TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Copie conforme délivrée
le :
à :
Monsieur [N] [W]
Madame [Y] [O],
Copie exécutoire délivrée
le :
à :
Me Baptiste BOUILLON
Pôle civil de proximité
â–
PCP JCP fond
N° RG 23/08862 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3JVI
N° MINUTE :
JUGEMENT
rendu le vendredi 17 mai 2024
DEMANDERESSE
La société SOMEBY
dont le siège social est situé [Adresse 1]
représentée par Me Baptiste BOUILLON, avocat au barreau de LYON,
DÉFENDEURS
Monsieur [N] [W]
demeurant [Adresse 2]
non comparant, ni représenté
Madame [Y] [O],
demeurant [Adresse 3]
non comparante, ni représentée
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Deborah FORST, juge des contentieux de la protection
assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière,
DATE DES DÉBATS
Audience publique du 20 mars 2024
JUGEMENT
réputé contradictoire, en premier ressort, prononcé par mise à disposition le 17 mai 2024 par Deborah FORST, Juge des contentieux de la protection, assistée de Coraline LEMARQUIS, Greffière
Décision du 17 mai 2024
PCP JCP fond - N° RG 23/08862 - N° Portalis 352J-W-B7H-C3JVI
EXPOSE DU LITIGE
Par acte sous seing privé à effet au 30 avril 2022, la SAS Someby a donné en sous-location à Monsieur [N] [W], un local à usage d'habitation meublé constitué de la chambre numéro 6 au sein d'un logement situé [Adresse 2] pour une durée de 6 mois renouvelable, pour un loyer de 1318 euros par mois, outre 40 euros de provisions sur charges et 30 euros de forfait charges.
Par actes de commissaire de justice des 25 juillet 2023 et 1er août 2023, la SAS Someby a fait assigner Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [O] devant le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Paris aux fins de :
-constater et prononcer si besoin la résiliation judiciaire du bail d'habitation signé le 30 avril 2022 liant Monsieur [N] [W] à la SAS Someby et portant sur une chambre au sein d'un appartement en colocation situé [Adresse 2], à la date du 28 novembre 2022 ;
-constater le jeu de la clause résolutoire prévu au bail d'habitation signé le 30 avril 2022 liant Monsieur [N] [W] à la SAS Someby et portant sur une chambre au sein d'un appartement en colocation situé [Adresse 2] à la date du 28 novembre 2022
-ordonner l'expulsion immédiate de Monsieur [N] [W] ainsi que de tous occupants de son chef, par toutes voies et moyens de droit, et si besoin, avec l'emploi de la force publique ;
-assortir l'obligation de quitter les lieux d'une condamnation sous astreinte de Monsieur [N] [W] à verser rétroactivement à la SAS Someby la somme de 100 euros par jour de retard à compter du 29 novembre 2022 et ce, jusqu'au jour de la complète libération des lieux et de remise des clés ;
-condamner solidairement Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [O] à verser à la SAS Someby une indemnité d'occupation de 1318 euros par mois, outre une provision sur charges de 70 euros par mois (correspondant au montant du loyer et charges) à compter de la résiliation du bail au 28 novembre 2022, avec prise d'effet au 29 novembre 2022, et jusqu'à la libération complète des locaux et la restitution des clés ;
-condamner solidairement Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [O] à verser à la SAS Someby les sommes de :
- 352 euros en réparation de la porte d'entrée vitrée de l'immeuble ;
- 51811 euros en réparation du préjudice lié aux départs des colocataires de Monsieur [W] à la vacance des chambres restées inoccupées dans l'appartement ;
- 3572 euros en réparation du préjudice lié à la gestion de la situation par la SAS Someby ;
- 10 000 euros en réparation du préjudice lié à l'atteinte à l'image et à la réputation de la SAS Someby ;
- 112 320 euros en remboursement des fruits civils retirés par Monsieur [W] du fait de la sous-location prohibée du logement via le site Airbnb ;
- 3200 euros en remboursement des fruits civils retirés par Monsieur [W] du fait de la sous-location prohibée du logement à Monsieur [V] [D] ;
-condamner solidairement Monsieur [N] [W] et Madame [Y] [O] à verser à la SAS Someby la somme de 4500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens qui comprendront les coûts de l'ensemble des commandements de payer délivrés depuis la signature du bail.
