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22/05/2024 | FRANCE | N°21/12988

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 18° chambre 2ème section, 22 mai 2024, 21/12988


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me FIEHL (E1294)
Me DIAGNE (B0436)





18° chambre
2ème section

N° RG 21/12988

N° Portalis 352J-W-B7F-CVGSG

N° MINUTE : 5

Assignation du :
30 Septembre 2021







JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2024
DEMANDEURS

Monsieur [D] [F]
[Adresse 2]
[Localité 10]

Monsieur [V] [F]
[Adresse 6]
[Localité 11]

Madame [Y] [P] [S] épouse [F]
[Adresse 6]
[Localité 11]

Mons

ieur [M] [F]
[Adresse 1]
[Localité 9]

Monsieur [T] [F]
[Adresse 5]
[Localité 7]

Monsieur [E] [F]
[Adresse 4]
[Localité 9]

représentés par Me Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] C.C.C.F.E. + C.C.C.
délivrées le :
à Me FIEHL (E1294)
Me DIAGNE (B0436)

18° chambre
2ème section

N° RG 21/12988

N° Portalis 352J-W-B7F-CVGSG

N° MINUTE : 5

Assignation du :
30 Septembre 2021

JUGEMENT
rendu le 22 Mai 2024
DEMANDEURS

Monsieur [D] [F]
[Adresse 2]
[Localité 10]

Monsieur [V] [F]
[Adresse 6]
[Localité 11]

Madame [Y] [P] [S] épouse [F]
[Adresse 6]
[Localité 11]

Monsieur [M] [F]
[Adresse 1]
[Localité 9]

Monsieur [T] [F]
[Adresse 5]
[Localité 7]

Monsieur [E] [F]
[Adresse 4]
[Localité 9]

représentés par Me Valérie FIEHL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #E1294

Décision du 22 Mai 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/12988 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGSG

DÉFENDERESSE

S.A.R.L. FREE MODE (RCS Paris 435 373 410)
[Adresse 3]
[Localité 8]

représentée par Me Astou DIAGNE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #B0436

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Maïa ESCRIVE, Vice-présidente, statuant en juge unique,

assistée de Henriette DURO, Greffier.

DÉBATS

A l’audience du 13 Mars 2024 tenue en audience publique.

Après clôture des débats, avis a été donné aux avocats, que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 22 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu publiquement
Contradictoire
En premier ressort

_________________

EXPOSÉ DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 7 décembre 2015, Monsieur [D] [F] a donné à bail commercial à la S.A.R.L. FREE MODE (ci-après la société FREE MODE) un local situé [Adresse 3], afin d'y exercer une activité de "vente de prêt à porter hommes, femmes, enfants, retouche, la vente au détail de tous produits textiles, tissus, ameublement, articles de PARIS, parfumerie, import export".
Le bail a été conclu pour une durée de neuf années à compter du 1er décembre 2015, moyennant le versement d'un loyer annuel de 14.400 euros hors taxes et hors charges payable mensuellement et d'avance au plus tard le 5ème jour du mois.

Les locaux loués sont désignés contractuellement ainsi :
"- Au rez-de-chaussée, un local d'une superficie d'environ 30 m²,
- Au sous-sol, un local d'une superficie d'environ 37 m², le tout relié par un escalier intérieur".

Le 18 février 2019, Monsieur [D] [F] en sa qualité d'usufruitier, Messieurs [V], [T], [M] et [E] [F] ainsi que Madame [Y] [P] [S] épouse [F] (ci-après les consorts [F]) en leur qualité de nus-propriétaires d'une part, et la société FREE MODE) d'autre part, ont signé un protocole d'accord transactionnel aux termes duquel la locataire reconnaissait être redevable d'un arriéré locatif de 14.252,38 euros arrêté au 31 décembre 2018 et s'engageait à régler cette somme par 17 mensualités de 792 euros chacune à compter du 1er mars 2019 et d'une dernière mensualité de 788,38 euros, outre le loyer courant, avec une clause de déchéance du terme à défaut de paiement d'une échéance ou du loyer courant. Le loyer était en outre porté à compter de la date de signature du protocole à la somme mensuelle de 1.265,24 euros hors taxes et hors charges, la provision mensuelle sur charges étant maintenue à 100 euros.

Par un acte extrajudiciaire du 10 janvier 2020, les consorts [F] ont signifié à la société FREE MODE un commandement de payer portant sur la somme de 21.724,25 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de janvier 2020 inclus visant la clause résolutoire du bail.

Faisant valoir que le commandement était resté infructueux, les consorts [F] ont fait assigner la société FREE MODE, par exploit du 10 mars 2020, devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, aux fins principales de constater l'acquisition de la clause résolutoire, voir ordonner l'expulsion de la locataire et la voir condamner au paiement de la somme provisionnelle de 23.377,87 euros au titre des loyers et indemnités d'occupation impayés.

Par ordonnance en date du 11 décembre 2020, le juge des référés de ce tribunal a :
- Rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir des demandeurs ;
- Condamné la société FREE MODE à payer aux consorts [F] la somme provisionnelle de 7.000 euros au titre de la dette locative arrêtée au mois de novembre 2020 ;
- Autorisé la société FREE MODE à se libérer de sa dette en 24 versements mensuels d'un montant égal en sus du loyer courant, le premier versement intervenant le 25 du mois suivant la signification de la présente décision et les suivants le 25 de chaque mois ;
- Dit que, faute du paiement, à bonne date, en sus du loyer courant, d'une seule des mensualités, et huit jours après l'envoi d'une simple mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception, le tout deviendra immédiatement exigible ;
- Dit n'y avoir à lieu à référé sur la demande du chef de l'acquisition de la clause résolutoire et les demandes subséquentes ;
- Condamné la société FREE MODE à payer aux consorts [F] la somme de 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et au paiement des dépens qui comprendront notamment le coût du commandement de payer et qui seront recouvrés conformément à la loi sur l'aide juridictionnelle ;
- Dit n'y avoir lieu à référé pour le surplus des demandes.

