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27/05/2024 | FRANCE | N°18/04562

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19eme contentieux médical, 27 mai 2024, 18/04562


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 18/04562

N° MINUTE :

Assignations des :
12, 13 et 14 Mars 2018

CONDAMNE

ON





JUGEMENT
rendu le 27 Mai 2024
DEMANDEUR

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM)
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 10]

Représenté par la SCP UGGC AVOCATS agissant par Maître Sylvie WELSCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0261

DÉFENDERESSES

La SOCIÉTÉ RELYENS MUTUAL INSURANCE (EX SOCIÉTÉ H

OSPITALIÈRE D'ASSURANCES MUTUELLES - SHAM)
[Adresse 3]
[Localité 7]

ET

L’INSTITUT MUTUALISTE [13]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Représentés par Maître Jean-Baptiste SCH...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

19ème contentieux médical

N° RG 18/04562

N° MINUTE :

Assignations des :
12, 13 et 14 Mars 2018

CONDAMNE

ON

JUGEMENT
rendu le 27 Mai 2024
DEMANDEUR

L’OFFICE NATIONAL D’INDEMNISATION DES ACCIDENTS MEDICAUX (ONIAM)
[Adresse 14]
[Adresse 14]
[Localité 10]

Représenté par la SCP UGGC AVOCATS agissant par Maître Sylvie WELSCH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0261

DÉFENDERESSES

La SOCIÉTÉ RELYENS MUTUAL INSURANCE (EX SOCIÉTÉ HOSPITALIÈRE D'ASSURANCES MUTUELLES - SHAM)
[Adresse 3]
[Localité 7]

ET

L’INSTITUT MUTUALISTE [13]
[Adresse 5]
[Localité 9]

Représentés par Maître Jean-Baptiste SCHROEDER, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0009

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DU VAL-DE-MARNE
[Adresse 2]
[Localité 11]

Non représentée

La MUTUELLE MALAKOFF MEDERIC SANTE
[Adresse 4]
[Localité 8]

Non représentée

Décision du 27 Mai 2024
19ème contentieux médical
RG 18/04562

PARTIE INTERVENANTE

La CAISSE PRIMAIRE D’ASSURANCE MALADIE DE L’OISE
[Adresse 1]
[Adresse 1]
[Localité 6]

Représentée par Maître Julie THOMAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1694

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Monsieur Olivier NOËL, Vice-Président
Madame Laurence GIROUX, Vice-Présidente
Madame Géraldine CHABONAT, Juge

Assistés de Madame Erell GUILLOUËT, Greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition au greffe.

DÉBATS

A l’audience du 18 Mars 2024 tenue en audience publique devant Monsieur Olivier NOËL, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du Code de Procédure Civile. Avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue par mise à disposition au greffe le 27 Mai 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [J], âgée de 81 ans au moment des faits, était suivie pour une constipation chronique à l’hôpital privé d’[12] où elle a bénéficié de deux coloscopies, dont la seconde a été réalisée le 14 septembre 2004.
Cette intervention a permis de mettre en évidence un polype colique gauche de 30 mm laissé en place avec un clip de repérage.
Madame [J] a ensuite consulté le docteur [M] puis le docteur [U] – chirurgien à l’IMM, qui a posé l’indication d’une polypectomie endoscopique.
À ce moment-là, Madame [J] ne prenait aucun traitement médical à visée cardio-vasculaire, hormis de l’Aspégic, arrêté dix jours avant le geste chirurgical.
Le 8 novembre 2004, une intervention de polypectomie a été réalisée à l’IMM par le docteur [U]. En salle de soins post-interventionnelle, Madame [J] a présenté des troubles du rythme « sous la forme d’une arythmie complète par fibrillation auriculaire » suivie d’une hémiplégie gauche complète et massive le 9 novembre 2004 justifiant la mise en place de soins adaptés avec kinésithérapie.
Le 6 décembre 2004, Madame [J] a été transférée à la clinique Repotel jusqu’à son retour à domicile le 3 avril 2005.
Dans les suites, Madame [J] a séjourné dans un premier temps à son domicile avec l’aide d’une auxiliaire de vie puis avec sa fille jusqu’au 2 janvier 2017, date à laquelle elle a été prise en charge en Etablissement d’Hébergement pour Personnes Agées Dépendantes (EHPAD).

