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30/05/2024 | FRANCE | N°21/00678

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 30 mai 2024, 21/00678


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me CARON (B0249)
Me MASSON (R91)




18° chambre
2ème section


N° RG 21/00678

N° Portalis 352J-W-B7F-CTTFH

N° MINUTE : 6


Assignation du :
29 Décembre 2020






JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH (RCS de Paris 817 406 705)
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Clément CARON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, ve

stiaire #B0249


DÉFENDEURS

S.C.I. SCI FERISA (RCS de Pontoise 383 947 728)
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître Anne-Marie MASSON de la SELARL BJA, avocats au barreau de PA...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me CARON (B0249)
Me MASSON (R91)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/00678

N° Portalis 352J-W-B7F-CTTFH

N° MINUTE : 6

Assignation du :
29 Décembre 2020

JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024

DEMANDERESSE

S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH (RCS de Paris 817 406 705)
[Adresse 3]
[Localité 4]

représentée par Maître Clément CARON, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0249

DÉFENDEURS

S.C.I. SCI FERISA (RCS de Pontoise 383 947 728)
[Adresse 5]
[Localité 6]

représentée par Maître Anne-Marie MASSON de la SELARL BJA, avocats au barreau de PARIS, avocats plaidant, vestiaire #R91

Monsieur [I] [L]
[Adresse 1]
[Localité 2]

défaillant

Décision du 30 Mai 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/00678 - N° Portalis 352J-W-B7F-CTTFH

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Lucie FONTANELLA, Vice-présidente
Maïa ESCRIVE, Vice-présidente
Cédric KOSSO-VANLATHEM, Juge

assistés de Henriette DURO, Greffier

DÉBATS

A l’audience du 08 Février 2024 tenue en audience publique devant Cédric KOSSO-VANLATHEM, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 25 Avril 2024 prorogé au 23 Mai 2024 puis au 30 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous signature privée en date du 21 décembre 2015, la S.C.I. SCI FERISA a donné à bail commercial à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH des locaux composés d'une boutique avec arrière-boutique en rez-de-chaussée et d'une cave en sous-sol situés au sein d'un immeuble sis [Adresse 3] pour une durée de neuf années à effet au 1er janvier 2016 afin qu'y soit exercée une activité de restauration rapide sous l'enseigne « BAGELSTEIN », avec cuisson sans extraction et/ou préparation de petits pains, viennoiseries, croissanterie et vente de boissons chaudes et/ou froides sur place et/ou à emporter et/où à livrer, moyennant le versement d'un loyer annuel initial d'un montant de 23.400 euros hors taxes et hors charges et d'une provision annuelle sur charges locatives d'un montant de 1.638 euros payables mensuellement à terme à échoir.

Par acte sous signature privée en date du 20 décembre 2015, Monsieur [I] [L] s'est porté caution solidaire des engagements de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH pendant toute la durée du contrat de bail commercial.

Lui reprochant de ne pas s'être acquittée du montant de ses loyers, charges et taxes locatives dus au titre des mois d'août et septembre 2018, la S.C.I. SCI FERISA a, par acte d'huissier en date du 17 septembre 2018, fait signifier à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH un premier commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial portant sur la somme principale de 4.259,38 euros, outre le coût de l'acte d'un montant de 168,62 euros H.T., lequel a été dénoncé à Monsieur [I] [L] par acte d'huissier en date du 20 septembre 2018 valant sommation de payer la somme totale de 4.515,37 euros.

En l'absence de règlement, la S.C.I. SCI FERISA a, par exploits d'huissier en date des 23 et 31 janvier 2019, fait assigner la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et Monsieur [I] [L] devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris en constatation de l'acquisition de la clause résolutoire, en expulsion, ainsi qu'en paiement de provisions correspondant au montant des arriérés locatifs et des indemnités d'occupation dues jusqu'à la libération effective des lieux.

Par ordonnance réputée contradictoire en date du 23 mai 2019, le juge des référés a notamment : condamné la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH à payer à la S.C.I. SCI FERISA la somme provisionnelle de 10.280,13 euros, sous réserve du bon encaissement du chèque d'un montant de 9.000 euros remis à l'audience, ou à défaut la somme totale de 19.280,13 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 15 avril 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du commandement de payer sur la somme de 4.259,38 euros ; octroyé à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH un délai de dix mois pour s'acquitter de sa dette en plus des loyers courants, chaque mensualité devant intervenir le dixième quantième de chaque mois à compter de la date de signification de la décision ; ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ; dit que les loyers et charges courants devraient être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ; et dit que faute pour la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de payer à bonne date, en sus du loyer, des charges et des accessoires courants, une seule mensualité, et huit jours après l'envoi d'une lettre de mise en demeure adressée par pli recommandé, l'intégralité de la dette deviendrait immédiatement exigible, la clause résolutoire serait acquise, et la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH serait immédiatement expulsée, une indemnité provisionnelle d'un montant égal à celui du loyer contractuel augmenté des charges devant être versée par celle-ci en cas de maintien dans les lieux jusqu'à la libération effective des locaux se matérialisant par la restitution des clefs.