Par un acte extrajudiciaire du 27 janvier 2021, les consorts [F] ont signifié à la société FREE MODE un commandement de payer portant sur la somme de 32.157,19 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de janvier 2021 inclus, visant la clause résolutoire du bail.

Par un acte extrajudiciaire du 24 février 2021, les consorts [F] ont signifié à la société FREE MODE un commandement de payer portant sur la somme de 34.147,93 euros au titre des loyers et charges impayés au mois de février 2021 inclus, visant la clause résolutoire du bail.

Par acte délivré le 30 septembre 2021 et dénoncé aux créanciers inscrits le 13 octobre 2021, les consorts [F] ont fait assigner la société FREE MODE devant ce tribunal.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs conclusions notifiées par voie électronique le 12 mai 2023, les consorts [F] demandent au tribunal de :

Vu l'article L. 145-41 du code de commerce,
Vu les articles 1728 et 1741 du code civil,
Vu le contrat de bail commercial du 7 décembre 2015,
Vu le commandement de payer en date du 24 février 2021,

- Condamner la société FREE MODE au paiement de la somme de 35.456,72 euros au titre des taxes foncières et taxes d'ordures ménagères 2017 à 2022, des soldes débiteurs des régularisations des charges des exercices 2018 à 2020, et des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés à mai 2023 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du commandement de payer du 24 février 2021 à hauteur de la somme de 27.720,03 euros, à hauteur de la somme de 25.216,59 euros à compter de l'assignation, à compter des conclusions du 19 mai 2022 à hauteur de la somme de 27.720,03 euros, à compter des conclusions du 15 décembre 2022 à hauteur de la somme de 27.620,68 euros, et à compter des présentes conclusions pour le surplus ;
- Condamner la société FREE MODE au paiement de la somme de 3.545,67 euros au titre de la clause pénale prévue au bail ;

A titre principal,

- Constater l'acquisition de la clause résolutoire prévue au bail, faute de règlement de la totalité des causes du commandement de payer du 24 février 2021 dans le mois de sa délivrance ;

A titre subsidiaire,

- Prononcer la résiliation du bail aux torts de la société FREE MODE pour retards et défauts de paiement du loyer ;

En tout état de cause,

- Ordonner l'expulsion de la société FREE MODE et de tous occupants de son chef des lieux loués [Adresse 3], rez-de-chaussée et sous-sol, dès signification du jugement à intervenir, avec l'assistance de la force publique et d'un serrurier ;
- Statuer ce que de droit concernant le sort des meubles en application des articles L. 433-1 et suivants et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution ;
- Déclarer le dépôt de garantie acquis aux bailleurs ;
- Condamner la société FREE MODE au paiement d'une indemnité d'occupation mensuelle égale au double du loyer, charges et taxes en sus, à titre principal à compter de la date d'acquisition de la clause résolutoire le 24 mars 2021, à titre subsidiaire à compter de la résiliation du bail, et jusqu'à complète libération des lieux loués ;
- Débouter la société FREE MODE de toutes ses demandes ;
- Condamner la société FREE MODE au paiement de la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- La condamner aux dépens, qui comprendront le coût des commandements de payer des 10 janvier 2020 et 24 février 2021, dont distraction au profit de Maître Valérie FIEHL, avocat aux offres de droit, conformément à l'article 699 du code de procédure civile.

Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par voie électronique le 8 juin 2023, la société FREE MODE demande au tribunal de :

Vu les articles L. 145-41, et suivants du code de commerce,
Vu l'article L. 211-1 du code des procédures civiles d'exécution,
Vu les dispositions en vigueur,
Vu les pièces produites,

- Juger que la société FREE MODE a soldé sa dette de loyers en vertu des termes de l'ordonnance du 11 décembre 2020 ;
- Juger que la demande de constat de la clause résolutoire n'est pas fondée ni sur le quantum ni sur la procédure irrégulière du commandement du 24 février 2021 y afférent ;
- Juger que la demande de résiliation est sans objet ;
- Juger que la société FREE MODE a réglé les loyers courants outre les échéanciers fixés par l'ordonnance du 11 décembre 2020 ;
- En conséquence, rejeter les demandes de constat de la clause résolutoire et de résiliation du bail du 7 décembre 2015, à effet du 1er décembre de la même année ;
- Rejeter toutes les demandes et fins contraires ;

En toute hypothèse,
- Condamner les demandeurs au paiement de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
- Condamner les demandeurs aux dépens.

* * *

La clôture de la mise en état a été prononcée le 9 juin 2023.

Postérieurement à la clôture, le 5 mars 2024, les consorts [F] ont notifié des conclusions aux fins d'actualisation de leur créance sur le fondement de l'article 802 du code de procédure civile à hauteur de 42.223,65 euros au titre des taxes foncières et taxes d'ordures ménagères 2017 à 2022, des soldes débiteurs des régularisations des charges des exercices 2018 à 2020, et des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés au mois de mars 2024 inclus.

Ainsi que le permet l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières conclusions des parties pour l'exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.

