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30/05/2024 | FRANCE | N°22/13518

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Prpc jivat, 30 mai 2024, 22/13518


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :




PRPC JIVAT

N° RG 22/13518
N° Portalis 352J-W-B7G-CYHA2

N° MINUTE :


JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [I] [F]
représenté par Maître Aurélie COVIAUX de la SELEURL Cabinet Aurélie Coviaux, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire L.71, Me Olivia CHALUS, avocat au barreau de , avocat plaidant




DÉFENDERESSES


Fonds de Garantie des Actes de Terrorisme et d’aut r

es Infractions
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Maître Patricia FABBRO de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiai...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le :

PRPC JIVAT

N° RG 22/13518
N° Portalis 352J-W-B7G-CYHA2

N° MINUTE :

JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [I] [F]
représenté par Maître Aurélie COVIAUX de la SELEURL Cabinet Aurélie Coviaux, avocats au barreau de PARIS, avocats postulant, vestiaire L.71, Me Olivia CHALUS, avocat au barreau de , avocat plaidant

DÉFENDERESSES

Fonds de Garantie des Actes de Terrorisme et d’aut res Infractions
[Adresse 5]
[Localité 7]
représentée par Maître Patricia FABBRO de l’AARPI JASPER AVOCATS, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #P0082

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE du Var
domiciliée : chez Secteur RCT
[Adresse 4]
[Localité 6]
défaillant

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur LE LUONG, Premier Vice-Président
Madame CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Madame LE CHATELIER, Magistrate à titre temporaire

assistés de Madame BAIL, Greffier

DEBATS

A l’audience du 28 mars 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que le jugement serait rendu le 30 mai 2024.

JUGEMENTS

- Réputé contradictoire,
- En premier ressort,
- Prononcé par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile,
- Signé par Monsieur LE LUONG, Président, et par Madame BAIL, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

Monsieur [I] [F], de nationalité française, né le [Date naissance 3] 1955, a été reconnu en qualité de victime de l’attentat du [Date décès 1] 2016 survenu sur la [Adresse 10] à [Localité 8]. Il s’était rendu au niveau du [9] sur la trajectoire du camion. Après avoir écouté un groupe de musique, il traversait la [Adresse 10] en compagnie de son frère [B] et de son cousin [G]. Il était percuté par le camion du terroriste islamiste. Il devait célébrer le mariage de sa fille le [Date mariage 2] 2016. Il était âgé de 61 ans et était en formation bureautique au moment des faits.

Il a subi un traumatisme thoracique avec fractures des côtes droites isolées sans volet costal, douleurs abdominales régressives, contusions simples des épaules et du genou droit, traumatisme crânien avec perte de connaissance initiale et un examen neurologique normal. Il a également subi un syndrome post-traumatique.

À compter du 1er octobre 2016 Monsieur [I] [F] a été admis au bénéfice de l'Allocation Adulte Handicapé. Le 8 juin 2017, sa retraite lui était notifiée, et ce, à compter du 1er mars 2017.

Le Docteur [H] expert qui l’a examiné, a conclu :

- Consolidation : 12/12/2018
- Gêne temporaire totale : du 15 juillet 2016 au 16 juillet 2016 et du 17 juillet 2016 au 22 juillet 2016 et le 6 octobre 2017
- Gêne temporaire partielle
Classe IV : du 23 juillet 2016 au 30 août 2016
Classe III : du 31 août 2016 au 13 juillet 2017
Classe II : 14 juillet 2017 au 12 décembre 2018
- Arrêt d'activité professionnelle : du 15 juillet 2016 au 7 septembre 2017
- Souffrances endurées : 5,5/7
- PAMI : majeur
- Préjudice d'agrément : retenu
- Dommage esthétique : 1,5/7
- Tierce personne : 2 h 30 par jour du 23 juillet 2016 au 30 août 2016 et 1 h 30 par jour du 31 août 2016 au 6 octobre 2017
- AIPP : 22 %
- Préjudice sexuel : retenu
- Incidence professionnelle : retenue
- Etat stabilisé

Le 17 août 2020, le FGTI a adressé des offres pour un montant global de 108.972 €.

