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21/05/2024 | FRANCE | N°23/04107

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 19ème chambre civile, 21 mai 2024, 23/04107


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:



19ème chambre civile


N° RG 23/04107

N° MINUTE :


CONDAMNE

Assignation du :
10 et 13 Mars 2023


GC






JUGEMENT
rendu le 21 Mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [O] [U]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]

représenté par Maître Colin LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0299




DÉFENDEURS

L’EQUITE>[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Vincent BOIZARD de la SELARL SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMOT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0456


CPAM DE L’HERAULT
[Adresse 3]
[Loca...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:

19ème chambre civile


N° RG 23/04107

N° MINUTE :

CONDAMNE

Assignation du :
10 et 13 Mars 2023

GC

JUGEMENT
rendu le 21 Mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [O] [U]
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 4]

représenté par Maître Colin LE BONNOIS de la SELARL Cabinet Rémy LE BONNOIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #L0299

DÉFENDEURS

L’EQUITE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentée par Maître Vincent BOIZARD de la SELARL SELARL BOIZARD EUSTACHE GUILLEMOT ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0456

CPAM DE L’HERAULT
[Adresse 3]
[Localité 7]

non représentée

Décision du 21 Mai 2024
19ème chambre civile
N° RG 23/04107

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.

Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.

Madame Géraldine CHABONAT, Juge, statuant en juge unique.

Assistée de Madame Célestine BLIEZ, greffière, lors des débats et au jour de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 13 Février 2024, tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 23 Avril 2024, prorogée au 21 Mai 2024.

JUGEMENT

- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [O] [U], âgé de 33 ans (pour être né le [Date naissance 2] 1982), exerçant la profession de carrossier a été victime le 15 février 2016 d’un accident de la circulation dans lequel est impliqué le véhicule assuré auprès de L’EQUITE, laquelle ne conteste pas le droit à indemnisation.

Transporté au CHU de [Localité 7], il a été constaté que l’accident était responsable des blessures suivantes :

« une fracture tassement des plateaux supérieurs des corps vertébraux de C7, T1, T3, T4 et T5
- une contusion osseuse des corps vertébraux de D6 et D7
- à l’étage C7-T1, un hyper signal du ligament inter épineux avec discontinuité focale ligamentaire
- à l’étage C2-C3, une contusion du coin postéro supérieur de C3
- un hyper signal œdémateux en regard des masses latérales au pourtour du foramen vertébral »

Monsieur [U] est resté hospitalisé jusqu’au 18 février 2016 et a poursuivi sa convalescence au domicile de sa mère, ne pouvant pas regagner son domicile initialement dans lequel il vivait seul du fait qu’il ne pouvait s’occuper de lui-même.

Le 23 janvier 2017, Monsieur [U] a été déclaré inapte à sa profession de carrossier et a ainsi été licencié pour inaptitude.
Le 3 juin 2019, Monsieur [U] a retrouvé un emploi dans l’expertise automobile et a été embauché par la SARL KPI EXPERTISES 30.

Par exploits d’huissier en date des 5 septembre 2016, Monsieur [U] a assigné en référé l’EQUITE devant le tribunal judiciaire de Paris afin que soit diligentée une expertise et que lui soit allouée la somme de 6.000 € à titre de provision outre une somme de 1.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code procédure civile.

Par ordonnance en date du 27 octobre 2016, le juge des référés a désigné en qualité d'expert le Docteur [T] [V] et a alloué à Monsieur [U] une indemnité de 2.000 € à valoir sur la réparation de son préjudice corporel. Il a rejeté sa demande formulée au titre de l’article 700 du code de procédure civile.

Le Docteur [V] a déposé son rapport le 29 avril 2017 et conclut ainsi que suit :