Lui faisant grief de ne toujours pas s'acquitter régulièrement du montant de ses loyers, charges et taxes locatives, la S.C.I. SCI FERISA a, par acte d'huissier en date du 18 novembre 2020, fait signifier à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH un deuxième commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial portant sur la somme principale de 18.391,93 euros, outre le coût de l'acte d'un montant de 216,94 euros H.T., lequel a été dénoncé à Monsieur [I] [L] par acte d'huissier en date du 24 novembre 2020 valant sommation de payer la somme totale de 18.785,25 euros sous quarante-huit heures.

Par exploit d'huissier en date du 29 décembre 2020, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH a fait assigner la S.C.I. SCI FERISA devant le tribunal judiciaire de Paris en annulation du deuxième commandement de payer à titre principal, et en octroi de délais de paiement d'une durée de deux ans avec suspension des effets de la clause résolutoire à titre subsidiaire.

Cette première instance a été enrôlée sous le numéro de répertoire général RG 21/00678.

Par acte d'huissier en date du 16 juin 2021, la S.C.I. SCI FERISA a fait signifier à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH un troisième commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial portant sur la somme principale de 34.037,50 euros, outre le coût de l'acte d'un montant de 253,78 euros H.T.

Par exploit d'huissier en date du 23 juillet 2021, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH a fait assigner la S.C.I. SCI FERISA devant le tribunal judiciaire de Paris en annulation du troisième commandement de payer à titre principal, et en octroi de délais de paiement d'une durée de deux ans avec suspension des effets de la clause résolutoire à titre subsidiaire.

Cette deuxième instance a été enrôlée sous le numéro de répertoire général RG 21/10216.

Les deux instances ont été jointes sous le seul numéro de répertoire général RG 21/00678 par ordonnance du juge de la mise en état en date du 18 janvier 2022.

Enfin, par exploit d'huissier en date du 3 décembre 2021, la S.C.I. SCI FERISA a fait assigner en intervention forcée Monsieur [I] [L] devant le tribunal judiciaire de Paris aux fins de condamnation solidaire des sommes mises à la charge de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH.

Cette troisième instance a été enrôlée sous le numéro de répertoire général RG 21/15750.

Les deux instances ont été jointes sous le seul numéro de répertoire général RG 21/00678 par ordonnance du juge de la mise en état en date du 14 février 2022.

Tel est l'objet de la présente instance.

Parallèlement, en cours de procédure, lui reprochant de ne pas avoir respecté l'échéancier fixé par l'ordonnance de référé en date du 23 mai 2019, la S.C.I. SCI FERISA a, par lettre recommandée adressée par l'intermédiaire de son conseil en date du 17 septembre 2021, mis en demeure la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de lui verser sous huitaine la somme totale de 40.663,75 euros au titre des indemnités d'occupation dues pour la période comprise entre le 16 avril 2019 et le 7 septembre 2021, puis en l'absence de règlement a fait dresser un procès-verbal de constat par huissier de justice en date du 22 septembre 2021 révélant que les locaux donnés à bail étaient vides et inexploités, et enfin a, par acte d'huissier en date du 6 mai 2022, fait procéder à l'expulsion de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH.

Aux termes de son assignation en date du 29 décembre 2020, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH demande au tribunal, sur le fondement de l'article 4 de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour faire face à l'épidémie de covid-19, de l'article 4 de l'ordonnance n°2020-306 du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, de l'article 14 de la loi n°2020-1379 du 14 novembre 2020 autorisant la prorogation de l'état d'urgence sanitaire et portant diverses mesures de gestion de la crise sanitaire, et des articles 1218, 1219, et 1244-1 ancien devenu 1343-5 du code civil, de :

–la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
–y faisant droit, à titre principal, dire et juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 18 novembre 2020 ne se rattache à aucun contrat ;
–dire et juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 18 novembre 2020 est nul et de nul effet ;
–en conséquence, annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 18 novembre 2020 ;
–à titre subsidiaire, suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial ;
–lui accorder un délai de vingt-quatre mois pour régler les sommes qui pourraient être mises à sa charge ;
–en tout état de cause, condamner la S.C.I. SCI FERISA à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner la S.C.I. SCI FERISA aux entiers dépens ;
–ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

En outre, aux termes de son assignation en date du 23 juillet 2021, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH sollicite du tribunal, sur le fondement des mêmes articles que ceux susvisés, ainsi que de l'article 1722 du code civil, de :

–la déclarer recevable et bien fondée en ses demandes ;
–y faisant droit, à titre principal, annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 16 juin 2021 ;
–à titre subsidiaire, dire et juger que le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 16 juin 2021 porte sur des sommes non exigibles ;
–en conséquence, annuler le commandement de payer visant la clause résolutoire qui lui a été délivré le 16 juin 2021 ;
–à titre infiniment subsidiaire, suspendre les effets de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial ;
–lui accorder un délai de vingt-quatre mois pour régler les sommes qui pourraient être mises à sa charge ;
–en tout état de cause, condamner la S.C.I. SCI FERISA à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner la S.C.I. SCI FERISA aux entiers dépens ;
–ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

À l'appui de ses prétentions, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH fait valoir, à titre principal, que le commandement de payer en date du 18 novembre 2020 est entaché d'une irrégularité formelle dès lors qu'il ne précise pas le contrat de bail auquel il se réfère. Elle ajoute qu'en raison des mesures gouvernementales et de police administrative adoptées dans le cadre de l'état d'urgence sanitaire lié à l'épidémie de covid-19, elle a été contrainte de fermer ses locaux à compter du 15 mars 2020, si bien que la bailleresse a manqué à son obligation de délivrance des lieux loués, de sorte qu'elle est fondée à opposer à cette dernière une exception d'inexécution l'exonérant du paiement des loyers et charges visés dans les deux commandements de payer litigieux. Elle indique que cette impossibilité d'exploiter les locaux constitue également un cas de force majeure la dispensant de tout règlement. S'agissant du commandement de payer en date du 16 juin 2021, elle souligne que l'interdiction temporaire d'exploiter les locaux donnés à bail est assimilable à une perte partielle de la chose louée l'exemptant du versement de tout loyer pour les périodes de fermeture considérées. Elle en conclut que les deux commandements de payer doivent être annulés.

