TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS
■
MINUTE N°:
17ème Ch. Presse-civile
N° RG 21/09006 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUXU5
SC
Assignation du :
28 Juin 2021
[1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :
République française
Au nom du Peuple français
JUGEMENT
rendu le 05 Juin 2024
DEMANDEUR
[O] [R]
[Adresse 2]
[Localité 3]
représenté par Maître Nicolas VERLY de l’AARPI EKV AVOCATS ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #B0777
DÉFENDEUR
[A] [L]
[Adresse 1]
[Localité 4]
représenté par Me Dominique ALRIC, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B1043
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro 2022/037622 du 02/02/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Magistrats ayant participé aux débats et au délibéré :
Sophie COMBES, Vice-Présidente
Présidente de la formation
Jeanne DOUJON, Juge Placée
Roïa PALTI, Magistrat honoraire ayant des fonctions juridictionnelles
Assesseurs
Greffiers :
Martine VAIL, Greffier lors des débats, et Virginie REYNAUD, Greffier à la mise à disposition
DÉBATS
A l’audience du 27 Mars 2024
tenue publiquement
JUGEMENT
Mis à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort
Vu l’assignation délivrée le 28 juin 2021, selon la procédure dite “à jour fixe”, à la requête de [O] [R] à [A] [L], par laquelle il est demandé au tribunal, au visa des articles 222-33-2-2 du code pénal et 1240 du code civil, de constater que [A] [L] est l’auteur d’une faute civile à son encontre résultant de la commission, depuis le 12 décembre 2020, du délit de harcèlement moral caractérisé par la publication répétée, par l’intermédiaire de profils différents, de nombreux avis relatifs le concernant sur la page Facebook de l’Ecole européenne des métiers de l’internet (EEMI), sur la page Google My Business de l’EEMI, sur les site www.gralon.net, open classrooms.com, et www.trustpilot.com, de la création de fausses pages, sites et articles le mettant en cause ainsi que de l’envoi entre le 8 janvier et le 9 avril 2021, de nombreux courriers électroniques de menace adressés à son attention, et de réparer le préjudice en résultant,
___________
Vu le jugement en date du 17 novembre 2021 par lequel le tribunal a :
- sursis à statuer sur l’ensemble des demandes formées par [O] [R] et [A] [L] jusqu’à ce qu’une décision définitive intervienne à la suite de la plainte avec constitution de partie civile déposée le 2 mars 2021du chef de diffamation publique envers un particulier par [O] [R] devant le doyen des juges d’instruction du tribunal de Nanterre, à raison de propos concernés par ailleurs par la présente procédure,
- réservé les dépens qui suivront le sort de l’instance principale,
- renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état du 6 juillet 2022 afin de faire le point sur le sort de la procédure,
Vu le jugement en date du 31 mai 2023 par lequel le tribunal, en application des alinéas 2 et 3 de l’article 789 du code de procédure civile, a :
- constaté le désistement partiel d’instance de [O] [R] en ce qu’elle portait sur la faute civile résultant de la commission du délit de harcèlement par le biais de la publication de propos par ailleurs poursuivis devant le tribunal correctionnel de Nanterre sous la qualification de diffamation publique envers un particulier,
- révoqué le sursis à statuer ordonné par le jugement de ce tribunal en date du 17 novembre 2021,
- renvoyé la procédure devant le juge de la mise en état de la 17ème chambre afin que les parties concluent au fond sur le litige subsistant,
- réservé les demandes présentées par le demandeur au titre des dépens et des frais irrépétibles,
Vu les dernières conclusions de [O] [R], notifiées par voie électronique le 17 décembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, par lesquelles il demande au tribunal :
- de constater son intérêt à agir,
- de constater que [A] [L] est l’auteur d’une faute civile à son encontre résultant :
- de la publication répétée, par l’intermédiaire de profils différents, de nombreux avis le concernant sur les supports suivants, depuis le 12 décembre 2020 :
- pageFacebook de l’EEMI,les 12 et 14 décembre2020,
- pageGoogle My Business de l’EEMI, les 14 décembre 2020, 9 janvier et 14 avril 2021,
- site internet www.gralon.net, le 14décembre 2020,
- site internet openclassrooms.com, les 12 et 14 décembre 2020,
- site internet www.trustpilot.com, les 8, 9 et 27 janvier 2021,
- de la création de fausses pages, sites et articles web le mettant en cause sur les supports suivants :
- site www.blogs.mediapart.fr, blog “Le chirurgien digital”, le 14 décembre 2020- les sites internet www.neuf.tv et www.tremplin-numerique.org,
- le compte Twitter “Avis EEMI école escroquerie@avis eemi”,
- de l’envoi, entre le 8 janvier et le 9 avril 2021, de nombreux courriers électroniques de menace lui étant destinés,
- de constater que cesagissements, par leur caractère répété et délibéré et leur incidence sur son état de santé caractérisent l’infraction de harcèlement moral, prévue et réprimée par l’article 222-33-2-2 du code pénal et, partant, une faute civile en application de l’article 1240 du code civil,
- le condamner en conséquence à lui verser la somme de 30.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral,
- de lui ordonner, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir, de supprimer les avis publiés par les profils créés par ses soins, accessibles aux adresses URL suivantes :
- avis publiés par le profil “[A] [N]” entre les 12 et 14 décembre 2020 sur la page Facebook de l’EEMI ayant pour adresse URL publique https://www.facebook.com/eemi75/reviews/?ref=page_internal :
