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21/05/2024 | FRANCE | N°23/06334

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 8ème chambre 1ère section, 21 mai 2024, 23/06334


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :




8ème chambre
1ère section


N° RG 23/06334 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZWWV


N° MINUTE :


Assignation du :
09 Mai 2023







ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [U] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Zino ADJAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0656



DEFENDEURS

Monsieur [T] [G]
[Adresse 1

]
[Localité 2]

Madame [S] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentés par Maître Bruno TURBÉ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0237









MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Julien FEVRIER, ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Copies exécutoires
délivrées le :

8ème chambre
1ère section

N° RG 23/06334 -
N° Portalis 352J-W-B7H-CZWWV

N° MINUTE :

Assignation du :
09 Mai 2023

ORDONNANCE
DU JUGE DE LA MISE EN ETAT
rendue le 21 mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [U] [H]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représenté par Maître Zino ADJAS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0656

DEFENDEURS

Monsieur [T] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]

Madame [S] [G]
[Adresse 1]
[Localité 2]

représentés par Maître Bruno TURBÉ, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #B0237

MAGISTRAT DE LA MISE EN ETAT

Monsieur Julien FEVRIER, Juge,

assisté de Madame Lucie RAGOT, Greffière lors des débats, et de Madame Justine EDIN, Greffière lors du prononcé.

DEBATS

A l’audience du 26 février 2024, avis a été donné aux avocats que l’ordonnance serait rendue le 21 mai 2024.

ORDONNANCE

Prononcée par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

L'ensemble immobilier situé [Adresse 1] à [Localité 2] est constitué en copropriété.

M. [T] [G] et Mme [S] [G] sont propriétaires des lots n° 251 et 301 de l'immeuble.

M. [U] [H] est propriétaire des lots n° 201 et 401 de l'immeuble.

M. [H] a assigné les époux [G] devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris le 10 mars 2022 afin que ces derniers soient condamnés à lui remettre sous astreinte un jeu de clefs permettant d'ouvrir une porte menant à une cour de l'immeuble, outre dommages-intérêts, frais irrépétibles et dépens.

Par ordonnance du 12 janvier 2023, le juge des référés a dit n'y avoir lieu à référé et a condamné M. [H] aux dépens et à payer une indemnité de 2.500 € aux époux [G] au titre des frais irrépétibles.

Par acte d'huissier de justice du 9 mai 2023, M. [H] a assigné les époux [G] devant le tribunal et sollicite, au visa de l'article 9 de la loi du 10 juillet 1965, un jeu de clefs permettant d'ouvrir une porte menant à une cour de l'immeuble, outre dommages-intérêts, frais irrépétibles et dépens.

*

Dans leurs dernières conclusions d'incident notifiées par le réseau privé des avocats le 8 janvier 2024, les époux [G] demandent au juge de la mise en état de :

"Vu l'article 2227 du code civil,
Vu les pièces versées aux débats,

Il est demandé au tribunal de :
Recevoir monsieur et madame [G] en leurs conclusions,
Y faisant droit,
Dire que monsieur [U] [H] n'a jamais eu accès à la porte cochère installée depuis 1962,
Dire que les demandes de monsieur [U] [H] se heurtent à la prescription extinctive,
En conséquence,
Juger que les demandes de monsieur [U] [H] sont irrecevables car prescrites,
Rejeter les demandes de monsieur [U] [H],
Condamner monsieur [U] [H] à payer une somme de 5.000 € à monsieur et madame [G] au titre de l'article 700 du CPC ainsi qu'aux entiers dépens ".

*

Dans ses dernières conclusions d'incident notifiées par le réseau privé des avocats le 9 février 2024, M. [H] demande au juge de la mise en état de :

" Débouter monsieur et madame [G] de leur fin de non recevoir tirée de la prescription trentenaire,
Ainsi rejeter l'incident qu'ils ont soulevé,
Les débouter de leur demande formée en vertu de l'article 700 du code de procédure civile,
Statuant de ce chef, condamner in solidum monsieur et madame [G] à verser à monsieur [H] la somme de 2.900 € à ce titre,
Les condamner enfin en tous les dépens de l'instance ".

*

Il est renvoyé aux conclusions récapitulatives des parties pour l'exposé des moyens de droit et de fait à l'appui de leurs prétentions conformément à l'article 455 du code de procédure civile.