L'affaire a été appelée à l'audience du 5 décembre 2023 et renvoyée à la demande de la partie demanderesse à l'audience du 20 mars 2024, à laquelle elle a été retenue.
A l'audience, la SAS Someby a repris l'ensemble de ses demandes telles que formulées dans les assignations, précisant que le locataire avait quitté les lieux à la suite de son éviction par des sous-locataires squattant le logement. Elle produit les pièces supplémentaires numéro 20, 21 et 22 ainsi que l'accusé de réception de la pièce numéro 2 et précise que ces pièces n'ont pas été soumises au contradictoire.
A l'appui de ses demandes, elle fait valoir que le bail n'est pas soumis aux dispositions de la loi du 6 juillet 1989 mais à celles du code civil, et qu'en conformité avec les stipulations du bail, celui-ci a été résilié par lettre recommandée avec avis de réception du 27 octobre 2022, avec prise d'effet au 28 novembre 2022. Elle soutient qu'en tout état de cause, le bail doit être résilié sur le fondement de des 1328 et 1224 du code civil, en raison des manquements du locataire à ses obligations, à savoir l'absence de règlement des loyers depuis le mois de novembre 2022, le bris de la porte d'entrée de l'immeuble dans la nuit du 29 au 30 novembre 2022 nécessitant l'intervention de la police et posant un problème de sécurité à l'égard des colocataires, des nuisances à l'égard des autres occupants de l'immeuble qui se sont plaints d'un comportement violent et menaçant, ainsi que de l'organisation de fêtes régulières causant d'importants troubles notamment le 31 décembre 2022 et le 4 mars 2023, du comportement exhibitionniste de Monsieur [N] [W], d'une altercation violente le 5 juillet 2023 ayant entrainé l'intervention de la BRI, du manquement de Monsieur [N] [W] à son obligation d'entretien du logement, de sous-locations prohibées via le site Airbnb par l'intermédiaire d'une personne se présentant sous le prénom d'[X], ainsi que d'une sous-location non autorisée à Monsieur [V] [D]. Au soutien de ses demandes indemnitaires, elle fait valoir que Monsieur [N] [W] ne règle plus aucun loyer depuis le mois de décembre 2022 inclus, que le coût du remplacement de la porte vitrée s'élève à la somme de 352 euros, qu'elle a subi des coûts importants liés au départ précipité des colocataires de Monsieur [N] [W] en raison de son comportement, qu'elle a elle-même subi un préjudice moral compte tenu des manquements de Monsieur [N] [W], et qu'elle est enfin en droit de solliciter la restitution des fruits civils perçus par Monsieur [N] [W] du fait de sous-locations non autorisées sur le site Airbnb et à Monsieur [V] [D].
Aucun des défendeurs n'a comparu à aucune des audiences.
A l'issue des débats, la décision a été mise en délibéré au 17 mai 2024, par mise à disposition au greffe.
MOTIFS DE LA DECISION
Aux termes de l'article 472 du code de procédure civile, lorsque le défendeur ne comparaît pas, il est néanmoins statué sur le fond et le juge ne fait droit à la demande que s'il l'estime recevable, régulière et bien fondée.
I.Sur les nouvelles pièces déposées à l'audience du 20 mars 2024
Aux termes des articles 9 et 16 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention, le juge devant observer et faire observer le principe de la contradiction.
En l'espèce, alors que les pièces numérotées 1 à 19 ont été signifiées aux parties défenderesses à l'occasion de la délivrance des assignations, les pièces 20, 21 et 22, ainsi que l'accusé de réception relatif à la pièce numéro 2 ont été déposées à l'audience sans avoir préalablement été signifiées aux défendeurs. Ces pièces ne sont donc pas contradictoires et doivent en conséquence être écartées des débats.
II.Sur la demande tendant à constater la résiliation du bail par l'effet du congé
Le bail de sous-location liant la SAS Someby à Monsieur [N] [W] en tant que preneur, et Madame [Y] [O] en qualité de caution solidaire, précise qu'il exclut les dispositions de la loi n°89-462 du 6 juillet 1989 du code civil.
Les dispositions de la loi du 6 juillet 1989 ne sont en effet pas applicables aux sous-locations, Ã l'exception de son article 8.
Le droit commun issu du code civil a ainsi vocation à s'appliquer au présent bail.