“(… ) C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette « entreprise » scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi sur l’adresse email [Courriel 10]. Je suis même joignable par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES, par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter. (…)
Je ne relate que les faits, et je ne partage aux futurs élèves que les emails de chantage que j'ai reçu de la direction. (…)
Le but de cet avis est justement d'avertir sur ce genre de cas isolé. De montrer jusqu'à où la direction de cette école est capable d'aller avec ses "cas isolés". (…)”,
- avis publiés sur la page GOOGLE MY BUSINESS de l’EEMI, à l’adresse URL https://www.google.com/search?client=firefox-b- d&q=goog+eemi#lrd=0x47e66e3c8ab00dff:0xdb158c2db686cbcf.1 :
* avis du profil “[A] G”, publié le 14 décembre 2020 :
“Mon adresse email est aussi indiquée, je peux répondre à toutes vos questions.”,
* avis du profil “[A] [Y]”, publié le 14 décembre 2020 :
“(…) C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette entreprise scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi par email (nicolasdelagesugarde (at) gmail .com). Je suis joignable aussi par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES. Par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter.”,
* avis du profil “[T] [S]”, publié le 9 janvier 2021 :
“Très mauvaise expérience. La pire école que je connaisse.”
* avis du profil “[K] [G]”, publié le 14 avril 2021 :
“(…) Ce directeur qui m’a fait chanter, qui m’a escroqué et qui a mis son chantage à exécution en m’excluant abusivement de l’école vient inverser les rôles et se déclare (attention) “psychologiquement affecté” par mes avis négatifs, et fournit même un certificat de psychiatre. On croit rêver. Je rappelle que j’ai les preuves matérielles de l’escroquerie dont j’ai été victime. Nous sommes dans la fable du loup et de l’agneau.”,
- avis publié par le profil “[A] [Z]” le 14 décembre 2020 sur le site web https://www.gralon.net/articles/internet-et-webmaster/logiciel/article-l-eemi---une-ecole-europeenne-des-metiers-de-l-internet-4609.htm :
“ Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école. Une direction qui n’hésite pas à menacer et faire subir du chantage à ses étudiants après les avoir escroqués.”,
- propos publiés par le profil “[I]” les 12 et 14 décembre 2020 sur le site web
https://openclassrooms.com/forum/sujet/eemi-95669 et https://openclassrooms.com/forum/sujet/plus-d-information-sur-l-eemi :
“Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école. Une direction qui n’hésite pas à menacer et faire subir du chantage à ses étudiants après les avoir escroqués. (…)
Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES, par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter.”,
- avis publiés entre le 8 janvier et le 14 avril 2021 sur le site web https://fr.trustpilot.com/review/eemi.com :
* avis du profil “[T] [S]”, publié le 8 janvier 2021 :
“Très, très mauvaise expérience. L’école va sans doute signaler cet avis, comme ils le font partout. J’ai pourtant les certificats de scolarité, les factures et toutes les informations qui prouvent que j’ai bien fait partie des élèves pendant 3 ans. De plus, ne vous fiez pas aux avis positifs sur cette école, ils sont tous postés par l’équipe de l’administration.”,
* avis du profil “[E]”, publié le 9 janvier 2021 :
“Vraiment nul. A éviter à tout prix.”,
* avis du profil “[A] G”, publié le 27 janvier 2021 :
“Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école : une plainte au tribunal civil a été déposée, j’espère que la justice fera son travail.
C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette entreprise scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi par email (via l'adresse que j'ai laissée sur mon avis Facebook sur la page de l'école).
Je suis aussi joignable par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES. Par exemple, des copies d’email où vous verrez comment la direction a voulu me faire chanter.”,
* avis du profil « [K] », publié le 14 avril 2021 :
“A éviter absolument. Cela n’engage que moi, bien entendu”,
- d’ordonner au défendeur de supprimer, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la date du jugement à intervenir, les pages et sites web accessibles aux adresses URL suivantes:
- https://blogs.mediapart.[07] avis-sur-votre-ecole-leemi,
- https://www.neuf.tv/avis-eemi,
- https://twitter.com/avis_eemi,
- https://étudiant.es/classement-ecoles-web/eemi/,
- https://www.tremplin-numerique.org/avis-eemi,
- d’ordonner la publication d’un communiqué judiciaire sous astreinte,
- de condamner le défendeur au versement de la somme de 12.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, ainsi qu’aux dépens de l’instance,
- de confirmer l’exécution provisoire du jugement à intervenir,
- de débouter, en tout état de cause, le défendeur de l’ensemble de ses demandes,
Vu les dernières conclusions de [A] [L], notifiées par voie électronique le 6 novembre 2023, auxquelles il convient de se reporter pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, par lesquelles il demande au tribunal :
- de déclarer [O] [R] irrecevable à agir pour défaut de qualité,
- subsidiairement, le débouter de ses demandes,
- de le condamner à lui verser la somme de 5.000 euros en réparation du préjudice moral causé par son action en justice abusive,
- de le condamner à lui verser la somme 3.600 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens,
- d’écarter l’exécution provisoire de droit,
Vu l’ordonnance de clôture en date du 24 janvier 2024,
Lors de l’audience du 27 mars 2024, les conseils des parties ont soutenu oralement leurs écritures.
