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04/06/2024 | FRANCE | N°21/07761

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 1ère section, 04 juin 2024, 21/07761


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:





18° chambre
1ère section

N° RG 21/07761
N° Portalis 352J-W-B7F-CUSPO

N° MINUTE : 2

contradictoire

Assignation du :
04 Juin 2021









JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. AMG-FECHOZ
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Jérémy GOLDBLUM de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0008





DÉFENDERESSE

SCI DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4] FRANCE


représentée par Maître Olivier AUMAITRE de la SELASU OLIVIER AUMAITRE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D2...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

18° chambre
1ère section

N° RG 21/07761
N° Portalis 352J-W-B7F-CUSPO

N° MINUTE : 2

contradictoire

Assignation du :
04 Juin 2021

JUGEMENT
rendu le 04 Juin 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. AMG-FECHOZ
[Adresse 2]
[Localité 4]

représentée par Maître Jérémy GOLDBLUM de la SCP ATALLAH COLIN MICHEL VERDOT ET AUTRES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0008

DÉFENDERESSE

SCI DE [Localité 5]
[Adresse 1]
[Localité 4] FRANCE

représentée par Maître Olivier AUMAITRE de la SELASU OLIVIER AUMAITRE AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #D2156

Décision du 04 Juin 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 21/07761 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUSPO

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Sophie GUILLARME, 1ère Vice-présidente adjointe,
Madame Sabine FORESTIER, Vice-présidente,
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge,

assistées de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,

DÉBATS

A l’audience du 26 Mars 2024, tenue en audience publique devant MadameSophie GUILLARME et Madame Sabine FORESTIER, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile.
Avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 4 juin 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort

FAITS ET PROCEDURE

Suivant contrat signé le 25 juillet 1991, la SCI [Localité 5] a donné à bail à la société AMG Culture Communication (devenue AMG Fehoz) des locaux commerciaux à usage d’atelier et de dépôts, d’une surface d’environ 200 m2, situés au [Adresse 3] à [Localité 5] pour un loyer trimestriel de 52.800 francs TTC, soit 8.049 euros TTC, payable par trimestre.
Le bail a été consenti pour une durée de neuf années entières et consécutives commençant à courir à compter du 1er août 1991.

Le loyer annuel s’élève actuellement à 32.308,88 euros HT HC.

Le 4 mars 2020, la Socotec a procédé à une vérification complète des installations électriques des locaux loués, dans le cadre des dispositions de l’article R. 4226-16 du code du travail, à la demande de la société AMG Fehoz, laquelle a ensuite réglé deux factures pour un montant global de 20.062,19 euros TTC au titre des travaux prescrits.

Par courriers des 28 novembre et 28 décembre 2020, la SCI [Localité 5] a mis en demeure la société AMG Fehoz de régler la somme de 79.031,86 euros au titre de l’arriéré locatif.

Par courriers des 5 janvier 2021, puis des 2 et 9 mars 2021, la société AMG Fehoz a fait état de désordres affectant les locaux, demandant à la SCI [Localité 5] de lui rembourser le coût de travaux d’électricité à hauteur de 20.062,19 euros TTC, et de faire diligenter des travaux de remise en état, notamment portant sur les sanitaires et les vestiaires du bâtiment.

Par lettre du 4 mars 2021, réitérée par lettre du 16 mars 2021, la SCI [Localité 5], par l’intermédiaire de son avocat, s’est opposée aux demandes de la société AMG Fehoz et l’a de nouveau mise en demeure de régler l’arriéré de loyers à hauteur de la somme en principal de 87.109,08 euros.

Puis par acte d’huissier du 10 mai 2021, la SCI [Localité 5] a fait délivrer à la société AMG Fehoz un commandement de payer, dans le délai d’un mois, la somme en principal de 86.428,22 euros au titre des loyers et charges impayés selon décompte arrêté au 2ème trimestre 2021 inclus.