Le contrat comporte une mention selon laquelle la sous-location est consentie et acceptée pour une durée, reconductible tacitement, sauf congé donné par le preneur ou la société. Il précise également que le contrat pourra être résilié par l'une des parties à tout moment, moyennant un délai de préavis de 30 jours minimum, que le congé devra être notifié par la société par courriel ou par courrier recommandé avec accusé de réception, physique ou numérique, et que les dates suivantes font foi : soumission du formulaire, première réponse au courriel ou première présentation du recommandé.
La SAS Someby produit un courrier daté du 27 octobre 2022 adressé par lettre recommandée avec avis de réception déposé le 27 octobre 2022 à Monsieur [N] [W], et faisant état de son intention de résilier le contrat de sous-location à compter du 28 novembre 2022.
L'accusé de réception de ce courrier étant écarté des débats, la SAS Someby n'apporte pas la preuve de la date de la remise du recommandé à Monsieur [N] [W].
Ainsi, et faute d'apporter la preuve de la remise du recommandé du 27 octobre 2022, la SAS Someby sera déboutée de sa demande tendant à constater la résiliation du contrat de sous-location au 28 novembre 2022.
III.Sur la demande tendant à prononcer la résolution judiciaire du bail
Aux termes de l'article 1224 du code civil, la résolution résulte soit de l'application d'une clause résolutoire soit, en cas d'inexécution suffisamment grave, d'une notification du créancier au débiteur ou d'une décision de justice. L'article 1229 du même code précise que lorsque les prestations échangées ont trouvé leur utilité au fur et à mesure de l'exécution réciproque du contrat, il n'y a pas lieu à restitution pour la période antérieure à la dernière prestation n'ayant pas reçu sa contrepartie et que, dans ce cas, la résolution est qualifiée de résiliation.
En application de l'article 1228 du code civil, le juge peut, selon les circonstances, constater ou prononcer la résolution ou ordonner l'exécution du contrat, en accordant éventuellement un délai au débiteur, ou allouer seulement des dommages et intérêts.
Aux termes de l'article 1728 du code civil, le preneur est tenu de deux obligations principales :
1° D'user de la chose louée raisonnablement, et suivant la destination qui lui a été donnée par le bail, ou suivant celle présumée d'après les circonstances, à défaut de convention ;
2° De payer le prix du bail aux termes convenus.
En l'espèce, le contrat prévoit par ailleurs que le preneur est tenu des principales obligations suivantes :
-Payer le loyer et ses sommes accessoires aux termes convenus ;
-User paisiblement des locaux et équipements loués, suivant la destination prévue au contrat ;
-(…)
-Occuper personnellement les lieux loués : ne pas céder le présent contrat, ni sous-louer le logement.
S'agissant de l'obligation de payer le loyer, il résulte du décompte produit par la SAS Someby en sa pièce numéro 15, s'arrêtant au mois de juin 2023, que le loyer a totalement cessé d'être réglé par Monsieur [N] [W] à compter de l'échéance du mois de décembre 2022, et qu'aucun nouveau paiement n'est intervenu jusqu'au mois de juin 2023. En s'abstenant de régler les loyers à bonne date pendant sept mois, Monsieur [N] [W] a gravement manqué à ses obligations contractuelles.
Sur le grief tiré du manquement à l'obligation d'user paisiblement des lieux, il résulte d'échanges de courriels entre la société Chez Nestor et deux personnes se présentant comme colocataires de Monsieur [N] [W] que le 30 novembre 2022, ce dernier a brisé la porte d'entrée en verre de l'immeuble, puis est rentré dans l'appartement " bourré/défoncé ", selon les termes utilisés dans le courriel, a répandu du sang dans l'appartement, et qu'elles ont été réveillées par la police à la suite de ces faits. Des photographies sont jointes et permettent de confirmer que des traces de sang ont été retrouvées à de nombreux endroits de l'appartement et que la police est venue dans les lieux. Les deux colocataires indiquent ne plus se sentir en sécurité dans les lieux. Un procès-verbal de constat du 30 novembre 2022 est également produit par la partie demanderesse et permet de confirmer le bris de la vitre du hall d'entrée et d'établir la présence de traces de sang dans les parties communes jusqu'à la porte d'entrée de l'appartement. Il résulte ainsi suffisamment de ces éléments que Monsieur [N] [W] a manqué à son obligation d'user paisiblement les lieux le 30 novembre 2022, en brisant la porte d'entrée de l'immeuble et en répandant du sang dans l'appartement, ce comportement ayant conduit à l'arrivée de la police et à faire naître un sentiment d'insécurité chez les colocataires.