L'incident, plaidé à l'audience du 26 février 2024, a été mis en délibéré au 21 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

Sur la prescription extinctive opposée par les époux [G]

Les époux [G] font valoir que :
- ils accèdent à leurs lots par une petite cour laquelle est desservie par un porche ;
- ce porche a été fermé par une porte par l'ancien propriétaire M. [V] de leurs lots le 19 septembre 1962 sur autorisation d'une ancienne propriétaire de l'immeuble avec sa mise en copropriété en 1976 ;
- les parents de M. [H] ont condamné depuis plus de 60 ans l'accès direct à la cour commune et ce dernier peut le rétablir s'il le souhaite ;
- le procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires du 18 avril 1999 précise que la porte litigieuse existait avant l'acquisition des lots le 27 septembre 2000 par les époux [G] et la copropriété a rejeté la demande de M. [H] (père) de rétablir ce second accès à la cour commune ;
- la résolution n'a pas été contestée et est définitive ;
- M. [H] dispose d'un accès direct à la cour commune ;
- Ils disposent chacun d'un accès particulier à la cour commune à usage privatif ;
- les demandes de M. [H] sont prescrites en application de l'article 2227 du code civil ;
- les appropriations de parties communes sont soumises à la prescription trentenaire ;
- la porte litigieuse a été installée en 1962 et est à la vue de tous de sorte que sa possession non équivoque est acquise depuis a minima 33 ans ;
- les parents [H] n'ont jamais eu les clés de la porte litigieuse ;
- il n'y a pas d'infraction au règlement de copropriété ;
- l'attestation de M. [C] n'est pas probante ;
- la clause invoquée du règlement de copropriété ne peut faire échec à l'application de l'article 2227 du code civil ;
- la dernière contestation soulevée date du 20 janvier 1989, soit depuis plus de 35 ans ;
- les conditions de la prescription acquisitive sont réunies ;
- les nouvelles attestations ne sont pas conformes à l'article 202 du code de procédure civile ;
- l'atelier et l'appartement de M. [H] ne forme qu'une seule unité.

En réponse, M. [H] fait valoir que :
- l'accès à sa maison peut s'effectuer soit par une entrée conduisant directement à l'atelier situé au rez de chaussée, soit en empruntant le passage sous voûte commun fermé par la porte commune, qui accès à une cour partie commune spéciale ;
- la porte commune permet d'accéder à la deuxième porte située dans la partie arrière de l'atelier ;
- à la suite d'un changement de serrure, il n'a pas pu utiliser la porte cochère permettant le passage sous voûte ;
- selon le règlement de copropriété, la cour en fond de parcelle est une partie commune à usage privatif ;
- avant leur acquisition des lots, ses parents ne disposaient pas de la clef leur permettant d'emprunter le passage ;
- il n'y a pas de possession paisible, continue et dépourvue d'équivoque;
- les copropriétaires ont contractuellement accepté de renoncer à l'application de toute prescription et en l'espèce acquisitive du fait de la clause du règlement de copropriété précisant qu'aucune tolérance ne deviendra un droit acquis ;
- les demandeurs à l'incident ne sont pas propriétaires exclusifs du passage sous voûte et ne sont pas fondés à soulever une prescription ;
- la revendication de son droit est imprescriptible ;
- nul délai de prescription n'a couru ;
- il n'y a pas eu de vote en assemblée générale concernant le passage sous voûte ;
- M. [H] père avait fait toute réserve sur ses droits ;
- l'attestation de M. [C] vient contredire l'absence de possession de la clef.

Vu l'article 2227 du code civil qui précise que le droit de propriété est imprescriptible. Sous cette réserve, les actions réelles immobilières se prescrivent par trente ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

L'appropriation des parties communes d'une copropriété par l'un des copropriétaires ouvre droit pour le syndicat des copropriétaires et les autres copropriétaires à une action réelle en restitution qui se prescrit par trente ans.

En l'espèce, M. [H] se plaint de ne plus pouvoir utiliser une porte cochère de l'immeuble permettant un passage sous voûte à la suite d'un changement de serrure des époux [G]. Ce faisant il conteste une appropriation par les époux [G] d'une partie de l'immeuble.

Le règlement de copropriété de l'immeuble prévoit que sont " parties communes spéciales aux lots 201, bâtiment E, 51 bâtiment F, 301, 302, 303, bâtiment G le passage sous voûte, la porte, le revêtement du sol, des murs et du plafond (bâtiment E), la deuxième cour et son revêtement ".

Les parties de l'immeuble concernées par la demande de M. [H] sont donc des parties communes spéciales.