C’est dans ces conditions que Madame [J] a saisi, aux fins d’indemnisation de ses préjudices, la Commission de Conciliation et d’Indemnisation (CCI) Ile-de-France qui a diligenté une expertise réalisée par le Professeur [E] (chirurgien digestif), le Docteur [G] (cardiologue) ainsi que par le docteur [C] (neurologue).
Aux termes du rapport d’expertise déposé le 23 janvier 2015, les experts ont retenu que « le dommage est une hémiplégie gauche par embolie à l’occasion d’un passage en fibrillation auriculaire, évènement indésirable et imprévisible non lié à l’acte pratiqué, pouvant être favorisé par le stress anesthésique. »
Par avis du 26 avril 2015, la CCI Ile de France a considéré que le rapport d’expertise des experts [E], [G] et [C] était insuffisant et ne permettait pas d’apprécier l’existence d’éventuel(s) manquement(s) imputable(s) à l’IMM.
Dès lors, la CCI a ordonné une contre-expertise confiée au Professeur [X] – anesthésiste – réanimateur et cardiologue – en qualité d’expert lequel a déposé son rapport définitif le 19 octobre 2015.
Aux termes de son rapport, l’expert [X] a conclu que « le dommage est l’accident vasculaire cérébral ischémique sylvien profond droit, responsable d’une hémiplégie gauche. Cet accident vasculaire cérébral est la conséquence d’une embolie cérébrale à point de départ cardiaque, favorisée par le passage en fibrillation auriculaire en post-opératoire immédiat d’une polypectomie endoscopique », s’agissant de la prise en charge anesthésique, l’expert [X] a mis en évidence de nombreuses défaillances dans la surveillance post-interventionnelle imputables aux médecins anesthésistes-réanimateurs qui engagent leur responsabilité au titre d’une perte de chance d’éviter une embolie cérébrale chez Madame [J] évaluée à 30%, le reste étant lié à la survenue d’un accident médical non fautif.
Par avis du 15 décembre 2015, la CCI, a entériné les conclusions de l’expert [X] en retenant que l’indemnisation des préjudices de Madame [J] devait être prise en charge par l’ONIAM au titre de la survenue d’un accident médical non fautif à hauteur de 70% et par l’IMM à hauteur de 30%.

Aussi, la CCI a transmis son avis à l’ONIAM et à la SHAM – assureur de l’IMM – afin que ces derniers formulent une offre d’indemnisation à Madame [J]. L’ONIAM a donc formulé une offre d’indemnisation à Madame [J] à hauteur de 359 087,77 euros qui a été acceptée et les fonds ont été entièrement versés.
La SHAM n’a quant à elle pas souhaité donner suite à l’avis émis par la CCI.
Compte tenu de cette défaillance, Madame [J] a, par l’intermédiaire de son conseil, sollicité l’ONIAM afin qu’il se substitue à l’assureur défaillant, par courrier du 27 septembre 2016.
Cette demande a été accueillie par l’ONIAM qui a adressé à Madame [J] deux protocoles d’indemnisation transactionnelle d’un montant global de 153 894,76 euros, correspondant à l’indemnisation de ses préjudices à hauteur de 30%.
Ces deux protocoles – accompagnés chacun d’une clause de recours – ont été acceptés par Madame [J] respectivement les 27 décembre 2016 et 23 mars 2017 et les sommes suivantes ont été versées en lieu et place de l’assureur responsable :
- 7 687,12 euros par protocole du 27 décembre 2016 (correspondant à 30% des postes de préjudices suivants : déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire et permanent, préjudice d’agrément)
- 146 207,64 euros par protocole du 23 mars 2017 (correspondant à 30% des postes de préjudices suivants : dépenses de santé actuelles et futures, frais divers, frais de logement adapté, frais d’assistance par une tierce personne, déficit fonctionnel permanent)
À la suite de la régularisation de ces protocoles, l’ONIAM a, par courrier du 28 juillet 2017, sollicité auprès de la SHAM – en sa qualité d’assureur de l’IMM – le remboursement amiable des sommes versées en ses lieu et place à Madame [J].
Ce courrier est resté sans réponse.

