La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

27/05/2024 | FRANCE | N°22/03717

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 27 mai 2024, 22/03717


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/03717

N° MINUTE :

Assignations des :
- 08 et 09 Février 2022
- 08 Mars 2022

CONDAMNE

PLL





JUGEMENT
rendu le 27 Mai 2024
DEMANDEURS

Monsieur [K] [U]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Madame [F] [C] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 8]

ET

Monsieur [V] [U]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentés par Maître Dominique DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0363

DÉFENDEURS

La

S.A.S. [12]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentée par Maître Christine LIMONTA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0026

Monsieur [I] [N]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]

ET

Monsieu...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 22/03717

N° MINUTE :

Assignations des :
- 08 et 09 Février 2022
- 08 Mars 2022

CONDAMNE

PLL

JUGEMENT
rendu le 27 Mai 2024
DEMANDEURS

Monsieur [K] [U]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Madame [F] [C] épouse [U]
[Adresse 2]
[Localité 8]

ET

Monsieur [V] [U]
[Adresse 2]
[Localité 8]

Représentés par Maître Dominique DIALLO, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0363

DÉFENDEURS

La S.A.S. [12]
[Adresse 4]
[Localité 6]

Représentée par Maître Christine LIMONTA, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E0026

Monsieur [I] [N]
[Adresse 4]
[Adresse 4]
[Localité 6]

ET

Monsieur [O] [W]
[Adresse 5]
Expéditions
exécutoires
délivrées le :
[Localité 9]

Décision du 22 Avril 2024
19ème contentieux médical
RG 21/11004

Représentés par Maître Georges LACOEUILHE, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0105

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DES HAUTS DE SEINE
[Adresse 1]
[Localité 7]

Représentée par Maître Sylvain NIEL, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #D2032

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Pascal LE LUONG, Premier Vice-Président
Madame Sabine BOYER, Vice-Présidente
Madame Géraldine CHABONAT, Juge

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DEBATS

A l’audience du 05 Février 2024 présidée par Monsieur Pascal LE LUONG tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Avril 2024. Le 23 Avril 2024, avis été donné avocats que le délibéré serait prorogé au 13 Mai 2024. Ce même jour, avis a été donné aux avocats que le délibéré serait prorogé au 27 Mai 2024.

JUGEMENT

- Contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

FAITS ET PROCÉDURE

Monsieur [K] [U], né le [Date naissance 3] 1945, documentariste, réalisateur de télévision, auteurs de reportages, retraité, a ressenti en juin 2014 une forte douleur à la hanche gauche. Une coxarthrose a été diagnostiquée et la pose d’une prothèse de hanche a été recommandée par le Docteur [Z], Rhumatologue. Avant de réaliser cette opération, il a été nécessaire de procéder, préalablement, à la pose d’une prothèse aortique biologique et à la réalisation d’un mono pontage mammaire.

Le 27 janvier 2015, une prothèse totale de hanche (PTH) gauche était posée par le Docteur [W], intervenant dans le service de chirurgie orthopédique de la Clinique [13].

Monsieur [K] [U] était alors âgé de 69 ans.

Suite à cette intervention, son état ne s’améliorant pas, il rencontrait à nouveau le Docteur [W] en consultation qui préconisait « une reprise ».

Monsieur [K] [U] consultait le Docteur [I] [N], chirurgien orthopédiste intervenant à la [12], dite Clinique [12].

Celui-ci procédait, le 1er juin 2015, à une opération consistant en une « reprise complète de la prothèse totale de hanche (PTH) gauche avec greffe fémur et cotyle ». Il notait dans son diagnostic d’entrée « patient qui a été opéré quelques mois auparavant d’une prothèse de hanche, a malheureusement un cotyle trop creusé, un fémur trop haut et un rallongement d’environ 2 cm ».

Monsieur [K] [U] était renvoyé à son domicile malgré un saignement. Le 11 juin 2015, l’infirmière qui procédait aux pansements, constatait un nouveau saignement important et une désunion de sutures. Elle faisait appel au médecin traitant de Monsieur [K] [U], le Docteur [T] [R], lequel prenait contact avec le Docteur [N] pour l’informer de la situation de son patient.

Le 24 juin 2015, Monsieur [K] [U] subissait des écoulements purulents et présentait une cicatrice inflammatoire. Le 26 juin, sa température atteignait 39,5°. Il était adressé, en urgence, par le Docteur [N], absent, au service de chirurgie orthopédique et traumatologique du Docteur [J], à l’Hôpital [10] à [Localité 11]. Il existait un risque vital compte tenu de la présence de la bio-prothèse cardiaque.

Il apparaissait, lors de l’admission, qu’une infection fistulisée ostéo-articulaire aux staphylocoques s’était massivement développée sur la prothèse de hanche. Le 1er juillet 2015, une ponction était réalisée, la prothèse de hanche à nouveau reprise et changée avec une synovectomie et une greffe du cotyle, le nettoyage, une reconstruction du cotyle et fémorale, opération associée à une antibiothérapie lourde.

Une expertise médicale était ordonnée sur le fondement de l’article 145 du Code de Procédure Civile, par ordonnance de référé du 23 juin 2017 et confiée au Docteur [D].

L’expert judiciaire a diligenté ses opérations et déposé son rapport d’expertise le 4 juin 2020. L’expertise est contestée par les deux praticiens défendeurs.

L’expert indique qu’il est regrettable que le docteur [W] n’ait pas mis en place un cotyle cimenté avec une croix de Kerboull plutôt qu’un cotyle impacté qui risquait de s’enfoncer progressivement. Le Docteur [W] nous dit lors de l’expertise qu’il ne pouvait pas faire de calque préopératoire compte tenu du fait que la hanche était totalement nécrosée . Cet argument n’est pas recevable car il pouvait tout à fait, sur la hanche controlatérale, faire une programmation opératoire.