À titre subsidiaire, elle affirme que sa situation financière obérée justifie que lui soient accordés les plus larges délais de paiement.

Aux termes de ses dernières conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 mai 2022, et signifiées à Monsieur [I] [L] par acte d'huissier en date du 3 juin 2022, la S.C.I. SCI FERISA prie le tribunal, sur le fondement des articles 1148 ancien, 1217, 1719, 1722 et 1741 du code civil, de :

–à titre principal, dire et juger que le contrat de bail commercial a déjà été résilié par l'ordonnance de référé en date du 23 mai 2019 ;
–dire et juger que l'expulsion de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH est intervenue le 6 mai 2022 ;
–en conséquence, dire et juger que les demandes de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH sont devenues sans objet et l'en débouter ;
–à titre subsidiaire, dire et juger que la clause résolutoire est acquise à la date du 19 décembre 2020 ou du 17 juillet 2021 ;
–à titre plus subsidiaire, constater le non-respect par la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de ses obligations contractuelles consistant en le paiement de ses loyers ainsi qu'en l'obligation de garnir les lieux loués et d'exploiter le local commercial ;

–en conséquence, prononcer la résiliation judiciaire du contrat de bail commercial pour défaut de paiement des loyers ;
–en tout état de cause, ordonner l'expulsion sans délai de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH, ainsi que celle de tous occupants de son chef, et ce avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
–dire qu'il pourra être procédé à la séquestration des meubles garnissant les locaux dans tel garde meuble qu'il lui plaira, et ce aux frais de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH ;
–condamner solidairement la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et Monsieur [I] [L] à lui payer la somme de 59.660.87 euros selon décompte arrêté au 6 mai 2022 au titre des loyers impayés ;
–condamner solidairement la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et Monsieur [I] [L] à lui payer une indemnité d'occupation mensuelle d'un montant égal à celui du loyer, charges et taxes en sus, jusqu'à la remise des clés et la libération effective des lieux ;
–dire et juger que l'indemnité sera révisable dans les mêmes conditions que le loyer ;
–condamner solidairement la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et Monsieur [I] [L] à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
–débouter la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de toutes ses demandes ;
–condamner solidairement la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et Monsieur [I] [L] à lui payer la somme de 3.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;
–condamner solidairement la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et Monsieur [I] [L] aux dépens ;
–ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir.

Au soutien de ses demandes, la S.C.I. SCI FERISA fait remarquer, à titre principal, que dans la mesure où la preneuse n'a pas respecté l'échéancier fixé par l'ordonnance du juge des référés en date du 23 mai 2019, l'acquisition de la clause résolutoire est devenue définitive, précisant au surplus que l'expulsion de la locataire est d'ores et déjà intervenue le 6 mai 2022, de sorte que les contestations de cette dernière tendant à l'annulation des commandements de payer en date des 18 novembre 2020 et 16 juin 2021 sont devenues sans objet.

À titre subsidiaire, elle expose que dès lors que les causes des deux commandements de payer litigieux n'ont pas été réglées dans le délai d'un mois à compter de leur date de signification respective, la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial est acquise depuis soit le 19 décembre 2020, soit le 17 juillet 2021.

À titre plus subsidiaire, elle avance que les défauts de paiement de la preneuse ainsi que son absence d'exploitation des locaux, lesquels sont demeurés fermés postérieurement à la fin des confinements successifs, justifient la résiliation judiciaire du bail aux torts exclusifs de celle-ci.

En tout état de cause, la bailleresse déclare être fondée à obtenir l'expulsion de la demanderesse et sa condamnation au règlement de l'arriéré locatif ou d'indemnités d'occupation, faisant au surplus observer que cette dernière a fait preuve de résistance abusive en cessant tout règlement, ce qui lui a causé un préjudice justifiant l'allocation de dommages et intérêts à son profit.

Elle indique que Monsieur [I] [L] s'est porté caution solidaire des engagements pris par la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH, de sorte qu'il doit être condamné solidairement avec celle-ci.

Décision du 30 Mai 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/00678 - N° Portalis 352J-W-B7F-CTTFH

Monsieur [I] [L], régulièrement assigné selon procès-verbal de recherches infructueuses, n'a pas constitué avocat. Le jugement est donc réputé contradictoire, conformément aux dispositions de l'article 474 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du juge de la mise en état en date du 9 janvier 2023.

L'affaire a été retenue à l'audience de plaidoirie du 8 février 2024, et la décision a été mise en délibéré au 25 avril 2024, puis prorogée au 23 et au 30 mai 2024, les parties en ayant été avisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

L'article 472 du code de procédure civile dispose que si le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond, et que le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime régulière, recevable et bien fondée.

