathalie YOUNAN, SELAS FTPA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P010

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Yanaël KARSENTY, Juge, statuant en juge unique assisté d’Arjun JEYARAJAH, Greffier, lors des débats et Marie-Anaïs BELLAY, Greffière, lors du délibéré

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 15 février 2024.

JUGEMENT
délibéré initial du 21 mai 2024 , prorogé au 06 juin 2024, contradictoire, en dernier ressort, prononcé par mise à disposition le 06 juin 2024.
Décision du 06 juin 2024
PCP JTJ proxi requêtes - N° RG 23/01545 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZDNI

EXPOSÉ DU LITIGE

Les 11 et 12 avril 2018, Monsieur [S] [B] [T] et Madame [G] [U] devaient effectuer un trajet au départ de [Localité 3] (BRU) et à destination de [Localité 4] (HRG) avec une escale prévue à [Localité 5] (IST), par le biais d’un premier vol TK 1940 [Localité 3]-[Localité 5] le 11 avril 2018, puis d’un second vol TK 0702 [Localité 5]-[Localité 4] du 12 avril 2018, assurés par la société TURKISH AIRLINES.

Le vol TK 1940 [Localité 3]-[Localité 5] du 11 avril 2018 ayant été retardé, les requérants sont arrivés à destination finale ([Localité 4]) avec plus de 24 heures de retard.

Par voie de requête, Monsieur [S] [B] [T] et Madame [G] [U] ont saisi le tribunal judiciaire de Paris afin d'obtenir la condamnation de la société TURKISH AIRLINES, sur le fondement du règlement communautaire CE n°261/2004 du 11 février 2004, à leur verser les sommes suivantes :

- 1.200 euros, à hauteur de 600 euros par passager, au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article 7 du Règlement 261/2004
- 50 euros, à hauteur de 25 euros par passager, au titre de l’article 14 du Règlement n°261/2004 ;
- 300 euros, à hauteur de 150 euros par passager, à titre de dommages et intérêts du fait de la résistance abusive de la société TURKISH AIRLINES ;
- 1500 euros au titre de l’article 700 du Code de procédure civile et la condamnation aux entiers dépens.

A l’audience du 15 février 2024, représentés par leur conseil, Monsieur [S] [B] [T] et Madame [G] [U] ont maintenu leurs demandes conformes à la teneur de la requête.

En défense, par note en délibéré de son conseil, la société TURKISH AIRLINES, qui ne conteste pas le retard à destination de plus de trois heures, a excipé d’une circonstance extraordinaire exonératoire, en l’espèce, un choc aviaire ayant entrainé des dommages sur l’aéronef TC-JRV, notamment au niveau du capot d’entrée du moteur droit, au cours du vol TK 139 ([Localité 5]- [Localité 3]) immédiatement précédent à celui des requérants. Elle a expliqué que cette collision l’avait obligé à immobiliser l’appareil au sol à l’aéroport de [Localité 3] afin de procéder à une inspection visant à garantir la sécurité des vols à venir et à effectuer des réparations. Au regard de cette immobilisation de l’aéronef TC-JRV, initialement prévu pour assurer le vol TK 1940 [Localité 3]-[Localité 5] du 11 avril 2018, la société TURKISH AIRLINES a été contrainte d’affréter un avion de remplacement (aéronef TC-JSM) afin d’opérer le vol litigieux, justifiant ainsi un retard de plus de 3 heures lors du vol TK 1940 au sein duquel les requérants étaient passagers. Par conséquent, en se prévalant cette circonstance extraordinaire, la société TURKISH AIRLINES a sollicité le rejet de la demande formulée au titre de l’article 7 du Règlement EU 261/2004.

En outre, la société TURKISH AIRLINES demande au Tribunal de débouter Monsieur [S] [B] [T] et Madame [G] [U] de l’ensemble de leurs prétentions, notamment en ce qui concerne la résistance abusive, et de les condamner à lui verser la somme de 300 euros au titre des frais irrépétibles, outre les dépens.

L’affaire a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 6 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la demande en principal et la circonstance exceptionnelle

Sur le fond de l'affaire, la société TURKISH AIRLINES a invoqué, pour s'exonérer du paiement de l'indemnisation qui lui est demandée, et sur le fondement de règlement communautaire CE n°261/2004 du 11 février 2004, l'existence d'une circonstance extraordinaire exonératoire au regard des dispositions de l'article 5-3 du règlement européen précité et de son considérant n°14.

Il résulte de l'article 5, § 3, du règlement CE n° 261/2004 du 11 février 2004 établissant des règles communes en matière d'indemnisation et d'assistance des passagers en cas de refus d'embarquement et d'annulation ou de retard important d'un vol qu'un transporteur aérien n'est pas tenu de verser l'indemnisation prévue à l'article 7 s'il est en mesure de prouver que l'annulation ou le retard de trois heures ou plus à l'arrivée à destination d'un vol sont dus à des circonstances extraordinaires qui n'auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises (CJCE, arrêt du 19 novembre 2009, Sturgeon e.a., C-402/07 et C-432/07 ; CJUE, arrêt du 23 octobre 2012, Nelson e.a., C-581/10 et C-629/10). Peuvent être qualifiés de circonstances extraordinaires, au sens de ce texte, les événements qui, par leur nature ou leur origine, ne sont pas inhérents à l'exercice normal de l'activité du transporteur aérien concerné et échappent à la maîtrise effective de celui-ci (CJCE, arrêt du 22 décembre 2008, Wallentin-Hermann, C-549/07 ; CJUE, arrêt du 17 avril 2018, Krüsemann e.a., C-195/17, C-197/17 à C-203/17, C-226/17, C-228/17, C-254/17, C-274/17, C-275/17, C-278/17 à C-286/17 et C-290/17 à C-292/17). Ne constituent pas de telles circonstances les événements qui sont intrinsèquement liés au système de fonctionnement de l'appareil. En outre, la jurisprudence considère que la qualification de circonstances extraordinaires doit être effectuée au regard de la seule circonstance à l'origine de l'annulation ou du retard important du vol concerné (CJUE 26/06/2019 n°C-159/18 Moens / Ryanair).