S’agissant du docteur [N], l’expert judiciaire a constaté que : Sa prise en charge apparaît discutable. Le praticien pose l’indication d’une reprise chirurgicale ; la traçabilité de son examen clinique initial la justifiant est légère. Aurait dû : Prescrire une scintigraphie aux leucocytes marqués, Programmer une ponction de hanche pour éliminer un processus infectieux, avant d’intervenir. Devant une prothèse de hanche douloureuse , on doit s’assurer que cette prothèse n’est pas infectée, ce d’autant qu’est survenu un important hématome en postopératoire, ce que savait le Docteur [N]. Une CRP, une scintigraphie aux leucocytes marqués, et une ponction de hanche auraient dû être discutées. Un scanner préopératoire visant à vérifier l’intégration ou non du cotyle devait aussi être prescrit. Il est reproché au Docteur [N] de poser l’indication de reprise de façon « rapide» sans s’entourer des précautions nécessaires.

Dans leurs conclusions signifiées par RPVA le 11 mai 2023, les consorts [U] demandent au tribunal de :

Fixer la créance de la CPAM des Hauts-de- Seine à la somme de 90.347,79 € ;
Dire et Juger Monsieur [U] recevable et bien fondé en ses demandes à l’encontre des parties défenderesses;
Constater que les Docteurs [W] et [N] ont engagé leur responsabilité tant en raison des fautes de technique médicale et de suivi post opératoire commis au préjudice de Monsieur [U] qu’en raison du défaut d’information préalable de ce dernier;
Les condamner au paiement des sommes suivantes :
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux,
Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :
- 30 000 € pour la perte actuelle des gains professionnels soit 15 000 € pour chacun des défendeurs ;
En ce qui concerne les frais de tierce personne pendant la période de déficit fonctionnel temporaire :
- 2.340€ à la charge du Docteur [W]
- 4.450 € à la charge du Docteur [N]
Au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
- 60 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de gains professionnels futurs soit 30 000 € pour chacun des défendeurs ;
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux,
Au titre des préjudice extra patrimoniaux temporaires :
Pour le déficit fonctionnel temporaire :
Condamner le Docteur [W] à la somme de 1 550 €
Condamner le Docteur [N] à la somme de 5 035 €
En réparation du préjudice subi pour les souffrances endurées, condamner le Docteur [W] à la somme de 5.500 € et le docteur [N] à la somme de 16.500 €, soit une somme totale de 22.000 €.
Pour le préjudice esthétique temporaire :
Condamner les Docteur [W] et [N] chacun pour moitié au paiement de la somme de 5 000 €.
En réparation du préjudice d’agrément temporaire :
Condamner les Docteur [W] et [N] chacun pour moitié au paiement de la somme de 11 000 €, soit 5.500 € chacun,
Au titre des préjudice extra patrimoniaux permanents :
En réparation du préjudice subi du fait du déficit fonctionnel permanent:

Condamner les Docteur [W] et [N] chacun pour moitié au paiement de la somme de 10 000 €, soit 5.000 € chacun.
Au titre du préjudice d'agrément permanent :

Condamner les Docteur [W] et [N] chacun pour moitié au paiement de la somme de 10 000 €, soit 5.000 € chacun.
Au titre du préjudice esthétique permanent :
Condamner le Docteur [N] au paiement d’une somme de 3 000 € en réparation des atteintes subies à ce titre par le demandeur.
Au titre du défaut d’information :
Condamner le Docteur [W] et le Docteur [N] à payer par moitié la somme de 38.000 €, soit 19.000 € chacun.
Au titre du préjudice d’affection :
Condamner le Docteur [W] et le docteur [N] à régler par moitié à Madame [U] et à son fils la somme de 10.000 €, soit 5.000 € chacun .
Condamner le docteur [W] et le docteur [N] à régler la somme de 8 000 € sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux frais d’expertise avancés par le demandeur, chacun pour moitié,
Dire que les sommes fixées par le jugement à intervenir porteront intérêts de droit à compter l’assignation en application des dispositions des articles 1231 et suivants du Code Civil.
Dire qu’il sera fait application des dispositions de l’article 1343-2 du Code Civil qui emporte capitalisation des intérêts des sommes dues pour une année entière.
Subsidiairement, si la faute du Docteur [N] n’était pas retenue,
Condamner la [12] au paiement de la somme totale de 133.484 €.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux,
Au titre des préjudices patrimoniaux temporaires :
- 15 000 € pour la perte actuelle des gains professionnels ;
En ce qui concerne les frais de tierce personne pendant la période de déficit fonctionnel temporaire :
- 4.450 € à la charge du Docteur [N]
Au titre des préjudices patrimoniaux permanents :
- 30 000 € en réparation du préjudice subi du fait de la perte de gains professionnels futurs ;
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux,
Au titre des préjudice extra patrimoniaux temporaires :
- Pour le déficit fonctionnel temporaire : la somme de 5 035 €,
- En réparation du préjudice subi pour les souffrances endurées la somme de 16.500 €,
- Pour le préjudice esthétique temporaire, la somme de 5 000 €,
- En réparation du préjudice d’agrément temporaire, la somme de 11.000 €,
Au titre des préjudices extra patrimoniaux permanents :
En réparation du préjudice subi du fait du déficit fonctionnel permanent: la somme de 5.000€;
Au titre du préjudice d'agrément permanent : la somme de 5.000€;
Au titre du préjudice esthétique permanent : la somme de 3.000 € en réparation des atteintes subies à ce titre par le demandeur;
Au titre du défaut d’information : la somme de 19.000 €;
Au titre du préjudice d’affection : au profit de Madame [U] et de son fils la somme de 5.000 €;
Au titre de l’article 700 du Code de procédure civile la somme de 4.000 € et la somme de 2.457 €;
Débouter les docteurs [N] et [W] de leurs demandes.