Déficit fonctionnel temporaire :
- 100% : du 15 au 18 février 2016 ;
- 50% : du 19 février 2016 au 19 avril 2016 ;
- 25% : du 20 avril 2016 au 20 juin 2016 ;
- 15% : du 21 juin 2016 au 31 décembre 2016.
- Assistance tierce personne temporaire:
- 2 heures par jour pendant la période de DFT 50 % ;
- 1 heure par jour pendant la période de DFT 25 % ;
- Souffrances endurées : 3/7 ;
- Préjudice esthétique temporaire : 2/7 du 15 février 2016 au 19 avril 2016 (port du corset);
Consolidation 31 décembre 2016 (34 ans)
- Déficit fonctionnel permanent : 8% ;
- Arrêts de travail : du 15 février 2016 au 21 septembre 2016 puis reprise à mi-temps thérapeutique jusqu'à la fin de l'année 2016.
Lors de la reprise à temps plein en janvier 2017, une inaptitude définitive à ce poste a été retenue par la médecine du travail.
Les séquelles orthopédiques n’empêchent pas la reprise de cette activité professionnelle
Il y a toutefois lieu d’admettre une certaine pénibilité pour l’exercice de cette activité de carrossier peintre,
-Préjudice esthétique définitif : aucun
- Préjudice d’agrément : pour la pratique du tennis de loisir

Les 17 janvier 2018, la compagnie L’EQUITE a adressé à Monsieur [U] une offre d’indemnisation à hauteur de 36.229,22 €, laquelle a été refusée par ce dernier.

Le 19 octobre 2020, une offre d’indemnisation provisionnelle d’un montant de 17.000 € (soit 20.000 € avant déduction des provisions versées à hauteur de 3.000 €).

***

Par exploits d'huissier en date des 10 et 13 mars 2023, suivis de conclusions récapitulatives signifiées le 7 juillet 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, Monsieur [U] sollicite du tribunal :

Juger [O] [U] recevable et bien fondé en ses demandes fins et conclusions,

En conséquence,

Condamner L’Equité à verser à [O] [U] les sommes suivantes, en deniers ou quittances :

- Dépenses de santé actuelles Néant
- Dépenses de santé futures Néant
- Frais divers 1.228,00 €
- Tierce personne temporaire 4.569,18 €
- Pertes de gains professionnels actuelles 1.324,99 €
- Pertes de gains professionnels futures 34.646,60 €
- Incidence professionnelle 50.000,00 €
- Déficit fonctionnel temporaire 3.286,50 €
- Souffrances endurées 10.000,00 €
- Préjudice esthétique temporaire 3.000,00 €
- Déficit fonctionnel permanent 18.000,00 €
- Préjudice d’agrément 10.000,00 €
- Préjudice sexuel 10.000,00 €

Condamner L’Equité à payer les intérêts au double du taux légal sur les indemnités que fixera le tribunal à compter du 15 octobre 2016 jusqu’à ce que le jugement à intervenir devienne définitif, cette sanction ayant pour assiette la totalité de l’indemnité allouée avant imputation de la créance des organismes sociaux.

Juger que les intérêts échus des capitaux produiront intérêt dans les conditions fixées par l’article 1343-2 du code civil, étant précisé que cela court à la date de la sanction s’agissant du doublement des intérêts Condamner L’Equité à verser à [O] [U] 5.000,00 € au titre de l’article 700 du code de procédure civile

Condamner L’Equité au règlement des dépens, dont distraction au profit de Maître Colin Le Bonnois, avocat, au titre de l’article 699 du code de procédure civile

Rendre le jugement à intervenir commun à la CPAM de l’Hérault

***

Aux termes de ses écritures signifiées le 2 novembre 2023, auxquelles il est référé expressément conformément aux dispositions de l’article 455 du code de procédure civile, l’EQUITE sollicite du tribunal :

- Prendre acte que l’EQUITE n’entend pas contester le droit à indemnisation de Monsieur [U] ;

- Fixer comme suit l'indemnisation des préjudices :
- Frais divers : 1.228 euros
- Assistance tierce personne temporaire: 2.760 euros
- Perte de gains professionnels actuels: 1.304,86 euros
- Perte de gains professionnels futurs: REJET
- Incidence professionnelle : 13.012,82 euros
- Déficit fonctionnel temporaire : 1.977,50,00 euros
- Souffrances endurées : 5.000,00 euros
- Préjudice esthétique temporaire :1.000 euros
- Déficit fonctionnel permanent : 16.280 euros
- Préjudice d’agrément : 2.000,00 euros
- Préjudice sexuel: REJET

***

L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 décembre 2023.

L’examen de l’affaire a été retenu à l’audience du 13 février 2024.

A l’issue de l’audience, l’affaire a été mise en délibéré au 23 avril 2024 prorogée au 20 mai 2024.