Par ailleurs, la SAS Someby verse aux débats une déclaration de main courante du 1er janvier 2023 de l'un des voisins, Monsieur [G], aux termes de laquelle il indique que pendant la nuit, Monsieur [N] [W] a organisé une soirée et fait entrer des personnes dans l'immeuble, que le bruit a empêché ses filles de dormir, que Monsieur [N] [W] s'est montré agressif à son égard lorsqu'il lui a demandé de baisser le son en lui disant qu'il allait lui mettre une balle dans la tête, puis que la police est intervenue à 7 heures. Ce même voisin a adressé un courriel le 20 avril 2023 à la société Chez Nestor pour se plaindre à nouveau du comportement inapproprié de Monsieur [N] [W] la veille, qui s'est trouvé nu avec une femme dans sa chambre, rideaux ouverts. Ces comportements, établis par le courriel et la main courante précités, sont constitutifs d'un manquement à l'obligation d'user paisiblement des lieux en ce qu'ils ont causé des troubles auprès des voisins.
En ce qui concerne en revanche le manquement à l'obligation d'entretien, la SAS Someby verse un courrier du 3 mars 2023 lui ayant été adressé par la société Oikogestion et évoquant un refus de Monsieur [N] [W] de laisser intervenir un plombier et un changement de serrure de l'appartement. Ces éléments ne sont toutefois confirmés par aucun élément objectif, et ne sont donc pas suffisamment établis.
Concernant enfin d'obligation de ne pas sous-louer les lieux, la SAS Someby produit des extraits du site internet Airbnb du 5 juin 2023, proposant une chambre au prix de 115 euros par nuit par une personne indiquant être " [X] ", et pour laquelle la société Oikogestion a alerté la SAS Someby par courrier du 5 juin 2023 qu'il s'agissait de la même que celle louée par Monsieur [N] [W]. Un procès-verbal de constat du 2 juin 2023 fait état de la mise en ligne de trois chambres (numéros 2, 4 et 7) au sein de cette même colocation sur le site internet Airbnb par une personne sous le nom d'[X], et indiquant qu'il est proposé d'accueillir des voyageurs dans deux chambres chez " [X] et [P] ". Au regard de la description des lieux et de la location du bien, il est suffisamment établi qu'il s'agit de l'appartement dont Monsieur [N] [W] a pris en sous-location une des chambres auprès de la SAS Someby. Il résulte ainsi de ces éléments que Monsieur [N] [W] a proposé à sous-location sur le site Airbnb plusieurs chambres se trouvant dans le bien pris en sous-location auprès de la SAS Someby, et ce, en contrariété avec les termes du contrat interdisant la sous-location. Le simple fait de proposer son bien en sous-location via le site Airbnb n'est toutefois pas suffisant à lui seul pour établir un manquement aux dispositions du bail. En effet, il revient au bailleur n'apporter la preuve de la réalité de la sous-location, c'est-à -dire que des personnes ont séjourné dans le bien et ont réglé un prix à ce titre. Or, les seules pièces versées par la SAS Someby sur ce point sont deux courriels, l'un non daté, d'une personne souhaitant rester anonyme et indiquant que Monsieur [N] [W] a pris en otage l'appartement pour y faire des locations Airbnb et que tous les jours, 5 à 10 personnes montent et descendent à toutes heures ; le second, joint à un courriel du 19 juin 2023 mais pour sa part non daté, et qui indique que le voisin et colocataire a mis l'appartement en Airbnb et qu'une famille d'Indiens est arrivée le jour même et s'est installée dans l'appartement avec ses valises. Ces deux courriels, par leur caractère anonyme pour l'un, et peu circonstancié pour l'autre, sont insuffisants pour établir que le bien a effectivité été sous-loué via le site Airbnb. Le manquement du locataire ne sera donc pas retenu à ce titre.
