TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Maître Karim-Alexandre BOUANANE
Maître Sandra HERRY
Pôle civil de proximité
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PCP JCP fond
N° RG 23/08886 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3J7O
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le vendredi 17 mai 2024
DEMANDERESSE
PARIS HABITAT OPH
dont le siège social est situé au [Adresse 3]
représentée par Maître Karim-Alexandre BOUANANE du cabinet LEGITIA, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #E1971
DÉFENDEURS
-Monsieur [J] [W]
- Madame [O] [W],
demeurant ensemble Chez feue Madame [Y] [W] - [Adresse 1]
tous deux représentés par Maître Sandra HERRY de la SELARL ALTALEXIS, avocats au barreau de PARIS, vestiaire : #B0921
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 mars 2024
JUGEMENT
contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 17 mai 2024 par Deborah FORST, Juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière
Décision du 17 mai 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/08886 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3J7O
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé du 29 mars 1974, l'office public d'habitations à loyer modéré de la ville de [Localité 4], aux droits duquel est venu l'établissement [Localité 4] Habitat OPH, a donné à bail à Monsieur [E] [W] et Madame [Y] [W] un appartement à usage d'habitation et une cave situés [Adresse 1].
Monsieur [E] [W] est décédé le 1er décembre 2017 et Madame [Y] [W] est décédée le 16 janvier 2023.
Monsieur [J] [W], fils de Monsieur [E] [W] et de Madame [Y] [W], a sollicité le transfert du bail à son bénéfice, ce qui a été refusé par le bailleur.
Par acte de commissaire de justice du 5 septembre 2023, l'établissement [Localité 4] Habitat OPH a fait assigner Monsieur [J] [W] et son épouse, Madame [O] [W], devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
-à titre principal, juger que Monsieur [J] [W] ne réunit pas les conditions de l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 pour obtenir le transfert des droits sur le bail de l'appartement sis [Adresse 1] ;
-subsidiairement :
- juger que Monsieur [J] [W] ne réunit pas les conditions des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 pour obtenir le transfert des droits sur le bail de l'appartement sis [Adresse 1]
- juger que le bail en date du 29 mars 1974 est résilié du fait du décès de la locataire ;
-en conséquence, juger que Monsieur [J] [W], son épouse Madame [O] [W] et leurs enfants sont occupants sans droit ni titre de l'appartement sis [Adresse 1] ;
-en tout état de cause :
- ordonner l'expulsion immédiate de Monsieur [J] [W] et de son épouse Madame [O] [W] et de tous occupants de leur chef, et ce, avec l'assistance du commissaire de police, de la force publique, et d'un serrurier s'il y a lieu ;
- supprimer le bénéfice au profit de Monsieur [J] [W] et de son épouse Madame [O] [W] du délai de deux mois prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
- ordonner le transport et la séquestration des meuble set objets mobiliers garnissant les lieux dans un garde meubles qu'il désignera ou tel autre lieu au choix du bailleur et ce, en garantie de toutes sommes qui pourront être dues, aux frais, risques et périls de Monsieur [J] [W] et son épouse, Madame [O] [W] ;
- condamner solidairement Monsieur [J] [W] et son épouse, Madame [O] [W] à compter du décès de Madame [Y] [W] à une indemnité d'occupation dont le montant correspond aux loyers actualisés augmentés des charges, tels que Madame [Y] [W] les réglait au titre de son bail sur le local à usage d'habitation et la cave, outre une majoration de 30% à titre de dommages et intérêts et ce, jusqu'à parfaite libération des lieux par remise des clés ou procès-verbal d'expulsion ou de reprise ;
- dire n'y avoir lieu à écarter l'exécution provisoire de droit ;
- condamner in solidum Monsieur [J] [W] et son épouse Madame [O] [W] à lui verser la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens, en ce compris le coût de la sommation interpellative.
L'affaire a été appelée à l'audience du 7 décembre 2023 et renvoyée à l'audience du 20 mars 2024 à laquelle elle a été retenue.