Par leurs dernières conclusions, les docteurs [I] [N] et [O] [W] contestent le principe de leur responsabilité et sollicitent, à titre principal, le rejet de l’intégralité des demandes des consorts [U], le dommage de Monsieur [K] [U] étant, selon ces derniers, uniquement en lien avec la survenue d’une infection nosocomiale engageant la responsabilité de plein droit de la [12].

A titre subsidiaire, les Docteurs [N] et [W] sollicitent une mesure de contre-expertise compte tenu des lacunes et contradictions indéniables du rapport d’expertise du Docteur [D].

A titre infiniment subsidiaire, les Docteurs [N] et [W] sollicitent une réduction de leur part de responsabilité dans la survenue du dommage de Monsieur [U].

Par conclusions signifiées par RPVA le 16 février 2023, La [12] demande au tribunal de :

A titre principal,
Juger qu’aucune faute, et notamment aucune faute en matière de règles d’hygiène et d’asepsie n’a été relevée à l’encontre de le la [12],
Juger que les fautes des Docteurs [W] et [N] – ou à défaut du seul Docteur [W] – sont à l’origine de l’infection survenue dans les suites de l’intervention de reprise réalisée le 1er juin 2015,
En conséquence,
Juger que la responsabilité pour faute de la [12] n’est pas engagée,
Juger que la responsabilité pour faute des Docteurs [W] et [N] – ou à défaut du seul Docteur [W] – sont engagées au titre du dommage infectieux et que, par conséquent, les demandes de condamnations subsidiaires des Consorts [U] dirigées à l’encontre de la [12] n’ont pas lieu d’être.
Débouter les consorts [U] et la CPAM DES HAUTS DE SEINE, qui conclut « par les mêmes motifs aux mêmes responsabilités », de leurs demandes subsidiaires dirigées contre la [12], En tout état de cause, si le tribunal retenait, dans le cadre de l’obligation à la dette et en l’état des demandes des consorts [U], la responsabilité de plein droit de la [12] au titre du dommage infectieux, malgré les fautes commises par les Docteurs [W] et [N] à l’origine de celui-ci :
Evaluer les préjudices des consorts [U] pour leur part en lien avec l’infection nosocomiale comme suit
- Déficit fonctionnel temporaire : 2.898,50 €
- Préjudice d’agrément temporaire : rejet
- Préjudice esthétique temporaire :2.500 €
- Souffrances endurées : 4.000,00 €
- Déficit fonctionnel permanent : 2.375,00 €
- Préjudice d’agrément : rejet
- Préjudice esthétique permanent :1.000 €
- Défaut d’information : rejet
- Préjudice d’affection de Madame [U] et de Monsieur [V] [U] : rejet
- Frais divers (besoin en tierce personne) : 1.580,00 €
- Dépenses de santé actuelles : néant
- Préjudice professionnel (PGPA, PGPF, incidence professionnelle) : rejet
Soit, au total la somme de 14.353,50 €
Rejeter en l’état purement et simplement l’ensemble des demandes la CPAM,
Et, dans le cadre de la contribution à la dette :
Juger l’appel en garantie du Docteur [N], coauteur fautif, à l’encontre de la [12], solvens non fautif, particulièrement mal fondé et l’en débouter,
Juger en revanche la [12] recevable et bien fondée en son appel en garantie dirigé contre les Docteurs [W] et [N] et condamner ces derniers, seuls fautifs, à relever et garantir la [12] de l’intégralité de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre (principal, intérêts, frais et article 700 du code de procédure civile), selon une répartition entre les deux coauteurs fautifs que le tribunal appréciera et dont l’addition fera nécessairement 100%,
Subsidiairement : condamner le docteur [W], fautif, à relever et garantir la [12] de l’intégralité de toutes condamnations qui pourraient être prononcées à son encontre (principal, intérêts, frais et article 700 du code de procédure civile),
Condamner les Docteurs [W] et [N] ou toute autre partie succombante à payer à la [12] une indemnité de 3.000,00 € en application des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner toute partie succombante aux entiers dépens de la procédure, dont distraction au profit de Maître Christine LIMONTA, conformément aux dispositions de l’article 699 du code de procédure civile

Par conclusions signifiées le 2 mars 2023, La CPAM DES HAUTS DE SEINE demande au tribunal de :

CONDAMNER in solidum le Docteur [W], le Docteur [N] et la SAS [12] à lui payer :
- La somme de 55 267,89 € en remboursement des prestations en nature prises en charge avant consolidation au titre des dépenses de santé actuelles (frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillages et de transport), avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice, le 31 mai 2022, date des présentes.
- La somme de 70,04 € en remboursement des prestations en nature prises en charge après consolidation au titre des dépenses de santé futures (frais pharmaceutiques et d’appareillages), avec intérêts de droit à compter de sa première demande en justice, le 31 mai 2022, date des présentes.
- La somme de 1 162,00 € au titre de l’indemnité forfaitaire de l’article L. 376-1 in fine du Code de la Sécurité Sociale ;
DIRE que les intérêts échus pour une année entière à compter de la décision produiront eux mêmes intérêts dans les conditions de l’article 1343-2 du code civil tel qu'issu de l'ordonnance du 10 février 2016 ;
DIRE ET JUGER que la CPAM des Hauts de Seine exerce son recours:
- En ce qui concerne les frais hospitaliers, médicaux, pharmaceutiques, d’appareillages et de transport pris en charge, sur le poste dépenses de santé actuelles (DSA), qui sera fixé à la somme de 55 267,89 € ;
- En ce qui concerne les frais pharmaceutiques et d’appareillage pris en charge après consolidation, sur le poste dépenses de santé futures (DSF), qui sera fixé à la somme de 70,04 € ;
CONDAMNER in solidum Docteur [W], le Docteur [N] et la SAS [12] à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie des Hauts de Seine une somme de 2 000,00 € sur le fondement de l’article 700 du CPC.