A l’issue des débats, l’affaire a été mise en délibéré au 5 juin 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS
Sur les faits
[O] [R] explique avoir été, de 2016 à 2021, le président de l’EEMI, centre de formation dispensant un enseignement portant sur les métiers du e-business.
[A] [L] indique être un ancien élève de l’EEMI, qu’il a intégrée en 2015 souhaitant suivre une formation de cinq ans telle que proposée par la directrice de l’époque, composée d’un cursus de trois ans conduisant au grade de “bachelor” puis de deux années au sein d’un master, en partenariat avec l’école [8] ([8]) (ses pièces n°1 et 2). Il explique avoir appris incidemment, au début de l’année 2018, que le partenariat avec l’école grenobloise n’existait plus et que, malgré l’importance de cette information pour les étudiants pour qui la possibilité d’intégrer ce master était essentielle, le directeur, [O] [R], n’avait pas fait de communication officielle sur cette situation, se contentant d’indiquer en privé que le “master était en passe d’évoluer” (ses pièces n°4, 5 et 10). Il indique avoir alors publié un message sur le groupe Facebook privé de sa promotion pour en faire part et initier un débat sur le fait que l’école ne les avait pas informés de ce changement.
Si la teneur de ce message n’est pas connue, il apparaît que le 14 janvier 2018, [O] [R] a pris à son égard une mesure d’exclusion temporaire au motif que “les propos tenus par [ce dernier], que ce soit au sein de l’école ou sur les réseaux sociaux, son comportement deviennent incompatibles avec un bon climat scolaire” (pièce n°6 en défense).
A l’issue d’un conseil discipline convoqué le 24 janvier 2018 pour “menaces proférées à l’encontre de l’EEMI, diffusion d’informations erronées sur les réseaux sociaux et portant atteinte à l’image de l’EEMI et incitation des étudiants de l’EEMI à porter plainte contre l’école”, il a été décidé que [A] [L] devrait écrire une lettre d’excuse manuscrite à l’attention de [O] [R], supprimer les messages litigieux des réseaux sociaux et lire un message d’excuse devant les différentes classes (pièce n°7 en défense).
Le 28 janvier 2018, [A] [L] a adressé au directeur un courrier (sa pièce n°8) où il rappelait avoir intégré l’EEMI à raison du master proposé en partenariat avec l’école de [Localité 9], faisait part de sa “vive crainte de voir ses trois années de scolarité anéanties” compte tenu de la suppression de ce partenariat, affirmait qu’il n’avait pas voulu nuire à l’école, et précisait que les messages publiés sur Facebook avaient été supprimés par l’un des administrateurs de la page. Cette lettre n’a pas été jugée satisfaisante par le conseil de discipline qui la considérait comme une nouvelle justification de son comportement. Le conseil, après avoir souligné que le 31 janvier 2018, [A] [L] avait envoyé aux enseignants un courriel où il s’excusait de ne pouvoir assister aux cours en raison de la mesure d’exclusion et affirmait “subir un chantage de la part de l’école : si je veux terminer mon année, je dois reconnaître (...) avoir diffamé l’école (...) passer dans les classes m’humilier et la lire aux élèves. Il est bien sûr impensable que je cède à ce chantage : je ne mentirai pas pour satisfaire l’ego de “responsables pédagogiques” ”, a prononcé son exclusion définitive le 1er février 2018 (pièce n°2 en demande).
Le 21 août 2018, [A] [L] a déposé plainte à l’encontre de l’EEMI auprès du procureur de la République près le tribunal de Créteil pour “escroquerie, menaces et chantage”, et il a été entendu dans ce cadre par les services de police le 2 avril 2019 (ses pièces n°10 et 11). Cette plainte a été classée sans suite le 4 février 2020 au motif que l’infraction était insuffisamment caractérisée (pièce n°20 en demande). Si [A] [L] a exercé un recours contre cette décision auprès du procureur général près la cour d’appel de Paris le 1er avril 2021 (sa pièce n°15), il ne précise pas les suites qui lui ont été données.
C’est dans ce contexte qu’ont été publiés et adressés les messages et mails litigieux à compter du 12 décembre 2020.
Il sera en premier lieu relevé que [A] [L] ne conteste pas en être l’auteur, se contentant de souligner qu’une large diffusion de propos sur internet et les réseaux sociaux ainsi que la création de sites et l’usage de pseudonymes ne constituent pas des actes illégaux. [O] [R] produit au surplus les données communiquées par les sociétés Google et Facebook, en exécution des ordonnances sur requêtes rendues par le président du tribunal de Nanterre les 22 et 28 janvier 2021 (ses pièces n°13 à 15), qui confirment que les différents comptes et profils sont liés par le numéro de téléphone communiqué lors de leur création et par les adresses IP de création et de connexion, et que ces informations renvoient au défendeur.