L'établissement [Localité 4] Habitat OPH, représenté par son conseil, a maintenu ses demandes dans les termes de son assignation. Il a ajouté s'opposer aux délais pour quitter les lieux demandés par les défendeurs.
Au soutien de sa demande principale, l'établissement [Localité 4] Habitat OPH fait valoir que le bail est soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948 dès lors qu'il a été conclu le 29 mars 1974, de sorte que Monsieur [J] [W] ne peut prétendre au transfert du bail, les dispositions de l'article 5 de la loi du 1e septembre 1948 excluant le transfert du bail aux enfants majeurs. Subsidiairement, il soutient que les conditions de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989 ne sont pas réunies en l'espèce, considérant que les conditions de la cohabitation entre la mère et son fils pendant plus d'un an avant le décès ne sont pas établies. Il ajoute qu'en tout état de cause, les conditions de l'article 40 de la même loi ne sont pas davantage réunies faute pour le défendeur de justifier de la présence des quatre enfants dans le logement à la date du décès.
Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W], représentés par leur conseil, ont déposé des conclusions écrites aux termes desquelles ils demandent :
-à titre principal, d'ordonner à leur profit le transfert du bail en application des dispositions des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 ;
-débouter l'établissement [Localité 4] Habitat OPH de l'ensemble de ses demandes ;
-condamner l'établissement [Localité 4] Habitat OPH à leur verser la somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens ;
-subsidiairement, de leur accorder les plus larges délais pour quitter les lieux et débouter l'établissement [Localité 4] Habitat OPH de l'ensemble de ses demandes.
A l'appui de ses demandes, les défendeurs font valoir que la loi du 1er septembre 1948 n'a pas vocation à s'appliquer au contrat de bail litigieux, faute pour le bail d'y faire référence, et pour le bailleur de préciser si l'immeuble remplit les conditions d'application de cette loi en termes de date de construction et de catégorie. Il ajoute que le bailleur a lui-même invoqué les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 à l'occasion des échanges entre les parties sur le transfert du bail. Ils estiment, sur le fondement des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989, que le bail doit leur être transféré dans la mesure où Monsieur [J] [W] est venu vivre au domicile de sa mère pour s'en occuper à compter du mois de novembre 2021 et où son épouse l'a rejoint au mois de décembre 2022, de même que les quatre enfants. Subsidiairement, ils demandent les plus larges délais, soit trois ans, pour quitter les lieux, exposant qu'ils ne disposent d'aucune autre solution de relogement et que les ressources du foyer son uniquement composées du salaire de Monsieur [J] [W] de 3230 euros.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 17 mai 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
Sur la demande principale du demandeur et la loi applicable au bail conclu le 29 mars 1974
En l'espèce, les parties s'opposent sur le régime applicable au bail conclu le 29 mars 1974, la partie demanderesse soutenant qu'il y a lieu d'appliquer la loi du 1er septembre 1948, tandis que les défendeurs font valoir que la loi du 6 juillet 1989 a vocation à s'appliquer.
Le bail a été conclu le 29 mars 1974, soit postérieurement à la loi du 1er septembre 1948, et antérieurement à la loi du 6 juillet 1989.
L'article 40 II de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 prévoit que l'article 14, relatif au transfert du bail en cas de décès du locataire, n'est pas applicable aux logements dont le loyer est fixé en application des dispositions du chapitre III de la loi n° 48-1360 du 1er septembre 1948.
La loi n°48-1360 du 1er septembre 1948 prévoit un autre régime en son article 5, à savoir : un droit au maintien dans les lieux permettant au locataire, malgré la fin du bail (intervenue soit par l'arrivée du terme en cas de bail à durée déterminée soit par la délivrance d'un congé si le bail est à durée indéterminée), de rester dans les lieux et de devenir un occupant légal bénéficiant d'un statut protection. Ce droit au maintien dans les lieux est transmissible à certaines personnes limitativement énumérées, au titre duquel les descendants majeurs ne font pas partie, en cas de décès ou d'abandon de domicile de l'occupant légal, sous condition d'occupation toutefois. Par ailleurs, si le preneur décède alors qu'il était encore locataire, et non simplement occupant légal, le bail était transmis aux héritiers par application de l'article 1742 du code civil.