Le docteur [P] [D] retenait, par ailleurs, les postes de préjudice suivants :

- Date de consolidation : 01/01/2017,

- Préjudices patrimoniaux avant consolidation :

Aide à domicile à raison de 2 heures par jour pendant les périodes de DFTP à 75 puis 50 % et 4 heures par semaine pendant les périodes de DFTP à 25%,

- Préjudices extra patrimoniaux avant consolidation :

Déficit fonctionnel temporaire total : du 31/05/2015 au 04/06/2015 et du 26/06/2015 au 10/07/2015,

Déficit fonctionnel temporaire partiel :
75% : du 11/07/2015 au 15/08/2015,
50% : du 03/02/2015 au 30/05/2015, du 05/06/2015 au 25/06/2015 et du 16/08/2015 au 15/09/2015,
25% : du 16/09/2015 au 31/12/2016,
Souffrances endurées : 5/7,
Préjudice esthétique temporaire : 2,5/7 pendant les périodes de DFTP à 75 puis 50 % (Perfusions quotidiennes d’antibiotiques; déambulation avec 2 cannes béquilles),

- Préjudices permanents après consolidation :

Préjudices patrimoniaux :

Pas de tierce personne
Préjudice professionnel : Monsieur [U] a cessé toute activité depuis l’arthroplastie réalisée par le Docteur [W],

Préjudices extra patrimoniaux :

Déficit fonctionnel permanent : 10 %. Il convient d’enlever à ce taux les 5% que l’on retient après toute arthroplastie non compliquée. Dans les 5% résiduels, sont imputables, 2,5% à la pose initiale “discutable” dans sa réalisation, et 2,5% à l’infection nosocomiale après la reprise chirurgicale par le Docteur [N].
Préjudice esthétique permanent : 2/7 (cicatrice de reprise totale),
Préjudice sexuel : sans objet
Préjudice d’établissement : non,
Préjudice d’agrément : existant.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux conclusions des parties quant à l'exposé détaillé de leurs prétentions et moyens.

Toutes les parties ayant constitué avocat, la décision sera contradictoire.

L’ordonnance de clôture était rendue le 5 juin 2023 et l’audience de plaidoiries se tenait le 5 février 2024. La décision était mise en délibéré au 22 avril 2024 et prorogée au 13 mai 2024 puis de nouveau prorogée au 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

I / SUR LA RESPONSABILITÉ

1/ Sur la qualité des soins

Il résulte des dispositions des articles L.1142-1-I et R.4127-32 du code de la santé publique que, hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les praticiens ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. Tout manquement à cette obligation qui n'est que de moyens, n'engage la responsabilité du praticien que s'il en résulte pour le patient un préjudice en relation de causalité directe et certaine.

En application des dispositions de l'article R 4127-32 du code de la santé publique, le médecin, dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande de son patient, s'engage à lui assurer personnellement des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.

Il incombe au médecin de mener des investigations utiles et d'interroger le patient, en particulier lorsqu'il présente des facteurs de risques, sur les symptômes qu'il présente.
En l’espèce, l’expert a retenu que s’agissant du docteur [W], ce dernier n’a “ pas mis en place un cotyle cimenté avec une croix de Kerboull plutôt qu’un cotyle impacté qui risquait de s’enfoncer progressivement.” Il estime que l’argument du Docteur [W], selon lequel il ne pouvait pas faire de calque préopératoire compte tenu du fait que la hanche était totalement nécrosée, n’est pas recevable car il considère, à juste titre, que ce chirurgien pouvait tout à fait, sur la hanche controlatérale, faire une programmation opératoire. Dans ces conditions, il est incontestable que la responsabilité pour faute du docteur [W] est engagée.

S’agissant du rôle du docteur [N], les conclusions de l’expert sont également parfaitement claires. Ce dernier considère que sa prise en charge apparaît discutable. Il indique que le docteur [N] pose l’indication d’une reprise chirurgicale et observe que la traçabilité de son examen clinique initial la justifiant est légère. L’expert estime que le docteur [N] aurait dû prescrire une scintigraphie aux leucocytes marqués, programmer une ponction de hanche pour éliminer un processus infectieux, avant d’intervenir. Il précise que devant une prothèse de hanche douloureuse, on doit s’assurer que cette prothèse n’est pas infectée, ce d’autant qu’est survenu un important hématome en postopératoire, ce que savait le Docteur [N]. Une CRP, une scintigraphie aux leucocytes marqués, et une ponction de hanche auraient dû être discutées. Un scanner préopératoire visant à vérifier l’intégration ou non du cotyle devait aussi être prescrit. Il est effectivement reproché au Docteur [N] de poser l’indication de reprise de façon « rapide» sans s’entourer des précautions nécessaires.