L'affaire a été appelée pour plaidoiries à l'audience tenue en juge unique le 13 mars 2024 et mise en délibéré à ce jour.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur la recevabilité des conclusions d'actualisation notifiées le 5 mars 2024 par les consorts [F]

Aux termes de l'article 802 du code de procédure civile, après l'ordonnance de clôture, aucune conclusion ne peut être déposée ni aucune pièce produite aux débats, à peine d'irrecevabilité prononcée d'office.
Sont cependant recevables les demandes en intervention volontaire, les conclusions relatives aux loyers, arrérages, intérêts et autres accessoires échus et aux débours faits jusqu'à l'ouverture des débats, si leur décompte ne peut faire l'objet d'aucune contestation sérieuse, ainsi que les demandes de révocation de l'ordonnance de clôture.
Sont également recevables les conclusions qui tendent à la reprise de l'instance en l'état où celle-ci se trouvait au moment de son interruption.

A titre liminaire, il convient de rappeler que la procédure devant ce tribunal est écrite et que la demande de révocation de l'ordonnance de clôture ou de rejet de conclusions ou pièces adverses doit être sollicitée par voie de conclusions.

Or, en l'espèce, la société FREE MODE demande la révocation de l'ordonnance de clôture et à défaut, le rejet des écritures et pièces adverses notifiées le 5 mars 2024, par courrier adressé par RPVA le 6 mars 2024. Le tribunal n'est donc pas valablement saisi de ces demandes.

En tout état de cause, le nouveau décompte en date du 29 février 2024 intègre des appels de loyers et charges pour les mois de juin 2023 à mars 2024 qui ne sont pas sérieusement contestables, de sorte que les conclusions d'actualisation et les pièces 24 et 25 correspondant au décompte actualisé et à la lettre d'indexation du 28 novembre 2023 notifiées par les consorts [F] le 5 mars 2024 sont recevables.

Sur l'arriéré locatif

Aux termes de leurs conclusions d'actualisation, les consorts [F] font état d'une créance de 42.223,65 euros au titre des taxes foncières et taxes d'ordures ménagères 2017 à 2022, des soldes débiteurs des régularisations des charges des exercices 2018 à 2020, et des loyers, charges et indemnités d'occupation arrêtés à mars 2024 inclus.

La société FREE MODE conteste les sommes réclamées et soutient que la dette locative a été apurée. Elle fait valoir :
- que la dette inclut un montant principal d'arriérés de loyers de 10.224 euros arrêté au 1er janvier 2016, lequel est prescrit ; que la dette inclut également un arriéré de 14.400.78 euros antérieur à 2018 qui aurait selon les bailleurs été omis lors de la signature du protocole d'accord, lequel n'est étayé par aucune preuve ;
- que le bail a été conclu le 7 décembre 2015 à effet du 1er décembre de la même année ; que le bailleur ne pouvait procéder à une augmentation du loyer après le 1er décembre 2018 ; qu'en l'espèce, il a profité du protocole d'accord du 18 février 2019 pour augmenter irrégulièrement le loyer (initialement de 14.400 euros hors taxes) à la somme de 15.182,88 euros hors taxes sans rapport avec la variation de l'indice INSEE ;
- selon les dispositions de l'alinéa 2 de l'article L. 111-8 du code de procédure civile, "Les frais de recouvrement entrepris sans titre exécutoire restent à la charge du créancier, sauf s'ils concernent un acte dont l'accomplissement est prescrit par la loi au créancier. Toute stipulation contraire est réputée non écrite, sauf disposition législative contraire" ; que doivent être déduits les frais d'acte de 227,01 euros ;
- les charges et taxes ont été régularisées tardivement et ne sont pas justifiées notamment concernant la consommation d'eau.

En application de l'article 9 du code de procédure civile et de l'ancien article 1315, devenu l'article 1353 du code civil, il incombe au bailleur qui sollicite la condamnation du locataire au paiement de loyers, charges et accessoires, de produire les pièces justificatives permettant au tribunal de constater et de vérifier, outre l'existence de l'obligation du locataire, l'exactitude des sommes réclamées.

Il doit notamment fournir un décompte reprenant tous les loyers, charges ou autres sommes dues impayées et les règlements effectués par le locataire, ainsi que les justificatifs (factures, appels de charges, avis d'imposition, relevés individuels et généraux de copropriété, etc...) des sommes réclamées, afin que le tribunal puisse vérifier le calcul de la somme réclamée et en apprécier la pertinence.

- Sur la prescription partielle de la créance alléguée

En application de l'article 2224 du code civil, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Selon l'article 2240 du même code, la reconnaissance par le débiteur du droit de celui contre lequel il prescrivait interrompt le délai de prescription.

Or, aux termes du protocole d'accord transactionnel signé entre les parties le 12 février 2019, la société FREE MODE a reconnu être débitrice de la somme de 14.252,38 euros au titre de la dette locative. Cette reconnaissance a interrompu le délai de prescription, de sorte qu'aucune prescription n'est acquise à la date de l'assignation délivrée par les bailleurs le 24 février 2021.

S'agissant de la somme de 14.400,78 euros, les consorts [F] exposent dans leurs écritures que le protocole a omis l'arriéré de 14.400,78 euros pour la période antérieure au 22 mars 2018. Or, cette somme n'est pas justifiée autrement que par une mention sur un décompte débutant à la date du 1er janvier 2016 et faisant état d'un "solde historique 14400.78" (pièce 4 en demande) et de plus, fait fi du protocole d'accord conclu qui arrête la dette locative à la somme de 14.252,38 euros. Cette somme de 14.400,78 euros sera donc déduite de la somme réclamée.

- Sur la révision irrégulière du loyer alléguée

Le bail conclu entre les parties le 7 décembre 2015 stipule en page 6, que le loyer annuel, hors taxes est de 14.400 euros, payable mensuellement et d'avance et que "le loyer ci-dessus fixé sera révisé automatiquement, chaque année, à la date anniversaire du bail, en fonction de la variation de l'indice ILC (indice trimestriel des loyers commerciaux) et de tout autre indice qui viendrait à lui être substitué. L'application de l'indexation ne pourra pas permettre une diminution du loyer qui, dans cette hypothèse, restera fixé au même montant jusqu'à la prochaine indexation (...). L'indice de base est celui du 2ème trimestre de l'année 2015, soit 108,38 de l'indice ILC. L'indice de comparaison applicable à chacune des variations sera donc celui du 2ème trimestre de l'année de la date de révision".