En revanche, la SAS Someby produit une déclaration de plainte de Monsieur [V] [D] du 10 juillet 2023 auprès des services de police, et indiquant de manière circonstanciée que Monsieur [N] [W] lui a fait visiter l'appartement, s'est présenté auprès de lui comme propriétaire du bien, et lui a permis de s'y installer le 2 avril moyennant le paiement de la somme de 800 euros en liquide. Il précise avoir réglé en tout 1600 euros à Monsieur [N] [W] au titre de l'occupation de ce bien. Il résulte ainsi de cette plainte que Monsieur [N] [W] a sous-loué le bien, en contrariété avec les dispositions du bail, à Monsieur [V] [D] du 2 avril 2023 au 10 juillet 2023 pour la somme de 1600 euros.
Au regard de l'ensemble de ces éléments, Monsieur [N] [W] est contrevenu aux obligations du bail à de multiples reprises, en s'abstenant de régler les loyers à compter du mois de décembre 2022, en s'abstenant d'user paisiblement des lieux, et en sous-louant le bien à Monsieur [V] [D] du 2 avril 2023 au 10 juillet 2023. La gravité de ces manquements et leur caractère réitéré justifie que soit prononcée la résiliation judiciaire du bail à compter de la présente décision.
IV.Sur la demande d'expulsion immédiate sous astreinte
La résiliation du bail étant prononcée, il convient d'ordonner l'expulsion de Monsieur [N] [W] et de tous occupants de son chef selon les modalités prévues au dispositif.
La demande tendant à ce que l'expulsion soit réalisée de manière immédiate doit s'entendre comme une demande tendant à supprimer le délai de deux mois prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution.
Selon l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution, si l'expulsion porte sur un lieu habité par la personne expulsée ou par tout occupant de son chef, elle ne peut avoir lieu qu'à l'expiration d'un délai de deux mois qui suit le commandement, sans préjudice des dispositions des articles L. 412-3 à L. 412-7. Toutefois, le juge peut, notamment lorsque la procédure de relogement effectuée en application de l'article L. 442-4-1 du code de la construction et de l'habitation n'a pas été suivie d'effet du fait du locataire, réduire ou supprimer ce délai.
Le délai prévu au premier alinéa du présent article ne s'applique pas lorsque le juge qui ordonne l'expulsion constate que les personnes dont l'expulsion a été ordonnée sont entrées dans les locaux par voie de fait.
La charge de la preuve de l'entrée dans les lieux par voie de fait pèse sur le propriétaire. Le simple fait de ne pas disposer d'un titre pour entrer dans les lieux n'est pas constitutif en soi d'une voie de fait.
En l'espèce, Monsieur [N] [W] n'est pas entré dans les lieux par voie de fait mais par l'effet du contrat de sous-location du 30 avril 2022. La demande tendant à supprimer ce délai sera donc rejetée.
Enfin, la demande tendant à assortir cette obligation d'une astreinte sera également rejetée, le recours à la force publique étant suffisante, et la partie demanderesse ayant en tout état de cause indiqué à l'audience que Monsieur [N] [W] avait quitté les lieux.
V.Sur la demande de condamnation à une indemnité d'occupation solidairement avec Madame [Y] [O] jusqu'à libération des lieux
Sur la demande de condamnation de Monsieur [N] [W] à une indemnité d'occupation jusqu'à libération des lieux
Le maintien dans les lieux postérieurement à la date d'expiration du bail constitue une faute civile ouvrant droit à réparation en ce qu'elle cause un préjudice certain pour le propriétaire dont l'occupation indue de son bien l'a privé de sa jouissance. Au-delà de cet aspect indemnitaire, l'indemnité d'occupation, qui est également de nature compensatoire, constitue une dette de jouissance correspondant à la valeur équitable des locaux.
Dès lors que le bail a été résilié à compter de ce jour, la demande formée par la SAS Someby tendant à ce que Monsieur [N] [W] soit solidairement condamné avec Madame [Y] [O] à lui verser une indemnité d'occupation du 29 novembre 2022 jusqu'à la libération des lieux et la remise des clés doit s'analyser en une demande tendant à ce qu'ils soient condamnés à lui verser l'arriéré de loyer depuis le 29 novembre 2022 puis une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail jusqu'à libération des lieux.