Au vu de ce rapport, par actes des 12, 13 et 14 mars 2018 assignant l’Institut Mutualiste [13] (IMM), la SHAM, la CPAM du Val de Marne et la mutuelle Malakoff Médéric Santé, suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 10 octobre 2022, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, l’Office National d’Indemnisation des Accidents Médicaux, des affections iatrogènes et des infections nosocomiales (ONIAM) demande au Tribunal de :

Constater, dire et juger que l’action subrogatoire de l’ONIAM à l’encontre de l’IMM et de la SHAM n’est pas prescrite ;
Constater, dire et juger que l’ONIAM est subrogé dans les droits de Madame [J] à concurrence des sommes versées et à venir contre les responsables du dommage ;
Dire et juger que la responsabilité de l’IMM est engagée en application de l’article L. 1142-1 I alinéa 1er du code de la santé publique au titre de manquements fautifs dans la prise en charge postopératoire anesthésique de Madame [J] ;
Constater, dire et juger que les manquements de l’IMM ont entraîné une perte de chance de 20% pour Madame [J] d’éviter la survenue d’un embol cérébral à l’origine de ses préjudices. En conséquence,
Condamner l’IMM in solidum avec son assureur, la SHAM, à payer à l’ONIAM :
- la somme de 138 505,29 euros réglée par ses soins à Madame [J],
- la somme de 793,80 euros en remboursement des frais d’expertise,
- la somme de 20 775,79 euros correspondant à 15% de l’indemnité payée en lieu et place de l’assureur de l’IMM.
Dire et juger que ces sommes porteront intérêts à compter du prononcé du jugement ;
Débouter l’IMM et la SHAM de leurs demandes ;
Ordonner l’exécution provisoire de la décision à intervenir ;
Condamner l’IMM in solidum avec la SHAM à payer à l’ONIAM la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.

Aux termes de leurs conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 22 mai 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du Code de procédure civile, la Société Relyens Mutual Insurance et son assuré, l’Institut Mutualiste [13], demandent au Tribunal de :

A titre principal,
Prendre acte que l’Institut Mutualiste [13] et à la société Relyens Mutual Insurance (ex Société Hospitalière d'Assurances Mutuelles - SHAM) se réservent de contester en cause d’appel la recevabilité du recours subrogatoire de l’ONIAM.
Prendre acte que l’Institut Mutualiste [13] et la société Relyens Mutual Insurance s’en rapportent à la sagesse du tribunal sur l’existence de manquement imputables à l’IMM ayant fait perdre à Madame [J] une chance, évaluée à 20% d’éviter l’accident vasculaire cérébral dont elle a été victime.
Prendre acte que l’Institut Mutualiste [13] et la Société Relyens Mutual Insurance offrent de rembourser les sommes réglées par l’ONIAM de la façon suivante :
- 381,44€ au titre du déficit fonctionnel temporaire,
- 1 600 € au titre des souffrances endurées,
- 200 € au titre du préjudice esthétique (temporaire et permanent),
- 1 780 € au titre du préjudice d’agrément,
- 19 887 € au titre du déficit fonctionnel permanent,
- 381,6 € au titre du dépenses de santé actuelles,
- 131,22 € au titre du dépenses de santé futures,
- 1 501 € au titre du dépenses des frais de logement adapté,
- 67 855.60 € au de l’aide en tierce personne,
Débouter l’ONIAM de sa demande de pénalité fondée sur les dispositions de l’article L. 1142-15 du Code de la Santé Publique.
En tout état de cause, la ramener à de plus justes mesures
En tout état de cause,
Débouter l’ONIAM de ses demandes au titre de l’article 700 du code de procédure civile,
Condamner l’ONIAM aux dépens.