En l'espèce, les parties sont donc convenues d'une clause d'indexation annuelle automatique.

Les indices ILC du deuxième trimestre rappelés par les bailleurs ne sont pas contestés par la locataire, à savoir :
- 2ème trimestre 2016 : 108,40,
- 2ème trimestre 2017 : 110,
- 2ème trimestre 2018 : 112,59,
- 2ème trimestre 2019 : 115,21.

Les indexations annuelles successives ont donc porté le loyer à :
- 14.402,66 € par an, soit 1.200,22 € par mois (14.400 € x 108,40 / 108,38) le 7 décembre 2016,
- 14.615,26 € par an, soit 1.217,93 € par mois (14.402,66 € x 110 / 108,40) le 7 décembre 2017,
- 14.959,38 € par an, soit 1.246,61 € par mois (14.615,26 € x 112,59 / 110) le 7 décembre 2018,
- 15.307,49 € par an, soit 1.275,62 € par mois (14.959,38 € x 115,21 / 112,59) le 7 décembre 2019.

Décision du 22 Mai 2024
18° chambre 2ème section
N° RG 21/12988 - N° Portalis 352J-W-B7F-CVGSG

Par ailleurs, l'article L. 145-38 du code de commerce dispose que la demande en révision ne peut être formée que trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire ou après le point de départ du bail renouvelé. La révision du loyer prend effet à compter de la date de la demande en révision.
De nouvelles demandes peuvent être formées tous les trois ans à compter du jour où le nouveau prix sera applicable.
Par dérogation aux dispositions de l'article L. 145-33, et à moins que ne soit rapportée la preuve d'une modification matérielle des facteurs locaux de commercialité ayant entraîné par elle-même une variation de plus de 10 % de la valeur locative, la majoration ou la diminution de loyer consécutive à une révision triennale ne peut excéder la variation de l'indice trimestriel des loyers commerciaux ou de l'indice trimestriel des loyers des activités tertiaires mentionnés aux premier et deuxième alinéas de l'article L. 112-2 du code monétaire et financier, intervenue depuis la dernière fixation amiable ou judiciaire du loyer. Dans le cas où cette preuve est rapportée, la variation de loyer qui en découle ne peut conduire à des augmentations supérieures, pour une année, à 10 % du loyer acquitté au cours de l'année précédente.
En aucun cas il n'est tenu compte, pour le calcul de la valeur locative, des investissements du preneur ni des plus ou moins-values résultant de sa gestion pendant la durée du bail en cours.

Aux termes du protocole d'accord transactionnel en date du 18 février 2019, le loyer a été porté à la somme de 15.182,88 euros soit un loyer mensuel hors charges et hors taxes de 1.265,24 euros et la provision mensuelle sur charges a été maintenue à 100 euros.

L'augmentation du loyer s'est donc effectuée en dehors de l'indexation annuelle automatique contractuellement prévue, contrairement à ce qu'affirment les bailleurs, ce qui s'analyse donc en une révision du loyer. Celle-ci étant intervenue trois ans au moins après la date d'entrée en jouissance du locataire, elle n'est pas irrégulière. De plus, les parties disposent de la possibilité d'opérer une modification conventionnelle du montant du loyer en cours de bail, en dehors de la révision triennale régie par les articles L. 145-38 et suivants du code de commerce.

Or, l'accord exprès de chacune des parties est démontré par la signature dudit protocole d'accord, accord qui ne saurait être remis en question a posteriori sans motif légitime, un tel motif n'étant pas invoqué en l'espèce. Par conséquent, la contestation de la locataire sur ce point n'est pas retenue par le tribunal.

- Sur la déduction des frais d'acte de recouvrement

Il ressort des décomptes produits que les frais de commandement de payer du 10 janvier 2020 de 227,91 euros sont imputés au locataire à la date du 1er février 2020. Il convient de les déduire.

- Sur les charges et taxes

L'article L. 145-40-2 du code de commerce dispose que tout contrat de location comporte un inventaire précis et limitatif des catégories de charges, impôts, taxes et redevances liés à ce bail, comportant l'indication de leur répartition entre le bailleur et le locataire. Cet inventaire donne lieu à un état récapitulatif annuel adressé par le bailleur au locataire dans un délai fixé par voie réglementaire. En cours de bail, le bailleur informe le locataire des charges, impôts, taxes et redevances nouveaux.
Dans un ensemble immobilier comportant plusieurs locataires, le contrat de location précise la répartition des charges ou du coût des travaux entre les différents locataires occupant cet ensemble. Cette répartition est fonction de la surface exploitée. Le montant des impôts, taxes et redevances pouvant être imputés au locataire correspond strictement au local occupé par chaque locataire et à la quote-part des parties communes nécessaires à l'exploitation de la chose louée. En cours de bail, le bailleur est tenu d'informer les locataires de tout élément susceptible de modifier la répartition des charges entre locataires.

L'article R. 145-36 du code de commerce énonce que l'état récapitulatif annuel mentionné au premier alinéa de l'article L. 145-40-2, qui inclut la liquidation et la régularisation des comptes de charges, est communiqué au locataire au plus tard le 30 septembre de l'année suivant celle au titre de laquelle il est établi ou, pour les immeubles en copropriété, dans le délai de trois mois à compter de la reddition des charges de copropriété sur l'exercice annuel. Le bailleur communique au locataire, à sa demande, tout document justifiant le montant des charges, impôts, taxes et redevances imputés à celui-ci.

