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16/05/2024 | FRANCE | N°23/05334

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 3ème chambre 1ère section, 16 mai 2024, 23/05334


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrées à : Me MAY #K186
Copies certifiées conformes délivrées à : Me PARICHEVA #C1473, Me MIRO #P273




3ème chambre
1ère section

N° RG 23/05334
N° Portalis 352J-W-B7H-CZUXY

N° MINUTE :

Assignation du :
09 mars 2023

JOUR FIXE








JUGEMENT
rendu le 16 mai 2024
DEMANDERESSES

S.A.S.U. ALLERGAN HOLDINGS FRANCE
[Adresse 15]
[Localité 4]

S.A.S.U. ABBVIE
[Adresse 1]
[Localité

5]

représentées par Me Benjamin MAY du Cabinet ARAMIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0186

DÉFENDEURS

Monsieur [S] [C]
[Adresse 12]
[Localité 2] (BULGARIE)

Monsieur [E] [I] [...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] Le :
Expédition exécutoire délivrées à : Me MAY #K186
Copies certifiées conformes délivrées à : Me PARICHEVA #C1473, Me MIRO #P273

3ème chambre
1ère section

N° RG 23/05334
N° Portalis 352J-W-B7H-CZUXY

N° MINUTE :

Assignation du :
09 mars 2023

JOUR FIXE

JUGEMENT
rendu le 16 mai 2024
DEMANDERESSES

S.A.S.U. ALLERGAN HOLDINGS FRANCE
[Adresse 15]
[Localité 4]

S.A.S.U. ABBVIE
[Adresse 1]
[Localité 5]

représentées par Me Benjamin MAY du Cabinet ARAMIS, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #K0186

DÉFENDEURS

Monsieur [S] [C]
[Adresse 12]
[Localité 2] (BULGARIE)

Monsieur [E] [I] [N]
[Adresse 9],
[Adresse 9]
[Localité 7] (LIBAN)

Monsieur [T] [W] [M]
[Adresse 9],
[Adresse 9]
[Localité 7] (LIBAN)

représentés par Me Galina PARICHEVA de la SELARL OOLITH, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C1473
Décision du 16 mai 2024
3ème chambre 1ère section
N° RG 23/05334
N° Portalis 352J-W-B7H-CZUXY

Société DERMAVITA COMPANY SARL
[Adresse 8]
[Adresse 8]
[Localité 7] (LIBAN)

Société AESTHETIC SERVICES AND DEVELOPMENT
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Adresse 13] (BULGARIE)

Société JUVEDERM COSMEDICS
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Adresse 13] (BULGARIE)

Société BUSINESS AND CONTRACTING COMMERCE
[Adresse 13]
[Adresse 13]
[Adresse 13] (BULGARIE)

représentées par Me Philippe MIRO du Cabinet VITOUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #P0273

Société SILHOUHETTE INTERNATIONALE CO SARL
[Adresse 6]
[Adresse 6]
[Localité 7] (LIBAN)

Défaillante

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Claire LE BRAS, 1ère Vice-Présidente Adjointe
Madame Elodie GUENNEC, Vice-présidente
Monsieur Malik CHAPUIS, Juge,

assistés de Madame Caroline REBOUL, Greffière

DEBATS

A l’audience du 26 février 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux avocats que la décision serait rendue le 16 mai 2024.