Toutefois, l'article 5 de la loi de 1948 a été modifié par la loi du 13 juillet 2006 afin d'uniformiser les règles de transmission des baux soumis à la loi de 1948, sans qu'il n'y ait plus lieu à distinguer selon que la personne décédée était locataire ou occupant légal. Cette loi a en effet supprimé le transfert automatique du bail aux héritiers en prévoyant que même en l'absence de délivrance d'un congé aux locataires, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès ou l'abandon de domicile du locataire, tout en prévoyant le bénéfice du maintien dans les lieux dans les mêmes conditions que pour l'occupant de bonne foi. Il a été prévu que le maintien dans les lieux reste par ailleurs acquis aux personnes qui en bénéficiaient antérieurement à la publication de la présente loi.
L'article 3 de la loi du 1er septembre 1948 dispose que les dispositions du présent titre ne sont pas applicables aux logements construits ou achevés postérieurement au 1er septembre 1948. Toutefois, elles sont applicables aux logements réparés ou reconstruits dans les conditions prévues aux articles 70 et 71 et occupés par les personnes visées à l'article 70 ou par des locataires ou occupants qui se trouvaient dans les lieux à la date de promulgation de la loi n° 62-902 du 4 août 1962.
Sont assimilés aux logements construits ou achevés postérieurement au 1er septembre 1948 :
- Les locaux utilisés avant le 1er juin 1948 à d'autres fins que l'habitation et postérieurement affectés à cet usage sous réserve que ces locaux, lorsqu'ils reçoivent cette nouvelle affectation, répondent aux conditions fixées par un décret pris sur le rapport du ministre de la construction.
-Les locaux obtenus par reconstruction ainsi qu'il est prévu à l'article 11, par surélévation ou addition de construction ainsi qu'il est prévu à l'article 12, sous réserve des dispositions des articles 13 et 42.
- Les locaux dans lesquels ont été effectués des travaux compris dans un secteur prévu à l'article L. 313-3 du code de l'urbanisme ou dans un périmètre prévu à l'article L. 313-4 du même code et autorisés ou prescrits dans les conditions prévues auxdits articles, sauf lorsqu'ils sont occupés par le locataire ou l'occupant maintenu dans les lieux pendant la durée des travaux ou bénéficiaire des dispositions de l'article 13 de la présente loi, de l'article L. 313-7 du code de l'urbanisme, ou du droit à réintégration prévu à l'article L. 314-3 du même code.
En l'espèce, le bail conclu le 29 mars 1974 entre l'office public d'habitations à loyer modéré de la ville de [Localité 4], aux droits duquel vient l'établissement [Localité 4] Habitat OPH, et Monsieur [E] [W] et Madame [Y] [W], mentionne qu'il est régi par les législation et la réglementation sur les habitations à loyer modérés, et qu'il a été affecté au preneur en considération de ses conditions actuelles de logement, de sa situation familiale et de ses ressources. Les dispositions du bail permettent ainsi d'établir que le prix du loyer a été fixé en référence aux dispositions sur les habitations à loyer modéré, ce qui n'est pas nécessairement incompatible avec la soumission du bail aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.
Néanmoins, le régime de la loi du 1er septembre 1948 est réservé aux logements construits ou achevés avant le 1er septembre 1948, ou postérieurement mais qui y sont assimilés, conformément à l'article 3 de cette même loi.
Or, en l'espèce, la partie demanderesse n'apporte aucun élément sur la date à laquelle le logement a été construit, ni des circonstances permettant éventuellement de l'assimiler aux logements construits ou achevés avant le 1er septembre 1948. Ainsi, la partie demanderesse échoue à apporter la preuve que le bail est soumis aux dispositions de la loi du 1er septembre 1948.
Dès lors, et faute d'applicabilité de cette loi, la demande principale du demandeur sera rejetée.
II. Sur la demande d'expulsion et la demande reconventionnelle de transfert du bail sur le fondement de la loi du 6 juillet 1989
En vertu de l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989, lors du décès du locataire, le contrat de location est transféré :
- au conjoint survivant qui ne peut se prévaloir des dispositions de l'article 1751 du code civil;
- aux descendants qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès;
- au partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité;
- aux ascendants, au concubin notoire ou aux personnes à charge, qui vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès.
