TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
18° chambre
1ère section
N° RG 20/00309
N° Portalis 352J-W-B7E-CRNQY
N° MINUTE : 1
conradictoire
Assignation du :
20 Décembre 2019
JUGEMENT
rendu le 30 Mai 2024
DEMANDERESSE
S.A.R.L. BOUCHERIE 2MD
[Adresse 1]
[Localité 4]
représentée par Me Christine ECHALIER DALIN, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0337
DÉFENDERESSE
S.C.I. DEVELOPPEMENT
[Adresse 2]
[Localité 3]
représentée par Me Paul BESSIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0424
Décision du 30 Mai 2024
18° chambre 1ère section
N° RG 20/00309 - N° Portalis 352J-W-B7E-CRNQY
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Madame Diana SANTOS CHAVES, Juge, statuant en juge unique,
assistée de Monsieur Christian GUINAND, Greffier principal,
DÉBATS
A l’audience du 26 Février 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats des parties que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 30 mai 2024.
JUGEMENT
Rendu par mise à disposition au greffe
Contradictoire
en premier ressort
Par acte sous seing privé en date du 17 décembre 2012, la SCI Développement a donné à bail à la SARL Boucherie 2 MD des locaux commerciaux situés [Adresse 2] à [Localité 4], pour une durée de neuf ans à compter du 13 novembre 2012, pour l’activité de boucherie, volaille, charcuterie, moyennant un loyer en principal de 27.000 euros par an.
Par courrier électronique du 13 février 2019, la bailleresse a autorisé la locataire à réaliser des travaux dans la boucherie.
Les travaux devaient débuter en mars 2019 mais à la suite d’un important dégât des eaux et d’un problème de structure de l’immeuble, le syndic de copropriété a fait poser en urgence des étais dans les lieux loués.
Par exploit en date du 5 avril 2019, la société Boucherie 2MD a assigné en référé la SCI Développement aux fins de l’autoriser à suspendre le règlement des loyers et charges afférents au local commercial à compter de mars 2019 jusqu’à la fin des travaux.
Par ordonnance du 25 septembre 2019, le juge des référés a rejeté les demandes de la société Boucherie 2MD, constatant que les étais avaient été retirés à la date de l’ordonnance.
Le 20 novembre 2019, la SCI Développement a mis en demeure la société Boucherie 2MD d’avoir à payer les loyers et charges de mars 2019 jusqu’au mois d’août 2019.
Par acte extrajudiciaire du 6 décembre 2019, la SCI Développement a fait délivrer à sa locataire un commandement de payer visant la clause résolutoire du bail pour un montant en principal de 15.000 euros au titre des arriérés de loyers.
Par exploit du 20 décembre 2019, la société Boucherie 2MD a fait assigner la SCI Développement devant le tribunal judiciaire de Paris en opposition au commandement de payer du 6 décembre 2019.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 4 octobre 2022, la société Boucherie 2MD demande au tribunal de :
- déclarer nul et de nul effet le commandement de payer du 6 décembre 2019,
A titre subsidiaire,
- dire et juger qu’elle a subi un préjudice de jouissance en ne pouvant jouir des locaux loués de mars à août 2019 correspondant à la somme de 15.000 euros,
- ordonner la compensation entre le préjudice subi et les loyers et charges réclamés,
- juger nul et non avenu le commandement de payer du 6 décembre 2019,
A titre infiniment subsidiaire,
- suspendre les effets de la clause résolutoire,
- accorder un mois de délai à compter de la signification du jugement, pour régler les sommes dues,
En tout état de cause,
- dire et juger que la clause figurant au bail n’est pas une clause d’indexation et ne s’applique pas automatiquement,
- débouter la SCI Développement de sa demande de condamnation à la somme de 1.686,84 euros au titre de l’indexation des loyers,
- débouter la SCI Développement de sa demande de condamnation à la somme de 23.015,04 euros au titre du remboursement de la quote part des travaux,
- prononcer la compensation entre la somme de 4.917,63 euros trop versée par la demanderesse au titre des charges et la somme de 1.823 euros qu’elle reconnait devoir au titre de la taxe foncière, et condamner la bailleresse à lui payer la somme de 3.094,63 euros,
- débouter la SCI Développement de toutes ses demandes,
- la condamner à lui verser la somme de 8.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens de l’instance.
Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 30 novembre 2022, la SCI Développement demande au tribunal de :
- débouter la Boucherie 2MD de ses demandes, fins, et conclusions,
A titre reconventionnel :
- condamner la Boucherie 2MD à lui verser les sommes suivantes :
- 15.000 euros au titre de l’arriéré de loyers impayés pour les mois de mars à août 2019.
- 7.502,64 euros au titre de l’indexation des loyers
- 1.823 euros au titre du remboursement du la taxe foncière (à parfaire)
- 23.015,04 euros au titre de la régularisation des charges et du remboursement de la quote-part des travaux,
- la condamner à lui verser la somme de 4.000 euros par application de l’article 700 du code de procédure civile,
- la condamner aux dépens.
Conformément aux dispositions de l’article 455 du code procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties visées ci-dessus pour un plus ample exposé des faits de la cause, des prétentions et des moyens.
L’ordonnance de clôture a été rendue le 19 janvier 2023. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l’audience du 26 février 2024 tenue à juge unique et mise en délibéré au 30 mai 2024, rendue par mise à disposition au greffe.
*
MOTIFS DU JUGEMENT
Il sera rappelé à titre liminaire qu’en application des dispositions de l’article 768 du code de procédure civile, le tribunal n’est saisi que des prétentions énoncées au dispositif et que les demandes des parties tendant à voir “dire et juger” ou “constater” ne constituent pas des prétentions au sens des dispositions de l’article 4 du code de procédure civile. Elles ne donneront donc pas lieu à mention au dispositif.
Sur la validité du commandement de payer du 6 décembre 2019
La société Boucherie 2MD soutient que la pose d’étais dans les locaux de la boucherie a totalement privé la société de la jouissance de ses locaux et de la possibilité de les exploiter pendant six mois ; que la clause de souffrance prévue au bail n’est pas applicable compte tenu de l’impossibilité totale de jouir des locaux pendant six mois, ce qui dépasse une gêne normale ; que cette clause ne permet pas de déroger totalement à l’obligation de délivrance de l’article 1719 du code civil ; qu’en l’absence de délivrance des locaux au preneur les loyers de la période ne sont pas dus et le commandement de payer est nul et non avenu.
La SCI Développement fait valoir que les travaux survenus résultent d’un important dégât des eaux dont la bailleresse n’est pas à l’origine, qui a engendré un problème de structure et que la copropriété a réagi rapidement ; qu’aucun manquement à l’obligation d’entretien ne peut être reproché au bailleur ; qu’en application de la clause de souffrance prévue au bail, la preneuse ne peut solliciter d’indemnité, ni de diminution du loyer en raison des travaux de réparation ; que la pose d’étais de sécurité et les travaux n’ont pas causé une gêne excessive à la boucherie dans la mesure où elle n’était pas exploitée ; que la clause de souffrance a été librement consentie et peut déroger à l’article 1719 du code civil qui n’est pas d’ordre public ; que la preneuse, qui n’exploitait pas son commerce depuis plus d’un an, n’établit pas l’impossibilité totale dans laquelle elle se trouvait de commencer les travaux projetés.
Aux termes de l’article 1724 du code civil, si, durant le bail, la chose louée a besoin de réparations urgentes et qui ne puissent être différées jusqu'à sa fin, le preneur doit les souffrir, quelque incommodité qu'elles lui causent, et quoiqu'il soit privé, pendant qu'elles se font, d'une partie de la chose louée. Mais, si ces réparations durent plus de vingt et un jours, le prix du bail sera diminué à proportion du temps et de la partie de la chose louée dont il aura été privé.
L’article 1719 du code civil oblige le bailleur à délivrer la chose louée au preneur, ce qui s’entend au sens strictement matériel de la mise à disposition de la chose louée, et à lui assurer une jouissance paisible des lieux loués, ce qui implique la mise à disposition d’un bien conforme à la destination contractuellement convenue par les parties. En application de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de son côté à payer le prix du bail aux termes convenus et il ne peut se prévaloir d'une exception d'inexécution, le déchargeant du paiement de tout loyer, que s'il établit une impossibilité d'exploiter le local.
Il est de principe que l’interdépendance des obligations réciproques résultant d’un contrat synallagmatique permet à l’une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l’autre n’exécute pas la sienne et que cette inexécution est d’une certaine gravité.
