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03/06/2024 | FRANCE | N°22/06283

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 03 juin 2024, 22/06283


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile


N° RG 22/06283

N° MINUTE :


CONDAMNE

Assignation du :
23 et 24 Mai 2022

SB







JUGEMENT
rendu le 03 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [P]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représenté par Maître Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0790




DÉFENDERESSES

S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 7]
[Localité 6]

repré

sentée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430

CPAM du Val d’Oise
[Adresse 11]
[Localité 8]

non représentée





Décision du 03 Juin 2024
19ème chambre civile
N° RG 22/06283

GROU...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile


N° RG 22/06283

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
23 et 24 Mai 2022

SB

JUGEMENT
rendu le 03 Juin 2024
DEMANDEUR

Monsieur [D] [P]
[Adresse 5]
[Localité 2]

représenté par Maître Stéphanie BUREL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #G0790

DÉFENDERESSES

S.A. GAN ASSURANCES
[Adresse 7]
[Localité 6]

représentée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430

CPAM du Val d’Oise
[Adresse 11]
[Localité 8]

non représentée

Décision du 03 Juin 2024
19ème chambre civile
N° RG 22/06283

GROUPAMA RHONE-ALPES AUVERGNE venant aux droits et obligations de la société GAN ASSURANCES
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Patrice GAUD, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0430

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 11 Mars 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 03 Juin 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [D] [P] né le [Date naissance 1] 1973 a été victime le 27 février 2018 à [Localité 9], d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule conduit par Mme [W], assuré auprès de la compagnie d'assurance GAN.

Il a été blessé dans l’accident et transporté par les sapeurs-pompiers au Centre Hospitalier d’[Localité 9], où les lésions suivantes ont été constatées :
- Douleurs du rachis cervical, dorsal et lombaire ;
- Traumatisme de la main gauche ;
- Fracture-luxation complète rétro lunaire du carpe à droite ;
- Fracture multi-fragmentaire de la styloïde radiale au poignet droit.

Le droit à indemnisation n'est pas contesté en l'espèce.

Une expertise amiable contradictoire a été mise en oeuvre entre la victime et son assureur, la MAIF, intervenant dans le cadre de la convention IRCA, puis l’expertise définitive a été confiée au Docteur [G], représentant GAN ASSURANCES, compagnie du tiers responsable ayant repris le mandat de gestion.
Le rapport définitif des médecins-conseils, en date du 13 novembre 2020, retient les conclusions médico-légales suivantes :
- GTT : du 28.02 au 01.03.2018, le 18.04.2018 et le 29.10.2018
- GTP 50% : du 02.03.2018 au 17.04.2018
- GTP 25% : du 19.04 au 28.10.2018 et du 30.10.2018 au 01.10.2020
- Arrêt des activités professionnelles : du 27.02.2018 au 01.10.2020
- Aide humaine avant consolidation :
2 h / j du 02.03 au 17.04.2018,
1 h / j du 19.04 au 30.05.2018,
4 h / sem. du 01.06 au 29.10.2018,
1 h / j du 30.10 au 15.11.2018,
4 h / sem. du 16.11.2018 au 01.10.2020
- Consolidation : 01.10.2020
- DFP : 13%
- Préjudice professionnel : inapte au poste de magasinier
- Aide humaine définitive : 2 h / semaine
- Souffrances endurées : 4,5/7
- Préjudice esthétique temporaire : néant pour le Dr [G], existant pour le Dr [K]
- Préjudice esthétique permanent : 1/7
- Préjudice d’agrément : existant
- Frais de véhicule adapté avec boîte automatique
- Réserves en aggravation sur arthrodèse du poignet à court ou moyen terme

Au vu de ce rapport, par actes des 23 et 24 mai 2022 assignant la SA GAN ASSURANCES, la CPAM du Val d’Oise, suivi de conclusions récapitulatives signifiées le 30 janvier 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [D] [P] demande au tribunal de :