Par conclusions récapitulatives signifiées par RPVA le 12 septembre 2023, il demande la condamnation du FGTI à lui verser les indemnités suivantes, sous le bénéfice de l’exécution provisoire :

Frais divers 3.586,73 €
Incidence professionnelle 5.000,00 €
Déficit fonctionnel temporaire 4.753,50 €
Souffrances endurées 50.000,00 €
Préjudice d'angoisse de mort imminente 30.000,00 €
Préjudice esthétique temporaire 2.000,00 €
Déficit fonctionnel permanent 75.320,00 €
Préjudice d'agrément 10.000,00 €
Préjudice esthétique permanent 2.000,00 €
Préjudice sexuel 15.000,00 €
Préjudice Exceptionnel spécifique des victimes de terrorisme 30.000,00 €.

TOTAUX 227.660,23 €, dont il convient de déduire la somme de 6.820€ versés par la MATMUT déjà déduits par le FGTI dans le DFP, et les frais de médecins de recours, déjà déduits du calcul dans la rubrique «frais divers».

Les provisions versées par le FGTI s’élèvent à 87.200,00 €. Le total à déduire s’élève à 94.020,00 €, se traduisant par un solde, pour la victime de 14.952€;, la créance du tiers-payeur s’élevant à145.456,73€

Il demande également au tribunal de condamner le FGTI à lui payer la somme de 5.000 € au titre de son préjudice en qualité de victime indirecte du préjudice de son frère [B] [F], celle de 3.000 € au titre de son préjudice en qualité de victime indirecte du préjudice de son cousin [G] [F] et celle de 2.000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile.

Par conclusions signifiées par RPVA le 20 novembre 2023, le FGTI propos d’indemniser Monsieur [I] [F] comme suit :

- Dépenses de santé actuelles : NEANT
- Frais divers : 151,73 €
- Besoin en aide humaine : 2.295 €
-Incidence professionnelle : 5.000 €

- Déficit fonctionnel temporaire : 8.150 €
- Préjudice esthétique temporaire : 800 €
- Souffrances endurées : 35.000 €
- Préjudice d’angoisse : 10.000 €
- Déficit fonctionnel permanent : 26.180 €
- Préjudice esthétique permanent : 1.200 €
- Préjudice d’agrément : 3.000 €
- Préjudice sexuel : 3.000 €

Le FGTI demande au tribunal de lui allouer la somme de 30 000 € au titre du PESVT, de le débouter du surplus de ses demandes, plus amples ou contraires, et de déduire les provisions versées à hauteur de 87.200€.

La caisse primaire d’assurance maladie du VAR, quoique régulièrement assignée, n’a pas constitué avocat mais a communiqué sa créance définitive.

La présente décision sera donc réputée contradictoire à l’égard de tous.

L'ordonnance de clôture a été rendue le 23 novembre 2023.

En application de l’article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l’exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

Selon l'article 421-1 du code pénal, "constituent des actes de terrorisme, lorsqu'elles sont intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur, les infractions suivantes et notamment les atteintes volontaires à la vie, les atteintes à l'intégrité de la personne, l'enlèvement et la séquestration".

En vertu des articles L126-1 et L422-1 du code des assurances, les victimes des actes de terrorisme commis sur le territoire national et les victimes de nationalités françaises d’actes de terrorisme commis à l’étranger, ainsi que leurs ayants-droit, sont indemnisées des atteintes à leur personne par l’intermédiaire du fonds de garantie des victimes des actes de terrorisme et d’autres infractions, FGTI.

Il est établi et non contesté que Monsieur [I] [F] a été victime d’un attentat terroriste.

