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28/05/2024 | FRANCE | N°22/09239

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 28 mai 2024, 22/09239


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème chambre civile

N° RG 22/09239

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Juillet 2022

CONDAMNE

MR




JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDEURS

Madame [M] [L]
[Adresse 4]
[Localité 16]

Monsieur [J] [G] [A]
[Adresse 5]
[Localité 15]

Madame [E] [G] [A]
[Adresse 7]
[Localité 11]

Monsieur [C] [G] [A]
[Adresse 1]
[Localité 13]

Monsieur [R] [W]
[Adresse 3]
[Localité 18] / PORTUGAL

Madame [H] [W]
[Adresse 6]
[Local

ité 17]

Monsieur [N] [G] [A]
[Adresse 1]
[Localité 13]

Monsieur [Z] [W]
[Adresse 9]
[Localité 16]

Agissant en qualité d’ayants droit de [O] [G] [A], décédé le [Date naissance 2] 2021

ET

E...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème chambre civile

N° RG 22/09239

N° MINUTE :

Assignation du :
25 Juillet 2022

CONDAMNE

MR

JUGEMENT
rendu le 28 Mai 2024
DEMANDEURS

Madame [M] [L]
[Adresse 4]
[Localité 16]

Monsieur [J] [G] [A]
[Adresse 5]
[Localité 15]

Madame [E] [G] [A]
[Adresse 7]
[Localité 11]

Monsieur [C] [G] [A]
[Adresse 1]
[Localité 13]

Monsieur [R] [W]
[Adresse 3]
[Localité 18] / PORTUGAL

Madame [H] [W]
[Adresse 6]
[Localité 17]

Monsieur [N] [G] [A]
[Adresse 1]
[Localité 13]

Monsieur [Z] [W]
[Adresse 9]
[Localité 16]

Agissant en qualité d’ayants droit de [O] [G] [A], décédé le [Date naissance 2] 2021

ET

Expéditions
exécutoires
délivrées le :
Madame [V] [G] [A]
[Adresse 8]
[Localité 12]
Décision du 28 Mai 2024
19ème chambre civile
RG 22/09239

Tous représentés par la SELARL NAKACHE PEREZ agissant par Maître Béatrice PEREZ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D1101

DÉFENDERESSE

L’AGENT JUDICIAIRE DE L’ETAT
[Adresse 10]
[Adresse 10]
[Localité 14]

Représenté par Me Fabienne DELECROIX, DELECROIX-GUBLIN SELARL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #R0229

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Pascal LE LUONG, Premier Vice-Président
Madame Géraldine CHARLES, Première Vice-Présidente adjointe
Monsieur Maurice RICHARD, Magistrat honoraire

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 19 Mars 2024 présidée par Monsieur [B] [I] tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 28 Mai 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Le 11 avril 2021 à [Localité 19], M. [O] [G] [A] a été victime d’un accident mortel de la circulation dans lequel est impliqué une motocyclette du Ministère de l’intérieur conduit par M. [S] dont M. [O] [G] [A] était le passager arrière. Cette motocyclette a glissé au niveau de la bretelle de l’autoroute A6b, la victime a été éjectée sur la voie de gauche et percutée par un véhicule BMW. L’Agent Judiciaire de l’ Etat ne conteste pas le droit à indemnisation de M. [O] [G] [A] et de ses ayants droit. Il a versé une provision de 15 000€ chacun aux parents de la victime au mois de décembre 2021, mais aucun accord définitif n’a été trouvé en ce qui concerne leur indemnisation définitive, ainsi que celle des frères et soeurs du défunt.