Juger [D] [P] recevable et bien fondé en toutes ses demandes, fins et conclusions ;
Juger que le droit à réparation d’[D] [P] est intégral ;
Condamner GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE venant aux droits de GAN ASSURANCES à lui verser les sommes suivantes, au titre de l’indemnisation de son préjudice corporel :
▪ Au titre des dépenses de santé actuelles : Mémoire
▪ Au titre des frais divers : 8.912, 40 €
▪ Au titre de la perte de gains professionnels temporaire : 10.346, 00 €
▪ Au titre de la tierce personne temporaire : 12.960, 00 €
▪ Au titre des dépenses de santé futures : Mémoire
▪ Au titre du véhicule aménagé : 60.778, 50 €
▪ Au titre des pertes de gains professionnels futures : 460.184, 17 €
▪ Au titre de l’incidence professionnelle : 60.000, 00 €
▪ Au titre de la tierce personne définitive : 102.066, 27 €
▪ Au titre du déficit fonctionnel temporaire : 7.530, 00 €
▪ Au titre des souffrances endurées de 4,5/7 : 20.000, 00 €
▪ Au titre du préjudice esthétique temporaire : 500, 00 €
▪ Au titre du déficit fonctionnel permanent fixé à 13% : 36.325, 00 €
▪ Au titre du préjudice esthétique de 1/7 : 2.000, 00 €
▪ Au titre du préjudice d’agrément : 15.000, 00 €
▪ Au titre du préjudice sexuel : 5.000, 00 €
Débouter GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE venant aux droits de GAN ASSURANCES de toutes ses demandes ;
Condamner GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE venant aux droits de GAN ASSURANCES à verser à [D] [P] la somme de 3.500 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
Condamner GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE venant aux droits de GAN ASSURANCES aux entiers dépens de l’instance, dont distraction au profit de Maître Stéphanie BUREL, avocat aux offres de droit, par application des dispositions de l’article 699 du Code de procédure civile ;
Rendre le jugement à intervenir commun à la CPAM du Val d’Oise ;
Ordonner l’exécution provisoire du jugement à intervenir.

***

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives signifiées le 14 décembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, GAN ASSURANCES, et GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE, intervenant volontairement, demandent au tribunal de :

À titre principal
- Déclarer recevable l’intervention volontaire de la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE venant aux droits de la société GAN ASSURANCES ;

- Ordonner la mise hors de cause de la société GAN ASSURANCES ;

- Réserver les sommes à revenir à la CPAM du Val-d’Oise au titre des dépenses de santé actuelles ;

- Réserver les sommes à revenir à Monsieur [D] [P] au titre des dépenses de santé actuelles dans l’attente de la production des pièces justificatives des frais médicaux restés à sa charge ;

- Allouer à Monsieur [D] [P] les sommes suivantes :

1.920 euros au titre des honoraires du docteur [T] [K] ; 10.276,78 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels ; 8.904 euros au titre de l’assistance par tierce personne temporaire ; 6.272,45 euros au titre des frais de véhicule adapté ; 47.009,42 euros au titre de l’assistance par tierce personne permanente ; 5.773 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire total et partiel ; 15.000 euros au titre des souffrances endurées 1.000 euros au titre du préjudice esthétique permanent 5.000 euros au titre du préjudice d’agrément
- Débouter Monsieur [D] [P] de toute autre demande.

À titre subsidiaire
- Allouer à Monsieur [D] [P] la somme de 100 euros au titre du préjudice esthétique temporaire ;
- Allouer à Monsieur [D] [P] la somme 19.030,93 euros au titre des pertes de gains professionnels futures ;
- Allouer à Monsieur [D] [P] la somme de 15.000 euros au titre de l’incidence professionnelle
- Allouer à Monsieur [D] [P] la somme de 26.325 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ;
- Débouter Monsieur [D] [P] de toutes autres demandes.
- Limiter la somme due au titre de l’article 700 du code de procédure civile à la somme de 1.500 euros ;
- Juger que chaque partie conservera la charge de ses dépens

La Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Val d’Oise, quoique régulièrement assignée par acte remis à personne morale, n’a pas constitué avocat ; susceptible d'appel, le présent jugement sera donc réputé contradictoire et sera déclarée commun à la caisse.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 18 décembre 2023.

L'affaire a été mise en délibéré au 3 juin 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Conformément à la demande des défendeurs, il y a lieu de déclarer recevable l’intervention volontaire de GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE, qui a repris le portefeuille de contrats de GAN, à la procédure et de mettre hors de cause GAN ASSURANCES.

SUR LE DROIT À INDEMNISATION

La loi du 5 juillet 1985 dispose notamment, que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l'indemnisation des dommages qu'il a subis, directement ou par ricochet, sauf s'il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d'exclure l'indemnisation des dommages.

Ainsi, le droit à indemnisation du conducteur d'un véhicule terrestre à moteur n'est pas apprécié en fonction du comportement de l'autre automobiliste impliqué. Il convient d'apprécier uniquement le comportement du conducteur blessé.