La CPAM de l’HERAULT bien que régulièrement assignée, n'ayant pas constitué avocat, le présent jugement susceptible d'appel, sera réputé contradictoire à l'égard de toutes les parties.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Sur le droit à indemnisation

Le droit de Monsieur [U] à l’indemnisation intégrale des conséquences dommageables de l’accident de la circulation survenu le 15 février 2016 n’est pas contesté et résulte des articles 1 et 2 de la loi du 5 juillet 1985 relative aux victimes d’accidents de la circulation, ainsi que de l’article L124-3 du code des assurances qu’ils permettent une action directe contre l’assureur.

Sur l'évaluation du préjudice

Au vu de l'ensemble des éléments produits aux débats, le préjudice subi par Monsieur [U], âgé de 33 ans et exerçant la profession de carrossier lors des faits, sera réparé ainsi que suit, étant observé qu'en application de l'article 25 de la loi n° 2006-1640 du 21 décembre 2006, d'application immédiate, le recours subrogatoire des tiers payeurs s'exerce poste par poste sur les seules indemnités qui réparent des préjudices qu'ils ont pris en charge.

– PREJUDICES PATRIMONIAUX

- Frais divers

L'assistance de la victime lors des opérations d'expertise par un, ou des, médecin conseil en fonction de la complexité du dossier, en ce qu'elle permet l'égalité des armes entre les parties à un moment crucial du processus d'indemnisation, doit être prise en charge dans sa totalité.

En l’espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 1.228 €, ce qu’accepte la compagnie l’EQUITE.
Par conséquent, il y a lieu d’entériner l’accord des parties et de condamner l’EQUITE à verser à Monsieur [U] la somme de 1.228 €.

- Assistance tierce personne

Il convient d'indemniser les dépenses destinées à compenser les activités non professionnelles particulières qui ne peuvent être assumées par la victime directe durant sa maladie traumatique, comme l'assistance temporaire d'une tierce personne pour les besoins de la vie courante, étant rappelé que l’indemnisation s'entend en fonction des besoins et non en fonction de la dépense justifiée. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives.

En l’espèce, l’expert a retenu un besoin en aide humaine aux périodes suivantes :

- 2 heures par jour pendant la période de DFT 50 % soit du 19 février 2016 au19 avril 2016 soit pendant 61 jours;
- 1 heure par jour pendant la période de DFT 25 % soit du 20 avril 2016 au 20 juin 2016 soit pendant jours soit pendant 62 jours.

Soit un total de 184 heures.

Monsieur [U] sollicite la somme de 4.569,18 € sur la base d’un taux horaire de 22 € et calculée selon une prise en charge annuelle de 412 jours ou 57 semaines en tenant compte des congés payés et jours fériés.

A l’appui de sa demande, il entend préciser que l’HANDEO (association réunissant plusieurs associations et fédérations travaillant sur le handicap, en partenariat avec l’agence nationale des services à la personne et des compagnies d’assurance), évalue les coûts de l’aide humaine entre 22,40 et 24,40 €.

L’EQUITE offre une indemnisation à hauteur de 2.760 € soit 15 € de l’heure.

Cependant, force est de constater que Monsieur [U] ne justifie pas avoir eu recours à une entreprise d’aide à la personne, laquelle au demeurant prend déjà compte dans la facturation des prestations la rétribution de ses salariés durant les congés payés et les jours fériés.

Dès lors, il convient d’indemniser Monsieur [U] sur la base d’un taux horaire de 18 €, s’agissant d’une aide n’ayant pas donné lieu au paiement de charges sociales selon le calcul suivant :

184 h x 18 € = 3.312 €

Par conséquent, il y a lieu de condamner l’EQUITE à verser la somme de 3.312 €.
- Perte de gains professionnels avant consolidation

Il s'agit de compenser les répercussions de l'invalidité sur la sphère professionnelle de la victime jusqu'à la consolidation de son état de santé. L'évaluation de ces pertes de gains doit être effectuée in concreto au regard de la preuve d'une perte de revenus établie par la victime jusqu'au jour de sa consolidation, à savoir jusqu'au 31 décembre 2016.

En l’espèce, l’expert retient un arrêt de travail en lien avec l’accident sur la période du 15 février 2016 au 21 septembre 2016 puis un mi-temps thérapeutique du 22 septembre 2016 au 31 décembre 2016 soit durant 11 mois.

En l’espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 1.324,99 € tandis que la compagnie d’assurance offre la somme de 1.304,86 €.