En l'espèce, le bail prévoit en page 6, une provision sur charges de 100 euros par mois "destinée à couvrir toutes les charges et prestations ainsi que toutes les dépenses d'exploitation, de réparation (hors les travaux relevant de l'article 606 du Code civil) ou d'entretien des locaux telles, les charges d'abonnement et de consommation d'électricité, de gaz et d'eau, de téléphone, de fibre optique, le coût des contrats d'entretien, de nettoyage et de maintenance, la rémunération (charges sociales et charges annexes incluses) de gardiennage (par un salarié ou par une entreprise extérieure) et d'assurance de l'immeuble" et que "conformément à l'article L 145-40-2 du Code de commerce, un état récapitulatif annuel de ces charges (permettant la régularisation annuelle du compte de charges) sera tenu à la disposition du PRENEUR, et lui sera communiqué sur simple demande avec tous documents justificatifs sollicités, dans un délai de trois (3) mois de la reddition des charges de la copropriété concernée sur l'exercice annuel".

En page 4, le contrat stipule que "le PRENEUR prendra à sa charge, et remboursera au BAILLEUR sur simple demande justifiée le montant de la taxe sur les ordures ménagères et le montant de la taxe foncière".

Il incombe au bailleur qui réclame au preneur de lui rembourser, conformément au contrat de bail commercial le prévoyant, un ensemble de dépenses et de taxes, d'établir sa créance en démontrant l'existence et le montant de ces charges et taxes.

Si le non-respect du délai rend fautive l'absence de régularisation des charges et est susceptible de priver de cause les provisions de charges, le bailleur conserve toutefois la possibilité de demander le paiement des charges dûment justifiées dans la limite de la prescription quinquennale.

En l'espèce, il ressort des pièces versées aux débats que par courrier en date du 1er décembre 2021, les bailleurs ont notifié à la locataire la régularisation des charges pour les années 2018, 2019 et 2020 puis par courrier du 1er février 2023, celle pour l'année 2021. Les justificatifs sont produits ainsi que la clé de répartition qui mentionne que le lot numéro 3 loué par la société FREE MODE représente 435 tantièmes sur 10.005 et le tableau de consommation d'eau pour chaque lot pour les années 2019 à 2021. Il en résulte que les charges imputées à la locataire sont justifiées ainsi :
- En 2018 : charges communes générales sans ascenseur et sans la consommation d'eau : (37.030,89 - 4.841.52) / 10.005 x 435 = 1.399,54 €. La consommation d'eau imputée étant de 166,06 euros (1.565,60 - 1.399,54) sur 4.841,52 € (correspondant à 1.080 m²), ce qui correspond à une consommation d'eau annuelle de la société FREE MODE de 37 m² qui n'apparaît excessive compte tenu des relevés de consommation d'eau communiqués pour les années ultérieures ;
- En 2019 : charges communes générales sans ascenseur et sans la consommation d'eau : (36.008,80 - 4.993,63) / 10.005 x 435 = 1.348,48 €. La consommation d'eau de la société FREE MODE a été facturée pour 261,55 euros (1.610,04 - 1.348,48) sur 4.993,63, ce qui correspond à une consommation d'eau annuelle de la société FREE MODE qui n'apparaît excessive compte tenu des relevés de consommation d'eau communiqués ;
- En 2020 : charges communes générales sans ascenseur et sans la consommation d'eau : (37.030,89 - 4.841.52) / 10.005 x 435 = 1.399,54 €. La consommation d'eau imputée étant de 210,50 euros (1.610,04 - 1.399,54) sur 4.841,52 € (correspondant à 1.449 m²), ce qui correspond à une consommation d'eau annuelle de la société FREE MODE de 63 m² qui n'apparaît excessive compte tenu des relevés de consommation d'eau communiqués pour les années ultérieures ;
- En 2021 : charges communes générales sans ascenseur et sans la consommation d'eau : 24.924,68 / 10.005 x 435 = 1.083,68 €. La consommation d'eau imputée étant de 3,47 euros sur 4.811,83 €, ce qui correspond au relevé des compteurs.

Dès lors et compte tenu des provisions sur charges versées, les soldes débiteurs réclamés de 365,60 euros en 2018, 320,49 euros en 2019, 410,04 euros en 2020 et le solde créditeur de 109,38 euros en 2021 sont justifiés. En revanche, tel n'est pas le cas des provisions sur charges facturées à la locataire pour les années 2016 et 2017, soit 100 € x 24 mois = 2.400 euros. Cette somme sera déduite.

S'agissant des taxes, par un avis d'échéance en date du 27 novembre 2020, les bailleurs ont notifié à la locataire les sommes mises à sa charge au titre des taxes foncières et d'ordures ménagères pour les années 2017, 2018, 2019 pour un montant total de 3.315,28 euros, puis le 1er décembre 2022, la taxe d'ordures ménagères de 2020 pour 336 euros, le 1er janvier 2023, la taxe d'ordures ménagères de 2021 pour 340 euros et le 1er mars 2023, la taxe d'ordures ménagères de 2022 pour 351 euros. Enfin, ils ont réclamé le 11 mai 2023 les taxes foncières pour les années 2020 à 2022 pour un montant total de 2.497,28 euros. Les avis de taxes foncières pour les années 2018 à 2021 sont produits.

Force est toutefois de constater que les bailleurs n'ont pas fourni d'élément pour l'année 2017 ni d'éléments concernant les taxes d'ordures ménagères pour les années ultérieures - alors que celles-ci apparaissent incluses dans les avis de taxes foncières communiqués - permettant de constater l'exact calcul des taxes imputées à la locataire.