JUGEMENT

Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
En premier ressort

EXPOSÉ DU LITIGE

La société française Allergan holdings France détient plusieurs marques contenant le terme “JUVEDERM”, seul ou en combinaison avec d’autres termes (JUVEDERM ULTRA, JUVEDERM VOLITE…) pour les produits des classes 3, 5 et 10 et détient des participations dans la société Allergan Industrie qui fabrique pour le monde entier les produits “JUVEDERM” de comblement des rides administrés par injection dont le principal ingrédient actif est l’acide hyaluronique, produits commercialisés en France par la société Allergan France.
Les sociétés Allergan holdings France et Allergan France ont fait face à un important réseau de fraude visant le portefeuille de marques “JUVEDERM”, impliquant notamment les sociétés Dermavita, Aesthetic services and development (ci-après ASD) et Vital esthétique, respectivement immatriculées au Liban, en Bulgarie et en France et qu’elles présentent comme contrôlées par le même groupe de personnes.
Par actes d’huissier de justice des 22 juin 2017, 27 juin 2017, 28 juin 2017 et 4 juillet 2017, les sociétés Allergan holdings France et Allergan France ont fait assigner, devant ce tribunal, en contrefaçon de marques et subsidiairement atteinte à la marque renommée et concurrence déloyale, les sociétés Dermavita company, Dima Corp., My Cream Lab, Lazeo, Vital Esthétique et ASD ainsi que [D] et [X] [J]. Par une ordonnance rendue le 20 novembre 2020, le juge de la mise en état a constaté le désistement des sociétés Allergan à l’égard de [D] et [X] [J], des sociétés LAZEO, DYMA Corp. et MY CREAM LAB.
Par un jugement rendu le 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a notamment, sous le bénéfice de l’exécution provisoire: [...]- Dit que la fabrication, la présentation, la promotion et/ou la commercialisation de produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe “JUVEDERM” ainsi que toute communication ou usage du signe “JUVEDERM” en lien avec les produits cosmétiques et dispositifs médicaux, par les sociétés Dermavita company SARL, ASD et Vital Esthétique constituent des actes de contrefaçon des marques de l’Union européenne n° 5807169 et française n° 3061345 dont la société Allergan holdings France est titulaire,
- dit que ces mêmes actes commis par les sociétés Dermavita company SARL, ASD et Vital Esthétique constituent des actes de contrefaçon des marques n°5807169 et 3061345, au préjudice de la société Allergan France, licenciée exclusive,
- Fait interdiction aux sociétés Dermavita company SARL, ASD et Vital Esthétique ainsi qu’à toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, importer, exporter, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe “JUVEDERM” ainsi que de procéder à toute communication ou usage du signe “JUVEDERM” de nature à porter atteinte aux droits de la société Allergan holdings France, sur ses marques n°5807169 et n° 3061345, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai d’un an,
- Dit que cette interdiction s’agissant de la marque de l’Union européenne n° 5807169 aura une portée sur tout le territoire de l’Union européenne, [...]
- Ordonné aux sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique de procéder au rappel des circuits commerciaux de tous les produits revêtus du signe “JUVEDERM”, et ce sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, passé le délai de 15 jours après la signification du présent jugement, et pendant un délai de douze mois,
- ordonné aux sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique d’avoir à produire sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours après la signification du présent jugement :
-Tout contrat ou autre documentation de nature contractuelle en lien avec le signe “JUVEDERM” litigieux entre les sociétés Dermavita companySARL, Aesthetic services and development, Vital Esthétique ou l’une d’entre elles, avec toute autre société,
-les revenus versés et/ou perçus en lien avec le signe et les produits “JUVEDERM” litigieux par Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique ainsi que par toute autre société qui leur serait liée,
-l’identité et l’adresse du fabricant des produits “JUVEDERM” litigieux et du lieu de production ainsi que l’identité et l’adresse de toute autre personne ou entité impliquée directement ou indirectement dans la fabrication, l’importation, l’exportation, la promotion, la vente ou la distribution des produits “JUVEDERM” litigieux, en ce compris les sociétés Juvederm elite clinics, ENERGY CONTROL et JUVEDERM COSMEDICS,
-le rôle des sociétés Vimer, Vabel (ou Laboratoire Vabel), Linia et GUANGZHOU EKAI ELECTRONIC TECHNOLOG CO.,LTD dans les actes de contrefaçon et leur adresse,
-un historique détaillé des quantités et références de produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” litigieuse qui ont été fabriqués et commercialisés, ainsi que leur prix de vente hors taxe et toute taxe comprise,
-l’état complet des stocks de produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” et le lieu de stockage,
-l’intégralité des bons de commandes, bons de livraison et factures de vente relatifs aux produits “JUVEDERM” litigieux, et
-les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes, indiquant le chiffre d’affaires et la marge deDermavita companySARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique sur la vente des produits litigieux de la gamme “JUVEDERM”, [...]
- Dit que le tribunal se réserve la liquidation des astreintes,

Une tierce opposition a été introduite à l’encontre de ce jugement par les sociétés Business & contracting commerce, Juvederm cosmedics et Silhouette internationale co ainsi que Messieurs [C], [N] et [M] en octobre 2023.
Le patrimoine de la société Allergan France a été apporté à la société ABBVIE, la fusion étant à effet du 1er novembre 2022.