Pour déterminer son salaire de référence, Monsieur [U] se base sur la moyenne de ses avis d’imposition 2014 (soit 17.940 €) et 2015 (17.918 €) soit la somme de 1.495 € mais commet une erreur de calcul car la moyenne est de ces 2 années est 1.494,08 €.

La société L’EQUITE relève justement qu’il convient de se baser sur l’avis d’imposition 2015, année précèdent l’accident (17.918 €) mais commet-elle aussi une erreur de calcul car 17.918 € divisé par 12 mois = 1.493,16 €.

Les parties s’accordent néanmoins sur le montant à déduire constitué du montant reçu de son employeur (3.547,19 €) et des indemnités journalières versées par la CPAM (11.572,82 €), soit un total de 15.120,01 €.

Dès lors, le calcul des pertes de gains déduction s’élève ainsi que suit :

1.494,08 € x 11 mois (16.434,08 €) – 15.120,01 € = 1.314,02 €

Par conséquent, il y a lieu de condamner la société L’EQUITE à verser à Monsieur [U] la somme de 1.314,02 €.

- Perte de gains professionnels future

Ce poste indemnise la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est confrontée du fait du dommage dans la sphère professionnelle après la consolidation de son état de santé.

En l'espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 34.646,60 € tandis que la compagnie d’assurance s’oppose à toute indemnisation au titre de ce poste de préjudice au motif que, si l’expert a conclu une inaptitude définitive à ce poste telle que retenue par la médecine du travail, les séquelles orthopédiques n’empêcheraient pas à Monsieur [U] la reprise de son activité professionnelle de carrossier et qu’à cet égard, l’expert a seulement admis l’existence d’une certaine pénibilité pour l’exercice de cette profession.

La société EQUITE en déduit que cette pénibilité s’indemnise au titre de l’incidence professionnelle.

A l’appui de sa demande, Monsieur [U] expose qu’il a quitté sa société le 31 mars 2017 et a perçu en janvier, février et mars 2017, la somme de 1.721,22 € de la part de son employeur ainsi qu’une rente accident du travail versée par la CPAM d’un montant de 6.987,18 €.

Monsieur [U] précise qu’il est désormais, après une reconversion dans le domaine de l’expertise automobile, salarié de la société KPI EXPERTISE depuis le 3 juin 2019 et qu’il aurait dû percevoir la somme de 43.355 € soit pendant 29 mois courant du 1er janvier 2017 au 31 mai 2019 sur la base d’un salaire de référence calculé de manière inexact (comme jugé et tranché ci-dessus) et qu’il conviendrait de déduire la somme de 8.708,40 €, somme perçue au titre de l’allocation retour à l’emploi (ARE).

Il est constant que Monsieur [U] a été déclaré inapte à sa profession et licencié pour ce motif, ce qui n’est pas contesté par la compagnie d’assurance, même si la lettre de licenciement n’est pas versée aux débats.

Il est également constant que les sommes perçues au titre de l’ARE ne sont pas déductibles (bien que ce montant ne soit pas justifié, seule l’attestation d’inscription POLE EMPLOI étant versée aux débats et non le relevé des prestations versées).

Cependant, on comprend mal le calcul opéré par le Conseil de Monsieur [U] car à l’examen des fiches de paie du mois de janvier au 31 mars 2017 d’un montant respectif de 232,32 € (en janvier), 597,66 € (en février) et 1.378,88 € (mars) la présente juridiction aboutit à la somme de 2.208,86 €.

Par conséquent, il y a lieu de débouter Monsieur [U] de sa demande.

- Incidence professionnelle

Ce poste d'indemnisation a pour objet d'indemniser les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail, de sa perte d'une chance professionnelle, ou de l'augmentation de la pénibilité de l'emploi qu'elle occupe imputable au dommage ou encore du préjudice subi qui a trait à sa nécessité de devoir abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une autre qu'elle a dû choisir en raison de la survenance de son handicap.

Monsieur [U] sollicite la somme de 50.000 € tandis que l’EQUITE offre de verser la somme de 13.012,82 € après déduction de la rente accident du travail d’un montant de 6.987,18 €.

Cependant, si l’expert a retenu une pénibilité accrue dans l’exercice de l’activité professionnelle de son activité de carrossier et que ce préjudice s’indemnise comme le relève justement la compagnie d’assurance au titre de l’incidence professionnelle, le présent Tribunal n’est pas lié par les conclusions du rapport d’un expert comme le dispose l’article 246 du code de procédure civile.