En cas de demandes multiples, le juge se prononce en fonction des intérêts en présence.
A défaut de personnes remplissant les conditions prévues au présent article, le contrat de location est résilié de plein droit par le décès du locataire ou par l'abandon du domicile par ce dernier.
L'article 40 I. de la même loi dispose que les 4°, 7° à 9° et le dernier alinéa de l'article 3, l'article 3-1, le II de l'article 5, les articles 8, 8-1, 10 à 12, 15 à 18, le 1° de l'article 20, les cinq premiers alinéas de l'article 23 et les articles 25-3 à 25-11 ne sont pas applicables aux logements appartenant aux organismes d'habitations à loyer modéré et ne faisant pas l'objet d'une convention passée en application de l'article L. 351-2 du code de la construction et de l'habitation.
L'article 14 leur est applicable à condition que le bénéficiaire du transfert ou de la continuation du contrat remplisse les conditions d'attribution et que le logement soit adapté à la taille du ménage. Ces deux conditions ne sont pas requises envers le conjoint, le partenaire lié au locataire par un pacte civil de solidarité ou le concubin notoire et, lorsqu'ils vivaient effectivement avec le locataire depuis plus d'un an, les ascendants, les personnes présentant un handicap au sens de l'article L. 114 du code de l'action sociale et des familles et les personnes de plus de soixante-cinq ans. Lorsque le bénéficiaire du transfert est un descendant remplissant les conditions de ressources mais pour lequel le logement est inadapté à la taille du ménage, l'organisme bailleur peut proposer un relogement dans un logement plus petit pour lequel l'intéressé est prioritaire.
En vertu de ce texte, au décès du locataire, les descendants sont en droit de revendiquer le transfert du bail à leur profit à la condition de démontrer qu'ils vivaient avec lui depuis au moins un an à la date du décès, de justifier de ressources inférieures au plafond HLM et de justifier de la taille du ménage, afin que soit vérifiée l'adéquation avec le type d'appartement sollicité.
A titre liminaire, il convient de relever que les défendeurs sollicitent le transfert du bail au bénéfice tant de Monsieur [J] [W] que de Madame [O] [W]. Or, si Monsieur [J] [W] est bien le fils des locataires décédés, Madame [O] [W] ne remplit aucune des conditions prévues à l'article 14 de la loi du 6 juillet 1989. Elle ne peut donc bénéficier, de son propre chef, du transfert du bail.
Le décès de Madame [Y] [W] étant intervenu le 16 janvier 2023, Monsieur [J] [W] doit en premier lieu apporter la preuve d'une cohabitation continue pendant au moins un an avec elle avant cette date.
A ce titre, il verse un courrier qu'il a adressé au bailleur le 22 février 2023, aux termes duquel il indique avoir vécu chez sa mère pendant 14 mois avant son décès tandis que son épouse et leurs quatre enfants ont continué de vivre dans leur appartement du [Localité 2] jusqu'au 17 décembre 2022, date à laquelle ils ont emménagé dans les lieux objet du litige. Ce courrier émanant de lui-même, il convient d'examiner si les autres éléments de preuve qu'il produit aux débats sont de nature à établir cette cohabitation. L'attestation de Monsieur [S] [A] et Madame [T] [L], voisins, font état d'une résidence par Monsieur [J] [W] dans les lieux depuis un an, mais leur attestation, comporte deux dates, à savoir celle du 2 février 2024 et celle du 2 octobre 2023, de sorte qu'elle ne permet pas d'établir le point de départ du délai. L'attestation de Monsieur [V] [I], du 9 février 2024, de même que celle de Monsieur [P] [D], du 12 novembre 2023 indiquent que Monsieur [J] [W] se trouve dans les lieux depuis plus de deux ans. Celles-ci sont corroborées par les attestations de six membres de la famille des défendeurs, qui indiquent que Monsieur [J] [W] était présent auprès de sa mère depuis le mois de novembre 2021.