Dans ces conditions, force est de constater que ce praticien ne s’est pas non plus entouré de toutes les précautions et n’a pas respecté toutes les recommandations d’usage en vigueur à l’époque des faits, ce qui caractérise également une faute du docteur [N], dans la reprise chirurgicale de façon “rapide”, de la hanche du patient, sa surcharge de travail lui étant exclusivement imputable. L’expert ajoute, au surplus, qu’une reprise chirurgicale à 4 mois de l’intervention chirurgicale initiale est “la pire des périodes” pour réintervenir car la hanche apparaît encore inflammatoire et le risque infectieux se voit majoré, souligne-t-il, sans ambiguïté et quand bien même Monsieur [U] eut été très demandeur de cette nouvelle intervention chirurgicale au motif qu’il aurait repris de nombreuses activités physiques, avec intensité, et ayant été “très désireux de reprendre une vie professionnelle très active rapidement”, l’intervention chirurgicale n’étant pas une prestation de nature commerciale.

L’expert a enfin, indiqué qu’il n’y avait rien à reprocher à l’établissement, dont la prise en charge est conforme avec une traçabilité de la préparation cutanée en particulier.

Dans ces conditions, les préjudices subis par Monsieur [K] [U] sont en lien direct avec les fautes commises par les deux chirurgiens MM. [W] et [N] dont la responsabilité est partagée à hauteur de 50 % chacun comme il sera précisé ci-après, s’agissant de certains préjudices.
Par ailleurs, le tribunal relève que l’expertise médicale a conclu que l’information fournie tant par le Docteur [W] que par le Docteur [N] a été qualifiée d’ incomplète et insuffisamment détaillée. Il ne peut dès lors être valablement soutenu que le consentement de Monsieur [K] [U] a été éclairé et libre, les deux chirurgiens, en réalité, n’ayant pas cru devoir lui exposer complètement les risques et conséquences prévisibles et éventuelles de leur intervention, apparemment plus préoccupés par leurs emplois du temps que par leur obligation d’information. Il convient effectivement de rappeler que le fait que l’oralité de la discussion qui doit être engagée entre le patient et son médecin est primordiale, n’exonère pas ce dernier d’apporter la preuve que toutes les informations ont bien été délivrées au patient. La simple signature du document libellé « consentement éclairé » est notoirement insuffisante à apporter la preuve que l’attention du patient a été attirée par le soignant sur les risques encourus.

En effet, il convient de rappeler que le droit à l'information est un droit personnel, détaché des atteintes corporelles, et accessoire au droit à l'intégrité corporelle ; que le non-respect du devoir d'information cause nécessairement à celui auquel l'information était légalement due un préjudice moral qui se caractérise par le ressentiment éprouvé à l'idée de ne pas avoir consenti à une atteinte à son intégrité corporelle et le défaut de préparation aux risques encourus, voire simplement aux inconvénients de l'opération.
Ce préjudice moral, caractérisé au regard de l’expertise et de l’absence de toute preuve suffisante de délivrance de l’information, sera réparé en l'espèce par l’allocation d’une indemnité de 6000 €, soit la somme de 3.000 € à payer par chacun des deux chirurgiens.

Ainsi, les deux chirurgiens seront donc tenus solidairement à l’indemnisation entière des préjudices de Monsieur [K] [U].

II/ SUR LA RÉPARATION DES PRÉJUDICES

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [K] [U], né le [Date naissance 3] 1945, âgé de 71 ans lors de la consolidation le 1er janvier 2017, de 78 ans lors du présent jugement et exerçant la profession de documentariste lors de l’accident, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en vertu de l'article L376-1 du code de la sécurité sociale, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge, à l’exclusion des préjudices à caractère personnel.
Il sera utilisé le barème de capitalisation publié dans la Gazette du Palais 2022 au taux de 0%, le mieux adapté aux données sociologiques et économiques actuelles.

I/ Préjudices patrimoniaux
A/ Préjudices patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
1) Dépenses de santé actuelles

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques, appareillage, transport et d'hospitalisation déjà exposés tant par les organismes sociaux que par la victime.
La CPAM des Hauts-de-Seine fait valoir une créance de 55.267,89 € au titre des prestations de santé prises en charge selon état des créances du 15 octobre 2021 (frais médicaux, frais pharmaceutiques, frais de transport et frais d’hospitalisation). Elle est étayée par l'attestation d'imputabilité du docteur [A], médecin-conseil et correspond aux frais exposés suite aux fautes commises au cours de l'intervention litigieuse telles que décrites dans l'expertise.

Il convient, d’ailleurs, de rappeler que la CPAM est soumise aux règles de la comptabilité publique sous contrôle de la Cour des Comptes et que ses décomptes sont vérifiés par un agent comptable sous sa responsabilité personnelle ; qu’en vertu des dispositions des articles R. 315-1 et suivants du code de la sécurité sociale, les médecins contrôleurs appartiennent au service du contrôle médical qui est un service national, totalement indépendant et détaché des caisses primaires d’assurance maladie.

Il convient de rappeler que les défendeurs ne pourraient pas être fondés à soutenir que l’attestation d’imputabilité délivrée par le médecin conseil du contrôle médical est insuffisante, l’attestation d’imputabilité se présentant comme l’avis d’un tiers technicien dont le caractère précisément motivé, par référence au rapport d’expertise, permet la critique et une discussion contradictoire, spécialement sur l’imputabilité des frais à l’accident médical litigieux. Il y a lieu, dans ces conditions et au vu des documents produits de fixer les DSA dues à ce titre à la CPAM, à la somme de 55.267,89 €.