En outre, dès lors que la S.C.I. SCI FERISA fonde sa demande reconventionnelle de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire sur un commandement de payer antérieur à ceux dont la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH sollicite l'annulation, il sera d'abord statué sur la première, laquelle est susceptible de faire échec aux prétentions formées par la seconde.

Sur la demande reconventionnelle de constatation de l'acquisition de la clause résolutoire

Aux termes des dispositions du premier alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

En outre, en application des dispositions de l'article 500 du code de procédure civile, a force de chose jugée le jugement qui n'est susceptible d'aucun recours suspensif d'exécution. Le jugement susceptible d'un tel recours acquiert la même force à l'expiration du délai du recours si ce dernier n'a pas été exercé dans le délai.

Il y a lieu de rappeler que lorsqu'une ordonnance de référé passée en force de chose jugée a accordé au titulaire d'un bail à usage commercial des délais pour régler un arriéré de loyers et le loyer courant en suspendant la réalisation de la clause résolutoire, le non-respect de ces délais rend la clause définitivement acquise sans que la mauvaise foi du bailleur à s'en prévaloir puisse y faire obstacle (Civ. 3, 26 octobre 2023 : pourvoi n°22-16216).

En l'espèce, la clause intitulée « V - CLAUSE RÉSOLUTOIRE » insérée au contrat de bail commercial conclu entre la S.C.I. SCI FERISA et la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH par acte sous signature privée en date du 21 décembre 2015 stipule qu' « il est expressément convenu : Qu'à défaut de paiement à son échéance exacte d'un seul terme de loyer, qu'il s'agisse du loyer contractuel, du loyer provisionnel ou de l'indemnité d'occupation fixés, fût-ce à titre provisionnel par la juridiction compétente, des compléments de loyers et de dépôt de garantie ou de leurs accessoires (charges, taxes, impôts, frais de relance, intérêts légaux et contractuels de retard et des frais de procédure tels que précisés ci-après), ou d'exécution de l'une quelconque des clauses du présent bail et un mois après un simple commandement de payer ou une mise en demeure adressé par acte extrajudiciaire resté sans effet et exprimant la volonté du Bailleur de se prévaloir de la présente clause, le bail, si bon semble au Bailleur, sera résilié immédiatement et de plein droit sans qu'il soit besoin de remplir aucune formalité judiciaire » (pièce n°1 en demande et en défense, page 7).

Il est établi que par acte d'huissier en date du 17 septembre 2018, la S.C.I. SCI FERISA a fait signifier à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH un commandement de payer visant la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial portant sur la somme principale de 4.259,38 euros, outre le coût de l'acte d'un montant de 168,62 euros H.T., relatif aux loyers et charges locatives dus au titre des mois d'août et septembre 2018 (pièces n°4 et n°27 en défense).

De plus, il est constant que par ordonnance réputée contradictoire en date du 23 mai 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a notamment : condamné la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH à payer à la S.C.I. SCI FERISA la somme provisionnelle de 10.280,13 euros, sous réserve du bon encaissement du chèque d'un montant de 9.000 euros remis à l'audience, ou à défaut la somme totale de 19.280,13 euros au titre de l'arriéré locatif arrêté au 15 avril 2019, assortie des intérêts au taux légal à compter de la date de signification du commandement de payer sur la somme de 4.259,38 euros ; octroyé à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH un délai de dix mois pour s'acquitter de sa dette en plus des loyers courants, chaque mensualité devant intervenir le dixième quantième de chaque mois à compter de la date de signification de la décision ; ordonné la suspension des effets de la clause résolutoire pendant le cours de ces délais ; dit que les loyers et charges courants devraient être payés dans les conditions fixées par le bail commercial ; et dit que faute pour la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de payer à bonne date, en sus du loyer, des charges et des accessoires courants, une seule mensualité, et huit jours après l'envoi d'une lettre de mise en demeure adressée par pli recommandé, l'intégralité de la dette deviendrait immédiatement exigible, la clause résolutoire serait acquise, et la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH serait immédiatement expulsée, une indemnité provisionnelle d'un montant égal à celui du loyer contractuel augmenté des charges devant être versée par celle-ci en cas de maintien dans les lieux jusqu'à la libération effective des locaux se matérialisant par la restitution des clefs (pièce n°8 en défense, pages 7 et 8).

Il y a lieu de préciser que d'une part, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH a comparu devant le juge des référés lors de l'audience du 18 avril 2019 sans contester ni la régularité, ni le bien-fondé de ce commandement de payer, l'ordonnance de référé rappelant expressément que « la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH nous demande notamment de lui donner acte d'un versement de 9.000 euros, de lui accorder des délais de paiement à hauteur de douze mois pour s'acquitter de la dette et de suspendre les effets de la clause résolutoire. [...] Par observations orales, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH, par l'intermédiaire de son conseil, a notamment indiqué ne pas contester le décompte et expliqué les difficultés économiques rencontrées notamment par la crise des gilets jaunes » (pièce n°8 en défense, page 3), et que d'autre part elle ne remet toujours pas en cause ce commandement de payer en date du 17 septembre 2018 dans le cadre de la présente instance au fond.