Par conclusions signifiée 12 novembre 2018, La Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Oise demande à ce Tribunal de :

Mettre en hors de cause la CPAM du Val de Marne ; Déclarer recevable l’intervention volontaire de la CPAM de l’Oise et la déclarer bien fondée en ses demandes ; Juger que l’Institut Mutualiste [13] a commis une faute dans la prise en charge médicale de Madame [R] [J], ayant contribué à la réalisation de son préjudice à hauteur de 30 % ; Fixer la créance de la CPAM de l’Oise à 517.140,29 euros, toutes réserves utiles étant faites quant aux prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement ; Condamner solidairement l’Institut Mutualiste [13] et la SHAM à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Oise sa créance, après application du partage de responsabilité et des règles relatives au droit de préférence ;Dire que la créance de la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Oise sera assortie des intérêts au taux légal, à compter de la signification des présentes écritures (le 12 novembre 2018) ; ces intérêts formant anatocisme à l’expiration d’une année conformément à l’article 1343-2 du Code Civil ; Condamner solidairement l’Institut Mutualiste [13] et la SHAM à payer à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Oise la somme de 1.066,00 euros, à titre d’indemnité forfaitaire (article L. 376-1 du Code de la Sécurité Sociale) ; Condamner les succombants au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l’article 700 du Code de Procédure Civile ; Les condamner aux entiers dépens ; Ordonner l’exécution provisoire du présent jugement.
La Caisse Primaire d’Assurance-Maladie du Val de Marne et la mutuelle Malakoff Médéric Santé, quoique régulièrement assignées, n’ont pas constitué avocat. Susceptible d'appel, la présente décision sera donc réputée contradictoire et sera déclarée commune à la mutuelle.

La clôture de la présente procédure a été prononcée le 2 octobre 2023.

L'affaire a été examinée à l’audience du 18 mars 2024 et mise en délibéré au 27 mai 2024.

MOTIFS DE LA DÉCISION

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE DE L’ONIAM

Il a été fixé par jugement en date du 4 janvier 2021, aujourd’hui définitif et qui a donc autorité de la chose jugée, que l’action intentée en mars 2018 ne subissait pas la prescription, en effet, et conformément aux dispositions de l’article L.1142-7 du Code de la santé publique, celle-ci est suspendue le temps de la procédure amiable ce qui faisait qu’en mars 2018 l’action n’était aucunement prescrite.

Dans le rapport d’expertise déposé le 23 janvier 2015, les experts, le Professeur [E], chirurgien digestif, le Docteur [G], cardiologue et le docteur [C], neurologue, ont retenu que « le dommage est une hémiplégie gauche par embolie à l’occasion d’un passage en fibrillation auriculaire, évènement indésirable et imprévisible non lié à l’acte pratiqué, pouvant être favorisé par le stress anesthésique. »
Par avis du 26 avril 2015 (pièce n°2), la CCI Ile de France a considéré que le rapport d’expertise des experts [E], [G] et [C] était insuffisant et ne permettait pas d’apprécier l’existence d’éventuel(s) manquement(s) imputable(s) à l’IMM. Dès lors, la CCI a ordonné une contre-expertise confiée au Professeur [X] – anesthésiste – réanimateur et cardiologue – en qualité d’expert lequel a déposé son rapport définitif le 19 octobre 2015 (pièce n°3).
Aux termes de son rapport, l’expert [X] a conclu que « le dommage est l’accident vasculaire cérébral ischémique sylvien profond droit, responsable d’une hémiplégie gauche. Cet accident vasculaire cérébral est la conséquence d’une embolie cérébrale à point de départ cardiaque, favorisée par le passage en fibrillation auriculaire en post-opératoire immédiat d’une polypectomie endoscopique ».
S’agissant de la prise en charge anesthésique, le Professeur [X] a mis en évidence de nombreuses défaillances dans la surveillance post-interventionnelle imputables aux médecins anesthésistes- réanimateurs qui engagent leur responsabilité au titre d’une perte de chance d’éviter une embolie cérébrale chez Madame [J] évaluée à 30%, le reste étant lié à la survenue d’un accident médical non fautif.
Par avis du 15 décembre 2015 (pièce n°4), la CCI, a entériné les conclusions du Professeur [X] en retenant que l’indemnisation des préjudices de Madame [J] devait être prise en charge par l’ONIAM au titre de la survenue d’un accident médical non fautif à hauteur de 70% et par l’IMM à hauteur de 30%.