Par acte en date du 25 juillet 2022 suivi de conclusions récapitulatives signifiées le 11 décembre 2023, auxquelles il est expressément référé conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Mme [M] [L] et M. [J] [G] [A], parents de la victime, Mme [E] [G] [A], M. [C] [G] [A], M. [R] [W], Mme [H] [W], M. [N] [G] [A], M. [Z] [W], frères et demi frères, soeurs et demi soeurs de la victime, et Mme [V] [G] [A], marraine de la victime, demandent au tribunal de :

“ CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à réparer l’entier préjudice des consorts [G] [A], [L] et [W] suite à l’accident mortel de la circulation dont a été victime [O] [G] [A] le 11 avril 2021,

- REJETER la demande de sursis à statuer formée par l’Agent Judiciaire de l’Etat
- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer aux ayants droits d’[O] [G] [A] les sommes suivantes :
o 20.000 € en réparation des souffrances endurées par ce dernier avant son décès
o 20.000 € en réparation du préjudice d’angoisse de mort imminente
o 1.384,57 € en remboursement des frais de Notaire
o 10.160,18 € en remboursement des frais funéraires

- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer à Madame [M] [L] les sommes suivantes :
o 21.765,36 € au titre de son préjudice matériel
o 153.913 € au titre de son préjudice économique

- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer à Monsieur [R] [W] la somme de 495,82 € en réparation de son préjudice matériel

- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer, en réparation du préjudice d’affection des proches d’[O] [G] [A], les sommes suivantes :

o 100.000 € à Madame [M] [L], sa mère
o 100.000 € à Monsieur [J] [G] [A], son père
o 20.000 € à Madame [E] [G] [A], sa sœur
o 20.000 € à Monsieur [C] [G] [A], son frère
o 20.000 € à Monsieur [R] [G] [A], son frère
o 20.000 € à Madame [H] [W], sa sœur
o 20.000 € à Monsieur [N] [G] [A], son frère
o 20 .000 € à Monsieur [Z] [G] [A], son frère
o 10.000 € à Madame [V] [G] [A], sa marraine

Vu l’offre insuffisante et incomplète :

- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer aux ayants droits d’[O] [G] [A] la somme de 10.000 € à titre de dommages et intérêts,

Et, en tout état de cause :

- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat à payer, au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile, les sommes suivantes :

o 2.000 € à Madame [M] [L], sa mère
o 2.000 € à Monsieur [J] [G] [A], son père
o 1.000 € à Madame [E] [G] [A], sa sœur
o 1.000 € à Monsieur [C] [G] [A], son frère
o 1.000 € à Monsieur [R] [G] [A], son frère
o 1.000 € à Madame [H] [W], sa sœur
o 1.000 € à Monsieur [N] [G] [A], son frère
o 1.000 € à Monsieur [Z] [G] [A], son frère
o 1.000 € à Madame [V] [G] [A], sa marraine

- CONDAMNER l’Agent Judiciaire de l’Etat en tous les dépens, y compris l’intégralité des droits proportionnels de recouvrement ou d’encaissement,

Vu le caractère indemnitaire de la créance :

- DIRE n’y avoir lieu à écarter l’exécution provisoire de la décision à intervenir.

Par conclusions récapitulatives signifiées le 17 janvier 2024, auxquelles il est expressément référé conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’Agent Judiciaire de l’ Etat demande au tribunal de :

“ - FIXER le montant de l’indemnité au titre des souffrances endurées à la somme de 7.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre de la prise en charge des frais funéraires à la somme de 5.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre des frais de déplacement de Monsieur [R] [W] à la somme de 183 euros
- SURSEOIR A STATUER sur la demande d’indemnité au titre de la perte de revenus de Madame [M] [L] dans l’attente de la production des débours définitifs de la caisse de sécurité sociale
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Madame [M] [U] à la somme de 25.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Monsieur [J] [G] [A] à la somme de 25.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Madame [E] [G] [A] à la somme de 8.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Monsieur [C] [G] [A] à la somme de 8.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Monsieur [R] [G] [A] à la somme de 8.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Madame [H] [W] à la somme de 8.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Monsieur [N] [G] [A] à la somme de 8.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Monsieur [Z] [G] [A] à la somme de 8.000 euros
- FIXER le montant de l’indemnité au titre du préjudice d’affection de Madame [V] [G] [A] à la somme de 3.000 euros
- DEDUIRE les provisions d’un montant de 15.000 euros chacune versées à Monsieur [J] [G] [A] et à Madame [M] [L] de l’indemnisation qui leur sera allouée
- DEBOUTER les demandeurs du surplus de leurs demandes
- RAMENER à de plus justes proportions la somme sollicitée au titre de l’article 700 du code de procédure civile “