Il ressort du constat d’huissier dressé le 14 décembre 2020 (pièce n°4 en demande) que dans la rubrique “avis” de la page Facebook de l’EEMI, le profil “[A] [N]” a publié entre le 12 et le 14 décembre 2020 plusieurs messages comportant notamment les propos suivants, ceux visés par le demandeur, dans cet échange, étant mis en gras par le tribunal pour les besoins de la motivation:
- “(… ) C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette « entreprise » scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi sur l’adresse email [Courriel 10]. Je suis même joignable par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES, par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter. (...)”,
- “Vous pouvez venir à 50 commenter cet avis, ça ne changera rien (...) Le partenariat à [Localité 11] n’avait plus lieu. Tu le sais très bien [W], tu es d’ailleurs allée à [Localité 9] ensuite, tout comme [V]. En revanche l’école a bel et bien continué à faire la promotion de son master en partenariat avec [8] à [Localité 11] alors que ce partenariat n’existait plus”,
- “ Si pour vous ça c’est bien passé, tant mieux. Le fait est que pour moi non (...). Je ne relate que les faits, et je ne partage aux futurs élèves que les emails de chantage que j'ai reçus de la direction. Je les laisse en faire l’interprétation”,
- “Je sais bien. Un cas isolé, comme il peut y en avoir 1, 2 ou 3 par an. Le but de cet avis est justement d'avertir sur ce genre de cas isolé. De montrer jusqu'à où la direction de cette école est capable d'aller avec ses "cas isolés"”.
Ces messages s’inscrivent dans un échange initié, avec trois autres anciennes élèves de la promotion de [A] [L], à la suite de la publication de l’avis initial de ce dernier (premier message). Les interlocutrices du défendeur lui répondent en indiquant que leur scolarité s’est très bien passée, qu’elles ont pu suivre le master en allant pour la première année à [Localité 9], la seconde année se déroulant à [Localité 11], car cette année-là, faute d’élèves en nombre suffisant, la première année du cursus n’avait pas été délocalisée à [Localité 11]. Il sera relevé que cette précision est compatible avec les termes du mail adressé en janvier 2018 par la chargée d’activité commerciale de l’école [8] à [A] [L], à savoir “Seule la première année n’ouvre pas sur [Localité 11] mais l’EEMI accueille toujours les étudiants de 2ème année” (pièce n°5 en défense). [A] [L] maintiendra néanmoins sa position face à ses interlocutrices, soutenant qu’il n’était pas possible pour un établissement de faire sa promotion en présentant comme s’effectuant à [Localité 11], un master se déroulant en partie à [Localité 9].
Il apparaît, au vu de ce même constat, que les messages suivants ont été publiés le 14 décembre 2020 sur la page Google My Business de l’EEMI :
- avis du profil “[A] G” :
“(...) Mon adresse email est aussi indiquée, je peux répondre à toutes vos questions”, ce message étant accompagné d’une photographie de l’avis de classement sans suite de la plainte ci-dessus évoquée,
- avis du profil “[A] [Y]” :
“(…) C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette entreprise scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi par email (nicolasdelagesugarde (at) gmail .com). Je suis joignable aussi par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES. Par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter”.
Le même jour, l’avis suivant a été publié par le profil “[A] [Z]” sur le site www.gralon.net: “ Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école. Une direction qui n’hésite pas à menacer et faire subir du chantage à ses étudiants après les avoir escroqués.”, en commentaire d’un article décrivant le fonctionnement de l’EEMI (pièce n°5 en demande).
Les 12 et 14 décembre 2020, le profil “[I]” a publié les propos suivants sur le site web
openclassrooms.com (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021):
“Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école. Une direction qui n’hésite pas à menacer et faire subir du chantage à ses étudiants après les avoir escroqués. (…) Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES, par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter”.
Le 14 décembre 2020, l’administrateur du blog “Chirurgien digital”, situé dans la partie du site d’information Mediapart réservée aux contributions des lecteurs, a publié une “lettre ouverte à [U] [F]” signée “[A]” ainsi présentée : “Un étudiant raconte le calvaire dont il a été victime, et le chantage que lui a fait subir cette école du web parisienne” (pièce n°7 en demande). La lettre ouverte, reproduite, comporte notamment les propos suivants : “Le directeur m’a exclu d’autorité le 14 janvier (...) La réalité est toute autre : le directeur, M. [O] *******, avait pour objectif préalable à cette exclusion de me faire subir du chantage des plus odieux. (…)”.
Cette même lettre a été publiée le 21 décembre 2020 sur le site www.neuf.tv (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021).