Par ailleurs, au regard des avis communiqués et de la clé de répartition, il n'est justifié de la mise à la charge de la locataire en application des clauses du bail que des sommes suivantes :
- taxe foncière incluant la taxe d'ordures ménagères 2018 : 16.704 € x 435 / 10005 = 726,26 €,
- taxe foncière incluant la taxe d'ordures ménagères 2019 : 17.193 € x 435 / 10005 = 747,52 €,
- taxe foncière incluant la taxe d'ordures ménagères 2020 : 17.486 € x 435 / 10005 = 760,26 €,
- taxe foncière incluant la taxe d'ordures ménagères 2021 : 17.704 € x 435 / 10005 = 769,74 €,
- taxes foncière incluant la taxe d'ordures ménagères 2022 : 18.271 € x 435 / 10005 = 794,39 €,

alors qu'il a été facturé à la société FREE MODE les sommes suivantes au titre des taxes foncières :
- 2018 : 781,11 €,
- 2019 : 803,94 €,
- 2020 : 817,02 €,
- 2021 : 827,31 €,
- 2022 : 852,95 €,

soit un différentiel de 284,16 euros ((781,11 - 726,26) + (803,94 - 747,52) + (817,02 - 760,26) + (827,31 - 769,74) + (852,95 - 794,39)).

Les taxes d'ordures ménagères pour les années 2018 à 2022 imputées à la locataire pour un montant total de 1.678,02 euros (320,79+330,23+336+340+351) ne sont pas justifiées.

Il apparaît au regard de ces éléments que la dette locative doit être fixée à la somme de 22.153,57 euros calculée ainsi :
42.223,65 € - 14.400,78 € (solde débiteur antérieur non justifié) - 227,91 € (frais de commandement) - 2.400 € (provisions sur charges 2016 et 2017) - 765,01 € (taxe foncière 2017) - 314,20 € (taxe d'ordures ménagères 2017) - 284,16 € (différentiel de taxes foncières) - 1.678,02 € (taxes d'ordures ménagères 2018 à 2022).

Sur la demande de constat de l'acquisition de la clause résolutoire insérée au bail et la validité du commandement de payer visant la clause résolutoire délivré le 24 février 2021

Aux termes de l'article L. 145-41 du code de commerce, toute clause insérée dans le bail prévoyant la résiliation de plein droit ne produit effet qu'un mois après un commandement demeuré infructueux. Le commandement doit, à peine de nullité, mentionner ce délai.

Les juges saisis d'une demande présentée dans les formes et conditions prévues à l'article 1343-5 du code civil, anciennement l'article 1244-1, peuvent, en accordant des délais, suspendre la réalisation et les effets des clauses de résiliation, lorsque la résiliation n'est pas constatée ou prononcée par une décision de justice ayant acquis l'autorité de la chose jugée. La clause résolutoire ne joue pas, si le locataire se libère dans les conditions fixées par le juge.

Ces dispositions sont d'ordre public et les parties ne peuvent y déroger.

En application de l'ancien article 1315, devenu l'article 1353 du code civil, il appartient au bailleur d'apporter la preuve des obligations auxquelles il reproche au preneur d'avoir manqué tandis qu'il incombe à celui-ci de démontrer qu'il les a exécutées.

En l'espèce, le bail du 7 décembre 2015 liant les parties comporte en page 7, une clause intitulée "clause résolutoire" qui prévoit notamment qu'"à défaut de paiement à son échéance d'un seul terme de loyer ou d'indemnité d'occupation, de charges, de loyers arriérés, de complément de dépôt de garantie, d'intérêts de retard affectant les sommes visées ci-dessus, ou d'une façon générale de toute somme due par le PRENEUR au BAILLEUR dans le cadre du bail en cours ou en cas d'inexécution d'une seule des clauses du présent bail, et un mois après un simple commandement de payer ou d'exécuter, contenant mention de la présente clause, restée sans effet, le présent bail sera résilié de plein droit, si bon semble au BAILLEUR, à l'expiration du délai ci-dessus et même en cas d'offre de paiement, de consignation ou d'exécution ultérieure".

Le commandement signifié à la société FREE MODE le 24 février 2021 vise la clause résolutoire du contrat de bail commercial et mentionne le délai d'un mois précité.
Il porte sur un arriéré locatif de 34.147,93 euros arrêté au mois de février 2021 inclus, outre les frais de l'acte de 247,01 euros.

La société FREE MODE conclut que le commandement de payer délivré le 24 février 2021 est irrégulier aux motifs essentiels :
- qu'il n'est joint aucun décompte au commandement délivré ;
- que le commandement a été délivré pour une somme indue ; que les provisions sur charges n'étaient pas justifiées faute de toute régularisation annuelle ; que les demandeurs ont reconnu dans leurs écritures que le quantum réclamé était erroné ; que les décomptes communiqués par les bailleurs sont constamment différents, ce qui l'empêche de comprendre ce qui lui est réclamé ; qu'elle avait, à la date de délivrance du commandement, soldé la somme due au titre de la dette locative arrêtée par le juge des référés.
Elle invoque également les moyens précédemment examinés quant à la dette locative.

Il est rappelé que pour être valable, le commandement de payer doit informer clairement le locataire du manquement qui lui est reproché, et notamment lorsqu'il s'agit du paiement des loyers, préciser le montant, la cause, la nature et la date d'exigibilité de la somme réclamée.

Un commandement de payer qui serait notifié pour une somme erronée et supérieure au montant de la créance réelle du bailleur au titre des loyers n'est pas nul mais ne produit ses effets qu'à due concurrence des sommes exigibles.

