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05/06/2024 | FRANCE | N°24/02603

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Pcp jcp fond, 05 juin 2024, 24/02603


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Madame [O] [V]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité


PCP JCP fond

N° RG 24/02603 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4G4W

N° MINUTE :







JUGEMENT
rendu le mercredi 05 juin 2024


DEMANDERESSE
La société LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS

, vestiaire : #P0173


DÉFENDERESSE
Madame [O] [V]
demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée


COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne TOULEMONT, Juge des contentieux de la pro...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Madame [O] [V]

Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Sébastien MENDES GIL

Pôle civil de proximité

PCP JCP fond

N° RG 24/02603 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4G4W

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le mercredi 05 juin 2024

DEMANDERESSE
La société LA BANQUE POSTALE CONSUMER FINANCE
dont le siège social est sis [Adresse 1]
représentée par Me Sébastien MENDES GIL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : #P0173

DÉFENDERESSE
Madame [O] [V]
demeurant [Adresse 2]
non comparante, ni représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL
Anne TOULEMONT, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffier,

DATE DES DÉBATS
Audience publique du 15 mars 2024

JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 05 juin 2024 par Anne TOULEMONT, Juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffier

Décision du 05 juin 2024
PCP JCP fond - N° RG 24/02603 - N° Portalis 352J-W-B7I-C4G4W

EXPOSE DU LITIGE

Selon offre préalable acceptée le 25 juin 2021, la société La Banque Postale Consumer Finance a consenti à Madame [O] [V] un crédit personnel d'un montant en capital de 5000 euros remboursable au taux nominal de 4, 35% en 48 mensualités de 118, 56 euros.

Des échéances étant demeurées impayées, la société La Banque Postale Consumer Finance a fait assigner Madame [O] [V] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris, par acte d'huissier en date du 21 février 2024, en paiement des sommes suivantes, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :
-4448, 70 euros au titre du crédit, avec intérêts contractuels au taux de 4, 35% à compter du 28 mars 2023, avec prononcé de la résiliation judiciaire aux torts de l'emprunteur si le tribunal estimait la déchéance du terme irrégulière,
-Capitalisation des intérêts
-500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance.

Au soutien de sa demande, la société La Banque Postale Consumer Finance fait valoir que les mensualités d'emprunt n'ont pas été régulièrement payées, ce qui l'a contraint à prononcer la déchéance du terme le 28 mars 2023, rendant la totalité de la dette exigible. Elle précise que le premier incident de paiement non régularisé se situe au 10 juin 2022 et que sa créance n'est ainsi pas forclose.

A l'audience du 15 mars 2024, la société La Banque Postale Consumer Finance , représentée par son conseil, a sollicité le bénéfice de son acte introductif d'instance. La forclusion, la nullité, la déchéance du droit aux intérêts contractuels (FIPEN, notice d'assurance, FICP, vérification solvabilité) et légaux ont été mis dans le débat d'office, sans que le demandeur ne présente d'observations supplémentaires sur ces points.

Bien que régulièrement assignée par procès-verbal de recherches infructueuses conformément à l'article 659 du code de procédure civile, dernière adresse connue de la défenderesse, Madame [O] [V] n'a pas comparu.

La décision a été mise en délibéré par mise à disposition au greffe au 5 juin 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Selon l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

Sur la demande en paiement

Le présent litige est relatif à un crédit soumis aux dispositions de la loi n°2010-737 du 1er juillet 2010 de sorte qu'il sera fait application des articles du code de la consommation dans leur rédaction en vigueur après le 1er mai 2011 et leur numérotation issue de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 et du décret n°2016-884 du 29 juin 2016

L'article R.632-1 du code de la consommation permet au juge de relever d'office tous les moyens tirés de l'application des dispositions du code de la consommation, sous réserve de respecter le principe du contradictoire. Il a été fait application de cette disposition par le juge à l'audience du 15 mars 2024, étant rappelé qu'en ce qu'il tend à faire rejeter comme non justifiée la demande en paiement du prêteur ayant consenti un crédit à la consommation, le moyen tiré de la déchéance du droit aux intérêts opposé par l'emprunteur, ou soulevé d'office par le juge, constitue une défense au fond et n'est donc pas soumis à la prescription (article 72 du code de procédure civile et Avis n°15014 du 18 septembre 2019 de la première chambre civile de la Cour de cassation).

L'article L.312-39 du code de la consommation prévoit qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Lorsque le prêteur exige le remboursement immédiat du capital restant dû en application de l'article L.312-39, il peut demander une indemnité égale à 8% du capital restant dû à la date de la défaillance.