En l’espèce, force est de constater d’une part, qu’au vu de l’examen clinique consigné dans son rapport, l’expert a constaté que Monsieur [U] souffrait de douleurs intermittentes dans l’ensemble de son rachis cervical et dorsale auxquelles s’associaient une petite limitation de la rotation du rachis cervical à gauche ainsi qu’une petite diminution de l’inclinaison latérale gauche justifiant notamment une partie du déficit fonctionnel permanent à 8% hors le retentissement psychologique, autre composante retenu par l’expert dans l’évaluation du DFP.

D’autre part, force est de constater que Monsieur [U] a été licencié pour inaptitude de son précédent emploi et qu’à ce titre, il n’a pu reprendre une activité professionnelle que dans le domaine de l’expertise automobile après une longue période de chômage ainsi qu’en atteste son contrat de travail signé le 3 juin 2019 avec la société KPI EXPERTISE 30 dépendant de la convention collective nationale des cabinets et entreprises d’expertise automobile, où il a été engagé en qualité de stagiaire automobile de classe 2 sous réserve qu’il suive avec assiduité les formations tant internes qu’externes du cursus de formation initiale afin d’obtenir le diplôme d’expert en automobile.

A cet égard, la fiche de poste annexée au contrat de travail est sans appel quant aux nouvelles fonctions de Monsieur [U], lesquelles consistent en l’évaluation des dommages des sinistres déclarés, l’évaluation du coût des réparations, l’examen d’un véhicule et la détection des faux sinistres pour les assurances.

Ces nouvelles attributions sont fort éloignées du métier de carrossier faisant appel à des notions de mécanique.

Dès lors, eu égard à son jeune âge au moment de son accident et de sa reconversion professionnelle, il y a lieu d’indemniser Monsieur [U] par l’allocation de la somme de 30.000 €.

Par conséquent, après déduction du capital de la rente accident du travail versée par la CPAM à hauteur d’un montant de 6.987,18 €, il revient à Monsieur [U] la somme de 23.012,82 €.

– PRÉJUDICES EXTRA-PATRIMONIAUX

- Préjudices extra-patrimoniaux temporaires

- Déficit fonctionnel temporaire

Ce poste de préjudice indemnise l'invalidité subie par la victime dans sa sphère personnelle pendant la maladie traumatique. Le déficit fonctionnel temporaire inclut pour la période antérieure à la date de consolidation, l'incapacité fonctionnelle totale ou partielle ainsi que le temps d'hospitalisation et les pertes de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique.

En l’espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 3.286,50 € sur la base d’un taux journalier de 30 € tandis que la compagnie d’assurance offre la somme de 1.977,50 soit 25 € par jour total de déficit.

Là encore, les parties commettent une erreur de calcul s’agissant du nombre de jours pour la période du DFT à 15% qui s’étend du 21 juin 2016, lequel est de 19 jours (pour l’EQUITE), de 397 jours (pour Monsieur [U] lequel ne détaille rien au demeurant ) mais est en réalité de 195 jours.

On relève cependant que les parties s’accordent sur les autres périodes de DFT.

Il convient donc d’indemniser Monsieur [U] sur la base d’un taux horaire de 26 € aux périodes déterminées par l’expert selon le calcul suivant :

- 100% : du 15 au 18 février 2016 soit 4 jours x 26 € = 104 €
- 50% : du 19 février 2016 au 19 avril 2016 (61 jours) soit 61 x 26 € x 50% = 793 €
- 25% : du 20 avril 2016 au 20 juin 2016 (62 jours) soit 62 x 26 € x 25% = 403 €
- 15% : du 21 juin 2016 au 31 décembre 2016 (195 jours) soit 195 x 26 € x 15 % = 760,50 €

Par conséquent, il y a lieu de condamner l’EQUITE à verser à Monsieur [U] la somme de 2.060,50 €.

- Souffrances endurées

Il s'agit de toutes les souffrances physiques et psychiques, ainsi que des troubles associés, que doit endurer la victime durant la maladie traumatique, c'est-à-dire du jour de l'accident à celui de sa consolidation. A compter de la consolidation, les souffrances endurées vont relever du déficit fonctionnel permanent et seront donc indemnisées à ce titre.

En l'espèce, elles sont caractérisées par le traumatisme initial et les traitements subis, s’agissant notamment de l’immobilisation et des séances de rééducation.