Est impliqué dans un accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, tout véhicule intervenu, à quelque titre que ce soit, dans la survenance de cet accident.

Le conducteur d'un véhicule terrestre à moteur ne peut se dégager de son obligation d'indemnisation que s'il établit que cet accident est sans relation avec le dommage.

La compagnie GROUPAMA, qui ne conteste pas le droit à indemnisation de Monsieur [D] [P] sera tenue de réparer son entier préjudice.

SUR L'ÉVALUATION DU PRÉJUDICE CORPOREL

Au vu de l'ensemble des éléments versés aux débats, le préjudice subi par Monsieur [D] [P], né le [Date naissance 1] 1973 et âgé par conséquent de 45 ans lors de l'accident, 47 ans à la date de consolidation de son état de santé, et 51 ans au jour du présent jugement, et exerçant la profession de magasinier lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

Il convient en l'espèce d'utiliser le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais 2022, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles, avec un taux d'intérêt de 0 %.

I. PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé

Les dépenses de santé sont constituées de l’ensemble des frais hospitaliers, de médecins, d’infirmiers, de professionnels de santé, de pharmacie et d’appareillage en lien avec l’accident.

En l'espèce, aux termes du relevé de ses débours, daté du 21 octobre 2021, le montant définitif des débours de la CPAM s'est élevée à 128 819,73€ et comprend les indemnités journalières, les arrérages échus de la rente AT et son capital.

M. [P] demande que ce poste de préjudice soit réservé.

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité. De même, ces données peuvent justifier d'indemniser les réunions et entretiens préparatoires. Les frais d'expertise font partie des dépens.

Les parties s’accordent sur la prise en charge des honoraires du docteur [K], 1920€.

M. [P] sollicite également la somme de 9932,79 € correspondant à des devis de déménagement (1860 €) et de travaux de peinture et carrelage (8072,79€). Il explique avoir emménagé dans sa maison de Normandie et ne pas pouvoir faire les travaux ni assurer le déménagement à la suite de son accident.

Les défendeurs s’opposent à la demande.

L’accident a eu lieu le 27 février 2018 et le déménagement facturé le 17 décembre 2018 a eu lieu les 18 et 19 décembre 2018 de [Localité 10] (95) à [Localité 2] (27) pour un coût de 1860 €. Il est incontestable que M. [P] n’était pas en capacité de déménager sans aide à cette date. Il travaillait en qualité de magasinier, vivait en couple avec 2 enfants avec un revenu annuel total de 43556€.
Ses proches le décrivent bricoleur et très frustré de n’avoir pas pu réaliser les travaux dans sa maison, faute de pouvoir utiliser sa main droite.
Dans ce contexte, il y a lieu de prendre en compte 2/3 des frais de déménagements, étant relevé qu’il aurait dû louer un véhicule s’il avait déménagé sans aide de professionnels, soit 1240€.

S’agissant des travaux réalisés, il est justifié de fourniture et travaux de carrelage facturés le 9 novembre 2018, 4080€ et d’un devis de peinture accepté le 12 novembre 2018 pour un montant TTC de 5417,40 €. Toutefois, aucune facture n’est produite pour les travaux de peinture.
En l’état, il n’est pas établi que M. [P] aurait effectué seul la pose du carrelage, ni qu’il a supporté des frais de peinture.

En totalité, il sera alloué de ce chef 3160€ (1920€+1240€).

- Assistance tierce personne provisoire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant de l'assistance tierce-personne temporaire :
2 h / j du 02.03 au 17.04.2018,
1 h / j du 19.04 au 30.05.2018,
4 h / sem. du 01.06 au 29.10.2018,
1 h / j du 30.10 au 15.11.2018,
4 h / sem. du 16.11.2018 au 01.10.2020

Sur la base d’un taux horaire de 18 euros, adapté à la situation de la victime, il convient de lui allouer la somme de 11 355,43 €, calculée comme suit :

dates18,00 € / heurenbre heuresnbre heuresTOTAL
02/03/2018par jourpar semaines/ 365 jours / an
17/04/201847 jours2,001 692,00 €
19/04/20182 jours0,00 €
30/05/201841 jours1,00738,00 €
29/10/2018152 jours4,001 563,43 €
15/11/201817 jours1,00306,00 €
01/10/2020686 jours4,007 056,00 €

- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation.

L’expert retient un arrêt de travail en lien avec l’accident sur la période du 27/2/2018 au 1/10/2020, soit toute la période.