Ce texte n'a toutefois vocation à être appliqué au titre du calcul des sommes dues qu'après vérification de la régularité de la signature du contrat, de l'absence de forclusion de la créance, et de l'absence de déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

Sur la forclusion

L'article R. 312-35 du code de la consommation dispose que les actions en paiement à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur dans le cadre d'un crédit à la consommation, doivent être engagées devant le tribunal judiciaire dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.

En l'espèce, au regard de l'historique du compte produit, il apparaît que le premier incident de paiement non régularisé est intervenu pour l'échéance du 10 juin 2022 de sorte que la demande effectuée le 21 février 2024 n'est pas atteinte par la forclusion.

Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels
Il appartient au créancier qui réclame des sommes au titre d'un crédit à la consommation de justifier du strict respect du formalisme informatif prévu par le code de la consommation, en produisant des documents contractuels conformes, ainsi que la copie des pièces nécessaires, et notamment :
-la fiche d'information précontractuelle -FIPEN-à peine de déchéance totale du droit aux intérêts,
-la notice d'assurance comportant les conditions générales à peine de déchéance totale du droit aux intérêts, étant précisé également que la preuve de la remise de la notice et de sa conformité ne sauraient résulter d'une simple clause pré-imprimée selon laquelle l'emprunteur reconnaît la remise, une telle clause ne constitue qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments de preuve pertinents, et étant rappelé que la synthèse des garanties ne répond pas à l'exigence légale, le fonctionnement des garanties et les cas particuliers n'y figurant pas,
-la justification de la consultation du fichier des incidents de paiements -FICP- à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge,
-la justification, quel que soit le montant du crédit, de la vérification de la solvabilité de l'emprunteur au moyen nombre suffisant d'informations, y compris des informations fournies par ce dernier à la demande du prêteur à peine de déchéance du droit aux intérêts, en totalité ou dans la proportion fixée par le juge, étant précisé que le prêteur ne doit pas s'arrêter aux seules déclarations de l'emprunteur compilées dans la " fiche dialogue " mais effectuer ses propres vérifications et solliciter des pièces justificatives (au minimum la production de relevés bancaires et d'un avis d'imposition) et être ensuite en mesure de les produire devant la juridiction saisie de son action en paiement,
-la justification de la fourniture à l'emprunteur les explications lui permettant de déterminer si le contrat de crédit proposé est adapté à ses besoins et à sa situation financière et attirant son attention sur les caractéristiques essentielles du ou des crédits proposés et sur les conséquences que ces crédits peuvent avoir sur sa situation financière, y compris en cas de défaut de paiement à peine de déchéance du droit aux intérêts totale ou partielle, étant précisé que la cause de reconnaissance de l'emprunteur de la réception des explications adéquates est abusive en ce que par sa rédaction abstraite et générale, elle ne permet pas d'apprécier le caractère personnalisé des explications fournies à l'emprunteur,

Il résulte de l'article L. 312-12 du code de la consommation que préalablement à la conclusion du contrat de crédit, le prêteur ou l'intermédiaire de crédit donne à l'emprunteur, par écrit ou sur un autre support durable, les informations nécessaires à la comparaison de différentes offres et permettant à l'emprunteur, compte tenu de ses préférences, d'appréhender clairement l'étendue de son engagement.
Cette fiche d'informations précontractuelles -FIPEN- est exigée à peine de déchéance totale du droit aux intérêts, étant précisé qu'il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à son obligation d'informations et de remise de cette FIPEN. A cet égard, la clause type, figurant au contrat de prêt, selon laquelle l'emprunteur reconnaît avoir reçu la fiche d'informations précontractuelles normalisées européennes, n'est qu'un indice qu'il incombe au prêteur de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires. Il a toutefois été jugé qu'un document qui émane du seul prêteur ne peut utilement corroborer les mentions de cette clause type de l'offre de prêt pour apporter la preuve de l'effectivité de la remise. (Cass. civ. 1, 7 juin 2023, n° 22-15.552). Dès lors, ni la production de la FIPEN remplie par le prêteur, ni la production d'une liasse vierge comportant par principe une FIPEN ne saurait suffire à corroborer cette clause à la différence du bordereau de rétractation qui doit être remis vierge, car ce qui doit être prouvé d'emblée par le prêteur est la remise effective de la FIPEN personnalisée.
Il doit dès lors être considéré que la société qui ne produit que le contrat comportant une clause de reconnaissance, une FIPEN remplie mais non signée à l'exception de toute autre pièce, ne rapporte pas suffisamment la preuve d'avoir respecté l'obligation qui lui incombe, sans qu'elle puisse valablement opposer que la signature de cette pièce n'est pas exigée par les textes.
La banque produit certes un exemplaire de la FIPEN contenant des informations concordantes avec les éléments du crédit souscrit. Toutefois, nul ne pouvant se constituer une preuve à soi-même, la production d'une copie de la FIPEN non signée ni paraphée par l'emprunteur, soit d'un document émanant de la seule banque, ne peut utilement corroborer la clause type de l'offre de prêt. Le fichier de preuve versé ne permet de s'assurer que la FIPEN est signée, seul le contrat est identifié.
En ces conditions le prêteur ne peut qu'être déchu totalement du droit aux intérêts.