Sur le site www.tremplin-numerique.org, créé en 2021, un article intitulé “Avis EEMI : plainte contre l’école du web qui menace ses élèves” ainsi présenté : “Voici l’avis posté initialement sur Google par un étudiant qui a été inscrit 3 ans dans cette école du web parisienne. Sur la page Facebook de l’EEMI, celui-ci reposte son message, en se plaignant que Google censure systématiquement ses avis négatifs”. L’avis, déjà cité, est reproduit (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021).
Le 15 décembre 2020, [O] [R] et l’EEMI ont adressé des notifications de contenus illicites aux hébergeurs ou directeurs de publication des sites concernés (pièce n°8 en demande).
Dans un mail du 8 janvier 2021 adressé sur l’adresse structurelle de l’EEMI, [A] [L] a indiqué : “Bonjour, pour chaque contenu informatif que je publie au sujet de l’école retiré illégalement par votre part, j’en rajouterai le double. (...) J’attends la réouverture des salons étudiants pour venir personnellement devant votre stand avec les preuves (...) C’est-à-dire les enregistrements téléphoniques, les lettres de chantage du directeur (...)” (pièce n°9 en demande).
[O] [R], signant “La Direction”, a répondu à ce mail le 11 janvier 2021 (sa pièce n°11). [A] [L] a répliqué par un mail du 13 janvier 2021 en indiquant qu’il était libre “d’en ajouter le double à chaque fois que le récit de [son] expérience dans [leur] école [était] supprimé” (pièce n°12 en demande).
Plusieurs messages ont par ailleurs été publiés sur cette période.
Ainsi, un nouvel avis a été publié le 9 janvier 2021 sur la page Google My Business de l’EEMI par le profil “[T] [S]” : “Très mauvaise expérience. La pire école que je connaisse.” (pièce n°10, constat d’huissier du 11 janvier 2021).
Plusieurs avis ont aussi été mis en ligne entre 8 et le 27 janvier 2021 sur le site fr.trustpilot.com (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021) :
- avis du profil “[T] [S]”, publié le 8 janvier 2021 :
“Très, très mauvaise expérience. L’école va sans doute signaler cet avis, comme ils le font partout. J’ai pourtant les certificats de scolarité, les factures et toutes les informations qui prouvent que j’ai bien fait partie des élèves pendant 3 ans. De plus, ne vous fiez pas aux avis positifs sur cette école, ils sont tous postés par l’équipe de l’administration.”,
- avis du profil “[E]”, publié le 9 janvier 2021 :
“Vraiment nul. A éviter à tout prix”,
- avis du profil “[A] G”, publié le 27 janvier 2021 :
“Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école : une plainte au tribunal civil a été déposée, j’espère que la justice fera son travail.
C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette entreprise scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi par email (via l'adresse que j'ai laissée sur mon avis Facebook sur la page de l'école).
Je suis aussi joignable par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES. Par exemple, des copies d’email où vous verrez comment la direction a voulu me faire chanter”.
Sur un site créé en 2021 par la société “Le chirurgien digital”, dénommé “Classements et avis sur les écoles en France en 2021”, a été publié un article intitulé “Avis des étudiants de l’EEMI” qui comporte des termes similaires aux messages déjà évoqués et indique “ le directeur de l’EEMI semble être de mauvaise foi au vu de ce que nous avons pulire à ce sujet” (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021).
Le 13 février 2021, réagissant à la demande de suppression de son compte Twitter “Avis EEMI école escroquerie @avis_eemi”, [A] [L] a adressé deux mails sur l’adresse structurelle de l’EEMI où il indiquait : “Comme je vous l’ai déjà dit, si ce compte Twitter est supprimé, deux nouveaux comptes seront créés le jour de la suppression. Il n’y a rien qui m’empêche légalement de créer un compte Twitter pour parler de mon expérience vécue (...)” et “les prochains seront créés en Israël et seront vraiment anonymes. Des campagnes sponsorisées seront aussi faites en France pour apporter une visibilité maximum à mes tweets (...)” (pièce n°16 en demande). L’un des mails a été publié sur le dit compte Twitter (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021).
Le 3 avril 2021, [A] [L] a adressé un nouveau mail à l’adresse structurelle de l’EEMI, en mettant en copie l’adresse mail personnelle du demandeur, où il indiquait : “(…) Vous savez aussi que je ne lâcherai jamais. (…) Il n’y a rien non plus qui m’empêche de pratiquer une stratégie SEO sur mon retour d’expérience sur votre école. Je voulais en rester là en attendant la suite de l’instruction (très très lente), mais je vais remettre cette stratégie au goût du jour, en phase avec ce que je vous avais dit le 13 février 2021 par email” (pièce n°17 en demande).
Le défendeur a ensuite publié plusieurs messages sur le compte Twitter sus-cité où il indiquait avoir prévenu l’école qu’il publierait plus de messages en cas de suppression de ses avis et où il citait le nom du directeur (pièce n°6 en demande, constat du 28 avril 2021).
Un nouvel avis a été publié le 14 avril 2021 sur le site Trustpilot, sous le profil “[K]” :
“A éviter absolument. Cela n’engage que moi, bien entendu”.