2) Assistance tierce personne temporaire

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.
Monsieur [K] [U] sollicite une indemnisation sur la base d’un taux horaire de 20 €.
L’expert a retenu un besoin en aide humaine à raison de 2 heures par jour pendant les périodes de DFTP à 75 puis 50 % et 4 heures par semaine pendant les périodes de DFTP à 25% (75% : du 11/07/2015 au 15/08/2015, 50% : du 03/02/2015 au 30/05/2015, du 05/06/2015 au 25/06/2015 et du 16/08/2015 au 15/09/2015, 25% : du 16/09/2015 au 31/12/2016).

Sur la base d’un taux horaire de 18 € s’agissant d’une aide non spécialisée n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales, il y a lieu de calculer comme suit le préjudice :

A la charge du docteur [W]

dates
18,00 €/heure
nbre heures
nbre heures

03/02/2015

par jour
par semaine

30/05/2015
117 jours
2,00
0,00
4 212,00 €

Ladite indemnité étant limitée à la somme demandée : 2.340 €.

A la charge du docteur [N]

dates
18,00 €/heure
nbre heures
nbre heures

TOTAL
05/06/2015
jours
par jour
par semaine

s/ 365 jours / an
25/06/2015
21
2,00
0,00
756,00 €

11/07/2015
16
0,00

0,00 €

15/09/2015
66
2,00

2 376,00 €

31/12/2016
473

4,00
4 865,14 €
7 997,14 €
Ladite indemnité étant limitée à la somme demandée : 4.450 €.

3) Pertes de gains professionnels actuels

Elles concernent le préjudice économique subi par la victime pendant la durée de son incapacité temporaire totale ou partielle de travail fixée par l'expertise.

Monsieur [K] [U] indique qu’il a été dans l’incapacité d’exercer son activité professionnelle du fait du dommage. Il précise qu’après son dernier reportage « les fromages qui puent », en 2012/2013, il travaillait avec Madame [S] [Y], journaliste d’investigation, sur un projet de reportage portant sur l’industrie laitière en France. En septembre 2014, Monsieur [K] [U] se voyait proposer un contrat avec la société DREAM WAY PRODUCTIONS pour ce reportage provisoirement intitulé « lactalis : les produits laitiers, des faux amis pour la vie » moyennant une rémunération de 10 000 € soit le salaire brut de co-auteur réalisateur pour 6 000 € et 4 000 € pour les droits d’auteur. Il pensait subir l’opération en octobre 2014 car il ignorait devoir subir une opération cardiaque, laquelle a retardé l’opération de la hanche. Le reportage avait été reporté en conséquence et pensait pouvoir reprendre une activité professionnelle sur le terrain en 2015. Monsieur [U] estime que son indisponibilité totale en 2015 n’a pu lui permettre de réaliser le film et qu’il a perdu ce revenu et une somme de l’ordre de 24 078 € au titre des droits y afférents reversés par la SCAM, soit une somme totale de 34 078 €. Il précise qu’il s’agissait d’un reportage de 90 mn, au lieu des 52 mn habituelles, à fort potentiel de diffusion et considère avoir donc subi une perte de chance de pouvoir réaliser ce contrat et de percevoir les revenus correspondants dont il sollicite à ce titre la somme de 30.000 €.

Il ressort de l’examen du contrat conclu entre la société DREAM WAY PRODUCTIONS et Monsieur [K] [U] que le documentaire de 52 minutes commandé par la société productrice, devait être livré, au plus tard le 31 janvier 2015. Il convient également d’observer que ce contrat n’est pas signé. Au surplus, il est incontestable que l’opération chirurgicale, indispensable pour soigner son arthrose de hanche invalidante, a été réalisée le 27 janvier 2015, ce qui rendait impossible la réalisation du film et sa livraison dans le délai fixé par le contrat.

Dans ces conditions, cette demande doit être rejetée.

B/ Préjudices patrimoniaux permanents
1) Dépenses de santé futures

Elles correspondent aux frais médicaux, pharmaceutiques et d'hospitalisation exposés tant par les organismes sociaux que par la victime après la consolidation.
La CPAM des Hauts-de-Seine fait valoir une créance de 70,04 € au titre des prestations de santé prises en charge selon état des créances du 16 février 2023 (frais pharmaceutiques et d’appareillage). Elle est étayée par l'attestation d'imputabilité du docteur [A] et correspond aux frais exposés suite aux fautes commises au cours des interventions litigieuses telles que décrites dans l'expertise.
Il y a, ainsi, lieu pour les raisons précédemment exposées au titre des dépenses de santé actuelles et au vu des documents produits de fixer l’indemnité due à ce titre à la somme de 70,04 €.

2) Pertes de gains professionnels futurs

Monsieur [U] indique qu’il a continué à effectuer des tournages jusqu’à l’âge de 67 ans, étant capable de travailler encore pendant quelques années, dans des conditions extrêmes étant toujours en bonne condition physique. Il explique qu’il n’est pas contestable qu’à un moment ou un autre, il aurait diminué son activité, mais de son propre chef, et à sa manière, et non pas à cause de l’intervention chirurgicale.
Ainsi la prothèse de la hanche aurait dû lui permettre de reprendre normalement ses activités tant professionnelles que sportives, et ce sans douleur. Monsieur [U] aurait repris son activité sans grand effort physique, ayant déjà été opéré de la hanche droite sans encombre.

Il est incontestable que les dommages subis ont entraîné une perte de gains qu’il convient d’évaluer en se fondant sur la moyenne des droits d’auteur des trois années les plus représentatives précédant le dommage (2012, 2013, 2014), soit un revenu moyen annuel de 17.033,33 €. Sur la période courant de 2015 à 2020, il a perçu en moyenne un revenu annuel de 5.698,33 €, soit une perte annuelle moyenne de 11.335 €.
Une indemnité de 56.675 € lui sera allouée au titre des PGPF sur les cinq dernières années, soit une indemnité de 28.337,50 € pour chacun des deux chirurgiens.