En l'espèce, la locataire soutient que le commandement ne comprenait pas de décompte détaillé ce que contestent les bailleurs. Le commandement versé aux débats par les bailleurs comporte un décompte ainsi que des avis de taxes foncières pour les années 2018 et 2019 et la clé de répartition des charges et taxes, de sorte que le grief tiré de l'absence de décompte joint au commandement n'est pas caractérisé.

Ce décompte fait état de la dette locative de la société FREE MODE du 1er janvier 2016 au 1er février 2021 et distingue les sommes appelées au titre des provisions sur charges de celles appelées au titre du loyer, mais aussi de celles réclamées au titre de la TVA ainsi que les sommes versées par la locataire et le solde qui en découle.

Il est exact qu'à la date de délivrance du commandement, les charges n'avaient pas été régularisées (elles ne l'ont été que par courrier en date du 1er décembre 2021, pour les années 2018, 2019 et 2020 puis par courrier du 1er février 2023, pour les charges de l'année 2021), de sorte que la société FREE MODE n'était pas en mesure de vérifier l'exigibilité des sommes dues au titre des charges ; que de même, s'agissant des taxes, seuls les avis des taxes foncières pour les années 2018 et 2019 avaient été communiqués. Par ailleurs, tous les règlements de la locataire ne figurent pas au décompte joint, notamment ceux effectués entre le 1er mai et le 12 septembre 2020.
Enfin, et ainsi que le relève la locataire, les décomptes versés aux débats par les bailleurs font état de montants du solde dû au mois de février 2021 différents :
- 34.147,93 euros dans le décompte daté du 19 janvier 2021,
- 32.192,65 euros dans le décompte daté du 17 mars 2021 prenant en compte des versements intervenus le 10 février 2021,
- 29.872,24 euros dans le décompte daté du 10 mai 2022,
- 29.675,31 euros dans le décompte daté du 18 mai 2022,
- 29.872,24 euros dans le décompte daté du 29 février 2024.

Pour autant, même en déduisant les provisions sur charges facturées jusqu'au mois de décembre 2020, soit 6.050 euros, les taxes foncières et d'ordures ménagères pour l'année 2017 non justifiées, soit 1.079,21 euros (314,20 + 765,01), le différentiel sur les taxes foncières non justifié pour les années 2018 et 2019, soit 111,27 euros ((781,11 - 726,26) + (803,94 - 747,52)), les taxes d'ordures ménagères pour les années 2018 et 2019 imputées à la locataire pour un montant total de 651,02 euros (320,79 + 330,23), le coût du commandement de payer délivré le 1er février 2020, soit 227,91 euros et en déduisant les règlements de la locataire omis dans le décompte joint soit 9.578,83 euros en mai 2020, 1.618,29 euros en juillet 2020 et 956,84 euros en septembre 2020, il existe un arriéré locatif de 13.874,56 euros à la date de délivrance du commandement.

Il ressort du décompte locatif communiqué par les bailleurs que la société FREE MODE n'a pas régularisé l'intégralité des sommes dues au titre des loyers et charges dus au mois de février 2021, dans le délai d'un mois, de sorte que la clause résolutoire est acquise au 24 mars 2021 à minuit.

A cet égard, il doit être précisé qu'en application de l'article 1728 du code civil, le paiement du prix du bail aux termes convenus constitue l'une des deux obligations principales du preneur et qu'il ressort des décomptes que la locataire n'est pas en mesure de respecter cette obligation depuis de nombreuses années et ce, malgré un emprunt contracté pour s’acquitter d’une partie de l’arriéré locatif et de ses efforts d’apurement.

Les conditions d'acquisition des effets de la clause résolutoire étant réunies, le bail se trouve résilié de plein droit avec toutes conséquences de droit. Il sera ordonné l'expulsion de la société FREE MODE ainsi que celle de tout occupant de son chef en cas de non-restitution volontaire des lieux suivant les modalités prévues au dispositif de la décision.

L'enlèvement des meubles et effets se trouvant dans les lieux sera effectué selon les règles fixées par les articles L. 433-1 et suivants, et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution.

Il est d'usage en matière de baux ou d'occupation de lieux de fixer l'indemnité d'occupation à un montant compensant d'une part la valeur locative des lieux et d'autre part le préjudice résultant pour le propriétaire du maintien de l'occupant dans les lieux ; cette indemnité est en pratique fixée à un montant égal à celui des derniers loyers et charges contractuels.

En l'espèce, les consorts [F] ne justifient pas par des éléments probants leur demande de fixation de l'indemnité d'occupation au double du loyer contractuel. Il y a lieu dès lors de condamner la locataire à payer, à compter du 25 mars 2021, une indemnité d'occupation mensuelle égale au montant du loyer et des charges locatives prévus par le bail résilié jusqu'à libération des lieux, caractérisée par la remise des clés ou l'expulsion de la locataire.

Sur la demande de condamnation au paiement de l'arriéré locatif et au titre de la clause pénale

En conséquence, il convient de condamner la société FREE MODE à payer aux consorts [F] la somme de 22.153,57 euros au titre des arriérés de loyers, indemnités d'occupation, charges et taxes arrêtés au mois de mars 2024 inclus.

Conformément à l'ancien article 1153 du code civil, devenu 1231-6, cette somme produira des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2021, date du commandement de payer.

Les demandeurs seront déboutés du surplus de leur demande au titre des arriérés de loyers, indemnités d'occupation, charges et taxes arrêtés au mois de mars 2024.

En application de l'article 1152 du code civil, dans sa version applicable au contrat souscrit avant le 1er octobre 2016, lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages et intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire.