Le même jour, un nouvel avis a été publié sur la page Google My Business, sous le profil “[K] [G]”:
“(…) Ce directeur qui m’a fait chanter, qui m’a escroqué et qui a mis son chantage à exécution en m’excluant abusivement de l’école vient inverser les rôles et se déclare (attention) “psychologiquement affecté” par mes avis négatifs, et fournit même un certificat de psychiatre. On croit rêver. Je rappelle que j’ai les preuves matérielles de l’escroquerie dont j’ai été victime. Nous sommes dans la fable du loup et de l’agneau.”.
Enfin, des derniers messages ont été publiés sur le compte Twitter déjà cité :
- “On croit rêver. Je rappelle que j’ai les preuves matérielles de l’escroquerie dont j’ai été victime. Nous sommes dans la fable du loup et de l’agneau. Heureusement, j’ai les preuves et notamment les documents signés par le directeur dans lesquels celui-ci me fait chanter”,
- “Ce directeur qui m’a fait chanter, qui m’a escroqué et qui a mis son chantage à exécution en m’excluant abusivement de l’école vient inverser les rôles et se déclare (attention) “psychologiquement affecté” par les avis négatifs, et fournit même un certificat de psychiatre”.
*
Le demandeur soutient que ces messages réitérés et malveillants qui le visent, ont entraîné une dégradation de ses conditions de vie et de sa santé.
Le défendeur conteste que ces messages visent le demandeur, ceux-ci concernant, selon lui, l’école. Il soutient subsidiairement qu’il n’a fait qu’exercer sa liberté d’expression, de sorte que les messages ne peuvent être considérés comme constitutifs d’un harcèlement moral.
Sur la fin de non recevoir soulevée par [A] [L]
[A] [L] soulève à titre principal l’irrecevabilité de l’action de [O] [R] qui serait dépourvu de qualité à agir, les publications et messages visant l’EEMI et non lui.
Le défendeur invoque ici une fin de non recevoir prévue à l’article 122 du code de procédure civile dont l’appréciation est réservée, en application de l’article 789 du code de procédure civile, au juge de la mise en état si elle survient ou se révèle antérieurement à son dessaisissement.
En l’espèce, la fin de non recevoir soulevée par le défendeur implique l’examen des publications et mails visés par le demandeur dès son assignation, lesquels sont nécessairement connus avant le dessaisissement du juge de la mise en état. [A] [L] sera par conséquent déclaré irrecevable à soulever cette fin de non recevoir devant le tribunal.
Sur la faute civile résultant de la commission du délit de harcèlement moral prévu à l’article 222-33-2-2 du code pénal
Il est constant que les agissements caractérisant un délit prévu et réprimé par le code pénal, tel le délit de harcèlement moral prévu à l’article 222-33-2-2 de ce code, sont constitutifs d’une faute civile susceptible d’engager la responsabilité de leur auteur sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Il résulte de l’article 222-33-2-2 sus-cité que constitue un délit le fait de harceler une personne par des propos ou comportements répétés ayant pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique ou mentale.
Il ressort des pièces produites par les parties, notamment des décisions du conseil de discipline de l’EEMI et de la plainte déposée par [A] [L] (pièces n°2 en demande et n°7, 10 et 11 en défense), qu’en janvier 2018, lors de la décision d’exclusion prise par le conseil à l’égard de ce dernier, [O] [R] était le directeur de l’école et que c’était notamment à lui que le demandeur devait adresser une lettre d’excuse. Il apparaît, au vu des termes de la plainte et de ceux cités dans les décisions du conseil, que le demandeur reprochait au “directeur”, [O] [R], de ne pas avoir fait “d’annonce publique” concernant la modification du déroulement de la scolarité et d’avoir “réfuté” ses informations, tout en indiquant en privé que “le master allait évoluer” ; qu’il considérait avoir “été exclu d’autorité par M. [R] depuis le 14 janvier” ; et qu’il assimilait la décision du conseil lui imposant d’écrire une lettre d’excuse à “un chantage des plus odieux” “mis en oeuvre” par “le directeur” qui, selon lui, espérait “pouvoir se prémunir au cas où [il] accuserait l’école” en le faisant “passer pour un menteur qui revenait sur sa version de la vérité, aux yeux de la justice”.
Il n’est dès lors pas contestable que les termes “la direction”, “le directeur” et “chantage” utilisés par [A] [L] dans les différents messages et mails publiés et adressés entre le 12 décembre 2020 et le 14 avril 2021, visent le demandeur.
Il apparaît ainsi que sur une période de quatre mois, [A] [L] a mis en ligne, sur internet et les réseaux sociaux, de nombreux messages décrivant [O] [R], désigné sous les termes “la direction” de l’école ou le “le directeur”, comme l’auteur d’un chantage à son encontre qui inverserait à présent les rôles en “se déclarant (attention) “psychologiquement affecté” par [ses] avis négatifs”, et proposant aux lecteurs de leur communiquer “des preuves factuelles” et “matérielles”.
Il apparaît en outre que, sur la même période, [A] [L] a adressé à l’EEMI, sur son adresse mail structurelle et, pour l’un d’entre en eux, en copie à l’adresse personnelle du demandeur, des courriels où il indiquait qu’en cas de demande de suppression de ses publications, il en diffuserait de plus nombreuses et communiquerait “la lettre de chantage du directeur”.