Enfin, la bailleresse justifie avoir, par lettre recommandée adressée par l'intermédiaire de son conseil en date du 17 septembre 2021, en raison du non-respect de l'échéancier fixé par l'ordonnance de référé, mis en demeure la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de lui verser sous huitaine la somme de 40.663,75 euros, lui rappelant qu'à défaut, la clause résolutoire serait définitivement acquise et qu'il serait procédé à son expulsion immédiate (pièce n°12 en défense).

S'il est vrai que l'ordonnance de référé susvisée n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée au principal, en application des dispositions du premier alinéa de l'article 488 du code de procédure civile, force est toutefois de constater que d'une part, ladite ordonnance de référé a néanmoins force de chose jugée dans la mesure où elle a été signifiée à personne à la locataire par acte d'huissier en date du 24 juin 2019 et qu'aucun appel n'a été interjeté à son encontre (pièces n°9 et n°29 en défense), et que d'autre part, la preneuse ne nie pas ne pas avoir respecté l'échéancier fixé par cette ordonnance.

Dès lors qu'il n'est pas contesté que le commandement de payer en date du 17 septembre 2018 est demeuré infructueux dans le délai d'un mois à compter de sa signification, et qu'il est démontré que la demanderesse n'a pas respecté les délais octroyés par l'ordonnance de référé susmentionnée, il y a lieu de retenir que la clause résolutoire est définitivement acquise depuis le 18 octobre 2018, et que le contrat de bail commercial est résilié de plein droit depuis cette date.

En conséquence, il convient de constater l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial à la date du 18 octobre 2018.

Sur les demandes principales de nullité des commandements de payer en date des 18 novembre 2020 et 16 juin 2021

Eu égard à la teneur de la présente décision, il ne peut être fait droit aux demandes d'annulation des commandements de payer en date des 18 novembre 2020 et 16 juin 2021 formées par la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH, lesquelles sont devenues sans objet, et ce sans qu'il soit besoin d'examiner les moyens tirés de l'exception d'inexécution, de la force majeure ou de la perte partielle de la chose louée soulevés par la demanderesse, lesquels sont insusceptibles de faire échec à l'acquisition de la clause résolutoire d'ores et déjà intervenue le 18 octobre 2018.

En conséquence, il convient de débouter la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de ses demandes d'annulation des commandements de payer en date des 18 novembre 2020 et 16 juin 2021.

Sur les autres demandes reconventionnelles

Sur les demandes d'expulsion et de séquestration des meubles

En vertu des dispositions de l'article L. 411-1 du code des procédures civiles d'exécution, sauf disposition spéciale, l'expulsion d'un immeuble ou d'un lieu habité ne peut être poursuivie qu'en vertu d'une décision de justice ou d'un procès-verbal de conciliation exécutoire et après signification d'un commandement d'avoir à libérer les locaux.

En outre, selon les dispositions de l'article L. 433-1 du même code, les meubles se trouvant sur les lieux sont remis, aux frais de la personne expulsée, en un lieu que celle-ci désigne. À défaut, ils sont laissés sur place ou entreposés en un autre lieu approprié et décrits avec précision par l'huissier de justice chargé de l'exécution avec sommation à la personne expulsée d'avoir à les retirer dans un délai fixé par voie réglementaire.

En l'espèce, il est établi qu'en exécution de l'ordonnance de référé en date du 23 mai 2019, la S.C.I. SCI FERISA a, par acte d'huissier en date du 6 mai 2022, fait procéder à l'expulsion de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH, l'huissier instrumentaire relevant que « les locaux sont entièrement vides à l'exception de détritus & boissons périmées » (pièce n°25 en défense).

Dès lors, force est de constater qu'il ne peut être fait droit à la nouvelle demande d'expulsion formée par la S.C.I. SCI FERISA.

En conséquence, il convient de débouter la S.C.I. SCI FERISA de sa nouvelle demande d'expulsion ainsi que de sa demande de séquestration des meubles.

Décision du 30 Mai 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/00678 - N° Portalis 352J-W-B7F-CTTFH

Sur la demande de paiement des indemnités d'occupation

D'après les dispositions du premier alinéa de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de conclusion du contrat de bail commercial litigieux, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 2 de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve des obligations entrée en vigueur le 1er octobre 2016, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Le deuxième alinéa de l'article 1184 ancien du même code dispose quant à lui que la partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix, ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

L'article 1382 ancien dudit code prévoit pour sa part que tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.

Enfin, conformément aux dispositions de l'article 1315 ancien devenu 1352 de ce code, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il y a lieu de rappeler que l'indemnité d'occupation due par un occupant sans titre présente un caractère mixte à la fois compensatoire et indemnitaire, et a pour objet de réparer le préjudice subi par le bailleur propriétaire du fait de la privation de son bien immobilier (Civ. 3, 27 avril 1982 : pourvoi n°80-15139 ; Civ. 3, 26 novembre 1997 : pourvoi n°96-12003 ; Civ. 3, 27 juin 2006 : pourvoi n°05-13465 ; Civ. 3, 15 février 2018 : pourvoi n°16-13216 ; Civ. 3, 15 avril 2021 : pourvoi n°19-26045).

En l'espèce, la clause intitulée « V - CLAUSE RÉSOLUTOIRE » insérée au contrat de bail commercial litigieux stipule notamment qu' « en cas de résiliation du bail, le Bailleur aura droit au loyer (contractuel ou provisionnel) ou à l'indemnité d'occupation courus jusqu'au jour de la cessation de jouissance » (pièce n°1 en demande et en défense, page 8).