C’est dans ce contexte que par acte d’huissier du 4 juin 2021, la société AMG Fehoz a fait assigner la SCI [Localité 5] devant le tribunal judiciaire de Paris demandant à celui-ci de :
A titre principal :
- constater que le bail commercial du 25 juillet 1991 ne stipule pas de clause résolutoire, contrairement aux mentions du commandement de payer qui lui a été délivré à la requête de la SCI [Localité 5] le 10 mai 2021 ;
- la dire et juger recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions ;
En conséquence :
- faire droit à son opposition au commandement de payer la somme de 86.500,63 euros qui lui a été délivré à la requête de la SCI [Localité 5] le 10 mai 2021;
- déclarer nul et de nul effet le commandement de payer susvisé ;
- dire et juger qu’elle n'a pas à payer la somme de 86.500,63 euros réclamée par la SCI [Localité 5] aux termes du commandement de payer susvisé ;
A titre reconventionnel :
- constater les désordres au sein des locaux loués au titre du bail commercial du 25 juillet 1991, tels qu'ils ont été décrits et photographiés par Maître [P] [D], huissier de justice à [Localité 6] dans son procès-verbal de constat du 13 avril 2021;
- dire et juger que l'ampleur de ces désordres caractérise une violation de l'obligation de délivrance de la SCI [Localité 5] ;
- dire et juger qu'il incombe à la SCI [Localité 5], en sa qualité de bailleur, de procéder aux travaux de réparation des désordres visés au procès-verbal du 13 avril 2021 et en particulier aux travaux ci-dessous listés :
° Réhabilitation et mise aux normes des sanitaires ;
° Création de sanitaires pour femmes ;
° Mise aux normes de l'étanchéité des murs, du sous-sol et du toit ;
° Aplanissement du sol dans la zone d'entrepôt ;
° Comblement des trous dans les murs des bureaux.
- condamner la SCI [Localité 5] à exécuter, à ses frais exclusifs, ces travaux de réparation ;
- condamner la SCI [Localité 5] à lui rembourser la somme de 20.062,19 euros TTC qu'elle a versée afin de remédier aux non-conformités relevées par la Socotec dans son rapport du 19 mars 2020 ;
A titre subsidiaire :
- constater la bonne foi de la société AMG Fehoz ;
En conséquence :
- lui octroyer des délais de paiement, en application des dispositions de l'article 1343-5 du code civil ;
En tout état de cause :
- condamner la SCI [Localité 5] au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile;
- condamner la SCI [Localité 5] à régler les entiers dépens de l'instance, outre tous autres dépens à intervenir au profit de la SCP Atallah Colin Michel Verdot et Autres.