3) Incidence professionnelle

Le poste de préjudice de l’incidence professionnelle a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi en raison de la dévalorisation sur le marché du travail, de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à l' obligation de devoir abandonner la profession exercée avant le dommage au profit d'une autre choisie en raison de la survenance du handicap ; que ce poste de préjudice permet également d'indemniser le risque de perte d'emploi qui pèse sur une personne atteinte d'un handicap, la perte de chance de bénéficier d'une promotion, la perte de gains espérés à l'issue d'une formation scolaire ou professionnelle, les frais nécessaires à un retour à la vie professionnelle.
En l’espèce, Monsieur [K] [U] sollicite la somme de 30 000 € au titre de l’incidence professionnelle. Les défendeurs s’y opposent.

Il est incontestable que les séquelles des opérations subies ont entraîné une incidence professionnelle qui doit être tempérée par l’âge de la victime.

Il lui sera ainsi allouée la somme de 5.000 € au titre de l’incidence professionnelle, soit 2.500 € pour chacun des chirurgiens.

II / Préjudices extra-patrimoniaux
A/ Préjudices extra-patrimoniaux temporaires (avant consolidation)
1) Déficit fonctionnel temporaire

Ce préjudice inclut, pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire.

L’expert a retenu les périodes suivantes :

Monsieur [K] [U] sollicite une indemnisation sur la base d’un taux journalier de 26,50 € pour un déficit total, les défendeurs proposant un taux de 23 €.

Sur la base d’une indemnisation de 26,50 € par jour pour un déficit total, les troubles dans les conditions d'existence subis par Monsieur [K] [U] jusqu'à la consolidation, justifient de calculer le préjudie comme suit :

A la charge du docteur [W] : 1.550,25 €

dates
26,50 €/jour

début de période
03/02/2015

taux déficit

fin de période
30/05/2015
117 jours
50%
1 550,25 €

Ladite indemnité étant limitée à la somme demandée dans le “par ces motifs” : 1.550 €.

A la charge du docteur [N] :5.035 €

dates
26,50 €/jour

début de période
31/05/2015
jours
taux déficit

total
fin de période
04/06/2015
5
100%
132,50 €

fin de période
25/06/2015
21
50%
278,25 €

fin de période
10/07/2015
15
100%
397,50 €

fin de période
15/08/2015
36
75%
715,50 €

fin de période
15/09/2015
31
50%
410,75 €

fin de période
31/12/2016
473
25%
3 133,63 €
5 068,13 €

Indemnité ramenée à 5.035 € conformément à la demande.

2) Souffrances endurées

Il s'agit d'indemniser ici les souffrances tant physiques que morales endurées du fait des atteintes à l'intégrité, la dignité et l’intimité et des traitements, interventions, hospitalisations subies depuis l'accident jusqu'à la consolidation.
En l’espèce, Monsieur [K] [U] sollicite la somme de 22 000€, les défendeurs se référant à une somme globale de 1400 €. L’expert a évalué ce poste à 5/7 tenant compte des suites chirurgicales et de l’infection nosocomiale qui a contribué pour moitié à ces souffrances.

Ce poste sera donc réparé par une somme fixée à 22 000 €. Chacun des praticien supportera une indemnité de 11.000 €.

3) Préjudice esthétique temporaire

L’Expert Judiciaire a fixé à 2,5/7 le préjudice esthétique temporaire, compte tenu des perfusions quotidiennes et déambulations avec cannes béquilles, qu’il attribue exclusivement à l’infection nosocomiale.

Une indemnité de 1.000 € sera allouée à Monsieur [U] qui sera supportée par le docteur [N].

B/ Préjudices extra-patrimoniaux permanents
1) Déficit fonctionnel permanent

Ce poste de préjudice tend à indemniser la réduction définitive du potentiel physique, psychosensoriel, ou intellectuel résultant de l'atteinte à l'intégrité anatomo-physiologique, à laquelle s'ajoute les phénomènes douloureux et les répercussions psychologiques, notamment le préjudice moral et les troubles dans les conditions d'existence (personnelles, familiales et sociales) dont la victime continue à souffrir postérieurement à la consolidation du fait des séquelles tant physiques que mentales qu'elle conserve.
Monsieur [K] [U] sollicite, à ce titre, la somme de 10.000 €, les défendeurs se référant à une somme globale de 4.750€.
Or, les experts ont retenu un taux de 5% résiduel dont 2,5 % sont imputables à la pose initiale et 2,5% à l’infection nosocomiale.

Sur la base d’un point retenu à 1.050 € pour un homme âgé de 71 ans au moment de la consolidation le 1er janvier 2017, il sera fait droit à la demande pour un montant de 5.250 € (1.050 x 5), soit une indemnité de 2.625 € à la charge de chacun des deux chirurgiens.

2) Préjudice esthétique permanent

Ce poste indemnise les éléments de nature à altérer l'apparence ou l'expression de la victime.
En l’espèce, Monsieur [K] [U] sollicite la somme de 3000 €, dont les défendeurs demandent la minoration.
L’expert a retenu un préjudice esthétique permanent de 2/7 (constituées par la cicatrice de reprise de la prothèse de hanche effectuée à l’hôpital [10] et imputable à l’infection nosocomiale).
En conséquence, il convient de faire droit à la demande à hauteur de 3000 €, soit 1.500 € à la charge de chacun des deux chirurgiens.

3) Préjudice d’agrément

Ce poste de préjudice répare l'impossibilité de pratiquer régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. L’appréciation s’en fait in concreto, au vu des justificatifs produits, de l’âge et du niveau sportif de la victime.