Il est établi que dans son ordonnance en date du 23 mai 2019, laquelle a force de chose jugée et est irrévocable dès lors qu'elle a été signifiée à personne à la locataire par acte d'huissier en date du 24 juin 2019 et qu'aucun appel n'a été interjeté à son encontre, le juge des référés a notamment dit qu'en cas d'acquisition de la clause résolutoire en raison du non-respect par la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de l'échéancier fixé, « une indemnité provisionnelle égale au montant du loyer contractuel augmenté des charges sera mise à sa charge, en cas de maintien dans les lieux, jusqu'à la libération effective des lieux par la remise des clefs » (pièce n°8 en défense, page 8).

Ce montant apparaît pertinent et sera retenu.

En l'occurrence, il ressort du dernier décompte actualisé produit aux débats par la bailleresse qu'à la date du 6 mai 2022, correspondant à la date de l'expulsion précédemment évoquée, la dette de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH au titre des indemnités d'occupation, charges et taxes s'élevait à la somme totale de 59.660,87 euros (pièce n° 26-1 en défense), ce qui n'est pas contesté, étant observé qu'il n'y a pas lieu d'examiner les moyens tirés de l'exception d'inexécution, de la force majeure ou de la perte partielle de la chose louée soulevés par la locataire, ces derniers n'étant invoqués qu'à l'appui de ses demandes de nullité des commandements de payer en date des 18 novembre 2020 et 16 juin 2021, et non en réponse à l'action en paiement formée par la bailleresse à titre reconventionnel, la preneuse n'ayant jamais conclu sur ce point postérieurement à la délivrance de ses assignations.

En revanche, il ne peut être fait droit à la demande de paiement d'indemnités d'occupation supplémentaires jusqu'à la libération effective des lieux, dans la mesure où il est démontré que celle-ci est déjà intervenue par l'effet de l'expulsion en date du 6 mai 2022 (pièce n°25 en défense).

En conséquence, il convient de condamner la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH à payer à la S.C.I. SCI FERISA la somme de 59.660,87 euros en règlement de l'arriéré d'indemnités d'occupation, de charges et de taxes locatives arrêté au 6 mai 2022, et de débouter cette dernière de sa demande reconventionnelle de paiement d'une indemnité d'occupation au titre de la période postérieure au 6 mai 2022.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive

Aux termes des dispositions de l'article 1153 ancien du code civil, dans les obligations qui se bornent au paiement d'une certaine somme, les dommages et intérêts résultant du retard dans l'exécution ne consistent jamais que dans la condamnation aux intérêts au taux légal, sauf les règles particulières au commerce et au cautionnement. Ces dommages et intérêts sont dus sans que le créancier soit tenu de justifier d'aucune perte. Ils ne sont dus que du jour de la sommation de payer, ou d'un autre acte équivalent telle une lettre missive s'il en ressort une interpellation suffisante, excepté dans le cas où la loi les fait courir de plein droit. Le créancier auquel son débiteur en retard a causé, par sa mauvaise foi, un préjudice indépendant de ce retard, peut obtenir des dommages et intérêts distincts des intérêts moratoires de la créance.

En outre, en application des dispositions de l'article 1139 ancien du même code, le débiteur est constitué en demeure, soit par une sommation ou par autre acte équivalent, telle une lettre missive lorsqu'il ressort de ses termes une interpellation suffisante, soit par l'effet de la convention, lorsqu'elle porte que, sans qu'il soit besoin d'acte et par la seule échéance du terme, le débiteur sera en demeure.

Il y a lieu de rappeler que des dommages et intérêts en réparation du préjudice subi du fait des retards de paiement de loyers ne peuvent être alloués au bailleur sans que soit constatée la mauvaise foi du locataire (Civ. 3, 1er décembre 1993 : pourvoi n°91-22232 ; Civ. 3, 16 mars 2010 : pourvoi n°09-13361 ; Civ. 3, 15 juin 2023 : pourvoi n°21-10119 ; Civ. 3, 12 octobre 2023 : pourvoi n°22-19388).

En l'espèce, la bailleresse justifie avoir adressé à sa locataire, par l'intermédiaire de son conseil, une lettre recommandée de mise en demeure en date du 17 septembre 2021 portant sur la somme de 40.663,75 euros (pièce n°12 en défense).

De même, il est démontré qu'elle a formé sa demande reconventionnelle de paiement d'indemnités d'occupation d'un montant de 59.660,87 euros par conclusions remises au greffe et notifiées par RPVA le 30 mai 2022.

Dans ces conditions, la somme de 40.663,75 euros portera intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2021, et le reliquat d'un montant de 18.997,12 euros (soit : 59.660,87 - 40.663,75) portera intérêts au taux légal à compter du 30 mai 2022.

En revanche, si la défenderesse allègue que « la résistance abusive de la société ROUTE qui refuse de régler les loyers et fait le choix de se maintenir dans les lieux cause un préjudice manifeste à la société FERISA » (page 47 de ses dernières conclusions), force est toutefois de constater qu'elle ne caractérise ni la mauvaise foi de la locataire, ni l'existence d'un préjudice distinct de celui résultant du retard dans le paiement de sa créance, lequel est déjà réparé par les intérêts moratoires.