En l'espèce, la SAS Someby verse un décompte selon lequel Monsieur [N] [W] a cessé de s'acquitter du montant du loyer à compter de l'échéance de décembre 2022. Faute d'avoir réglé le montant des loyers depuis cette date, il sera condamné à verser à la SAS Someby la somme de 1318 euros par mois, outre 70 euros de provisions pour charge jusqu'à la résiliation du bail, conformément à ce qui est indiqué sur le contrat signé le 30 avril 2022. Monsieur [N] [W] sera par ailleurs condamné à verser à la SAS Someby une indemnité d'occupation à compter de la résiliation du bail du même montant, jusqu'à libération des lieux et la remise des clés.
Sur la demande de condamnation solidaire de Madame [Y] [O] en sa qualité de caution
Selon l'article 2288 du code civil, le cautionnement est le contrat par lequel une caution s'oblige envers le créancier à payer la dette du débiteur en cas de défaillance de celui-ci.
Aux termes de l'article 2297 du code civil, à peine de nullité de son engagement, la caution personne physique appose elle-même la mention qu'elle s'engage en qualité de caution à payer au créancier ce que lui doit le débiteur en cas de défaillance de celui-ci, dans la limite d'un montant en principal et accessoires exprimé en toutes lettres et en chiffres. En cas de différence, le cautionnement vaut pour la somme écrite en toutes lettres.
En l'espèce, la SAS Someby verse un document intitulé " acte de cautionnement solidaire " selon lequel Madame [Y] [O] déclare :
- se porter caution solidaire de Monsieur [N] [W] pour la durée de son bail (6 mois) ainsi que de tous ses renouvellements successifs éventuels, dans la limite d'une durée totale de 9 ans à compter du jour de la signature de la présente ;
- reconnaître être en possession d'une copie du contrat de bail et avoir pris connaissance des clauses et conditions, notamment du montant du loyer mensuel qui s'élève à 1388 euros charges comprises ;
- s'engager à rembourser sur ses revenus et sur ses biens personnels les sommes dues par Monsieur [N] [W] en cas de défaillance de ce dernier ;
- confirmer avoir une parfaite connaissance de la nature de son engagement ;
- garantir au profit du bailleur, le paiement de tout ce que [N] [W] peut lui devoir en vertu du bail et notamment : les loyers, les charges récupérables et accessoires, les intérêts, pénalités et dommages et intérêts, les indemnités dues à titre de clauses pénales, les indemnités d'occupation, les impôts et taxes, les frais et dépenses de procédure et coût des actes, les dégradations et réparations mises à la charge du locataire ;
- (…)
L'acte présente une signature électronique portant la mention " [Y] [O] " et n'est pas daté.
Au regard de ces éléments, l'acte précité ne comporte aucune mention manuscrite, ni aucune indication en toutes lettres des limites des montants en principal et accessoire, et n'est pas daté, de sorte que la preuve d'un acte de caution conforme aux exigences des textes précités et de nature à valablement engager Madame [Y] [O] à ce titre n'est pas apportée en l'espèce.
En conséquence, la SAS Someby sera déboutée de sa demande à l'égard de Madame [Y] [O]. Elle sera par ailleurs nécessairement déboutée de l'ensemble de ses autres demandes à l'égard de Madame [Y] [O].
VI.Sur la demande de paiement du coût de la réparation de la porte vitrée de l'immeuble
Selon l'article 1732 du code civil, le preneur répond des dégradations ou des pertes qui arrivent pendant sa jouissance, à moins qu'il ne prouve qu'elles ont eu lieu sans sa faute.
Selon l'article 9 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de prouver conformément à la loi les faits nécessaires au succès de sa prétention.
En l'espèce, comme indiqué précédemment, Monsieur [N] [W] a commis un manquement à ses obligations contractuelles en brisant la vitre de la porte de l'immeuble. La SAS Someby verse une facture du 26 janvier 2023 adressée par l'entreprise Sky Rov à la société Opera Malesherbes - C/O Oiko Gestion d'un montant de 352 euros pour le remplacement de la porte vitre de la porte cassée au [Adresse 2], ainsi qu'une quittance du mois de mars 2023 adressée par la société Opera Malesherbes, en qualité de propriétaire, à la SAS Someby, en qualité de locataire, faisant état du paiement de cette même somme. La SAS Someby justifie ainsi avoir assuré le paiement de la somme de 352 euros pour la réparation de la porte dégradée par Monsieur [N] [W]. Elle justifie ainsi de son préjudice, de sorte que Monsieur [N] [W] sera condamné à lui verser la somme de 352 euros pour la réparation de la vitre.