La CPAM du Val d’Oise a versé des indemnités journalières totalisant 58 628,20€ du 28/2/2018 au 31/3/2021, soit au-delà de la date de consolidation. La créance imputable s’élève à :
du 28/2/2018 au 24/12/2018 : 1125,88€ + 13668€ = 14 793,88 €
Et du 25.12.2018 au 30/9/2020 : 43 834,32 €/828j = 52,94€ x 646j = 34199,24€
Total : 48 993,12 €.

Au regard des revenus perçus en 2017, M [P] aurait dû percevoir 22 955€ par an, soit au cours de la période de 947 jours : 22 955€ /365j x 947j = 59557,22 €.

La perte est de : 59557,218 € - 48 993,12 € = 10 564,09€.

Une fois déduite les sommes versées de la CPAM, il revient à la victime une indemnité de 10 346€, conformément à la demande.

- Dépenses de santé futures

M [P] demande que ce poste de préjudice soit réservé.

- Assistance par tierce personne pérenne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe après la consolidation de son état de santé, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise un besoinde 2 heures par semaine à titre viager.

Sur la base d’un taux horaire de 22 euros et 57 semaines, adapté à la situation de la victime à ce stade pour lui permettre de ne pas dépendre de ses proches, il convient de lui allouer la somme suivante :
Arrérages échus du 1/10/2020 au 1/10/2023 : 22€ x 2h x 57 s x 3 ans = 7524 €Arrérages à échoir au 2/10/2023 : 22€ x 2 h x 57 s = 2508 € x 31,211 (euro de rente pour un homme de 50 ans) = 78 277,19 €Total = 85 801,19 €
- Perte de gains professionnels futurs

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

En l'espèce, M. [P] fait valoir un préjudice total et demande la somme de 460 184,17€, après déduction de la créance de la CPAM, sur la base d’un salaire mensuel de 1912,91€ en 2020, puis de 2500€ à compter du 1/10/2023.
A cet égard, il rappelle que ses séquelles affectent sa main droite, qu’il a toujours exercé un métier manuel et qu’il avait une ancienneté de 22 ans dans l’entreprise Renault qui n’a pas pu le reclasser de sorte qu’il a été définitivement licencié le 20 janvier 2022.

Groupama considère que M. [P] n’est pas inapte à toute activité professionnelle et ne formule aucune offre à ce titre.
A titre subsidiaire, elle demande au tribunal de considérer qu’il conserve une capacité de gains égale au SMIC.

Les experts ont conclu que l’état séquellaire ne permet pas à M. [P] de poursuivre son activité de magasinier. Ils ont relevé un enraidissement douloureux du poignet droit dominant, douleurs continues à l’effort et au repos, une gêne pour l’ensemble des actes de la vie quotidienne, conduite automobile, bricolage, ménage, écriture.
Il a été reconnu travailleur handicapé par la MDPH le 6 mai 2020 et rendu bénéficiaire de l’obligation d’emploi des travailleurs handicapés le 2 juillet 2021.
La médecine du travail a constaté le 5 février 2021, outre l’enraidissement du poignet droit, la perte totale de la flexion et partielle de l’extension, la perte partielle de la pronosupination, une hypoesthésie de la pulpe des doigts, la fermeture incomplète du poing, la baisse de la force musculaire avec impotence fonctionnelle conséquente. Elle a ainsi indiqué qu’une reprise au poste n’était pas envisageable en raison du port de charges lourdes répétées.
Un avis d’inaptitude a été émis le 4 mai 2021 et le 1er septembre 2021 pour contre-indication des manutentions répétées et de plus de 5kg, les mouvements de la main droite.
Par lettre du 6 janvier 2022, l’entreprise Renault lui a communiqué l’impossibilité de pourvoir à son reclassement, faute de poste adapté disponible, et par lettre du 20 janvier 2022, il a été licencié.

M. [P] était entré chez Renault en qualité de carrossier peintre le 1/9/2000, à l’âge de 27 ans avant de devenir magasinier le 1/3/2008, à 35 ans, 10 ans avant son accident.
Il percevait un revenu annuel de 22955 € en 2017, soit 1912,92 € par mois.
Ses revenus imposables sont ensuite de :
2019 : 10 176€
2020 : 10 826 €
2021 : 15 123 €
2022 : salaires : 5744€, autre : 9200 €, total : 14 944€
Le 31/3/2022, il avait reçu de Renault 5477,02€ net fiscal
En septembre 2022, il s’est inscrit à une formation au CFPPA Horti-Pôle d’Evreux en maçonnerie paysagère, pour laquelle, son médecin indique, le 20 juillet 2023, qu’il a souffert quotidiennement.
Il a perçu des indemnités de pôle emploi à compter du mois d’avril 2022 de l’ordre de 1000 € par mois.