L’expert les a cotées à 3/7 ce qui justifie l'allocation de la somme de 6.000 €.

- Préjudice esthétique temporaire

Ce préjudice est lié à la nécessité de se présenter dans un état physique altéré au regard des tiers, et ce jusqu'à la date de consolidation.

En l’espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 3.000 € tandis que la compagnie l’EQUITE formule une offre à hauteur de 1.000 €.

L’expert a fixé ce poste de préjudice à 2/7 s’agissant du port du corset pendant les 2 premiers mois.

Par conséquent, il y a lieu de condamner l’EQUITE à verser à Monsieur [U] la somme de 1.000 €, telle qu’offerte.

- Préjudices extra-patrimoniaux permanents

- Déficit fonctionnel permanent

Ce préjudice a pour composante les atteintes aux fonctions physiologiques de la victime, les douleurs qui persistent depuis la consolidation, la perte de la qualité de la vie et les troubles définitifs apportés à ces conditions d'existence.

Monsieur [U] souffrant d’un déficit fonctionnel permanent évalué à 8 % par l’expert compte-tenu des séquelles relevées à savoir des douleurs intermittentes dans l’ensemble du rachis cervical et dorsal auquel s’associe cliniquement une petite limitation de la rotation du rachis cervical à gauche ainsi que d’une petite diminution de l’inclination latérale gauche outre le retentissement psychologique de l’accident.

Monsieur [U] étant âgé de 34 ans lors de la consolidation de son état, il lui sera alloué une indemnité de calculée selon une valeur du point d’incapacité de 2035 € au regard du taux de déficit retenu soit la somme de 16.280 €.

- Préjudice d'agrément

Ce préjudice vise à réparer le préjudice spécifique lié à l’impossibilité pour la victime de pratiquer régulièrement une activité spécifique, sportive ou de loisirs exercée antérieurement à l’accident et également les limitations ou les difficultés à poursuivre ces activités, sous réserve de la production de pièces le justifiant.

En l'espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 10.000 € et à l’appui de sa demande indique qu’il est gêné dans toute les activités physiques et verse des attestations.

La compagnie L’EQUITE offre la somme de 2.000 € au motif que l’expert a seulement retenu un préjudice au tennis de loisirs.

Il est constant que Monsieur [U] conserve des séquelles conservées notamment du rachis douloureux comme de son dos justifiant un DFP de 8%.

Cependant, Monsieur [U] ne verse aux débats que des attestations non étayées sur la nature des activités qu’il pratiquaient avant l’accident.

Par conséquent, il y a lieu de condamner l’EQUITE à verser la somme de 2.000 €, telle qu’offerte.

- Préjudice sexuel

La victime peut être indemnisée si l’accident a atteint, séparément ou cumulativement mais de manière définitive, la morphologie des organes sexuels, la capacité de la victime à accomplir l’acte sexuel (perte de l'envie ou de la libido, perte de la capacité physique de réaliser l'acte sexuel, perte de la capacité à accéder au plaisir.

En l’espèce, Monsieur [U] sollicite la somme de 10.000 € tandis que la compagnie L’EQUITE s’oppose à toute indemnisation de ce poste de préjudice.

Il est constant que l’expert n’a pas retenu de préjudice sexuel.

Cependant, eu égard à ses douleurs dorsales et de l’attestation versée aux débats de Madame [J] sa compagne, laquelle précise que leur rapports sexuels ne se déroulent plus comme avant l’accident, Monsieur [U] est fondé à solliciter la réparation de son préjudice étant rappelé qu’aux termes de l’article 246 du code de procédure civile susvisé dans le présent jugement, le juge n’est pas lié par les constations et les conclusions du rapport d’un expert.

Par conséquent, il y a lieu de condamner L’EQUITE à verser à Monsieur [U] la somme de 3.000 €.

Sur le doublement des intérêts au taux légal

Aux termes de l'article L 211-9 du code des assurances une offre d'indemnité, comprenant tous les éléments indemnisables du préjudice, doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximal de 8 mois à compter de l'accident. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive doit alors être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique.

Lorsque l'assureur n'est pas informé de la consolidation de l'état de la victime dans les trois mois suivant l'accident, il doit faire une offre d'indemnisation provisionnelle dans un délai de huit mois à compter de l'accident. L'offre définitive doit être faite dans un délai de 5 mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de la consolidation.
A défaut d'offre dans les délais impartis par l'article L 211-9 du code des assurances, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge, produit, en vertu de l'article L 211-13 du même code, des intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif.