Au soutien de ses demandes, la société AMG Fehoz fait valoir en substance :
- que la SCI [Localité 5] ne peut pas poursuivre l'acquisition d'une clause résolutoire que le bail ne stipule pas, de sorte que le tribunal ne pourra que déclarer le commandement de payer délivré le 10 mai 2021 nul et de nul effet et juger qu’elle n'a pas à payer la somme de 86.500,63 euros réclamée par la bailleresse aux termes de ce commandement,
- que la SCI [Localité 5] a manqué à son obligation de délivrance, les locaux étant vétustes et présentant de graves désordres qui menacent la sécurité et la santé du personnel de la société, comme en atteste le procès-verbal de constat du 13 avril 2021 dressé par Maître [P] [D] à sa demande,
- que ces désordres rendent les locaux loués impropres à leur destination,
- que la violation de l'obligation de délivrance du bailleur ouvre le droit pour le preneur de refuser d'exécuter son obligation de payer le prix de la location jusqu'à la délivrance des lieux loués par le bailleur,
- que les désordres, tels que relevés par Maître [P] [D] dans son constat du 13 avril 2021, requièrent une prise en charge urgente ; que les travaux rendus nécessaires sont des travaux de gros entretien et de maintenance au sens du bail et sont à la charge de la SCI [Localité 5],
- que le bail ne prévoit rien sur les travaux de mise en conformité de sorte qu'il appartient à la SCI [Localité 5] de les réaliser à ses frais exclusifs, et en conséquence de lui rembourser la facture émise par Socotec à hauteur de 20.062,19 euros TTC,
- subsidiairement qu’elle est de bonne foi et fondée à réclamer des délais de paiement.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par RPVA le 14 juin 2022, la SCI [Localité 5] demande au tribunal de :
- juger la société AMG Fehoz irrecevable et subsidiairement mal fondée en son opposition à commandement de payer et la débouter de toutes ses demandes, principales et reconventionnelles;
- la juger recevable et fondée en ses demandes reconventionnelles et y faire droit ;
- prononcer la résiliation aux torts exclusifs de la société AMG Fehoz du bail commercial du 25 juillet 1991 et ordonner son expulsion ;
- juger que la société AMG Fehoz devra quitter les lieux dans un délai de deux mois à compter de la réception du commandement de quitter les lieux qui lui sera délivré par ses soins ;
- condamner la société AMG Fehoz à lui payer la somme de 107.852,86 euros en principal, au titre des sommes restant dues au 30 juin 2022 et dire que les loyers impayés seront productifs d’un intérêt au taux légal à compter de leur date d’exigibilité trimestrielle ;
- dire n’y avoir lieu à accorder des délais de paiement à la société AMG Fehoz au visa de l’article 1343-5 du code civil et la débouter de toutes ses demandes à ce titre ;
- condamner la société AMG Fehoz à lui payer la totalité des loyers et/indemnités d’occupation jusqu’à son départ effectif ;
- condamner la société AMG Fehoz à lui payer une somme de 15.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ;
- condamner la société AMG Fehoz aux entiers dépens dont distraction au profit de l’avocat qui en aura fait l’avance ;
- juger que les intérêts sur les condamnations prononcées contre la société AMG Fehoz seront eux-mêmes productifs d’intérêts, par anatocisme judiciaire.

La SCI [Localité 5] fait exposer pour l’essentiel :
- qu’elle est recevable et fondée à solliciter du tribunal qu’il prononce la résiliation du bail, même en l’absence de clause résolutoire, au visa des 1227 et suivants du code civil, la société AMG Fehoz ayant gravement manqué à ses obligations contractuelles en étant défaillante dans le règlement du loyer depuis 2019, alors même que celui-ci est peu élevé et constitue la seule source de revenus de la SCI ; que la société AMG Fehoz continue à exercer son activité et à jouir des locaux professionnels loués, tout en s’estimant dispensée d’honorer ses loyers, et alors qu’elle est détenue et contrôlée depuis 2018 par la société DP Participations & Conseils, qui bénéficie d’une très large surface financière,
- que la société AMG Fehoz occupe les locaux loués depuis plus de trente ans ; que les lieux ont été loués en parfaite conformité avec l’activité pour laquelle ils étaient destinés, et dans le strict respect de la réglementation en vigueur ; que les désordres dont se plaint la société AMG Fehoz, outre qu’ils sont dénués de sérieux, n’empêchent en rien l’exploitation des locaux,
- qu’elle n’a jamais été avisée de la nécessité de faire effectuer des travaux de mise en conformité de l’électricité avant leur mise en oeuvre unilatérale par la société locataire,
- qu’aux termes du bail « les travaux d’adaptation des locaux à l’activité du preneur » sont à la charge de ce dernier qui est contractuellement tenu d’entretenir les locaux en bon état ; que si elle est disposée, en cas de non-résiliation du bail, à autoriser la société AMG Fehoz à réaliser des travaux de modification ou d’aménagement, cette dernière devra en supporter intégralement les coûts, et sous réserve de la production de plan et devis qui devront recueillir son autorisation préalable.