Néanmoins, les défendeurs font valoir qu'ils ont conservé le bénéfice d'un logement dans le [Localité 2], où Madame [O] [W] et leurs enfants vivaient jusqu'au mois de décembre 2022, date à partir de laquelle ils indiquent avoir rejoint Monsieur [J] [W] dans le bien objet du litige. Au regard de cette circonstance, le critère de la continuité de l'habitation de Monsieur [J] [W] dans l'appartement situé [Adresse 1] implique qu'il ait effectivement totalement cessé de résider avec son épouse et leurs enfants pendant plus d'un an avant le décès de Madame [Y] [W], pour s'installer exclusivement avec sa mère. Or, les attestations précitées, par leur concision et leur caractère peu circonstancié, sont insuffisantes pour établir cette circonstance en l'espèce.
Aussi, Monsieur [J] [W] n'établit-t-il pas en l'espèce qu'il s'est établi de manière continue au domicile de sa mère pendant plus d'un an avant la date de son décès.
En conséquence, les conditions du transfert du bail au bénéfice des défendeurs ne sont pas réunies en l'espèce, de sorte que le bail s'est trouvé résilié de plein droit le 16 janvier 2023 et que les défendeurs seront déboutés de leur demande de transfert du bail.
De plus, Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] se trouvent ainsi occupants sans droit ni titre des lieux depuis le 16 janvier 2023, de sorte qu'il y a lieu d'ordonner leur expulsion selon les modalités prévues au dispositif de la décision.
III. Sur la demande du délai de deux mois prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution
Selon l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.
La charge de la preuve de l'entrée dans les lieux par voie de fait pèse sur le propriétaire. Le simple fait de ne pas disposer d'un titre pour entrer dans les lieux n'est pas constitutif en soi d'une voie de fait.
En l'espèce, il n'est nullement établi que les occupants sont entrés dans les lieux par voie de fait, dès lors qu'il y sont à l'inverse entrés régulièrement du fait de Madame [Y] [W], alors titulaire du bail.
La demande tendant à supprimer le délai de deux mois n'est donc pas fondée, de sorte qu'elle sera rejetée.
IV. Sur la demande d'indemnité d'occupation majorée
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
En l'espèce, dès lors que Monsieur [J] [W] et son épouse Madame [O] [W] se trouvent occupants sans droit ni titre des lieux, ils seront solidairement condamnés à verser une indemnité d'occupation égale au montant du loyer actuel qui aurait été dû si le bail consenti à Madame [Y] [W] s'était poursuivi, majoré des charges diverses et courantes, et ce jusqu'à libération des lieux, en ce compris la remise des clés.
La demande tendant à majorer l'indemnité d'occupation de 30% à titre de dommages et intérêts sera rejetée, faute pour l'établissement [Localité 4] Habitat OPH de justifier d'une circonstance particulière justifiant une majoration du loyer initialement prévu.
V. Sur la demande de délais pour quitter les lieux
Aux termes des dispositions combinées des articles L.613-1 du code de la construction et de l'habitation, L.412-3, L.412-4, L.412-6 à L.412-8 du code des procédures civiles d'exécution, le juge peut accorder des délais aux occupants de locaux d'habitation dont l'expulsion a été ordonnée judiciairement chaque fois que le relogement des intéressés ne peut avoir lieu dans des conditions normales. Pour la fixation de ces délais, il est tenu compte de la bonne ou mauvaise volonté manifestée par l'occupant dans l'exécution de ses obligations, des situations respectives du propriétaire et de l'occupant, notamment en ce qui concerne l'âge, l'état de santé, la qualité de sinistré par faits de guerre, la situation de famille ou de fortune de chacun d'eux, les circonstances atmosphériques, ainsi que des diligences que l'occupant justifie avoir faites en vue de son relogement. Il est également tenu compte du droit à un logement décent et indépendant, des délais liés aux recours engagés selon les modalités prévues aux articles L. 441-2-3 et L. 441-2-3-1 du code de la construction et de l'habitation et du délai prévisible de relogement des intéressés. La durée de ces délais ne peut être inférieure à un mois ni supérieure à un an.