En l’espèce, l’accident est survenu le 15 février 2016 et l’expert a déposé son rapport le 29 avril 2017 et a fixé la consolidation de l’état de santé de Monsieur [U] au 31 décembre 2016.

La consolidation de l’état de santé de la victime n’est intervenue qu’au-delà du délai de trois mois visé à l’article L211-9 du Code des assurances.

La compagnie L’EQUITE n’a adressé une offre d’indemnisation définitive que le 17 janvier 2018 soit plus de 8 mois avant le délai légal.

Toutefois, ladite offre ne peut être considérée comme manifestement insuffisante au regard de la jurisprudence en vigueur à cette date et ce d’autant que la compagnie L’EQUITE a adressé, le 19 octobre 2020 à Monsieur [U], une offre provisionnelle de 20.000 € soit 17.000 € déduction faite des provisions déjà versées par cette dernière, offre provisionnelle acceptée par Monsieur [U] suivant quittance subrogative en date du 31 octobre 2020.

Par ailleurs, l’indemnisation des postes de l’incidence professionnelle, de la perte de gains professionnels futurs et du préjudice d’agrément comme du préjudice sexuel font l’objet des débats dans le cadre de la présente instance.

Il convient par conséquent d’assortir la condamnation à indemnisation d’intérêts au double du taux de l’intérêt légal, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, du 15 octobre 2016 au 17 janvier 2018.

Sur l’article 700 et les dépens

Il y a lieu de condamner la compagnie L’EQUITE à verser à Monsieur [U] la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile ainsi qu’aux dépens qui pourront être recouvrés directement par la SELARL LE BONNOIS représentée par Maître Colin LE BONNOIS pour ceux dont il a fait l’avance sans avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l’article 699 du même code.

En application de l’article 514 du code de procédure civile en vigueur au jour de l’assignation, l’exécution provisoire est de droit et le présent jugement en sera intégralement assorti.

Les intérêts des sommes allouées courront à compter du jugement en vertu de l’article 1231-7 du code civil et seront capitalisés dans les conditions de l’article 1343-2 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement mis à disposition au greffe, réputé contradictoire et en premier ressort,

DIT que le droit à indemnisation de Monsieur [O] [U] des suites de l’accident de la circulation survenu le 15 février 2016 est entier,

CONDAMNE la société L’EQUITE à payer à Monsieur [O] [U] à titre de réparation de son préjudice corporel, en deniers ou quittances, provisions non déduites, en réparation des préjudices suivants :

Frais divers : 1.228 €
Assistance tierce personne temporaire : 3.312 €
Perte de gains professionnels actuels : 1.314,02 €
Incidence professionnelle : 23.012,82 €
Déficit fonctionnel temporaire : 2.060,50 €
Souffrances endurées : 6.000 €
Préjudice esthétique temporaire :1.000 €
Déficit fonctionnel permanent : 16.280 €
Préjudice d’agrément : 2.000 €
Préjudice sexuel : 3.000 €

DÉBOUTE Monsieur [O] [U] de sa demande formulée au titre des pertes de gains professionnels futurs,

CONDAMNE la société L’EQUITE à payer à Monsieur [O] [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'offre effectuée le 17 janvier 2018, avant imputation de la créance des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 15 octobre 2016 au 17 janvier 2018,

DIT que les intérêts échus des capitaux produiront intérêts dans les conditions fixées par l'article 1343-2 du code civil,

CONDAMNE la société L’EQUITE à verser à Monsieur [O] [U] la somme de 1.500 € au titre des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la société L’EQUITE aux dépens dont distraction au profit de la SELARL LE BONNOIS représentée par Me Colin LE BONNOIS pour ceux dont il a fait l'avance sans avoir reçu provision en application de l'article 699 du code de procédure civile,

DÉCLARE le présent jugement commun à la CPAM de l’Hérault,

DIT que le présent jugement est intégralement assorti de l'exécution provisoire,

DÉBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires,

Fait et jugé à Paris le 21 Mai 2024

Le GreffierLa Présidente
Célestine BLIEZGéraldine CHABONAT


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 19ème chambre civile
Numéro d'arrêt : 23/04107
Date de la décision : 21/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 28/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-21;23.04107 ?
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