Compte tenu de la multiplicité des supports utilisés, accessibles à des publics variés et pour certains directement liés à l’EEMI, dont le demandeur était a minima le directeur jusqu’au mois de mars 2021 (sa pièce n°3, dépôt de plainte avec constitution de partie civile de l’école et de son président), comme sa page Facebook, sa page Google My Business ou encore sa boîte mail structurelle, [A] [L] ne pouvait ignorer que ses propos parviendraient à la connaissance de [O] [R].
Le demandeur produit par ailleurs deux certificats médicaux, établis par un psychiatre et un médecin généraliste à une date proche des faits, dont il ressort que l’intéressé a déclaré “être victime de harcèlement (...) sur les réseaux sociaux depuis approximativement le 10 décembre 2020”, qu’il a “pleuré à plusieurs reprises à l’évocation des faits” et a décrit des troubles du sommeil, des crises d’angoisse ainsi qu’un syndrôme dépressif dont la réalité est confirmée par le psychiatre. Le médecin, relevant au surplus des “manifestations somatiques”, indique que “la durée d’incapacité totale de travail est de 30 jours à compter de la date des faits, sous réserve de complications” (sa pièce n°21).
Il apparaît dès lors que les nombreux messages et mails ci-dessus décrits, dont la teneur est péjorative et anxiogène pour le demandeur, ont entraîné une dégradation de ses conditions de vie se traduisant par une altération de sa santé physique et mentale. Il ne saurait être ici considéré que le défendeur a usé de sa liberté d’expression, protégée par l’article 10 de la Convention européenne des droits de l’Homme, dès lors qu’en désignant nommément [O] [R], en adoptant un ton menaçant à son égard et en diffusant des informations sur son état de santé, [A] [L] a dépassé les limites admissibles de cette liberté.
Les propos répétés de [A] [L] caractérisant par conséquent le délit de harcèlement moral prévu à l’article 222-33-2-2 du code pénal, ils sont constitutifs d’une faute civile susceptible d’engager sa responsabilité sur le fondement de l’article 1240 du code civil.
Sur les mesures de réparation
Si la seule constatation de la faute civile découlant du délit de harcèlement moral ouvre droit à réparation, le préjudice moral étant, au regard de ses éléments constitutifs, inhérent à celle-ci, il appartient au demandeur de justifier de l’étendue du dommage allégué, le préjudice étant apprécié concrètement, au jour où le juge statue, compte tenu de la nature des atteintes et des éléments versés aux débats.
Au vu des certificats médicaux communiqués par le demandeur, qui attestent d’un préjudice certain en lien avec les faits mais ne sont pas actualisés, il conviendra de lui allouer, à titre de dommages et intérêts, la somme de 3.000 euros en réparation de son préjudice moral.
Il convient en outre, à titre de mesure de réparation complémentaire, d’ordonner à [A] [L] de supprimer, selon les modalités précisées au dispositif, les messages le visant mis en ligne sur la page Facebook de l’EEMI, sur sa page Google My Business, sur les sites www.gralon.net, www.openclassrooms.com, trustpilot.com, blogs.mediapart.com, www.neuf.tv, www.tremplin-numerique.org, et etudiant.es/, à l’exclusion de ceux ne visant que l’école, et sans qu’il n’y ait lieu d’assortir, en l’état, cette injonction d’une astreinte dès lors qu’il n’est pas démontré que le défendeur n’exécutera pas la présente décision.
En revanche, il ne sera pas fait droit à la demande tendant à voir supprimer des sites en leur entier ainsi que le compte Twitter “Avis EEMI école escroquerie @avis_eemi” dès lors qu’il n’est pas démontré que les sites et ce compte ne contiennent que des messages portant atteinte aux droits du demandeur. S’agissant du compte Twitter, il sera relevé que les adresses URL permettant d’accéder spécifiquement aux tweets visant [O] [R] ne sont pas précisées, de sorte qu’aucune suppression ne peut être ordonnée à ce titre.
Le préjudice établi par le demandeur étant ainsi suffisamment réparé, la demande de publication d’un communiqué judiciaire sera rejetée.
Sur les demandes accessoires
Au vu de ce qui précède, la demande de [A] [L], tendant à voir [O] [R] condamné à lui verser des dommages et intérêts pour procédure abusive, sera rejetée.
Il serait inéquitable de laisser à la charge de [O] [R] les frais irrépétibles qu’il a dû exposer pour la défense de ses intérêts vis-à-vis de [A] [L]. Il y aura lieu en conséquence de condamner ce dernier à payer au demandeur la somme de 2.000 euros en application de l’article 700 du code de procédure civile.
[A] [L] sera condamné aux entiers dépens.
Les circonstances de l’espèce n’exigent pas que l’exécution provisoire de droit soit écartée.