DEMANDES
OFFRES
préjudices de M. [O] [G] [A]:
* souffrances endurées:
* préjudice d’angoisse de mort:

20 000€
20 000€

7000€
rejet
*frais funéraires:
*frais notariés:
10 160,18€
1384,57€
5000€
rejet
Mme [M] [L]:
* préjudice matériel:
* préjudice économique:

21 765,36€
153 913€

rejet
sursis à statuer
préjudices d’affection:
* Mme [M] [L]:
* M. [J] [G] [A]:
* Mme [E] [G] [A]:
* M. [C] [G] [A]:
* M. [R] [G] [A]:
* Mme [H] [W]:
* M. [N] [G] [A]:
* M. [Z] [G] [A]:
* Mme [V] [G] [A]:

100 000€
100 000€

20 000€
20 000€
20 000€
20 000€

20 000€
20 000€

10 000€

25 000€
25 000€

8000€
8000€
8000€
8000€

8000€
8000€

3000€
dommages intérêts pour offre insuffisante:
10 000€
rejet
article 700 du code de procédure civile:
2000 € pour chaque parent + 1000€ chacun pour les autres requérants

réduction

L’ordonnance de clôture a été rendue le 22 janvier 2024, l’affaire a été plaidée le 19 mars 2024 et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur le droit à indemnisation

La loi du 5 juillet 1985 dispose notamment, que lorsque plusieurs véhicules terrestres à moteur sont impliqués dans un accident de la circulation, chaque conducteur a droit à l’indemnisation des dommages qu’il a subis, directement ou par ricochet, sauf s’il a commis une faute ayant contribué à la réalisation de son préjudice, une telle faute ayant pour effet de limiter ou d’exclure l’indemnisation des dommages.

L’Agent Judiciaire de l’ Etat, qui ne conteste le droit à indemnisation de M. [O] [G] [A] sera tenu de réparer son entier préjudice ainsi que celui des victimes par ricochet.

Sur les préjudices revenant à la succession

Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, à la dignité et à l’intimité, des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

Il résulte du certificat médical initial que M. [O] [G] [A] a gravement été blessé avec notamment une fracture fémorale droite déplacée, de suspicions de fracture de la clavicule gauche et de la scapula gauche, de la rate, du rein droit, un hémothorax gauche et un hémopéritoine. Il a été pris en charge à 10h58 et il est décédé à 12h20. Ces souffrances peuvent être qualifiées d’importantes et seront réparées à hauteur de la somme de 20 000€.

Préjudice d’angoisse de mort imminente

L’angoisse liée à une situation provoquant chez la victime, pendant le cours de l’événement, une très grande détresse et une angoisse dues à la conscience d’être confrontée à la mort caractérise une souffrance psychique spécifique. Les requérants affirment que M. [O] [G] [A] a vu venir sa fin inéluctable car il a eu conscience de la gravité de ses lésions et de sa mort certaine. L’Agent Judiciaire de l’ Etat affirme au contraire qu’aucun élément ne permet de dire qu’il aurait été conscient après l’accident et eu un état de conscience suffisant pour envisager sa propre mort. Il a été décrit ci dessus la gravité des blessures constatées sur M. [O] [G] [A] après qu’il ait été percuté par un véhicule venant en sens inverse. L’accident s’est produit à 10H58 et son décès à l’hôpital [Localité 21] a été constaté à 12H20. Il n’est donc pas possible de retenir comme établi un préjudice d’angoisse de mort et la demande sera rejetée.