Pour un plus ample exposé des faits de la cause et moyens des parties, il est expressément renvoyé à leurs dernières conclusions récapitulatives figurant à leur dossier et régulièrement notifiées, en application des dispositions de l’article 455 du code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 4 octobre 2022 et l’affaire fixée pour être plaidée à l’audience du 31 octobre 2023, reportée par avis des 16 et 17 mai 2023, au 23 janvier 2024 puis au 26 mars 2024 en raison de la réorganisation de la 18ème chambre liée au départ de magistrats et aux sessions d’assises.

A l'issue de l’audience du 26 mars 2024, les parties ont été informées que le jugement serait mis à disposition au greffe le 4 juin 2024.

MOTIFS DU JUGEMENT

Sur la validité du commandement de payer signifié le 10 mai 2021

Il est établi et non contesté que le bail liant les parties ne prévoit pas de clause résolutoire à défaut de paiement des sommes dues par le locataire.

Cependant, contrairement à ce que fait soutenir la société AMG Fehoz, le commandement de payer les loyers qui lui a été signifié à la requête de la SCI [Localité 5] le 10 mai 2021 n’est pas un acte destiné à voir mobiliser une clause résolutoire. L’existence de la mention qui figure en page 1 de l’acte en ces termes “je vous rappelle en outre qu’aux termes du bail précité, il est prévu, dans la clause résolutoire, que ledit bail sera résilié de plein droit à défaut de paiement d’un seul terme de loyers ou charges”, si elle est inefficace quant à une éventuelle acquisition de clause résolutoire inexistante en l’espèce, ne suffit pas à priver d’effet l’acte en ce qu’il constitue, à l’égard de la société AMG Fehoz, une mise en demeure de payer l’arriéré locatif à hauteur de 86.428,22 euros.

Dès lors, la société AMG Fehoz n’est pas fondée à voir déclarer nul et de nul effet l’acte litigieux qui constitue une mise en demeure de payer valable ; pas plus elle ne peut valablement en conclure qu’elle “n’a pas à payer la somme de 86.500,63 € réclamée par la SCI [Localité 5] aux termes de ce commandement”, l’exigibilité des loyers étant en tout état de cause non liée à la délivrance d’une mise en demeure

Sur la dette locative et l’exception d’inexécution soulevée par la société AMG Fehoz

L’article 1728 du code civil prévoit que le preneur est tenu de deux obligations principales, notamment de payer le prix du bail aux termes convenus.

Il résulte par ailleurs des articles 1227 et 1231-1 du code civil, et 1719 du même code qu'un manquement à son obligation de délivrance par le bailleur permet au preneur de revendiquer le bénéfice d'une exception d'inexécution pour le paiement des sommes dues en vertu du contrat s'il établit une impossibilité totale d'exploiter les locaux donnés en location, ne pouvant obtenir que des dommages et intérêts s'il résulte du manquement du bailleur une simple restriction à sa jouissance des lieux. En application de l'article 1353 du code civil, il appartient au preneur d'établir la réalité de son préjudice.

En l’espèce, la société AMG Fehoz ne produit aucune pièce justifiant de son impossibilité d'exploiter son fonds de commerce, ni ne justifie d'aucune interruption d'activité ni de fermeture administrative. Le seul constat d’huissier établi le 13 avril 2021 versé aux débats par la société AMG Fehoz, s’il constate des installations vétustes, ne caractérise nullement cette impossibilité.

Par conséquent, la société AMG Fehoz, qui au demeurant ne justifie pas avoir fait part de désordres à la bailleresse avant les mises en demeure des 28 novembre et 28 décembre 2020 adressées par cette dernière, n'est pas fondée à se prévaloir d'une exception d'inexécution pour justifier le non-paiement des loyers, qu’elle doit incontestablement à son bailleur en contrepartie de l’occupation des lieux.

Pas plus la société locataire ne peut, pour s’exonérer de son obligation, opérer unilatéralement une compensation entre les travaux qu’elle a pris en charge et qu’elle estime devoir être imputés au bailleur, et les loyers dus.

Au regard des décomptes et factures produits, la dette locative de la société AMG Fehoz au 31 mai 2022 s’élève à la somme de 107.852,86 euros, loyer du 2ème trimestre 2022 inclus.