En l’espèce, le bail du 17 décembre 2012 stipule au point 9 de l’article « Conditions » que la société preneuse accepte de « Souffrir, sans pouvoir exiger en contrepartie aucune indemnité ni diminution de loyer, et quelles qu'en soient l’importance et la durée, tous les travaux de réparations qui pourraient devenir nécessaires dans les lieux loués ou dans l’immeuble dont ils dépendent, ainsi que dans les immeubles voisins et notamment tous travaux aux murs mitoyens et bouchements de jours de souffrance. Et aussi tous travaux d’améliorations ou de constructions nouvelles que le Propriétaire jugerait convenable de faire exécuter. Ainsi enfin que tous travaux qu’il serait obligé soit d'exécuter lui-même, soit de laisser exécuter en vertu de décisions de l'Assemblée 4 Générale des copropriétaires ou de prescriptions et/ou injonctions administratives ou encore en vertu de règlements municipaux, départementaux, régionaux, nationaux ou européens ».
Si l’article 1724 du code civil n’est pas d’ordre public et qu’il peut y être déroger par une stipulation contractuelle, la clause de souffrance prévoyant une exonération de responsabilité du bailleur ne peut avoir pour effet d’affranchir le bailleur de son obligation de délivrance.
En l’espèce, il est constant que d’importants travaux touchant à la structure de l’immeuble ont affecté le commerce de la demanderesse à compter de février 2019 et jusqu’à fin août 2019. Il est établi que les travaux réalisés sur décisions de l’assemblée générale des copropriétaires ont nécessité la pose d’étais dans le commerce de la société Boucherie 2MD. Il ressort du procès-verbal de constat en date du 26 février 2019, versé aux débats par la demanderesse, que deux étais ont été posés dans la boutique, soutenant le plafond et avec découpage du faux-plafond au droit des étais, et que quatre étais ont été posés dans la chambre froide pour soutenir le plafond avec découpage du faux plafond en périphérie.
Contrairement à ce que soutient la SCI Développement, il est suffisamment établi pas ce procès-verbal qu’aucune exploitation du local n’était possible avec la présence des étais. L’exploitation d’un commerce de boucherie était inenvisageable pour des raisons évidentes d’hygiène, et la société Boucherie 2MD qui avait prévu des travaux importants de réaménagement de son commerce au mois de mars 2019, comme en atteste le devis versé aux débats, travaux autorisés par le bailleur, ne pouvait débuter ces travaux avec la présence des étais et le faux plafond découpés.
Il résulte de ces éléments que la société Boucherie 2MD a été dans l’impossibilité totale d’utiliser son local pendant la période des travaux sur la structure de l’immeuble. Ce manquement à l’obligation de délivrance du bailleur a privé d’effet la clause de souffrance prévue au contrat et exonéré la société Boucherie 2MD de son obligation de paiement des loyers pendant la période de mars 2019 à août 2019, la suppression des étais étant établie au 29 août 2019 par un courrier électronique de l’architecte.
Le commandement de payer en date du 6 décembre 2019 qui vise des échéances de loyers qui n’étaient pas exigibles compte tenu de l’exception d’inexécution dont la société preneuse pouvait se prévaloir, sera déclaré nul et de nul effet.
La SCI Développement sera, en conséquence, déboutée de sa demande en paiement de la somme de 15.000 euros au titre d’arriérés de loyers.
La demande principale de la société Boucherie 2MD ayant été accueillie, il n’y a pas lieu de statuer sur sa demande subsidiaire de dommages et intérêts, ni sur sa demande infiniment subsidiaire de délais de paiement.
Sur les demandes en paiement de la SCI Développement
La SCI Développement forme des demandes en paiement au titre de la régularisation de l’indexation des loyers et des charges sur les cinq dernières années.
*Sur la demande en paiement au titre de la régularisation de l’indexation du loyer
La bailleresse soutient que la clause prévue au contrat est claire et prévoit expressément cette indexation en fonction d’un indice de référence ; qu’elle est bien fondée à solliciter la révision du loyer pour la période non prescrite en application de l’article 2224 du code civil.
La société Boucherie 2MD fait valoir que le bail ne prévoit pas une clause de révision annuelle automatique du loyer mais renvoie à la législation en vigueur qui prévoit dans l’article L. 145-38 du code de commerce la possibilité d’une révision triennale uniquement pour l’avenir. Elle expose que le bailleur n’a jamais demandé d’indexation du loyer avant la présente procédure.
Selon l’article 1156 dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, on doit dans les conventions rechercher quelle a été la commune intention des parties contractantes, plutôt que de s'arrêter au sens littéral des termes.