PAR CES MOTIFS
Statuant, après débats publics, par mise à disposition au greffe, par décision contradictoire et en premier ressort :
Déclare [A] [L] irrecevable à soulever une fin de non recevoir,
Condamne [A] [L] à verser à [O] [R] la somme de trois mille euros (3.000 euros) en réparation du préjudice moral causé par la faute civile résultant de la commission du délit de harcèlement moral, outre les intérêts au taux légal à compter de la présente décision,
Ordonne à [A] [L] de supprimer, dans les huit jours suivants la signification de la présente décision, les propos, articles et messages dont la teneur ou les intitulés sont indiqués ci-dessous et qui sont accessibles aux adresses URL suivantes :
- propos publiés par le profil “[A] [N]” entre les 12 et 14 décembre 2020 sur la page Facebook de l’EEMI, accessible à l’adresse URL https://www.facebook.com/eemi75/reviews/?ref=page_internal :
“C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette « entreprise » scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi sur l’adresse email [Courriel 10]. Je suis même joignable par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES, par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter”
“Je ne relate que les faits, et je ne partage aux futurs élèves que les emails de chantage que j'ai reçu de la direction”
“Le but de cet avis est justement d'avertir sur ce genre de cas isolé. De montrer jusqu'à où la direction de cette école est capable d'aller avec ses "cas isolés" ”,
- propos publiés sur la page GOOGLE MY BUSINESS de l’EEMI, accessibles à l’adresse URL https://www.google.com/search?client=firefox-b- d&q=goog+eemi#lrd=0x47e66e3c8ab00dff:0xdb158c2db686cbcf.1 :
* avis du profil “[A] [Y]”, publié le 14 décembre 2020:
“ C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette entreprise scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi par email (nicolasdelagesugarde (at) gmail .com). Je suis joignable aussi par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES. Par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter”,
* avis du profil “[K] [G]”, publié le 14 avril 2021 :
“Ce directeur qui m’a fait chanter, qui m’a escroqué et qui a mis son chantage à exécution en m’excluant abusivement de l’école vient inverser les rôles et se déclare (attention) « psychologiquement affecté » par mes avis négatifs, et fournit même un certificat de psychiatre. On croit rêver. Je rappelle que j’ai les preuves matérielles de l’escroquerie dont j’ai été victime. Nous sommes dans la fable du loup et de l’agneau”,
- propos publié par le profil “[A] [Z]” le 14 décembre 2020 sur le site web https://www.gralon.net/articles/internet-et-webmaster/logiciel/article-l-eemi---une-ecole-europeenne-des-metiers-de-l-internet-4609.htm :
“ Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école. Une direction qui n’hésite pas à menacer et faire subir du chantage à ses étudiants après les avoir escroqués”,
- propos publiés par le profil “[I]” les 12 et 14 décembre 2020 sur le site web accessibles aux adresses URL https://openclassrooms.com/forum/sujet/eemi-95669 et https://openclassrooms.com/forum/sujet/plus-d-information-sur-l-eemi :
“Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école. Une direction qui n’hésite pas à menacer et faire subir du chantage à ses étudiants après les avoir escroqués.
Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES, par exemple des copies d’email où vous verrez comment la direction n’hésite pas à me faire chanter”,
- propos publiés entre le 27 janvier 2021 sur le site Trustpilot, accessibles à l’adresse URL https://fr.trustpilot.com/review/eemi.com :
“Ne surtout jamais s’inscrire dans cette école : une plainte au tribunal civil a été déposée, j’espère que la justice fera son travail.
C’est un peu compliqué de donner toutes les preuves dans un seul avis, mais à tous les étudiants qui voudraient rejoindre cette école, en attendant que la justice fasse son travail et oblige cette entreprise scolaire à rendre des comptes publiquement : contactez-moi par email (via l'adresse que j'ai laissée sur mon avis Facebook sur la page de l'école).
Je suis aussi joignable par téléphone pour vous raconter la vérité sur cette école. Je vous donnerai des PREUVES FACTUELLES. Par exemple, des copies d’email où vous verrez comment la direction a voulu me faire chanter”,
- article intitulé “Lettre ouverte à [U] [F] : avis sur votre école, l’[6]” accessible à l’adresse URL https://[05],
- article intitulé “Lettre ouverte à [U] [F] : avis sur votre école, l’[6]” accessible à l’adresse URL https://www.neuf.tv/avis-eemi,
- article intitulé “Avis EEMI : plainte contre l’école du web qui menace ses élèves” accessibles à l’adresse https://www.tremplin-numerique.org/avis-eemi,
- les propos suivants, contenus dans un message intitulé “Avis des étudiants de l’EEMI”, accessible à l’adresse URL https://étudiant.es/classement-ecoles-web/eemi/ :
“De plus le directeur de l’EEMI semble être de mauvaise foi au vu de ce que nous avons pu lire à ce sujet. Bien évidemment, cet avis n’engage que nous”,
Déboute les parties du surplus de leurs demandes,
Condamne [A] [L] à verser à [O] [R] la somme de deux mille euros (2.000 euros) sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamne [A] [L] aux dépens,
Dit n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de droit de la présente décision.
Fait et jugé à Paris le 05 Juin 2024
Le GreffierLa Présidente