En conséquence, il convient de dire que la somme de 59.660,87 euros que la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH est condamnée à payer emportera intérêts au taux légal à compter du 17 septembre 2021 sur le montant de 40.663,75 euros et à compter du 30 mai 2022 sur le montant de 18.997,12 euros jusqu'à complet paiement, et de débouter la S.C.I. SCI FERISA de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts au titre de la résistance abusive.

Sur les demandes subsidiaires de nouveaux délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire

En vertu des dispositions du second alinéa de l'article L. 145-41 du code de commerce, les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

En outre, d'après les dispositions du premier alinéa de l'article 1343-5 du code civil, le juge peut, compte tenu de la situation du débiteur et en considération des besoins du créancier, reporter ou échelonner, dans la limite de deux années, le paiement des sommes dues.

Il y a lieu de rappeler que lorsque les délais accordés par une ordonnance de référé ayant suspendu la réalisation de la clause résolutoire n'ont pas été respectés, la juridiction saisie au fond ne peut accorder de nouveaux délais (Civ. 3, 14 octobre 1992 : pourvoi n°90-21657 ; Civ. 3, 2 avril 2003 : pourvoi n°01-16834 ; Civ. 3, 15 octobre 2008 : pourvoi n°07-16725).

En l'espèce, dès lors qu'il est établi que l'ordonnance de référé en date du 23 mai 2019 a octroyé à la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH des délais de paiement d'une durée de dix mois (pièce n°8 en défense, pages 6 et 7), lesquels n'ont pas été respectés par la locataire, force est de constater que celle-ci n'est pas fondée à solliciter de nouveaux délais de paiement.

En conséquence, il convient de débouter la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de ses demandes subsidiaires de nouveaux délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire.

Sur le recours contre la caution

Aux termes des dispositions de l'article 2292 du code civil dans sa rédaction applicable à la date de conclusion de l'engagement de caution litigieux, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'article 3 de l'ordonnance n°2021-1192 du 15 septembre 2021 portant réforme du droit des sûretés entrée en vigueur le 1er janvier 2022, le cautionnement ne se présume point ; il doit être exprès, et on ne peut pas l'étendre au-delà des limites dans lesquelles il a été contracté.

Décision du 30 Mai 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/00678 - N° Portalis 352J-W-B7F-CTTFH

En outre, en application des dispositions de l'article L. 341-2 du code de la consommation dans sa rédaction applicable à la date de conclusion de ce même engagement de caution, c'est-à-dire dans sa rédaction antérieure à celle issue de son abrogation par l'article 34 de l'ordonnance n°2016-301 du 14 mars 2016 relative à la partie législative du code de la consommation entrée en vigueur le 1er juillet 2016, toute personne physique qui s'engage par acte sous seing privé en qualité de caution envers un créancier professionnel doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante, et uniquement de celle-ci : « En me portant caution de X..., dans la limite de la somme de ... couvrant le paiement du principal, des intérêts et, le cas échéant, des pénalités ou intérêts de retard et pour la durée de ..., je m'engage à rembourser au prêteur les sommes dues sur mes revenus et mes biens si X... n'y satisfait pas lui-même ».

Enfin, en vertu des dispositions de l'article L. 341-3 ancien du même code, lorsque le créancier professionnel demande un cautionnement solidaire, la personne physique qui se porte caution doit, à peine de nullité de son engagement, faire précéder sa signature de la mention manuscrite suivante : « En renonçant au bénéfice de discussion défini à l'article 2298 du code civil et en m'obligeant solidairement avec X..., je m'engage à rembourser le créancier sans pouvoir exiger qu'il poursuive préalablement X... ».

Il résulte de la combinaison de ces dispositions que d'une part, est nul l'engagement de caution, souscrit sous signature privée par une personne physique envers un professionnel, ne comportant pas les mentions manuscrites exigées par les textes susvisés (Com., 28 avril 2009 : pourvoi n°08-11616 ; Civ. 1, 16 mai 2012 : pourvoi n°11-17411 ; Com., 17 septembre 2013 : pourvoi n°12-13577 ; Com., 24 novembre 2021 : pourvoi n°20-12313 ; Com., 15 mars 2023 : pourvoi n°21-21840), et que d'autre part le créancier professionnel s'entend de celui dont la créance est née dans l'exercice de sa profession ou se trouve en rapport direct avec l'une de ses activités professionnelles, à l'instar d'une société civile immobilière à qui son activité professionnelle procure, sous quelque forme que ce soit, des revenus s'agissant d'immeubles en propriété ou en jouissance (Civ. 3, 10 février 2015 : pourvois n°13-25607 et n°13-25660 ; Civ. 1, 24 mars 2021 : pourvoi n°19-21295 ; Com., 30 mars 2022 : pourvoi n°20-20767).

En l'espèce, il ressort des statuts constitutifs de la S.C.I. SCI FERISA que celle-ci « a pour objet l'acquisition, la gestion, la location de tout bien immobilier ou mobilier », de sorte qu'elle doit être qualifiée de créancière professionnelle s'agissant de la perception de loyers commerciaux en rapport direct avec son activité professionnelle de location.

Or, il y a lieu de relever que l'engagement de caution souscrit par Monsieur [I] [L] par acte sous signature privée en date du 20 décembre 2015 comporte la mention manuscrite suivante : « Bon pour caution solidaire pour le paiement des loyers, indemnités d'occupation, charges, réparations locatives et frais éventuels de procédure, ayant parfaitement connaissance de la nature et de l'étendue de l'obligation contractée, et ayant reçu un exemplaire du bail en annexe » (pièce n°2 en défense).

