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27/05/2024 | FRANCE | N°22/06230

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 27 mai 2024, 22/06230


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/06230

N° MINUTE :

Assignation du :
17 Mai 2022

CONDAMNE

ON





JUGEMENT
rendu le 27 Mai 2024



DEMANDERESSE

Madame [O] [X]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représentée par Maître Olivia AMBAULT-SCHLEICHER de la SCP VELIOT FENET-GARDE AMBAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0222

DÉFENDEURS

Monsieur [H] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]

ET

LA MEDICALE
[Adresse 2]
[Localité 4]<

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Représentés par Maître Stéphane GAILLARD de la SELAS GTA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2100

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE
[Localité 5]

Non représentée
...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/06230

N° MINUTE :

Assignation du :
17 Mai 2022

CONDAMNE

ON

JUGEMENT
rendu le 27 Mai 2024

DEMANDERESSE

Madame [O] [X]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représentée par Maître Olivia AMBAULT-SCHLEICHER de la SCP VELIOT FENET-GARDE AMBAULT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0222

DÉFENDEURS

Monsieur [H] [Z]
[Adresse 3]
[Localité 6]

ET

LA MEDICALE
[Adresse 2]
[Localité 4]

Représentés par Maître Stéphane GAILLARD de la SELAS GTA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C2100

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE
[Localité 5]

Non représentée

Expéditions
exécutoires
délivrées le :

Décision du 27 Mai 2024
19ème contentieux médical
RG 22/06230

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Géraldine CHABONAT, Juge

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 18 Mars 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Olivier NOËL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 18 avril 2016, Madame [X] a consulté le Docteur [Z], chirurgien-dentiste, pour une dent douloureuse dans le secteur maxillaire droit. Le Docteur [Z] a effectué un examen clinique par un test au froid négatif ainsi qu’un test de percussion axiale et latérale sur les dents 13, 14, 15 et 16.
Ces tests ont permis d’établir le diagnostic d’un début d’infection à la suite d’une nécrose, avec parodontite apicale au niveau de la dent 14.
Le Docteur [Z] a donc appliqué du Pulparthrol cavit, un sédatif d’attente avant exérèse pulpaire et a recouvert la dent d’un pansement provisoire avant de prescrire des antalgiques à Madame [X].
Le Docteur [Z] a réalisé un traitement de la racine de la dent 14 le 2 mai 2016. Durant l’intervention, il a observé un saignement et a immédiatement réalisé une radiographie afin d’en connaître la cause. La radiographie ayant objectivé une fausse route, le Docteur [Z] a effectué une obturation à la gutta. En fin de consultation, il a informé Madame [X] des complications survenues durant l’intervention et a noté dans la fiche clinique « Fausse route, patient prévenu ».
Madame [X] a consulté à nouveau le Docteur [Z] le 24 mai 2016 et lui a indiqué qu’elle souhaitait poursuivre sa prise en charge auprès d’autres praticiens. Le Docteur [Z] lui a alors fourni l’adresse d’un centre DENTEGO aux fins de poser une couronne et n’a plus eu de contact avec Madame [X].

Le Docteur [N] [Y], chirurgien-dentiste désigné comme expert judiciaire, a considéré aux termes de son rapport définitif déposé le 20 décembre 2019, que : « Il n’est pas mis en doute la nécessité médicale de l’acte réalisé », par le Docteur [Z] et « La performation de la racine lors du traitement de racine n’est pas conforme aux données acquises de la science. Cet élément est de nature à engager la responsabilité du praticien ».
Concernant le Docteur [M], le Docteur [Y] a considéré que l’ensemble des traitements qu’il avait réalisés étaient justifiés et n’a retenu aucun manquement à son encontre.
Enfin, l’Expert a fixé les préjudices en lien avec le manquement retenu à l’encontre du Docteur [Z] comme suit :
- Consolidation acquise au 17/09/18
- Dépenses de santé actuelles (DSA) : 1458€
- Déficit fonctionnel temporaire : 1% du 22/12/16 au 17/09/18
- Souffrances endurées (SE) : 1.5/7 en tenant compte de la souffrance psychologique
- Préjudice sexuel allégué dont il faudra tenir compte.