Selon l’article 1162 du code civil dans sa version applicable au litige, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé et en faveur de celui qui a contracté l'obligation.
En l’espèce, le bail du 17 décembre 2019 stipule dans un article « Révision annuelle et ajustement du loyer » que « A la date d’anniversaire annuelle du bail, le loyer sera révisé ou ajusté dans les formes et délais prévus par la législation en vigueur, ainsi plus globalement que de tous autres textes légaux intervenus et à intervenir. L’indice de référence que les parties conviennent de retenir est celui du troisième trimestre 2012 ».
Pour qu’une clause d’indexation soit valide, il est nécessaire qu’elle vise un indice d'indexation, une périodicité et un automatisme.
Contrairement à ce que soutient la société Boucherie 2MD, la clause insérée au contrat ne peut s’analyser en une clause renvoyant à la révision triennale prévue à l’article L. 145-38 du code de commerce dés lors que l’article est expressément intitulé « révision annuelle » et qu’il prévoit une révision « à la date anniversaire annuelle du bail ». Si le caractère automatique de la révision n’est pas expressément mentionné, il ressort de l’emploi du futur dans la phrase « le loyer sera révisé » un caractère automatique de cette révision. L’article définit également un indice de base pour calculer la révision.
Toutefois, si la clause prévoit la périodicité et l’automatisme de la révision, l’indice de référence n’est pas défini. Il ressort du tableau d’indices fourni par la SCI Développement au soutien de sa demande de régularisation qu’elle sollicite aujourd’hui l’indexation sur l’indice du coût de la construction des immeubles à usage d’habitation (ICC), toutefois, le choix de cet indice ne se déduit d’aucune stipulation contractuelle ni d’aucun usage entre les parties dés lors que l’indexation n’a jamais été appliquée.
Dans ces conditions, la clause d’indexation qui ne renvoie à aucun indice déterminé par les parties ne peut être considérée valide et la demande en paiement de la SCI Développement au titre de la régularisation de l’indexation sera rejetée.
*Sur la demande en paiement au titre de la régularisation des charges et taxes
La SCI Développement expose que le remboursement de la taxe foncière n’a pas été demandé au preneur, en contradiction avec les termes du contrat, ce qui représente une somme de 1.823 euros au titre des années 2015 à 2021. La société Boucherie 2MD ne conteste ni son obligation au titre de la taxe foncière, ni les montants demandés, de sorte qu’elle sera condamnée à payer à la bailleresse la somme de 1.823 euros.
La SCI Développement sollicite par ailleurs la régularisation des charges depuis 2015, laquelle entraine un solde créditeur au profit de la preneuse de 4.917,63 euros, au regard des provisions sur charges effectivement versées. La société Boucherie 2MD ne conteste pas la régularisation de charges en sa faveur de sorte que la bailleresse sera condamnée à lui restituer cette somme.
S’agissant des charges de travaux, la SCI Développement soutient qu’en application du point 9 alinéa 2 du bail, le preneur doit rembourser au bailleur sa quote-part des travaux effectués, s’ils l’ont été à ses frais avancés y compris ceux définis par les articles 605, 606 du code civil, ce qui représente une somme de 27.932,67 euros au titre des cinq dernières années. En réponse au preneur, elle expose que les travaux de ravalement et de reprise structurelle qui n’ont pas été rendus nécessaire par l’effet de la vétusté, mais par un dégât des eaux, doivent faire l’objet d’un remboursement par le preneur.
La société Boucherie 2 MD fait valoir que la clause mentionnée par la bailleresse est en contradiction avec une autre stipulation contractuelle qui prévoit que les travaux de l’article 606 du code civil restent à la charge du bailleur. Elle soutient que les appels de travaux fournis par le bailleur mentionnent des postes relatifs à des études ou diagnostics qui ne sont pas expressément visés dans le point 9 du contrat cité par le bailleur, de même que les travaux de ravalement, et que les travaux de reprise de structure sont liés à la vétusté laquelle n’est pas à la charge du preneur selon le bail, de sorte que les frais relatifs à ces différents postes ne peuvent être mis à sa charge.
Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version antérieure à l’ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 applicable au présent litige, devenu 1103 du code civil, les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.
Selon l’article 1161 du code civil dans sa version antérieure à l’ordonnance du 10 février 2016, toutes les clauses des conventions s'interprètent les unes par les autres, en donnant à chacune le sens qui résulte de l'acte entier.