L’ONIAM est contraint de rappeler qu’il est substitué dans les droits de Madame [J], car en effet, le 15 décembre 2015, la CCI Ile-de-France a conclu qu’il appartenait à l’ONIAM ainsi qu’à l’IMM et à son assureur d’indemniser les préjudices subis par Madame [J] dans la limite de 30%.
Or, la SHAM, en sa qualité d’assureur de l’IMM, a refusé d’adresser à Madame [J] une offre indemnitaire.
Compte tenu de ce refus, Madame [J] a sollicité la substitution de l’ONIAM.
Cette demande a été acceptée par l’Office qui a adressé à Madame [J], octogénaire, deux protocoles d’indemnisation transactionnelle correspondant à l’indemnisation due par l’IMM à hauteur de 30% d’un montant total de 153 894,76 euros.
Le 27 décembre 2016 et le 23 mars 2017, Madame [J] a signé les deux protocoles ainsi que les clauses de recours et les sommes lui ont été intégralement versées par l’ONIAM.
L’ONIAM est en conséquence subrogé, à concurrence des sommes versées, dans les droits de Madame [J] contre les personnes responsables du dommage ou, le cas échéant, leur assureur, en l’espèce, la SHAM.
Le recours sera néanmoins limité à une part de 20 % pour tenir compte des conclusions des experts judiciaires.

L’assureur ne s’oppose pas sérieusement au principe de cette demande. Le calcul de l’assureur, qui indique la préférence d’une rente par rapport à un capital, pour une victime, très âgée, de faute médicale ayant entraîné une dégradation particulièrement rapide de sa situation sociale pourrait présenter un caractère déplaisant qui n’est certainement pas recherché.

Il est justifié par l’ONIAM que celui-ci a acquitté auprès de Madame [J] la somme totale de 153.894,76 €, et l’Office ne sollicite donc que le paiement de la somme de 138.505,29 € correspondant à une part de 20 % telle que retenue par les experts judiciaires.
Dès lors, constatant l’existence incontestée et incontestable des débours de l’Office, et faute pour l’assureur d’argumenter de façon appropriée ses demandes de diminution des sommes sollicitées, en effet ne sont évoqués ni des éléments médicaux probants, ni des éléments comptables convaincants, il y a lieu de fixer la somme due à l’Office à 138.505,29 €.

Il est sollicité par le demandeur l’application de la disposition de l’article L. 1142-15 du Code de la santé publique qui dispose que : « En cas de silence ou de refus explicite de la part de l’assureur de faire une offre (…) le juge saisi dans le cadre de la subrogation, condamne le cas échéant l’assureur ou le responsable à verser à l’office une somme au plus égale à 15% de l’indemnité qu’il alloue (…)».

Les défendeurs s’opposent à cette demande au motif que les premiers éléments expertaux étaient contestables et que l’opposition de l’assureur reposait sur des arguments médicaux sérieux.

Au regard de l’ensemble éléments ressortant des expertises, il est établi que la faute et la responsabilité de l’IMM sont caractérisées et établies, dès 2015 le Professeur [X] établissait que : « le dommage est l’accident vasculaire cérébral ischémique sylvien profond droit, responsable d’une hémiplégie gauche. Cet accident vasculaire cérébral est la conséquence d’une embolie cérébrale à point de départ cardiaque, favorisée par le passage en fibrillation auriculaire en post-opératoire immédiat d’une polypectomie endoscopique », en conséquence, l’IMM ne pourrait qu’être de parfaite mauvaise foi s’il persistait, malgré les avis médicaux expertaux contraires, à minimiser sa responsabilité qui n’est retenue que pour 20%.

Dès lors, il apparaît juste que les défendeurs soient tenus au paiement de l’indemnité de 15 %, l’ONIAM s’étant substitué à l’assureur auprès de la victime et ayant avancé les sommes dues.

Pour les mêmes raisons, l’ONIAM ayant dû faire l’avance des frais d’expertise, les défendeurs seront tenus de lui en payer 20 % du montant acquitté.

En conséquence, l’IMM sera condamné, in solidum avec son assureur, la SHAM, à payer à l’ONIAM les sommes suivantes : 138.505,29 € au titre de son avance de paiement faite entre les mains de Madame [J], 20.775,79 € au titre de l’indemnité de 15 % et 793,80 € en raison des frais d’expertise exposés.

SUR LA DEMANDE PRINCIPALE DE LA CAISSE

Dans un premier temps, il doit être dit que l’intervention volontaire de la CPAM de l’Oise est recevable et que la CPAM du Val de Marne est hors de cause.