Sur le montant de la créance

Aux termes de l'article L.341-8 du code de la consommation, lorsque le prêteur est déchu du droit aux intérêts, l'emprunteur n'est tenu qu'au seul remboursement du capital suivant l'échéancier prévu, ainsi que, le cas échéant, au paiement des intérêts dont le prêteur n'a pas été déchu. Les sommes déjà perçues par le prêteur au titre des intérêts, qui sont productives d'intérêts au taux de l'intérêt légal à compter du jour de leur versement, sont restituées par le prêteur ou imputées sur le capital restant dû.

En l'espèce, le prêteur a été déchu du droit aux intérêts de sorte qu'il n'y a pas lieu de faire droit à sa demande formulée au titre des intérêts échus ; les sommes versées au titre des intérêts seront imputées sur le capital restant dû.

Au regard de l'historique du prêt, il y a lieu de faire droit à la demande en paiement de la société La Banque Postale Consumer Finance à hauteur de la somme de 3693,11 euros au titre du capital restant dû (5000 - 1306,89 euros de règlements déjà effectués).

En l'espèce, Madame [O] [V] sera ainsi condamnée à payer à la société La Banque Postale Consumer Finance la somme de 3693, 11 euros. La limitation légale de la créance du préteur exclut qu'il puisse prétendre au paiement de toute autre somme et notamment de la clause pénale prévue par l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation. La société La Banque Postale Consumer Finance doit donc être déboutée sur ce point.

Conformément à l'article L 311-48 du code de la consommation, en cas de déchéance du droit aux intérêts, le débiteur n'est tenu qu'au remboursement du seul capital. Cette déchéance s'étend donc aux intérêts et à tous leurs accessoires.

Par ailleurs, ces dispositions doivent être interprétées conformément à la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 23 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs, dont les dispositions nationales ne sont que la transposition, et qui prévoit en son article 23 que les sanctions définies par les États membres en cas de violation des dispositions nationales adoptées conformément à la présente directive doivent être effectives, proportionnées et dissuasives.

Au regard de cette dernière exigence, la déchéance du droit aux intérêts prononcée à l'encontre du prêteur doit donc également comprendre les intérêts au taux légal.

Il convient, en conséquence, d'écarter toute application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil et L 313-3 du code monétaire et financier et de dire que les sommes dues au prêteur ne produiront aucun intérêt, même au taux légal.

Sur la capitalisation des intérêts

La capitalisation des intérêts, dit encore anatocisme, est prohibée concernant les crédits à la consommation, matière dans laquelle les sommes qui peuvent être réclamées sont strictement et limitativement énumérées. En effet, l'article L.312-38 du code de la consommation rappelle qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L.312-39 et L.312-40 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.

La demande de capitalisation sera par conséquent rejetée.

Sur les demandes accessoires

Le défendeur, qui succombe, supportera les dépens, en application de l'article 696 du code de procédure civile.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société La Banque Postale Consumer Finance les frais exposés par elle dans la présente instance et non compris dans les dépens. La somme de 300 euros lui sera donc allouée au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La présente décision est exécutoire à titre provisoire, conformément à l'article 514 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS,

Le juge des contentieux de la protection, statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe réputé contradictoire et en premier ressort,

PRONONCE la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société La Banque Postale Consumer Finance au titre du prêt souscrit par Madame [O] [V] le 25 juin 2021, à compter de cette date ;

CONDAMNE en conséquence Madame [O] [V] à verser à la société La Banque Postale Consumer Finance la somme de 3693, 11 euros au titre du capital restant dû.

DIT que la somme de 3693, 11 euros ne produira aucun intérêt et écarte la majoration de l'article L. 313-3 du code monétaire et financier ;

DEBOUTE la société La Banque Postale Consumer Finance de sa demande de capitalisation des intérêts et de sa demande au titre de la clause pénale.

CONDAMNE Madame [O] [V] à verser à la société La Banque Postale Consumer Finance la somme de 300 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE Madame [O] [V] aux dépens ;

REJETTE le surplus des demandes ;

RAPPELLE que le présent jugement est exécutoire de plein droit à titre provisoire.

Le greffier Le juge des contentieux de la protection


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Pcp jcp fond
Numéro d'arrêt : 24/02603
Date de la décision : 05/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-05;24.02603 ?
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