Dans ces conditions, son droit à indemnisation en application des articles L126-1 et L422-1 et suivants du code des assurances est entier et le FGTI sera condamné à l’indemniser des conséquences dommageables de l’attentat.

S’agissant de ses proches, il est rappelé ce qui suit :

L'article L126-1 du code des assurances dispose que "les victimes d'actes de terrorisme commis sur le territoire national, les personnes de nationalité française victimes à l'étranger de ces mêmes actes, y compris tout agent public ou tout militaire, ainsi que leurs ayants droit, quelle que soit leur nationalité, sont indemnisés dans les conditions définies aux articles L 422-1 à L 422-3."

Les dispositions susmentionnées ne distinguent pas la victime directe de la victime du dommage par ricochet.

Par analogie avec le droit commun des victimes d’infractions pénales recevables devant la commission d’indemnisation des victimes d’infractions pénales, les victimes par ricochet d'un acte terroriste peuvent prétendre à une indemnisation par la solidarité nationale.

Il s'agit donc pour la partie en demande se prévalant de la qualité de victime par ricochet de démontrer qu'elle a subi un préjudice personnel en lien direct et certain avec le préjudice corporel subi par la victime directe et qu’elle entretenait avec celle-ci un lien affectif spécifique constant et singulier.

Sur l'évaluation du préjudice Monsieur [I] [F]

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [I] [F], né le [Date naissance 3] 1955, âgé de 61 ans lors des faits, de 63 ans lors de la consolidation de son état le 12 décembre 2018, et de 69 ans à la date du présent jugement, sera réparé ainsi que suit.

– PRÉJUDICES PATRIMONIAUX

- Dépenses de santé actuelles

Aucune demande n’est formée à ce titre, la créance de la CPAM s’élevant à 10.326,07 €.

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecins-conseils en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité.

Monsieur [F] est titulaire d’un contrat MATMUT (police 160P 26127 V 8G [J] [A] [F] ATT 14/7/16) qui a ouvert un dossier 163M43838UUG02 et concernant les frais de médecin de recours, une prise en charge à hauteur de 1.750 € a bénéficié à la victime. Monsieur [F] sollicite un reste à charge de 375 € du chef des frais de médecin conseil. Force est de constater que ce dernier n’a pas sollicité le remboursement de cette somme résiduelle auprès de son assureur comme en atteste le courriel de la MATMUT du 13 décembre 2021. En conséquence, cette demande sera rejetée.

Il sollicite par ailleurs la somme de 151,73 € en remboursement de ses frais de transport, acceptée par le FGTI.

En conséquence, le poste frais divers sera fixé au montant de 151,73 €.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a du choisir en raison de la survenance de son handicap.

Il demande la somme de 10.000 € au motif que son état psychique séquellaire anxiophobique et thymique entraîne une gêne dans le cadre la formation en informatique qu'il effectuait lors des faits mais n'apparaît pas incompatible sur le plan psychique avec une activité professionnelle non exposée. Par ailleurs, l’expert considère que la mise à la retraite anticipée n’est pas imputable aux faits dont il a été victime.

Il sera en conséquence allouée à Monsieur [I] [F] une indemnité de 5.000 € à ce titre.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

L'expert retient les éléments suivants :

- Gêne temporaire totale : du 15 juillet 2016 au 16 juillet 2016 et du 17 juillet 2016 au 22 juillet 2016 et le 6 octobre 2017
- Gêne temporaire partielle
Classe IV : du 23 juillet 2016 au 30 août 2016
Classe III : du 31 août 2016 au 13 juillet 2017
Classe II : 14 juillet 2017 au 12 décembre 2018

Il est demandé l’application d’un taux journalier de 30 €, soit au total 9.750 €.

Le Fonds demande l’application d’un taux journalier de 25€.