La société AMG Fehoz sera donc condamnée à payer à la SCI [Localité 5] cette somme de 107.852,86 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2021 à hauteur de la somme de 86.428,22 euros et à compter du présent jugement pour le surplus.

En application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus pour une année entière à compter du 14 juin 2022, date de notification des conclusions de la SCI [Localité 5] valant première demande, porteront eux-mêmes intérêts.

Sur la demande de résiliation du bail

Selon l’article 1184 devenu 1227 du code civil, la résiliation d’un contrat synallagmatique doit être demandée en justice. Il en résulte qu’il appartient au tribunal saisi d’apprécier au jour où il statue si le manquement contractuel revêt en l’espèce une gravité suffisante pour justifier la résiliation du bail.

En l’espèce, il est établi que la société AMG Fehoz ne paye plus régulièrement ses loyers depuis le 1er janvier 2019 et qu’entre cette date et le 31 mai 2022, elle a procédé à uniquement trois règlements (2807 euros au titre de la taxe foncière payée le 30 décembre 2021, 8077,22 euros payés le 29 décembre 2021 au titre du loyer du 4ème trimestre 2021 et 2785 euros au titre de la taxe foncière payée le 30 novembre 2021).

Compte tenu de ces manquements répétés, de l’importance de la dette locative et de la situation respective des parties, la société AMG Fehoz bénéficiant d’une large capacité financière, les manquements de la société preneuse sont suffisamment graves pour justifier la résiliation du bail à ses torts, à compter du présent jugement.

Sur l’expulsion de la société AMG Fehoz et la fixation d’une indemnité d’occupation

Compte tenu de la résiliation du bail, il sera en outre fait droit à la demande de la SCI [Localité 5] en expulsion de sa locataire dans les termes du présent dispositif.

Celui qui se maintient sans droit dans des lieux après l'expiration de son titre d'occupation commet une faute quasi-délictuelle qui ouvre droit pour le propriétaire au paiement d'une indemnité d'occupation.

La résiliation judiciaire mettant régulièrement fin au contrat de location conclu le 25 juillet 1991 entre les parties à la date du prononcé de la présente décision, la société AMG Fehoz est par conséquent occupante sans droit ni titre et doit être condamnée à payer à la SCI [Localité 5] une indemnité d'occupation jusqu'à la libération complète des lieux.

Celle-ci sera fixée au montant du loyer contractuel majoré des charges jusqu'à la libération effective des locaux loués.

Sur la demande de travaux de la société AMG Fehoz

Compte tenu de la résiliation du bail prononcé aux torts de la société AMG Fehoz par le présent jugement, cette dernière n’est pas fondée à réclamer à la SCI [Localité 5] la réalisation de travaux dans les locaux dont elle n’est plus locataire.

Sa demande formée de ce chef sera donc rejetée.

Sur la demande de la société AMG Fehoz en paiement de la somme de 20.062,19 euros

Aux termes des articles 1719 et 1720 du code civil, le bailleur est tenu d’une obligation de délivrance de la chose louée ainsi que d’une obligation d’entretenir celle-ci en état de servir à l’usage auquel elle est destinée, et ce, pour tout au long du bail, sous réserve des réparations locatives qui incombent au preneur.

Aux termes de l’article 1754 du code civil, le preneur doit réaliser les réparations locatives ou de menu entretien, sauf clause contraire, désignées par l’usage des lieux et entre autres, les réparations à faire :
- aux âtres, contre-coeurs, chambranles et tablettes de cheminée,
- au recrépitement du bas des murailles des appartements et autres lieux d’habitation à la hauteur de un mètre,
- aux pavés et carreaux des chambres, lorsqu’il y en a seulement quelques-uns uns de cassés,
- aux vitres, à moins qu’elles ne soient cassées par la grêle ou autres accidents extraordinaires et de force majeure, dont le locataire ne peut être tenu,
- aux portes, croisés, planches de cloison ou de fermeture de boutiques, gonds, targettes et serrures.