Au vu de ce rapport, par acte du 17 mai 2022 assignant Monsieur [H] [Z], son assureur la SA LA MEDICALE et la CPAM du VAL DE MARNE suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 12 Mai 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, Madame [O] [X] demande au Tribunal de :
- Débouter le Docteur [Z] et son assureur de l’ensemble de leurs moyens fins et conclusions ;
- Condamner in solidum le Docteur [Z] et son assureur, LA MEDICALE, à payer les sommes suivantes à Madame [O] [X] :
Dépenses de santé actuelles : 4.148,48 €
Déficit fonctionnel temporaire : 1.580,75 €
Souffrances endurées : 5.000 €
Préjudice sexuel : 5.000 €
Honoraires d’assistance du médecin conseil : 1.797,50 €
- Condamner in solidum le Docteur [Z] et son assureur, LA MEDICALE, à payer à Madame [O] [X] la somme de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile; - Ordonner l’exécution provisoire ;
- Condamner in solidum le Docteur [Z] et son assureur, LA MEDICALE aux entiers dépens dont distraction pourra être opérée au profit de Me Olivia AMBAULT, Membre de la SCP VELIOT FENET GARDE AMBAULT.

***

Par dernières conclusions régulièrement notifiées par voie électronique le 2 mars 2023, le Docteur [H] [Z] et la MEDICALE, en sa qualité d’assureur responsabilité civile professionnelle, demandent au Tribunal de :

RECEVOIR les concluants en les présentes conclusions et les y déclarer bien fondés,
Constatant que la responsabilité du Docteur [Z] n’est pas contestée et que les concluants acceptent d’indemniser Madame [X] des préjudices imputables à la perte de la dent 14 tels que cotés par l’Expert [Y], à l’exception du préjudice sexuel,
DEBOUTER Madame [X] de ses prétentions indemnitaires ;
DECLARER satisfactoires les offres d’indemnisation telles que formulées au sein des présentes et récapitulées comme suit :
- dépenses de santé actuelles : 1.336,23 €
- déficit fonctionnel temporaire : 158,75 €
- souffrances endurées évaluées à 1,5/7 : 1.800 €
REJETER toutes demandes plus amples ou contraires aux offres présentées au sein des présentes conclusions,
REJETER la demande de Madame [X] formée à hauteur de 2.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile,
DIRE qu’il n’y a pas lieu de prononcer l’exécution provisoire.
STATUER ce que de droit sur les dépens.

La CPAM du VAL DE MARNE n'a pas constitué avocat. Le jugement lui sera déclaré commun.

La clôture est intervenue par ordonnance du Juge de la mise en état du 25 septembre 2023, l’affaire a été évoquée à l’audience du 18 mars 2024 et mise en délibéré au 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

SUR L'EXPERTISE

Les parties s’accordent sur le fait que la responsabilité du Docteur [Z] est engagée et qu’il doit entière réparation à Madame [X], son assureur accepte de la garantir.

Les parties ne contestent pas la qualité de l’expertise réalisée et ses résultats.

I/ Préjudices patrimoniaux

A/ Préjudices patrimoniaux temporaires

1) Dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.

Madame [X] soutient que la somme qui lui serait due n’est pas celle de 1.336,23 € offerte par ses adversaires ni celle de 1.458 retenue par l’expert mais celle de 4.148,48 €.

Le Tribunal constatera que les parties, lorsque l’expert a donné ses conclusions, n’ont pas cru devoir le contacter par un dire afin de faire retenir la solution sollicitée à l’audience. En conséquence, le Tribunal, qui n’a pas vocation à se substituer à l’homme de l’art, retiendra le montant fixé par l’expert, soit 1.448 € déduction étant faite des remboursements obtenus.

2) Frais divers (honoraires d'assistance par un médecin conseil)

Ce sont les frais autres que les frais médicaux restés à la charge de la victime et justifiés par les pièces produites aux débats.
Peu important que l'assistance par un médecin conseil soit un choix de la victime, cette dernière peut prétendre au remboursement des frais engendrés par l'exercice de ce droit et qu'elle n'aurait pas eu à supporter si le dommage ne s'était pas produit.

La demanderesse affirme qu’elle a parfaitement justifié le paiement des frais de dentiste conseil qui ont été les siens par la production de factures en pièce n°6. Or, cette pièce n’est pas une facture de 1.797,50 € émanant du dentiste/médecin qui l’aurait accompagné, mais une facture de 480 € émanant de son propre avocat.