Dûment autorisées par une ordonnance du 27 février 2023, les sociétés Allergan holdings France et ABBVIE ont fait assigner, par actes d’huissier des 2, 9 et 10 mars 2023, la société Dermavita Company, la société Silhouette Internationale Co, la société Aesthetic services et development (ASD), la société Juvederm Cosmedics, la société Business and contracting commerce, M. [S] [C], M. [E] [I] [N], M. [T] [W] [M] à jour fixe devant le tribunal judiciaire de Paris.
Par jugement du 11 janvier 2024, le tribunal judiciaire de Paris a,- rejeté l'exception de procédure tirée de la nullité des assignations;
- dit n'y avoir lieu à surseoir à statuer dans l'attente de l'issue de la procédure de tierce opposition au jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2021;
- déclaré les sociétés Allergan Holdings France et Abbvie irrecevables en leurs demandes de liquidation d'astreinte en ce qu'elles sont dirigées à l'encontre de Messieurs [C], [N], [M];
- débouté les sociétés Allergan Holdings France et Abbvie de leur demande de liquidation d'astreinte en ce qu'elle est formée à l'égard des sociétés Business and Contracting commerce Ltd, Juvederm Cosmedics, Silhouette internationale Co SARL;
Avant dire droit sur les autres demandes:
- ordonné la réouverture des débats à l'audience de plaidoirie du 26 février 2024 à 15 heures avec un calendrier de procédure:
- invité les parties à conclure sur la question de la proportionnalité de l'astreinte liquidée;
- réservé les dépens et les demandes au titre des frais irrépétibles et rappelé que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 19 février 2024, les sociétés Allergan Holdings France et ABBVIE demandent au tribunal de: - Les recevoir en l’ensemble de leurs demandes et les en déclarer fondées,
- ordonner à l’encontre des sociétés Dermavita company et Aesthetic services and development la liquidation solidaire de l’astreinte provisoire à la somme de trois millions six-cent cinquante mille (3 650 000) euros au titre des infractions constatées à la mesure d’interdiction prévue par le jugement du 26 février 2021,
- ordonner à l’encontre des sociétés Dermavita company et Aesthetic services and development la liquidation de l’astreinte provisoire à la somme de huit millions sept-cent mille euros (8.700.000 euros), quitte à parfaire, au titre de l’absence de communication des informations prévues par le jugement du 26 février 2021,
- assortir la mesure d’interdiction prévue dans son jugement du 26 février 2021 d’une nouvelle astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans les termes suivants :
« FAIT interdiction aux sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique ainsi qu’à toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, importer, exporter, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe “JUVEDERM” ainsi que de procéder à toute communication ou usage du signe “JUVEDERM” de nature à porter atteinte aux droits de la société Allergan Holdings France, sur ses marques n°5807169 et n° 3061345, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir »,
- assortir la mesure de communication d’information prévue dans son jugement du 26 février 2021 d’une nouvelle astreinte de 10 000 euros par jour de retard dans les termes suivants :
« Ordonne aux sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique d’avoir à produire sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours après la signification du présent jugement :
o Tout contrat ou autre documentation de nature contractuelle en lien avec le signe “JUVEDERM” litigieux entre les sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development , Vital Esthétique ou l’une d’entre elles, avec toute autre société,
o les revenus versés et/ou perçus en lien avec le signe et les produits “JUVEDERM” litigieux
par Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique ainsi que par toute autre société qui leur serait liée,
o l’identité et l’adresse du fabricant des produits “JUVEDERM” litigieux et du lieu de production ainsi que l’identité et l’adresse de toute autre personne ou entité impliquée directement ou indirectement dans la fabrication, l’importation, l’exportation, la promotion, la vente ou la distribution des produits “JUVEDERM” litigieux, en ce compris les sociétés Juvederm Elite Clinics, Energy Control et Juvederm Cosmedics;
o le rôle des sociétés Vimer, Vabel (ou Laboratoire Vabel), Linia et Guangzhou Ekai Electronic Technology Co Ltd dans les actes de contrefaçon et leur adresse,
o un historique détaillé des quantités et références de produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” litigieuse qui ont été fabriqués et commercialisés, ainsi que leur prix de vente hors taxe et toute taxe comprise,
o l’état complet des stocks de produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” et le lieu de stockage,
o l’intégralité des bons de commandes, bons de livraison et factures de vente relatifs aux produits JUVEDERM litigieux, et
o les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes, indiquant le chiffre d’affaires et la marge de Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique sur la vente des produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” »,
- se réserver la liquidation des astreintes,
- condamner in solidum les sociétés Dermavita company SARL et Aesthetic services and development à verser aux sociétés Allergan Holdings France et ABBVIE la somme de 10 000 euros chacune, en application de l’article 700 du code de procédure civile,
- condamner in solidum les sociétés Dermavita company SARL et Aesthetic Services and development aux entiers dépens de l’instance, dans les conditions de l’article 699 du Code de procédure civile,
- Pour le surplus, rejeter l’ensemble des demandes, fins et prétentions des sociétés Dermavita company SARL et Aesthetic services and development .