Sur les préjudices d’affection

M. [O] [G] [A] était âgé de 25 ans au moment de son décès. Il était le seul enfant commun de Mme [M] [L] et de M. [J] [G] [A], chacun ayant des enfants d’autres unions. Il résulte des pièces produites (n° 42 - 45) que M. [O] [G] [A] était un jeune homme brillant, membre de la brigade des sapeurs pompiers de [Localité 20], mais également sapeur pompier volontaire dans les Yvelines et bénévole au sein de la croix Rouge. Les attestations produites par ses parents, ses frères et soeurs et sa marraine témoignent amplement de la peine qu’ils ressentent après avoir perdu un être qui leur était très cher et dont les qualités humaines étaient reconnues par tous. Dès lors le tribunal indemnise comme suit les requérants :

Préjudices d’affection :
* Mme [M] [L]:

* M. [J] [G] [A]:

* Mme [E] [G] [A]:

* M. [C] [G] [A]:

* M. [R] [W]:

* Mme [H] [W]:

* M. [N] [G] [A]:

* M. [Z] [W]:

* Mme [V] [G] [A]:

30 000€

30 000€

8000€

8000€

8000€

8000€

8000€

8000€

3000€

Sur les préjudices matériels

Les ayants droits de M. [O] [G] [A] sollicitent le paiement de la somme de 1384,57€ au titre des frais de notaire et celle de 10 160,18€ en remboursement des frais funéraires.
S’agissant des frais de notaires le compte de succession produit ne permet pas d’identifier la somme réclamée, mais uniquement celle de 752,95€ dont le détail est indiqué en page 3 du compte notarié. La somme de 752,95€ sera donc retenue.
En ce qui concerne les frais d’obsèques il est demandé la somme de 8551,78€, plus celle de 1208,47€ de frais de gravure. L’Agent Judiciaire de l’ Etat offre la somme de 5000€, conforme aux frais moyens d’inhumation, le surplus étant somptuaire. Il fait référence au véhicule d’accompagnement (346,40€), à la présence d’un second maître de cérémonie (461,62€), au rechampissage des gravures précédentes (788,47€), à la participation aux frais de la paroisse (400€) et aux frais de fleurissement pendant un an (920€). Les requérants contestent toute forfaitisation de ces frais, lesquels doivent être appréciés in concreto. Ils font valoir qu’il est normal qu’ils aient rendu hommage à la jeune victime. Ils précisent que les deux maitres de cérémonie s’expliquent par le nombre important de personnes aux obsèques, que le véhicule d’accompagnement avec chauffeur se justifie par l’état de choc dans lequel se trouvaient les parents et par l’état de santé de M. [G] [A], que la participation aux frais de cérémonie religieuse ne peut être qualifiée de somptuaire et que le rechampissage des gravures du caveau a été la conséquence du décès. Ils produisent une lettre de la CNMSS qui précise qu’elle ne prend pas en charge les frais d’obsèques. Ceci exposé la facture produite fait apparaître un coût total HT de 5162,36€, soit 8551,78€ TTC, plus 1208,47€ de rechampissage des gravures précédentes. Cette facture ne comporte aucun frais de fleurissement permanent. Dans ces conditions, si les frais de rechampissage des gravures ne peuvent être mis à la charge de L’Agent Judiciaire de l’ Etat, les autres frais ne peuvent pas être qualifiés de somptuaires et sont conformes au contexte du deuil. Il sera donc retenu la somme de 8551,78€.
Il est également réclamé par Mme [L] la somme de 21 765,36€ correspondant au fleurissement annuel et viager de la tombe de son fils (900€ x 22,658). L’Agent Judiciaire de l’ Etat s’oppose à cette demande qui correspond davantage à un contrat d’entretien et d’ornement de la sépulture qui est détaché de la cérémonie funéraire. Il observe également que la somme de 920€ apparaît dans le passif de la succession au profit de Mme [L]. En tout état de cause de tels frais, réclamés à titre viager, ne peuvent être mis à la charge de L’Agent Judiciaire de l’ Etat car, bien que compréhensibles, ils ne peuvent être considérés comme étant en lien direct avec l’accident. Cette demande sera rejetée.
Enfin, M. [R] [W] réclame la somme de 495,82€ qui correspond à sa venue en France (en provenance du Portugal) dans les suites de l’accident mortel de son frère. L’Agent Judiciaire de l’ Etat offre la somme de 183€ qui correspond aux deux voyages effectués les 11 et 22 avril 2021, l’accident s’étant produit le même mois. Cependant le requérant explique que sa mère était anéantie et qu’il s’est également déplacé au mois de septembre 2021 (8,9, 17 et 19 septembre) pour la soutenir, ainsi que les autres membres de la famille. Ces explications conduisent à faire droit à la demande en totalité.