Un tel élément ne démontrant pas la réalité des frais allégués, cette demande sera rejetée.

3) Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L’expert indique un taux de Déficit fonctionnel temporaire surprenant, car rarement retenu, puisque de 1% du 22/12/16 au 17/09/18.
Il convient de constater que ce taux ne résulte aucunement d’une erreur, ce que n’aurait pas manqué de corriger un dire utile, mais d’une appréciation expresse de l’expert qui a repris cette mention à au moins deux reprises : pages 37 et 38 de son rapport.

Sur la base d’une indemnisation de 25 € par jour pour un déficit total, compte tenu de la nature des blessures, les troubles dans les conditions d'existence subis par Madame [X] jusqu'à la consolidation, justifient l'octroi d'une somme de :
(635 jours x 25 €) x 1/100 = 158,75 €.

4) Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, la dignité et l’intimité et des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.

L’expert a retenu une cotation de ce chef de préjudice à hauteur de 1,5/7. Les témoignages produits par la demanderesse afin de parvenir à une majoration de cette cotation ne sont pas sérieux car émanant d’amis qui ne peuvent que rapporter ce que la demanderesse leur a confié de son état.

L’indemnisation sera en conséquence fixée à 3.000 € conformément à la jurisprudence de ce Tribunal.

5) Préjudice sexuel

Ce poste de préjudice à vocation à indemniser :
-un préjudice morphologique lié à l'atteinte aux organes sexuels résultant du dommage subi,
-un préjudice lié à l'acte sexuel lui-même qui repose sur la perte du plaisir lié à l'accomplissement de l'acte sexuel ( perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel , perte de la capacité à accéder au plaisir),
-un préjudice lié à une impossibilité ou difficulté à procréer.

C’est péremptoirement que Madame [X] affirme que sa vie sexuelle se serait arrêtée pendant deux ans à raison de l’extraction de cette dent qu’elle présente comme une amputation. Elle s’estime ainsi fondée à demander en réparation une somme de 5.000 €, ce à quoi s’opposent les défendeurs.

Bien évidemment, et comme il est de coutume en l’espèce, ce chef de préjudice, évoquant une perte de libido, est purement déclaratif.
Il sera rappelé que la dent 14 est la première prémolaire supérieure droite.
Néanmoins l’excès de ce type de déclarations nuit à leur crédibilité et il sera constaté que l’existence de ce chef de préjudice n’est aucunement démontrée et que ces propos apparaissent fort peu crédibles.

En conséquence, cette demande sera rejetée.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

Il convient de condamner le docteur [H] [Z] et son assureur, parties perdantes du procès, aux dépens et à payer à la demanderesse sur le fondement des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, une somme qu’il apparaît équitable de fixer à 500 €.

Rien ne justifie d'écarter l'exécution provisoire dont la présente décision bénéficie de droit, conformément aux dispositions des articles 514 et 514-1 du code de procédure civile, s'agissant en effet d'une instance introduite après le 1er janvier 2020.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DECLARE le docteur [H] [Z] responsable des conséquences dommageables de l'intervention dentaire subie par Madame [O] [X], en avril/mai 2016 ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [Z] et son assureur la SA LA MEDICALE à réparer l'intégralité du préjudice subi ;

CONDAMNE en conséquence in solidum Monsieur [H] [Z] et son assureur la SA LA MEDICALE à payer à Madame [O] [X] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel, en quittances ou deniers, provisions non déduites :
- Dépenses de santé actuelles : 1.448 €
- Déficit fonctionnel temporaire : 158,75 €
- Souffrances endurées : 3.000 € ;

DEBOUTE Madame [O] [G] ses demandes au titre des frais divers (frais de médecin conseil) et du préjudice sexuel ;

DECLARE le présent jugement commun à la CPAM du VAL DE MARNE ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [Z] et son assureur la SA LA MEDICALE à payer à Madame [O] [X] la somme de 500 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum Monsieur [H] [Z] et son assureur la SA LA MEDICALE aux dépens ;

DIT que les avocats en la cause en ayant fait la demande, pourront, chacun en ce qui le concerne, recouvrer sur la partie condamnée ceux des dépens dont ils auraient fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du Code de procédure civile ;

RAPPELLE que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit ;

REJETTE le surplus des demandes, plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 27 Mai 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTOlivier NOËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 22/06230
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;22.06230 ?
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