Aux termes de l'article 1315 ancien du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.
En l’espèce, l’article « Conditions » du bail liant les parties contient les stipulations suivantes : le preneur s’engage à :
« 1°) De prendre les lieux loués dans l’état où ils se trouvent actuellement, sans pouvoir demander au Bailleur par dérogation aux articles 1719 et 1720 du Code civil, au cours de la location à quelque époque ou sous quelque prétexte que ce soit, aucune réparation petite ou grosse, ni travaux d’aucune sorte, y compris celles définis par l’article 606 du code civil, qui restent seuls à la charge du Bailleur ».
« 9°) […] Rembourser également au Bailleur sa quote-part des travaux ainsi effectués, s'ils l'ont été à ses frais avancés y compris ceux définis par les articles 605 et 606 du Code Civil, comme précédemment visé ».
Il ressort de l’économie générale du contrat que l’intention des parties a été de réaliser un transfert global de la charge des travaux sur le seul preneur. Si la rédaction du point 1° présente une contradiction dans sa formulation, l’ensemble du point 1° et du point 9° ne laissent pas de doute sur le transfert des travaux à la charge du preneur, y compris les réparations de l’article 606 du code civil et les réparations dues à la vétusté ou à l’usure.
S’agissant des travaux de ravalement, bien qu’ils ne soient pas expressément visés dans le bail, il résulte du point 9° du contrat que les parties ont entendu mettre à la charge du preneur les travaux concernant l’immeuble à hauteur de la quote-part du bailleur.
Il résulte de ces éléments que tant les travaux de ravalement que les travaux de reprise de structure peuvent être mis à la charge du preneur, peu importe qu’ils résultent de la vétusté ce qui n’est pas établi en l’espèce.
Pour justifier des sommes demandées, la SCI Développement produit des appels de provisions pour travaux établis par le syndic pour les années 2015 à 2019. Toutefois, excepté l’année 2015 et l’année 2018, la relation entre les sommes demandées et les justificatifs produits n’est pas établie, le tribunal n’étant pas en mesure de reconstituer les sommes demandées à partir de ces pièces. En outre, les justificatifs mentionnent tous qu’il s’agit de « provisions » pour les travaux de ravalement ou de reprise de structure. La SCI Développement ne produit pas les factures de travaux effectivement acquittées par la copropriété, ni le décompte final et la répartition selon la quote-part des copropriétaires qui aurait été établie par le syndic.
En l’état des justificatifs produits au soutien de sa demande en paiement, les sommes demandées au titre de la régularisation des charges pour travaux de la SCI Développement ne sont pas justifiées.
En conséquence, la société Boucherie 2MD sera condamnée à payer à la SCI Développement la somme de 1.823 euros au titre de la taxe foncière et la bailleresse sera condamnée à lui restituer la somme de 4.917,63 euros au titre des régularisations de charges de 2015 à 2020. La compensation jouera de plein droit entre les sommes dues réciproquement par les parties, à hauteur de la plus faible.
Sur les demandes accessoires
La SCI Développement qui succombe principalement à l’instance sera condamnée aux dépens.
Elle sera condamnée à payer à la société Boucherie 2MD la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande sur ce même fondement.
*
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant après débats en audience publique, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
Déclare nul et de nul effet le commandement de payer délivré par la SCI Développement à la SARL Boucherie 2MD par acte extrajudiciaire du 6 décembre 2019,
Déboute la SCI Développement de sa demande en paiement au titre d’arriérés de loyers de mars à août 2019, de la régularisation de l’indexation du loyer et de la régularisation de la quote-part des travaux,
Condamne la SARL Boucherie 2MD à payer à la SCI Développement la somme de 1.823 euros au titre de la taxe foncière,
Condamne la SCI Développement à restituer à la SARL Boucherie 2MD la somme de 4.917,63 euros au titre des régularisations de charges de 2015 à 2020,
Ordonne la compensation entre les sommes dues par chacune des parties, aux termes des condamnations prononcées par la présente décision, à hauteur de la plus faible,
Condamne la SCI Développement à payer à la SARL Boucherie 2MD la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
La déboute de sa demande sur ce même fondement,
Condamne la SCI Développement aux entiers dépens de l’instance,
Fait et jugé à Paris le 30 Mai 2024
Le GreffierLe Président
Christian GUINANDDiana SANTOS CHAVES