Sur le préjudice économique de Mme [L]

Cette dernière évalue ses pertes de revenus à la somme de 153 913€ entre le 1er avril 2021 et le 1er décembre 2023 du fait du décès de son fils. Elle explique qu’elle exerce la profession de réalisatrice et rédactrice en chef pour des chaines de télévision et elle précise qu’en qualité d’intermittente du spectacle elle était embauchée sous CDD. Elle indique qu’à la suite de son deuil elle a dû subir un lourd traitement antidépresseur qui l’a empêché de reprendre toute activité. Ses avis d’imposition mentionnent 60 114€ de revenus en 2018 et 56 923€ en 2019, soit une moyenne mensuelle de 4719€ puis une baisse en 2020 du fait de la pandémie. Elle indique alors que la reprise s’est faite progressivement et qu’elle a signé le 31 mars 2021 une promesse d’embauche avec la société JIM PRO pour un poste de directrice de casting du 19 avril au 30 juillet, moyennant un salaire brut de 250€ par jour, contrat qu’elle n’a évidemment pas pu honorer. Elle ajoute qu’elle n’a pu honorer qu’un seul contrat pour l’émission “chroniques criminelles” du 19 juillet au 16 septembre 2022. Elle précise qu’elle ne perçoit plus que les indemnités pôle emploi à raison de 1765,74€ par mois. Elle évalue comme suit son préjudice au 1er décembre 2023 ( elle est alors âgée de 65 ans) :
4719€ x 33 mois = 155 727€
155 727€ - 1814€ ( écriture de l’émission “chroniques criminelles” )
= 153 913€.

Selon L’Agent Judiciaire de l’ Etat l’affirmation de la requérante selon laquelle ses troubles psychologiques après la mort de son fils l’ont empêchés de retrouver un emploi est contradictoire avec le fait qu’elle perçoit les ARE jusqu’au 30 novembre 2023, ce qui suppose qu’elle est apte à rechercher un emploi, ce qui ne serait pas le cas si elle présentait, comme elle l’affirme, une inaptitude en raison d’une invalidité, laquelle lui ouvrirait droit au versement d’une pension d’invalidité. Par ailleurs il note qu’au jour de l’accident elle était sans emploi et que sa situation actuelle ne saurait donc être imputée à l’accident et qu’au surplus elle ne justifie pas de l’intégralité de sa situation actuelle. Il observe enfin que les tiers payeurs n’ont pas produit leurs créances et que la mutuelle des sapeurs pompiers prévoit le versement d’un capital en cas de décès. A titre subsidiaire il offre la somme de 19 312,50€ en se fondant sur la dernière promesse d’embauche, soit 250€ brut et 187,50€ net par jour, soit : 103 jours x 187,50€ = 19 312,50€.