Dans ce contexte, alors que M. [P] avait 47 ans lors de la consolidation, qu’il a travaillé 22 ans chez Renault et que ses séquelles affectent sa main droite et ne lui permettent pas d’exercer un métier manuel pour lequel il est qualifié, il y a lieu de retenir une perte de gains totale et de calculer le préjudice comme suit :

Arrérages échus du 1/10/2020 au 1/10/2023 : 22955 € x 3 ans = 68 865 €
Arrérages à échoir au 2/20/2023 jusqu’à l’âge de 65 ans comme demandé, après actualisation du salaire 2017 en rapport au smic 2023 et 2017 :
22 955 € x 1,28 (11,52€/9€) = 29 382,40€ (2448,53€ par mois) x 14,299 (euro de rente jusqu’à 65 ans pour un homme de 50 ans) = 420 138,93 €

Total : 489 003,93€
Dont à déduire les sommes versées par la CPAM :
58 628,20 € - 48 993,12 € (pris en compte au titre des PGPA) = 9 635,08€ au titre des indemnités journalières après la consolidation
738,02€au titre des arrérages de la rente AT du 1/5/2021 au 15/8/2021
63 146,16 €au titre du capital de la rente AT au 1/9/2021
Total : 73 519,26 €

Dès lors, Groupama sera condamné à verser à M. [P] la somme de 415 484,67 €.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.
Ce poste indemnise également la perte de retraite que la victime va devoir supporter en raison de son handicap, c'est-à-dire le déficit de revenus futurs, estimé imputable à l'accident, qui va avoir une incidence sur le montant de la pension auquel pourra prétendre la victime au moment de sa prise de retraite.

Au regard des éléments versés aux débats, les séquelles de l’accident dont a été victime M. [P] ont une incidence sur sa sphère professionnelle et en particulier :
- l’impossibilité de poursuivre son activité antérieure alors qu’il s’y épanouissait,
- sa dévalorisation sur le marché du travail au vu des éléments précités,
- des pertes consécutives qui s’en suivront pour ses droits à retraite.
Or ces données doivent être appréciée au regard de l’âge de la victime, soit 47 ans lors de la consolidation de son état.

Dans ces conditions, il convient de lui allouer la somme de 50 000 € à ce titre.

- Aménagement du véhicule

En l'espèce, il est demandé 60 778,50 € à ce titre pour prendre en compte le besoin d’une boite automatique et la nécessité de racheter un véhicule.
Groupama observe qu’au regard de l’ancienneté du véhicule, M. [P] aurait été contraint de racheter un véhicule même en l’absence de l’accident. Il offre la somme de 6272,45€ pour un renouvellement tous les 7 ans limité à 2035 (fin annoncée des moteurs thermiques) du surcoût de 3000€ dès la date de consolidation.

Le véhicule de M [P] a été acquis en 2006 et il ne justifie pas l’avoir changé. Dans ces conditions, seul le surcoût d’acquisition de la boite automatique est imputable à l’accident. Le renouvellement retenu est fixé à 7 ans, sans limitation de durée, car les motifs avancés par Groupama sur ce point ne justifient pas de restreindre le droit des victimes dont le besoin est caractérisé.
Dans ces conditions, il sera alloué :
3000€ / 7 ans x 27,725 (euro de rente viagère pour un homme de 54 ans au 1er renouvellement en octobre 2027) = 11 882,14 € + 3000 € = 14 882,14 €.

II. PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique. Par conséquent, il inclut les préjudices sexuel et d’agrément durant la période temporaire.

En l'espèce, il ressort du rapport d'expertise ce qui suit s'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
- GTT : du 28.02 au 01.03.2018, le 18.04.2018 et le 29.10.2018
- GTP 50% : du 02.03.2018 au 17.04.2018
- GTP 25% : du 19.04 au 28.10.2018 et du 30.10.2018 au 01.10.2020

Les parties s’accordent sur le nombre de jours.