VII.Sur la demande de paiement de la somme de 51811 euros liée au départ des colocataires
En l'espèce, la SAS Someby produit une pièce intitulée " prix du switch " listant au titre de différentes catégories (humain, nuisances, prix, technique, volontaire) des motifs conduisant à un prix (intitulé " switch "), notamment en ce qui concerne une mésentente entre locataires, le non respect du règlement entre locataires, les nuisances causées au voisinage par un locataire, etc. S'il a été établi précédemment que Monsieur [N] [W] a manqué à ses obligations en causant des nuisances aux autres colocataires, le tableau précité faisant état d'une liste de prix est insuffisant en l'espèce pour établir la réalité du préjudice que la SAS Someby indique avoir subi pour chaque colocataire. En effet, ce tableau est général et ne permet pas d'apporter la preuve des sommes effectivement engagées spécifiquement pour chacun des colocataires. De plus, la SAS Someby ne verse aucun élément afin de justifier de son préjudice relatif au coût de la vacance des chambres indisponibles à la location dans l'appartement. Elle ne justifie ainsi pas de ce poste de préjudice.
En conséquence, la SAS Someby sera déboutée de sa demande.
VIII.Sur la demande de paiement de la somme de 3572 euros en réparation du préjudice de gestion
En l'espèce, la SAS Someby soutient que la situation de Monsieur [N] [W] et son comportement irrespectueux des occupants de l'immeuble, de ses colocataires et de la société Someby ont nécessité la mobilisation de nombreux gestionnaires de la société et entrainé un préjudice important en termes de coûts salariaux. Elle soutient que le coût salarial de la négociation avec Monsieur [N] [W] a mobilisé deux salariés, et qu'elle a subi un coût salarial supplémentaire de l'équipe pour gérer les nuisances qu'il a causés. Si elle chiffre son préjudice à la somme de 3572 euros, aucune pièce justificative n'est versée afin de permettre d'apporter la preuve d'une part de l'engagement de ces ressources, et d'autre part de leur chiffrage.
Par conséquent, cette demande sera rejetée.
IX.Sur la demande de paiement de la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral lié à l'atteinte à l'image et à la réputation de la SAS Someby
En l'espèce, la SAS Someby soutient qu'en raison des nuisances causées par Monsieur [N] [W], la société Opera Malesherbes et le mandataire de ce dernier, la société Oikogestion, ne souhaitent plus travailler avec elle sur d'autres appartements, et que son image auprès d'elles a été ternie. Aucun des éléments qu'elle verse ne permet néanmoins d'établir que ces deux sociétés ont exprimé leur volonté de cesser leur collaboration avec la SAS Someby. Cette dernière ne justifie ainsi pas de son préjudice, de sorte qu'elle sera déboutée de sa demande.
X.Sur la demande de paiement de la somme de 112 320 euros au titre des sous-locations sur le site Airbnb
Aux termes des articles 546, 547 et 548 du code civil, la propriété immobilière donne droit sur tout ce qu'elle produit et les fruits civils appartiennent au propriétaire par accession.
L'article 549 de ce même code précise que le simple possesseur ne fait les fruits siens que dans le cas où il possède de bonne foi. Dans le cas contraire, il est tenu de restituer les produits avec la chose au propriétaire qui la revendique. La bonne foi requise pour l'acquisition des fruits doit revêtir un caractère permanent. Sitôt qu'elle cesse, cesse l'acquisition des fruits.
Sauf, lorsque la sous-location a été autorisée par le bailleur, les sous-loyers perçus par le preneur constituent des fruits civils qui appartiennent par accession au propriétaire, lequel est en droit de demander le remboursement des sommes perçues à ce titre, étant précisé que le droit de percevoir ces fruits est totalement indépendant de la démonstration de l'existence d'un préjudice, le détournement fautif au détriment du propriétaire de fruits civils produits par la sous-location de la propriété immobilière cause nécessairement un préjudice financier à celui-ci.
En l'espèce et comme indiqué précédemment, la SAS Someby a échoué à apporter la preuve de la réalité des sous-locations prohibées via le site Airbnb.
En conséquence, la SAS Someby sera nécessairement déboutée de sa demande à ce titre.