En premier lieu il n’est pas contesté par L’Agent Judiciaire de l’ Etat que Mme [L] s’est évidemment trouvée dans l’incapacité d’honorer la promesse d’embauche en date du 31 mars 2021 avec la société JM PRODUCTIONS sur un poste de directrice de casting du 19 avril au 30 juillet 2021, moyennant une rémunération brute de 250€ par jour, soit 197,50€ net. Dès lors il lui sera alloué la somme de 14 342,50€ ( 197,50€ x 103 jours - 6000€ de capital décès perçus de la mutuelle des pompiers de [Localité 20] ). Pour le reste Mme [L] fait valoir des certificats médicaux du docteur [X], psychiatre, en date des 25 juin 2021 et 16 février 2022, lesquels font état de symptômes sévères liés à un deuil traumatique, incompatibles avec une reprise du travail. Le tribunal constate cependant que la requérante n’a jamais été en arrêt maladie et il résulte des pièces produites qu’elle a perçu l’aide au retour à l’emploi jusqu’au 31 décembre 2021 (soit 15 821,28€), et qu’elle pouvait prétendre à percevoir cette prestation jusqu’au 30 novembre 2023, date de son départ à la retraite, comme étant inscrite sur la liste des demandeurs d’emploi. Par ailleurs elle ne produit pas ses avis d’imposition au titre des années 2021 et 2022 et elle justifie uniquement de la perception de 1814€ de droits d’auteur pour les mois de juillet et septembre 2022 pour l’émission “ chroniques criminelles”. La requérante ne justifie donc pas de son préjudice économique, tel qu’elle le calcule puisque d’une part elle n’a jamais été en arrêt maladie et que d’autre part elle ne justifie pas de ses revenus pour les années 2021 et 2022. Il lui sera donc alloué la somme de 14 342,50€.

Sur la demande au titre de l’offre insuffisante

Sur le fondement des dispositions de l’article L211-14 du code des assurances il est sollicité par les ayants droits de la victime la somme de 10 000€ à titre de dommages intérêts au motif que l’offre de L’Agent Judiciaire de l’ Etat est manifestement insuffisante. Cependant au regard de la décision rendue par le tribunal cette offre ne peut être qualifiée ainsi et la demande sera donc rejetée.

Sur les demandes accessoires

L’Agent Judiciaire de l’ Etat, qui succombe en la présente instance, sera condamné aux dépens. En outre, il devra supporter les frais irrépétibles engagés par les requérants dans la présente instance et que l’équité commande de fixer à la somme globale de 3000€.

Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation des consorts [G] [A]- [W] est entier ;

CONDAMNE L’Agent Judiciaire de l’ Etat à payer aux consorts [G] [A] [W] les sommes suivantes, ces sommes avec intérêts au taux légal compter de ce jour :
Aux ayants droits de M. [O] [G] [A] :
- la somme de 20 000€ au titre des souffrances endurées ;
- la somme de 8551,78€ au titre des frais funéraires ;
- la somme de 752,95€ au titre des frais notariés ;
- la somme de 30 000€ chacun à Mme [M] [L] et M. [J] [G] [A], celle de 8000€ chacun à Mme [E] [G] [A], M. [C] [G] [A], M. [R] [W], Mme [H] [W], M. [N] [G] [A], M. [Z] [W], et celle de 3000€ à Mme [V] [G] [A] au titre de leur préjudice d’affection ;
- la somme de 14 342,50€ à Mme [M] [L] au titre de son préjudice économique ;
- la somme de 495,82€ à M. [R] [W] au titre de son préjudice matériel ;

REJETTE les demandes au titre du préjudice d’angoisse, au titre du préjudice matériel de Mme [L], et au titre de dommages et intérêts ;

CONDAMNE L’Agent Judiciaire de l’ Etat aux dépens et à payer aux requérants la somme globale de 3000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, cette somme avec intérêts au taux légal à compter de ce jour ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire du présent jugement est de droit ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires;

Fait et jugé à Paris le 28 Mai 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTPascal LE LUONG


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 22/09239
Date de la décision : 28/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 03/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-28;22.09239 ?
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