Sur la base d’une indemnisation de 30 € par jour pour un déficit total, au regard de la situation de la victime, il sera alloué la somme suivante :
30 € X 4 j = 120€
30€ x 0,50 x 47 j = 705 €
30 € x 0,25 x 894 j = 6705 €
Total : 7530 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial, les traitements subis, et le retentissement psychique des faits s’agissant notamment des 3 interventions chirurgicales sous anesthésie générale, de l’astreinte aux soins qualifiée d’importante avec complication à type d’algoneurodystrophie, la rééducation prolongée et le retentissement psychique. Elles ont été cotées à 4,5/7 par l’expert.
Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 20 000€ à ce titre.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l'espèce, celui-ci est caractérisé par le port d’une manchette plâtrée durant un mois et demi. En conséquence, il sera alloué la somme de 300€ à ce titre.

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

En l'espèce, les experts ont retenu un taux de déficit fonctionnel permanent de 13 % en raison des séquelles relevées suivantes : importante raideur douloureuse du poignet droit dominant en flexion dorsale et flexion palmaire et en inclination latérale, dysesthésies pulpaires dans les suites d’un syndrome douloureux régional complexe, et une souffrance vertébrale segmentaire de niveau C2 limitant les rotations et les latéroflexions, avec douleurs en fin de course du côté droit. Ils ont également observé une gêne pour l’ensemble des actes de la vie quotidienne, conduite automobile, bricolage, ménage, écriture, ce qui caractérise ce préjudice.
La victime étant âgée de 47 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 26 325 € (2025 x13).

- Préjudice esthétique permanent

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce de manière pérenne à compter la date de consolidation.

En l'espèce, il est coté à 1/7 par l'expert en raison notamment de la cicatrice du poignet.

Dans ces conditions, il convient d'allouer une somme de 1000 € à ce titre.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs ainsi que les limitations ou difficultés à poursuivre ces activités. Ce préjudice particulier peut être réparé, en sus du déficit fonctionnel permanent, sous réserve de la production de pièces justifiant de la pratique antérieure de sports ou d’activités de loisirs particuliers.

En l'espèce, il convient de noter que M. [P] était passionné de moto et de pêche et qu’il a dû renoncer à la pratique de ces activités en raison de ses séquelles.

Il convient dans ces conditions, au regard de l’âge de la victime à la consolidation, d'allouer la somme de 10 000 € à ce titre.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir), et la fertilité de la victime.

En l'espèce, ce préjudice est caractérisé par les séquelles au membre supérieur droit qui constituent nécessairement une gêne.

Dans ces conditions, il convient d'allouer la somme de 5 000€ à ce titre.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

La caisse Groupama, qui est condamnée, supportera les dépens, pouvant être recouvrés directement par Maître Stéphanie BUREL pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile.

En outre, elle devra supporter les frais irrépétibles engagés par M. [P] dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 2500€.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le véhicule conduit assuré par GAN est impliqué dans la survenance de l'accident du 27 février 2018 ;

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [D] [P] des suites de l’accident de la circulation survenu le 27 février 2018 est entier ;

DÉCLARE recevable l’intervention volontaire de la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE venant aux droits de la société GAN ASSURANCES ;

MET HORS DE CAUSE la société GAN ASSURANCES ;

CONDAMNE la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE à payer à Monsieur [D] [P], à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, les sommes suivantes :
- frais divers : 3160€
- assistance par tierce personne temporaire : 11 355,43 €
- pertes de gains professionnels actuels : 10 346 €
- assistance par tierce personne permanente : 85 801,19 €
- perte de gains professionnels futurs : 415 484,67 €
- incidence professionnelle : 50 000 €
- frais de véhicule adapté : 14 882,14 €
- déficit fonctionnel temporaire : 7530 €
- souffrances endurées : 20 000 €
- préjudice esthétique temporaire : 300€
- déficit fonctionnel permanent : 26 325 €
- préjudice esthétique permanent : 1000 €
- préjudice d’agrément : 10 000 €
- préjudice sexuel : 5 000 €
Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

RÉSERVE les postes dépenses de santé ;

DÉCLARE le présent jugement commun à la Caisse Primaire d'Assurance-Maladie du Val d’Oise ;

CONDAMNE la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE aux dépens pouvant être recouvrés directement par Maître Stéphanie BUREL pour ceux dont elle a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société GROUPAMA RHÔNE-ALPES AUVERGNE à payer à Monsieur [D] [P] la somme de 2500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 03 Juin 2024

La GreffièreLa Présidente
Célestine BLIEZSabine BOYER


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/06283
Date de la décision : 03/06/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-06-03;22.06283 ?
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