En application des dispositions de l’article 1755 du même code, sauf clause expresse du bail mettant ces réparations à la charge du preneur, le bailleur est tenu des réparations occasionnées par la vétusté ou la force majeure.

Si les articles précités opèrent la répartition de la charge des travaux entre le bailleur et le preneur, ces dispositions n’ont pas un caractère d’ordre public, des clauses du bail pouvant modifier cette répartition. Toutefois, il est constant que ces clauses doivent être interprétées strictement en exigeant une stipulation expresse, et dépourvues de toute équivoque, précisant la nature des travaux dont la charge est contractuellement transférée du bailleur au preneur.

En l’espèce, le contrat de bail qui fait la loi des parties stipule :

“ARTICLE V : CHARGES ET CONDITIONS
Le Preneur prendra les lieux loués dans l’état où ils se trouveront le jour de l'entrée en jouissance.
Le Preneur devra entretenir les lieux loués en bon état. A cette fin, il effectuera à ses frais, pendant toute la durée du Bail tous les travaux de petit entretien et nettoyage courants.
Cependant, les réparations, travaux de gros entretien et de maintenance qui s'avéreraient nécessaires dans les locaux loués seront à la charge du Bailleur, qui devra en aviser le Preneur, à l'exception des travaux d'adaptation des locaux à l'activité du preneur.
Le preneur devra s'assurer pour des sommes suffisantes auprès d'une Compagnie notoirement
solvable contre les risques d'incendie, d'explosion, dégâts des eaux, et contre les risques de sa profession, ainsi que les risques locatifs et le recours des voisins et des tiers.
Le Preneur devra acquitter toutes ses quittances personnelles d'eau, de téléphone, de télex, de gaz et d'électricité, de telle manière que le Bailleur ne puisse jamais être recherché à ce sujet, ainsi que les taxes et contributions de toute nature le concernant personnellement relatives à son commerce (...)”

En l’espèce, il n’existe pas au bail de clause expresse mettant les travaux prescrits par l’autorité administrative ou les travaux de mise en conformité à la charge du preneur.
En revanche, il est prévu que le preneur doit supporter “les travaux d’adaptation à ses locaux.”

Il est établi par les pièces versées aux débats que suite au rapport établi par la Sototec à la demande de la société AMG Fehoz le 4 mars 2020 en vue de la délivrance du certificat Q18, celle-ci a fait procéder à la réalisation de travaux par la société Delage, laquelle a établi deux factures d’un montant respectif de 15.102,63 euros HT et de 4116,50 euros HT.
Pour autant, cette intervention s’est inscrite dans le cadre de la vérification périodique des installations électriques des employeurs imposée par les dispositions de l’article R. 4226-16 du code du travail, renvoyant aux obligations de l’employeur pour l’utilisation des lieux de travail.

Ce rapport a été établi uniquement au regard d’une réglementation spécifique édictée en matière de droit du travail, le vérificateur ayant constaté des non-conformités au vu des articles R. 4215-3, R. 4215-4, R. 4215-6, R. 4215-7, R. 4215-10, R. 4215-11 du code du travail se rapportant aux obligations du maître de l’ouvrage pour la conception des lieux de travail et de l’article R. 4226-5 du même code relatif aux obligations de l’employeur pour l’utilisation des lieux de travail.

Dès lors, la vérification conduite dans un cadre spécifique, et potentiellement plus exigeant, ne met pas en mesure le tribunal de vérifier que la bailleresse, qui n’est pas assimilable à un employeur ou à un maître d’ouvrage pour la conception de lieux de travail, n’aurait pas respecté son obligation de délivrance.