Il ressort du procès-verbal de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble du 18 avril 1989 et de la convocation à cette assemblée qu'à l'époque monsieur [H] père avait demandé l'inscription à l'ordre du jour du point suivant " rappel du règlement de copropriété à l'attention des propriétaires des lots n° 251, 301, 302 et 303 qui utilisent actuellement la deuxième cour, le passage sous voûte qui y donne accès et la porte qui les clôt comme s'il s'agissait de parties privatives alors que, suivant les termes du règlement de copropriété (page 16) il s'agit de parties communes à leurs lots et au lot n° 201 appartenant à monsieur [H] ".

Il en ressort que l'appropriation des parties communes litigieuses existait déjà le 18 avril 1989 puisque M. [H] père s'en plaignait à cette époque.

M. [H] produit même un courrier du 12 septembre 1988 qui confirme que dès cette date, son père connaissait la situation et indiquait la tolérer sans perdre ses droits sur les parties communes.

Les époux [G] produisent plusieurs pièces, notamment un courrier de M. [P] [A] en qualité de président du conseil syndical et des attestations, qui démontrent que cette situation existe depuis 1962 et résulte à l'origine d'une autorisation donnée à l'ancien occupant des lots des époux [G] par la propriétaire de l'immeuble de l'époque, avant sa mise en copropriété, de fermer le passage.

Ainsi, a minima, le délai de prescription de l'action en restitution des parties communes litigieuses a commencé à courir le 18 avril 1989.

M. [H] indique que son père aurait ensuite eu une clé de la porte litigieuse.

Non seulement, il n'indique pas le moyen par lequel il aurait obtenu cette clé, ni sa date d'obtention.

Mais, en outre, il ne démontre pas suffisamment que M. [H] père ait réellement eu la clé de la porte litigieuse à un moment donné.

En effet, l'attestation de M. [N] [C] indiquant que M. [H] père aurait eu la clé litigieuse en juillet 2000 est contredite par les autres attestations de copropriétaires ou occupants de l'immeuble versées aux débats (M. [P] [A], M. [I] [O], Mme [W] [J], M. [Z] [E], Mme [L] [R], Mme [X] [F], Mme [M] [D], M. [B] [V]) et procès-verbaux d'assemblée générale de la copropriété de 1989. En outre, cette attestation contestée n'est pas rédigée de manière manuscrite et ne répond pas aux exigences de l'article 202 du code de procédure civile. Cette attestation n'est donc pas suffisamment probante.

Il sera retenu que le délai de prescription n'a pas été interrompu par la possession d'une clé par M. [H] père ou M. [H] fils après 1989.

De même, à supposer que la clause du règlement de copropriété invoqué par M. [H] indiquant " aucune tolérance ne pourra devenir un droit acquis " puisse éventuellement avoir un effet sur la prescription acquisitive concernant les parties communes litigieuses, elle n'a pas d'effet en matière de prescription extinctive.

Il ne s'agit pas d'une cause d'interruption ou de suspension de prescription prévue par la loi.

Le délai de prescription de l'action en restitution des parties communes litigieuses a commencé à courir le 18 avril 1989 pour M. [H] père et ses ayants-droits. Il a expiré le 18 avril 2019.

L'action en référé en restitution de parties communes ayant été engagée le 10 mars 2022 et celle au fond le 6 mai 2023, cette dernière est effectivement prescrite.

Les époux [G] qui sont visés par l'action en restitution de parties communes sont parfaitement recevables à opposer cette prescription extinctive de l'action.

Il sera donc retenu que l'action de M. [H] est irrecevable.

Sur les demandes accessoires

En application de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.

M. [H], partie perdante, supportera les dépens.

En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée et il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation.

M. [H] sera condamné à verser aux époux [G] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La demande de M. [H] à ce titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Nous, juge de la mise en état, statuant après débats en audience publique et par ordonnance contradictoire, mise à disposition au greffe et susceptible de recours dans les conditions de l'article 795 du code de procédure civile :

DECLARONS recevable la fin de non recevoir de M. [T] [G] et de Mme [S] [G] ;

DECLARONS irrecevable car prescrite l'action en restitution de parties communes de M. [U] [H], ainsi que l'ensemble des demandes en découlant ;

CONDAMNONS M. [U] [H] à payer à M. [T] [G] et Mme [S] [G] une somme de 3.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETONS la demande de M. [U] [H] au titre des frais irrépétibles ;

CONDAMNONS M. [U] [H] aux dépens de l'instance.

Faite et rendue à Paris le 21 mai 2024.

Le GreffierLe Juge de la mise en état


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 8ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 23/06334
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 02/06/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;23.06334 ?
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