XI.Sur la demande de paiement de la somme de 3200 euros au titre de la sous-location à Monsieur [V] [D]
En l'espèce, il a été retenu précédemment que Monsieur [N] [W] a sous-loué, en violation des termes du bail, le bien reçu en location à Monsieur [V] [D] entre le 2 avril 2022 et le 10 juillet 2023. Il n'est pas établi que la sous-location ait perduré postérieurement à cette date. Aux termes de sa plainte, Monsieur [V] [D] a admis avoir versé la somme totale de 1600 euros à Monsieur [N] [W] au titre de cette occupation. Ainsi, la SAS Someby justifie que les fruits civils perçus par Monsieur [N] [W] à ce titre s'élèvent à la somme de 1600 euros. Par conséquent, Monsieur [N] [W] sera condamné à verser à la SAS Someby la somme de 1600 euros.
XII.Sur les accessoires
Aux termes de l'article 696 du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie.
En l'espèce, Monsieur [N] [W], succombant, sera condamné aux dépens.
En application de l'article 700 du code de procédure civile, dans toutes les instances le juge condamne la partie tenue aux dépens ou la partie perdante à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a lieu à condamnation.
L'équité et la situation économique des parties commande de condamner Monsieur [N] [W] à verser à la SAS Someby la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera rappelé que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
PAR CES MOTIFS
Le juge des contentieux de la protection, statuant après débats en audience publique par mise à disposition au greffe, en premier ressort, par jugement réputé contradictoire,
Ecarte des débats les pièces numéro 20, 21 et 22 et l'accusé de réception relatif à la pièce numéro 2 déposées à l'audience du 20 mars 2024 ;
Déboute la SAS Someby de sa demande tendant à constater la résiliation du bail d'habitation signé le 30 avril 2022 liant Monsieur [N] [W] à la SAS Someby et portant sur une chambre au sein d'un appartement en colocation situé [Adresse 2], à la date du 28 novembre 2022 ;
Prononce la résiliation judiciaire du bail d'habitation signé le 30 avril 2022 liant Monsieur [N] [W] à la SAS Someby et portant sur une chambre au sein d'un appartement en colocation situé [Adresse 2] à compter de la présente décision
Ordonne l'expulsion de Monsieur [N] [W] et de tous occupants de leur chef, et ce, avec l'assistance du commissaire de police, de la force publique ;
Rejette la demande de la SAS Someby tendant à supprimer le délai de deux mois prévu à l'article L412-1 du code des procédures civiles d'exécution ;
Condamne Monsieur [N] [W] à verser à la SAS Someby la somme de 1318 euros par mois, outre une provision sur charges de 70 euros par mois (correspondant au montant du loyer et charges), à compter de l'échéance de loyer impayée du mois décembre 2022 incluse, jusqu'à la libération complète des locaux et la restitution des clés, au titre de l'arriéré de loyers jusqu'à résiliation du bail et des indemnités d'occupations dues à compter de la résiliation du bail ;
Déboute la SAS Someby de l'ensemble de ses demandes à l'égard de Madame [Y] [O] ;
Condamne Monsieur [N] [W] à verser à la SAS Someby la somme de 352 euros au titre de la dégradation de la porte d'entrée de l'immeuble ;
Déboute la SAS Someby de sa demande tendant à condamner Monsieur [N] [W] à lui verser la somme de 51811 euros en réparation du préjudice lié aux départs des colocataires ;
Déboute la SAS Someby de sa demande tendant à condamner Monsieur [N] [W] à lui verser 3572 euros en réparation du préjudice lié à la gestion de la situation ;
Déboute la SAS Someby de sa demande tendant à condamner Monsieur [N] [W] à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice lié à l'atteinte à son image et à sa réputation ;
Déboute la SAS Someby de sa demande tendant à condamner Monsieur [N] [W] à lui verser 112 320 euros du fait de la sous-location prohibée du logement via le site Airbnb ;
Condamne Monsieur [N] [W] à verser à la SAS Someby la somme de 1600 euros en remboursement des fruits civils retirés par Monsieur [W] du fait de la sous-location prohibée du logement à Monsieur [V] [D] ;
Condamne Monsieur [N] [W] à verser à la SAS Someby la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
Rejette le surplus des demandes ;
Condamne Monsieur [N] [W] aux dépens ;
Rappelle que la présente décision est assortie de l'exécution provisoire de droit.
La greffièreLa juge des contentieux de la protection