En l'espèce, il ressort de la clause pénale stipulée au bail (page 7) que dans le cas où "le PRENEUR ne paierait pas, à un terme convenu, l'intégralité du loyer et des charges convenus, et que le BAILLEUR, serait obligé de procéder au recouvrement par les moyens de sa convenance, actes extra-judiciaires, procédures, sociétés de recouvrements, le montant de la ou les quittances ainsi recouvrées seraient ipso facto majorées de 10 % indépendamment de toutes les autres sanctions prévues et de toutes réclamations en dommages-intérêts".

Cette clause, en ce qu'elle fixe à l'avance et de façon forfaitaire l'indemnité perçue par le bailleur, en cas d'inexécution par le preneur de son obligation de paiement du loyer, constitue également une pénalité soumise au pouvoir modérateur du juge.

L'application de cette clause apparaît excessive au regard de son cumul avec la demande de conservation du dépôt de garantie sollicitée par les bailleurs à titre de pénalité contractuelle. Elle sera réduite à 100 euros. La société FREE MODE sera condamnée à verser cette somme aux bailleurs au titre de la clause pénale.

Sur la demande au titre du dépôt de garantie

L'article "Dépôt de garantie" du bail prévoit, in fine (page 8), qu'en cas de résiliation du bail, "la somme versée à titre de dépôt de garantie par le Preneur restera acquise au BAILLEUR, à titre d'indemnité et sans préjudice de tous autres dommages-intérêts, s'il y a lieu".

En application de cette clause pénale, qui ne fait l'objet d'aucune contestation, il convient de déclarer que le dépôt de garantie sera conservé par le bailleur à titre de pénalité contractuelle.

Sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire du bail

Elle est sans objet.

Sur les demandes accessoires

Succombant à l'instance, la société FREE MODE est condamnée aux dépens de la présente instance, qui comprendront le coût des commandements de payer délivrés les 10 janvier 2020 et 24 février 2021, et qui pourront être recouvrés directement par Maître Valérie FIEHL, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Elle sera également condamnée à verser aux consorts [F] une somme qu'il est équitable de fixer à 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et déboutée de sa demande de ce chef.

Enfin aucun motif ne conduit à écarter l'exécution provisoire de droit.

PAR CES MOTIFS

Le Tribunal, statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,

DÉCLARE recevables les conclusions d'actualisation et les pièces 24 et 25 correspondant au décompte actualisé et à la lettre d'indexation du 28 novembre 2023 notifiées par Monsieur [D] [F] en sa qualité d'usufruitier, par Messieurs [V], [T], [M] et [E] [F] et par Madame [Y] [P] [S] épouse [F] en leur qualité de nus-propriétaires le 5 mars 2024,

CONSTATE l'acquisition, au 24 mars 2021 à minuit, de la clause résolutoire du bail commercial portant sur les locaux commerciaux sis [Adresse 3]),

ORDONNE à la S.A.R.L FREE MODE et à tous occupants de son chef de libérer les lieux dans les deux mois suivant la signification de la présente décision,

ORDONNE, à défaut de libération volontaire des lieux dans ce délai, l'expulsion de la S.A.R.L FREE MODE ainsi que celle de tous occupants de son chef, si besoin avec le concours de la force publique et d'un serrurier,

DIT que l'enlèvement des meubles et effets se trouvant éventuellement dans les lieux sera effectué selon les règles fixées par les articles L. 433-1 et suivants, et R. 433-1 et suivants du code des procédures civiles d'exécution,

CONDAMNE la S.A.R.L FREE MODE à payer à Monsieur [D] [F] en sa qualité d'usufruitier, à Messieurs [V], [T], [M] et [E] [F] et Madame [Y] [P] [S] épouse [F] en leur qualité de nus-propriétaires les sommes suivantes :

- la somme de vingt-deux mille cent cinquante-trois euros et cinquante-sept centimes (22.153,57 €) au titre des arriérés de loyers, indemnités d'occupation, charges et taxes arrêtés au mois de mars 2024 inclus, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2021, date du commandement de payer,
- la somme de cent euros (100 €) au titre de la clause pénale,
- à compter du 1er avril 2024, une indemnité d'occupation égale au loyer contractuel qu'elle aurait réglé si le bail s'était poursuivi, outre les charges prévues au bail, jusqu'à libération des lieux, caractérisée par la remise des clés ou son expulsion,

DÉCLARE que le dépôt de garantie sera conservé par Monsieur [D] [F] en sa qualité d'usufruitier, Messieurs [V], [T], [M] et [E] [F] et Madame [Y] [P] [S] épouse [F] en leur qualité de nus-propriétaires à titre de pénalité contractuelle,

CONDAMNE la S.A.R.L FREE MODE à payer à Monsieur [D] [F] en sa qualité d'usufruitier, à Messieurs [V], [T], [M] et [E] [F] et Madame [Y] [P] [S] épouse [F] en leur qualité de nus-propriétaires une somme de deux-mille euros (2.000 €) en application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la S.A.R.L FREE MODE aux entiers dépens de l'instance, qui comprendront le coût des commandements de payer délivrés les 10 janvier 2020 et 24 février 2021, et qui pourront être recouvrés directement par Maître Valérie FIEHL, avocat, en application de l'article 699 du code de procédure civile,

DÉBOUTE la S.A.R.L FREE MODE de toutes ses demandes,

REJETTE le surplus des demandes de Monsieur [D] [F] en sa qualité d'usufruitier, Messieurs [V], [T], [M] et [E] [F] et Madame [Y] [P] [S] épouse [F] en leur qualité de nus-propriétaires,

RAPPELLE que l'exécution provisoire de la présente décision est de droit,

Fait et jugé à Paris le 22 Mai 2024

Le GreffierLe Président
Henriette DUROMaïa ESCRIVE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 18° chambre 2ème section
Numéro d'arrêt : 21/12988
Date de la décision : 22/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-22;21.12988 ?
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