Etant relevé au surplus :
- que le bail a été conclu entre les parties il y a plus de trente ans ; qu’aucun élément n’est versé aux débats concernant l’état du réseau électrique lors de sa conclusion ;
- que la société AMG Fehoz a fait procéder aux travaux litigieux sans avoir informé la bailleresse, ni de l’intervention non contradictoire de Socotec, ni des travaux envisagés, ni de la réalisation de ceux-ci ; que c’est seulement après avoir été mise en demeure de régler des arriérés de loyers que la preneuse a sollicité le remboursement des frais engagés ; qu’aucune urgence n’est suffisamment caractérisée en l’espèce alors qu’il s’est passé sept mois entre le rapport établi par Socotec (mars 2020) et les premières prestations (octobre 2020), lesquelles se sont achevées encore deux mois plus tard (décembre 2020).

Sous le bénéfice de l’ensemble de ces observations, la société AMG Fehoz sera déboutée de sa demande en paiement dirigée contre la SCI [Localité 5].

Sur la demande de délais de la société AMG Fehoz

En application du premier alinéa de l’article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

En l’espèce, la société AMG Fehoz, qui dispose des capacités financières pour régler la dette locative, a déjà bénéficié de facto des plus larges délais pour s’exécuter, les impayés remontant à plusieurs années.

Sa demande de délais sera donc rejetée.

Sur les autres demandes

La société AMG Fehoz qui succombe supportera la charge des dépens dont distraction au profit de Maître Olivier Aumaître, de la SELAS Olivier Aumaître Avocats.

Elle sera déboutée de sa demande formée en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile et condamnée sur ce fondement au regard de l’équité à payer à la SCI [Localité 5] la somme de 4.000 euros,

Il n’y a pas lieu d’écarter l’exécution provisoire dont le prononcé est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, en premier ressort, mis à disposition au greffe à la date du délibéré

Rejette la demande de nullité du commandement de payer délivré le 10 mai 2021 formée par la société AMG Fehoz,

Prononce la résiliation aux torts exclusifs de la société AMG Fehoz du bail commercial du 25 juillet 1991 portant sur les locaux situés [Adresse 3] à [Localité 5],

Décision du 04 Juin 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 21/07761 - N° Portalis 352J-W-B7F-CUSPO

Condamne la société AMG Fehoz à payer à la SCI [Localité 5] la somme de 107.852,86 euros au titre de l’arriéré locatif arrêté au 31 mai 2022, loyer du 2ème trimestre 2022 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mai 2021 à hauteur de la somme de 86.428,22 euros et à compter du présent jugement pour le surplus,

Dit qu’en application des dispositions de l’article 1343-2 du code civil, les intérêts échus pour une année entière à compter du 14 juin 2022 porteront eux-mêmes intérêts,

Dit qu’à défaut de départ volontaire de la société AMG Fehoz passé le délai de trente jours à compter de la signification du présent jugement, la SCI [Localité 5] pourra procéder à son expulsion et à celle de tous occupants de son chef des lieux précités, au besoin avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier,

Dit que les meubles et objets meublants se trouvant sur place donneront lieu à l'application des dispositions des articles L.433-1 et suivants et R.433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

Condamne la société AMG Fehoz à payer à la SCI [Localité 5] à compter de la présente décision et jusqu'à la libération effective des lieux loués par la remise des clés, une indemnité d'occupation égale au montant du loyer contractuel majoré des charges,

Rejette la demande de la société AMG Fehoz visant à voir condamner la SCI [Localité 5] à exécuter des travaux,

Rejette la demande en paiement de la somme de 20 062,19 euros de la société AMG Fehoz dirigée contre la SCI [Localité 5],

Rejette la demande de délais de la société AMG Fehoz,

Condamne la société AMG Fehoz à payer à la SCI [Localité 5] la somme de 4000 euros en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

Condamne la société AMG Fehoz aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Olivier Aumaître, de la SELAS Olivier Aumaître Avocats,

Rejette toutes autres demandes,

Rappelle que l’exécution provisoire est de droit.

Fait et jugé à Paris le 04 Juin 2024.

Le GreffierLe Président

Christian GUINANDSophie GUILLARME


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 21/07761
Date de la décision : 04/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 13/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-04;21.07761 ?
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