En l'espèce, la société TURKISH AIRLINES a soutenu que le retard serait dû à une collision aviaire avec l’aéronef au cours du précédent vol précédent le trajet litigieux, laquelle aurait nécessité des interventions techniques et l’affrètement d’un avion de remplacement. Elle verse en ce sens un rapport de maintenance émanant de ses propres services et uniquement en langue anglaise en date du 14 avril 2018 (pièce n°1) qui souligne sans autre précision que l’avion avait une « bosse sur le capot d’entrée du moteur droit » (« a dent on right engine inlet cowl »), ainsi qu’un autre rapport non traduit appliquant à l’avion du vol litigieux le « Delay Code 51 » dont le manuel IATA en langue anglaise renvoie à des causes diverses à l’origine d’un dommage survenu « lors d'opérations aériennes, impact d'oiseaux ou foudre, turbulences, atterrissage lourd ou en surcharge, collision » (« damage during flight operations, bird or lightning strike, turbulence, heavy overweight or landing, collision during taxiing », pièce n°7).

Si la recherche de la sécurité est un impératif absolu pour tout transporteur aérien, celui-ci doit néanmoins expliquer et démontrer, dans le cadre de la circonstance extraordinaire exonératoire, que la défaillance ayant causé le retard ou l’annulation d’un vol trouve son origine exclusive dans le choc avec un objet étranger, cette défaillance n’étant alors pas considérée comme intrinsèquement liée au système de fonctionnement de l’appareil.

Or, en l’espèce, aucune des pièces produites ne permet de démontrer la survenance d’une collision aviaire avec l’aéronef, ni même que celle-ci, à supposer réellement intervenue, aurait été la seule circonstance à l’origine des dommages et en conséquence du retard. La société TURKISH AIRLINES procède ainsi par voie d’affirmation sans étayer ses propos par aucune pièce permettant de démontrer la survenance de l’incident supposé exonératoire.

Dès lors, n’étant pas fait la démonstration que l’immobilisation de l’aéronef pendant plusieurs heures est due à une autre cause qu’une simple défaillance technique de l’appareil, la société TURKISH AIRLINE ne peut être exonérée de son obligation à indemnisation forfaitaire au visa de l’article 5 du Règlement CE 261/2004.

En outre, les requérants prouvent par les pièces qu'ils versent aux débats qu'ils disposaient d'une réservation confirmée pour le vol concerné.
Par conséquent, le vol ayant subi un retard de plus de 3 heures à l’arrivée et la distance du trajet étant supérieure à 1500 km, il convient de condamner la société TURKISH AIRLINES à payer aux requérants la somme globale de 1200 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de l'article 7 du règlement précité.

Sur la demande de dommages et intérêts pour non remise de la notice d'information
L'obligation d'informer les passagers de leurs droits, notamment en matière d'indemnisation, par la présentation d'une notice écrite aux passagers subissant un retard, est prescrite par les articles 14 et 16 du Règlement du 11 février 2004.
Les requérants ne justifient pas que le non-respect par la société TURKISH AIRLINES des dispositions objet de l'article 14 du Règlement (CE) n°261/2004 leur ait été dommageable, à le supposer prouvé, étant relevé notamment que l'engagement même de la procédure établit qu'il connaissait parfaitement les « règles d'indemnisation et d'assistance » prévues en cas de retard ou d'annulation de vol.
Par conséquent, ils seront déboutés de cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive
Aux termes de l'article 1231-6 du code civil :
« Les dommages et intérêts dus à raison du retard dans le paiement d'une obligation de somme d'argent consistent dans l'intérêt au taux légal, à compter de la mise en demeure.
Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte.
Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts de l'intérêt moratoire. »
En l'espèce, les requérants n'apportent pas la preuve d'avoir subi un préjudice distinct de celui résultant du retard apporté au paiement de l’indemnité prévue et compensé par les intérêts de retard, ni la preuve que la partie défenderesse soit de mauvaise foi, ce qui ne résulte pas du seul défaut de paiement.
Il y a lieu en conséquence, de rejeter la demande formée en paiement de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Sur la demande au titre de l’article 700 du code de procédure civile
Il apparaît équitable d’allouer aux demandeurs la somme de 150 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens pour faire valoir ses droits.

Sur les dépens 
La société TURKISH AIRLINES, qui succombe, sera également condamnée aux dépens.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal judiciaire, statuant par jugement mis à disposition au greffe, contradictoire et en dernier ressort,

CONDAMNE la société TURKISH AIRLINES à verser à Monsieur [S] [B] [T] et Madame [G] [U] la somme de 600 euros chacun, soit un total de 1 200 euros au titre de l'indemnisation forfaitaire prévue à l'article 7 du règlement européen n°261/2004,

DEBOUTE les requérants de leurs demandes de dommages et intérêts,

DEBOUTE les parties du surplus de leurs prétentions,

CONDAMNE la société TURKISH AIRLINES à verser à Monsieur [S] [B] [T] et Madame [G] [U] la somme globale de 150 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société TURKISH AIRLINES aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 06 juin 2024

La GreffièreLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jtj proxi requêtes
Numéro d'arrêt : 23/01545
Date de la décision : 06/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-06;23.01545 ?
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