En l’espèce, Monsieur [K] [U] sollicite la somme de 10 000 € à laquelle s’opposent les défendeurs.

Ce préjudice est retenu par l’expertise, l’intéressé ne pouvant plus notamment s’adonner aux sports et plus particulièrement aux marches en terrain accidenté.

Par conséquent, Monsieur [K] [U] se verra allouer une indemnité de 5.000 € à ce titre, chaque chirurgien devant supporter la moitié (2.500 €).

III / Préjudices de Madame [U] et de leur fils [V] [U]

Une indemnité de 500 € sera allouée à Madame [F] [U] et à Monsieur [V] [U] au titre de leur préjudice d’affection, à chacun.

IV/ LES DEMANDES DE LA CPAM DES HAUTS-DE-SEINE

La demande de la CPAM des Hauts-de-Seine étant fondée dans son principe et son quantum, les deux chirurgiens seront condamnés solidairement à lui payer la somme totale de 55.337,93 €.
En application de l’article 1231-6 du code civil, cette condamnation sera assortie des intérêts au taux légal à compter du présent jugement.
Par ailleurs, en application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie étant précisé que le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant minimum et maximum défini par arrêté.
En l’espèce, il sera donc alloué à la CPAM des Hauts-de-Seine la somme de 1.162 €.

V / SUR LES AUTRES DEMANDES

* Sur l’application de l’article 700 du code de procédure civile et les dépens

Il convient de condamner in solidum les docteur [O] [W] et [I] [N], parties perdantes du procès, à payer à la CPAM des HAUTS-DE-SEINE une somme de 1.500 € et à Monsieur [K] [U], à Madame [F] épouse [U] et à leur fils [V] [U] une somme globale de 3000 € sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile.
Par ailleurs, les dépens, incluant les frais d’expertise, seront mis à la charge des docteurs [O] [W] et [I] [N], parties succombantes, avec distraction au profit des avocats en ayant fait la demande.

Il convient de rejeter les autres demandes formulées à l’encontre de la [12] dont la responsabilité a été écartée par les experts.
Il convient également de rejetter la demande de la CLINIQUE au titre de l’article 700 et toutes autres demandes.

*Sur l’exécution provisoire

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, s’agissant en effet d’une instance introduite après le 1er janvier 2020, l’exécution provisoire est de droit.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DÉCLARE les docteurs [O] [W] et [I] [N] responsables des conséquences dommageables des interventions chirurgicales réalisées successivement les 27 janvier 2015 et 1er juin 2015 sur Monsieur [K] [U] en raison d’indications opératoires fautives ;

DÉCLARE les docteurs [O] [W] et [I] [N] responsables dans le cadre des interventions mentionnées ci-dessus, d’un défaut d'information ;

CONDAMNE les docteurs [O] [W] et [I] [N] à payer à Monsieur [K] [U], les sommes suivantes à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, pour les postes énoncés ci-après :
- assistance par tierce personne avant consolidation : 2.340 € à la charge du docteur [O] [W] et 4.450 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- perte de gains professionnels futurs : 56.675 €, dont 28.337,50 € à la charge du docteur [O] [W] et 28.337,50 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- préjudice moral (défaut d’information) : 6.000 €, dont 3.000 € à la charge du docteur [O] [W] et 3.000 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- incidence professionnelle : 5.000 €dont 2.500 € à la charge du docteur [O] [W] et 2.500 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- déficit fonctionnel temporaire : 1.550 € à la charge du docteur [O] [W] et 5.035 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- souffrances endurées : 22.000 €, dont 11.000 € à la charge du docteur [O] [W] et 11.000 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- déficit fonctionnel permanent : 5.250 €, dont 2.625 € à la charge du docteur [O] [W] et 2.625 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- préjudice esthétique temporaire : 1.000 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- préjudice esthétique permanent : 3.000 €, dont 1.500 € à la charge du docteur [O] [W] et 1.500 € à la charge du docteur [I] [N] ;
- préjudice d’agrément: 5 000 €, dont 2.500 € à la charge du docteur [O] [W] et 2.500 € à la charge du docteur [I] [N] ;

Ces sommes avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;
CONDAMNE in solidum les docteurs [O] [W] et [I] [N] à payer à Madame [F] [C] épouse [U] et à Monsieur [V] [U], à chacun, une somme de 500 € avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE in solidum les docteurs [O] [W] et [I] [N] à payer à la CPAM des HAUTS-DE-SEINE la somme totale de 55.337,93 € au titre de son recours subrogatoire, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

CONDAMNE in solidum les docteurs [O] [W] et [I] [N] à payer à Monsieur [K] [U], Madame [F] [C] épouse [U] et à Monsieur [V] [U] la somme de 3000 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les docteurs [O] [W] et [I] [N] à payer à la CPAM des HAUTS-DE-SEINE, la somme de 1.500 € sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE in solidum les docteurs [O] [W] et [I] [N] à payer à la CPAM des HAUTS-DE-SEINE, la somme de 1.162 € au titre de l’indemnité forfaitaire de gestion ;

CONDAMNE in solidum les docteur [O] [W] et [I] [N], aux dépens incluant les frais d’expertise;

REJETTE la demande de Monsieur [K] [U] au titre des pertes de gains professionnels actuels ;

ACCORDE aux avocats qui en ont fait la demande, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile ;

RAPPELLE que l’exécution provisoire de la présente décision est de droit.

REJETTE toute autre demande plus ample ou contraire;

Fait et jugé à Paris le 27 Mai 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTPascal LE LUONG


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 22/03717
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;22.03717 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award