La Caisse demande qu’il soit jugé que l’Institut Mutualiste [13] a commis une faute dans la prise en charge médicale de Madame [R] [J], ayant contribué à la réalisation de son préjudice à hauteur de 30 % ; que la créance de la CPAM de l’Oise soit fixée à 517.140,29 euros, toutes réserves utiles étant faites quant aux prestations non connues à ce jour et pour celles qui pourraient être versées ultérieurement ; et que l’Institut Mutualiste [13] et la SHAM soient condamnés solidairement à rembourser à la Caisse Primaire d’Assurance Maladie de l’Oise sa créance, après application du partage de responsabilité et des règles relatives au droit de préférence.
Il est donc sollicité 30 % de 517.140,29 €.

Les défendeurs ne contestent pas cette demande.

Il y sera donc fait droit.

SUR LES DEMANDES ACCESSOIRES

En application de l'article L 376-1 du Code de la Sécurité Sociale, le tiers responsable est condamné à payer une indemnité forfaitaire en contrepartie des frais engagés par l'organisme national d'assurance maladie ; que le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum de 1066 €.

L’Institut Mutualiste [13] et la SHAM, qui succombent en la présente instance, seront condamnés aux dépens. En outre, ils devront supporter les frais irrépétibles engagés par l’ONIAM dans la présente instance et que l'équité commande de réparer à raison de la somme de 3.000 €, sur le même fondement, ils devront régler à la Caisse la somme de 500 €.

L'ancienneté de l'accident justifie que soit ordonnée l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement, par jugement réputé contradictoire mis à disposition au greffe et rendu en premier ressort,

DIT que l’intervention volontaire de la CPAM de l’Oise est recevable ;

DIT que la CPAM du Val de Marne est hors de cause ;

RAPPELLE que l’action subrogatoire de l’ONIAM à l’encontre de l’IMM et de la SHAM (devenue la Société Relyens Mutual Insurance) n’est pas prescrite ;

DIT que l’ONIAM est subrogé dans les droits de Madame [J] à concurrence des sommes versées à l’encontre des responsables du dommage ;

DIT que la responsabilité de l’Institut Mutualiste [13] est engagée en application de l’article L. 1142-1 I alinéa 1er du Code de la santé publique au titre de manquements fautifs dans la prise en charge postopératoire anesthésique de Madame [J] ;

CONSTATE que les manquements de l’Institut Mutualiste [13] ont entraîné une perte de chance de 20% pour Madame [J] d’éviter la survenue d’un embol cérébral à l’origine de ses préjudices ;

CONDAMNE l’Institut Mutualiste [13] in solidum avec son assureur, la SHAM (devenue la Société Relyens Mutual Insurance), à payer à l’ONIAM les sommes suivantes :
- 138.505,29 euros réglée entre les mains de Madame [J]
- 20.775,79 euros correspondant à 15% de l’indemnité payée en lieu et place de l’assureur de l’IMM
- 793,80 euros au titre des frais d’expertise ;

DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement ;

CONDAMNE l’Institut Mutualiste [13] in solidum avec son assureur, la SHAM (devenue la Société Relyens Mutual Insurance), à payer à la CPAM de l’Oise les sommes suivantes :
Au principal : 30 % de 517.140,29 €Au titre de l’indemnité forfaitaire légale : 1.066 € ;
DIT que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du présent jugement et que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du Code civil ;

DÉCLARE le présent jugement commun à la mutuelle Malakoff Médéric Santé ;

CONDAMNE l’Institut Mutualiste [13] in solidum avec son assureur, la SHAM (devenue la Société Relyens Mutual Insurance) aux dépens ;

CONDAMNE l’Institut Mutualiste [13] in solidum avec son assureur, la SHAM (devenue la Société Relyens Mutual Insurance) à payer à l’ONIAM la somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

CONDAMNE l’Institut Mutualiste [13] in solidum avec son assureur, la SHAM (devenue la Société Relyens Mutual Insurance) à payer à la CPAM de l’Oise la somme de 500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ;

ORDONNE l'exécution provisoire du présent jugement ;

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.

Fait et jugé à Paris le 27 Mai 2024.

La GreffièreLe Président

Erell GUILLOUËTOlivier NOËL


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19eme contentieux médical
Numéro d'arrêt : 18/04562
Date de la décision : 27/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-27;18.04562 ?
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