En l'espèce, les occupants n'ont pas fait preuve de mauvaise volonté à l'occasion de l'occupation des lieux, et il n'est pas établi qu'ils se soient abstenus du règlement des loyers courants à la suite de leur maintien dans les lieux postérieurement au décès de Madame [Y] [W]. Par ailleurs, ils justifient que leur fils, [M] [W], âgé de 14 ans, est scolarisé dans un collège dans le 19e arrondissement, et qu'un autre de leur enfants, [H] [W], présente un handicap reconnu entre 50% et 79% selon une décision de la MDPH du 9 mars 2023. Ces éléments établissent qu'un changement de domicile en cours d'année scolaire s'avère délicate pour la famille en cas de relogement dans un lieu éloigné de leurs établissements scolaires. Au surplus, il résulte de l'avis d'imposition des époux [W] établi en 2023 pour l'année 2022 que le revenu fiscal de référence de la famille est de 35513 euros pour un foyer de deux adultes et quatre enfants à charge, et qu'ils ont formé une demande de logement social dès 2017, renouvelée le 11 mai 2023. Force est ainsi de constater que leur relogement rapide, avec des revenus modestes, est en l'espèce délicat.
En conséquence, il sera fait droit à leur demande de délais pour quitter les lieux pour une durée de six mois.
VI. Sur les accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W], succombant, seront condamnés in solidum aux dépens, au titre desquels il n'y a pas lieu de retenir le coût de la sommation interpellative.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
L'équité commande de commander in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] à verser à l'établissement [Localité 4] Habitat OPH la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La propre demande formée par les défendeurs à ce titre sera rejetée.
En l'espèce, la nature de l'affaire est compatible avec l'exécution provisoire de la décision, de sorte qu'il n'y a pas lieu de l'écarter.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection statuant publiquement, après débats en audience publique, par jugement mis à disposition au greffe contradictoire et en premier ressort,
Rejette la demande principale de l'établissement [Localité 4] Habitat OPH tendant à constater que Monsieur [J] [W] ne réunit pas les conditions de l'article 5 de la loi du 1er septembre 1948 pour obtenir le transfert des droits sur le bail de l'appartement sis [Adresse 1] ;
Rejette la demande de Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] tendant au transfert du bail en application des articles 14 et 40 de la loi du 6 juillet 1989 ;
Dit que Monsieur [J] [W], Madame [O] [W] et leurs enfants sont occupants sans droit ni titre de l'appartement sis [Adresse 1] ;
Ordonne l'expulsion de Monsieur [J] [W] et de son épouse Madame [O] [W] et de tous occupants de leur chef, et ce, avec l'assistance du commissaire de police, de la force publique, et d'un serrurier s'il y a lieu ;
Rejette la demande de l'établissement [Localité 4] Habitat OPH tendant à supprimer le délai de deux mois prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Dit que le sort des meubles sera régi par les articles L433-1 et L433-2 du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne solidairement Monsieur [J] [W] et son épouse, Madame [O] [W] à compter du décès de Madame [Y] [W] à verser à l'établissement [Localité 4] Habitat OPH une indemnité d'occupation dont le montant correspond aux loyers actualisés augmentés des charges, tels que Madame [Y] [W] les réglait au titre de son bail sur le local à usage d'habitation et la cave et ce, jusqu'à parfaite libération des lieux par remise des clés ou procès-verbal d'expulsion ou de reprise
Rejette la demande de l'établissement [Localité 4] Habitat OPH tendant à augmenter de 30% le montant de l'indemnité d'occupation par rapport au loyer actualisé précédemment versé par Madame [Y] [W] ;
Accorde à Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] un délai de six mois pour quitter les lieux à compter de la présente décision ;
Condamne in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] à verser à l'établissement [Localité 4] Habitat OPH la somme de 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette la demande de Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
Rejette pour le surplus des demandes ;
Condamne in solidum Monsieur [J] [W] et Madame [O] [W] aux dépens, au titre desquels il n'y a pas lieu de retenir le coût de la sommation interpellative ;
Rappelle que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
La greffièreLa juge des contentieux de la protection