Sur la base d'une indemnisation de 27 € par jour, pour un déficit total, en application de la jurisprudence constante de ce tribunal, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [I] [F] jusqu'à la consolidation, comprenant les préjudices temporaires d’agrément et sexuel, justifient l'octroi des sommes suivantes:

dates
27,00 €
/ jour

début de période
15/07/2016

taux déficit

total
fin de période
22/07/2016
8
jours
100%
216,00 €

fin de période
30/08/2016
39
jours
75%
789,75 €

fin de période
13/07/2017
317
jours
50%
4 279,50 €

fin de période
05/10/2017
84
jours
25%
567,00 €

fin de période
06/10/2017
1
jour
100%
27,00 €

fin de période
12/12/2018
432
jours
25%
2 916,00 €
8 795,25 €

Total = 8.795,28€.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les soins et les traitements subis, s'agissant notamment des symptômes de stress post-traumatique avec des conduites d’évitement et des symptômes de l’humeur. Il s'agit d'indemniser d'une part le fait traumatique, à savoir l'attentat du [Date décès 1] 2016, et la douleur morale ressentie à cet instant qui est extrême, ainsi que la douleur physique due à la blessure, puis les souffrances qui ont suivi jusqu'à la consolidation : les douleurs à la jambe, aux côtes, aux épaules, l'hospitalisation jusqu'au 22 juillet 2016, puis les soins infirmiers à domicile dans les suites immédiates de l'attentat, les traitements anti-douleurs forts, les conséquences du traumatisme crânien léger, les 3 infiltrations, 20 séances de réduction vestibulaire, l'intervention sur le coude droit,, 65 séances de massage rachis genou et lombalgie et 20 séances de tractions. Sur le plan psychologique, un retentissement important, beaucoup de conduite d'évitement et d'éléments anxieux, son état psychique passant par des phases aigues et plus calmes.

Cotées à 5,5/7 par l' expert, la confrontation à la vision de personnes en train de mourir et de cadavres, le vécu de cet événement dans un état de dissociation psychique accompagné d’idées de culpabilité, elles seront réparées par l'allocation de la somme de 35.000 €.

- préjudice d’angoisse de mort imminente

Il s’agit de prendre en compte l’angoisse liée à une situation ou à des circonstances exceptionnelles résultant de la commission d'un acte de terrorisme soudain et brutal provoquant chez la victime, pendant le cours de l'événement, une très grande détresse et une angoisse dues à la conscience d'être confrontée à la mort, dans la mesure où elle caractérise une souffrance psychique spécifique.

Monsieur [I] [F] a été directement exposé au risque de mort lorsqu’il a vu le camion du terroriste. Il a vu les cadavres et les blessé graves et a été confronté à la panique des survivants devant porter secours aux blessés et au débordement des secours.

Ce préjudice sera réparé par la somme de 15.000 €.

- Préjudice esthétique temporaire

Il est demandé la somme de 2.000€ et offert celle de 800€.

Compte tenu des blessures peu apparentes, il sera alloué la somme de 800 € de ce chef.

- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

La victime souffrant d'un déficit fonctionnel permanent évalué à 22 %, compte-tenu des séquelles psycho traumatiques relevées et étant âgé de 63 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de 36.300 € calculée sur la base d’une valeur de point de 1.650 €.

- Préjudice esthétique définitif

Il est demandé 2.000 € et offert 1.100 €.

Fixé à 1,5/7, ce poste de préjudice justifie l'octroi de la somme de 2.000 €.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l'impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs et également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités.

Il est demandé la somme de 10.000 € pour les difficultés de Monsieur [I] [F], qui éprouve des difficultés à continuer ses activités habituelles de volley, vélo, footing, et son incapacité à agir dans la foule et à se rendre sur les plages niçoises.

Une indemnité de 3.000 € lui sera allouée à ce titre.

- Préjudice sexuel

Il est demandé la somme de 15.000€ en raison d’une perte de libido.

Le FGTI a offert une indemnité de 3.000 € relative à cette demande.

L’expert a noté un retentissement d’ordre sexuel de cette nature. Dès lors, il lui sera alloué la somme de 3.000 €.