Force est de constater que cette mention manuscrite ne présente aucune similitude avec celles exigées à peine de nullité par les dispositions du code de la consommation susvisées.

D'ailleurs, il y a lieu de souligner que cet engagement de caution comporte l'indication : « APRÈS AVOIR PRIS CONNAISSANCE DU CONTRAT, DES CONDITIONS DE LOCATION ET DE L'ARTICLE 22 DE LA LOI DU 21 JUILLET 1994 REPRODUIT CI-DESSOUS. [...] Article 22-1 de la loi du 21 juillet 1994 : "Lorsque le cautionnement d'obligations résultant d'un contrat de location conclu en application du présent titre ne comporte aucune indication de durée ou lorsque la durée du cautionnement est stipulée indéterminée, la caution peut le résilier unilatéralement. La résiliation prend effet au terme du contrat de location, qu'il s'agisse du contrat initial ou d'un contrat reconduit ou renouvelé, au cours duquel le bailleur reçoit notification de la résiliation" » (pièce n°2 en défense), si bien qu'il est établi que cet acte de cautionnement fait référence à l'article 22 de la loi n°94-624 du 21 juillet 1994 relative à l'habitat ayant introduit un article 22-1 à la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 tendant à améliorer les rapports locatifs et portant modification de la loi n°86-1290 du 23 décembre 1986, de sorte que cette mention est uniquement applicable aux baux à usage d'habitation, et non aux baux commerciaux.

Il s'évince de l'ensemble de ces éléments que l'engagement de caution invoqué ne respecte pas le formalisme légal susmentionné, et n'est donc pas valable, ce qui justifie le rejet des demandes de paiement et de dommages et intérêts formées à l'encontre de la caution.

En conséquence, il convient de débouter la S.C.I. SCI FERISA de l'intégralité de ses demandes de paiement et de dommages et intérêts formées à l'encontre de Monsieur [I] [L].

Sur les mesures accessoires

En application des dispositions de l'article 696 du code de procédure civile, la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH, partie perdante, sera condamnée aux dépens, et il ne sera pas fait droit à sa demande formée au titre des frais irrépétibles.

Elle sera également condamnée à payer à la S.C.I. SCI FERISA une indemnité au titre des frais non compris dans les dépens que cette dernière a été contrainte d'exposer pour faire valoir ses droits dans le cadre de la présente instance, que l'équité et la situation économique des parties commandent de fixer à la somme de 3.000 euros, conformément aux dispositions de l'article 700 du même code.

Il convient de rappeler que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit, en vertu des dispositions de l'article 514 dudit code, étant observé qu'aucune des parties ne sollicite que cette dernière soit écartée sur le fondement des dispositions de l'article 514-1 de ce code.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement réputé contradictoire rendu en premier ressort,

CONSTATE l'acquisition de la clause résolutoire insérée au contrat de bail commercial conclu entre la S.C.I. SCI FERISA et la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et portant sur les locaux sis [Adresse 3], à compter du 18 octobre 2018,

DÉBOUTE la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de ses demandes de nullité des commandements de payer signifiés par la S.C.I. SCI FERISA par actes d'huissier en date des 18 novembre 2020 et 16 juin 2021,

DÉBOUTE la S.C.I. SCI FERISA de sa nouvelle demande d'expulsion ainsi que de sa demande de séquestration des meubles formées à l'encontre de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH,

CONDAMNE la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH à payer à la S.C.I. SCI FERISA la somme de 59.660,87 euros (CINQUANTE-NEUF MILLE SIX CENT SOIXANTE euros et QUATRE-VINGT-SEPT centimes) en règlement de l'arriéré d'indemnités d'occupation, de charges et de taxes locatives arrêté au 6 mai 2022, assortie des intérêts de retard au taux légal à compter du 17 septembre 2021 sur le montant de 40.663,75 euros et à compter du 30 mai 2022 sur le montant de 18.997,12 euros jusqu'à complet paiement,

DÉBOUTE la S.C.I. SCI FERISA de sa demande de paiement formée à l'encontre de Monsieur [I] [L] au titre de l'arriéré d'indemnités d'occupation, de charges et de taxes locatives arrêté au 6 mai 2022,

DÉBOUTE la S.C.I. SCI FERISA de sa demande reconventionnelle de paiement d'une indemnité d'occupation formée à l'encontre de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et de Monsieur [I] [L] au titre de la période postérieure au 6 mai 2022,

DÉBOUTE la S.C.I. SCI FERISA de sa demande reconventionnelle de dommages et intérêts formée à l'encontre de la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH et de Monsieur [I] [L] au titre de la résistance abusive,

DÉBOUTE la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de ses demandes subsidiaires de nouveaux délais de paiement et de suspension des effets de la clause résolutoire,

DÉBOUTE la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH de sa demande présentée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH à payer à la S.C.I. SCI FERISA la somme de 3.000 (TROIS MILLE) euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.S. LA ROUTE DU SANDWICH aux dépens,

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit à titre provisoire.

Fait et jugé à Paris le 30 Mai 2024

Le GreffierLe Président
Henriette DUROLucie FONTANELLA


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/00678
Date de la décision : 30/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 05/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-30;21.00678 ?
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