- Préjudice exceptionnel

Ce poste de préjudice exceptionnel est destiné a prendre en compte la spécificité de la situation des victimes d'un acte de terrorisme et notamment l'état de stress post traumatique et les troubles liés au caractère de cet événement, en raison des circonstances particulières de commission des faits et de leur résonance.

En l'espèce, l'acte de terrorisme du [Date décès 1] 2016 a été commis dans des circonstances particulières de volonté affirmée et revendiquée par les terroristes islamistes d'intimidation et de terreur d'une Nation entière afin de porter atteinte à l'Etat français et à ses citoyens dans leur ensemble. Ces faits dramatiques ont, en outre, eu une résonance importante dans l'opinion publique et dans les média de façon durable.

Ces faits à la dimension nationale et même internationale causent à Monsieur [I] [F] de manière permanente un préjudice moral exceptionnel lié au caractère collectif de l'acte subi, aux motivations de ses auteurs, à la médiatisation des faits, à la réitération de passages à l'acte de même nature, et ont eu une résonnance particulière pour lui du fait de sa présence en un lieu directement visé par l’attentat.

Il lui sera ainsi alloué une somme de 30.000 € en réparation de ce chef de préjudice, somme offerte par le FGTI, Monsieur [I] [F] ne justifiant pas d’un préjudice qui n’aurait pas été pris en compte au titre des autres postes.

Sur l'évaluation du préjudice de Monsieur [I] [F] en qualité de victime indirecte

Il ressort des éléments du dossier et de l’enquête pénale que le demandeur, son frère et son cousin, tous trois, ont été percutés par le camion, au même instant, et qu’ils se sont retrouvés très rapidement, ce qui ne permet pas de justifier au profit du demandeur, un préjudice d’attente et d’inquiétude.

Par ailleurs, Monsieur [I] [F] ne justifie pas d’un préjudice personnel quant aux atteintes corporelles subies par son frère et son cousin, légèrement blessés, alors que des trois personnes, il est celui qui a subi les blessures les plus importantes. Il convient également de relever que Monsieur [I] [F] habite à [Localité 8] alors que son frère et son cousin demeurent dans le département du Rhône.

Dans ces conditions, la demande sera rejetée.

Sur les autres demandes

Le FGTI prendra à sa charge les dépens de l’instance.

En outre, il sera condamné à payer à Monsieur [I] [F] une somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile, alors qu’une aide juridictionnelle peut être demandée par la victime en la matière sans condition de ressources.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL,

Statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que Monsieur [I] [F] a été victime de l’attentat terroriste islamiste du [Date décès 1] 2016 à [Localité 8] ;

DÉCLARE RECEVABLE Monsieur [I] [F], en ses demandes ;

CONDAMNE le FGTI à payer à Monsieur [I] [F] les sommes suivantes en réparation de ses préjudices corporels, en deniers ou quittances, provisions non déduites :

frais divers : 151,73 €assistance tierce personne temporaire : 2.754 €incidence professionnelle : 5.000 €déficit fonctionnel temporaire : 8.795,28 €
préjudice esthétique temporaire: 800 €souffrances endurées : 35.000 €préjudice d’angoisse de mort imminente : 15.000 €déficit fonctionnel permanent : 36.300 € préjudice esthétique permanent : 2.000 €préjudice d’agrément : 3.000 €préjudice sexuel : 3.000 €préjudice exceptionnel : 30.000 €
ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

DÉBOUTE Monsieur [I] [F] de ses autres demandes;

DÉCLARE le présent jugement commun à la CPAM du VAR ;

CONDAMNE le FGTI à payer à Monsieur [I] [F] la somme de 1.500 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE le FGTI aux dépens de l’instance ;

CONSTATE que l’exécution provisoire est de droit en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens ;

Fait et jugé à Paris le 30 Mai 2024.

Le GreffierLe Président


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Prpc jivat
Numéro d'arrêt : 22/13518
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;22.13518 ?
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