Dans leurs dernières conclusions notifiées par voie électronique le 1er février 2024, les sociétés Dermavita Company SARL et la société de droit bulgare Aesthetic services and development (ASD) demandent au tribunal judiciaire de Paris de: - débouter les sociétés Allergan et ABBVIE de leur demande en liquidation d’astreinte.
Subsidiairement,
Ramener à de juste proportion le montant de l’astreinte.
- condamner les sociétés Allergan et ABBVIE à payer à chacune des sociétés Business & contracting, Aesthetic Services, Juvederm Cosmedics et Dermavita la somme de 5.000 euros sur le fondement de l’article 700 du code de procédure civile.

L’affaire a été mise en délibéré au 16 mai 2024.

MOTIFS

Sur les demandes de liquidation d’astreinte

Moyens des parties

Rappelant le comportement déloyal et la stratégie de contournement des sociétés défenderesses, les sociétés Allergan Holdings France et ABBVIE demandent au tribunal de prononcer la liquidation des astreintes dans la mesure où ces dernières n’ont déféré ni à la mesure d’interdiction pan-européenne prononcée par le tribunal d’utiliser le terme “JUVEDERM”, ni à l’obligation de communiquer les pièces nécessaires pour apprécier l’étendue de la masse contrefaisante et fixer son préjudice.
S’agissant de la demande de communication d’informations, elles soulignent le fait que les courriels dont se prévalent les défenderesses ont été envoyés avant le jugement qui a ordonné la mesure de communication de pièces sous astreinte, le tribunal ayant donc estimé nécessaire cette mesure en dépit des documents préalablement communiqués. Elles ajoutent que ces pièces ne comportent aucune information relative aux sociétés Dermavita et ASD, ni certification par un commissaire aux comptes et laissent sans réponse de nombreux éléments du droit à l’information auquel le tribunal a fait droit, en ce compris le rôle des sociétés Vimer, Vabel, Linia, Guanzhou Ekai Electronic Technolog co.

S’agissant de l’exécution de la mesure d’interdiction, elles relèvent que plusieurs sites internet opérés par les défenderesses continuent à présenter, faire la promotion et offrir à la vente des produits sous le signe “JUVEDERM”. Elles notent ainsi que le site internet www.dermavita.net est toujours actif, fait la promotion de produits sous le signe Juvederm, indique distribuer les produits dans l’UE. Il en est de même de la page facebook “juvederm cosmetics”, qui mentionne une adresse et un numéro de téléphone à [Localité 2]. Elles relèvent que le situe internet juvedermcosmedics est toujours actif, de même que le site beautyproacademy ou encore silhouette-international.net, tous communiquant et faisant la promotion de produits sous le signe “Juvederm”. Elles se prévalent encore de l’envoi de mises en demeure et de communiqués de presse.

Les sociétés soutiennent que la pleine liquidation des astreintes est justifiée par le comportement de parfaite mauvaise foi des sociétés débitrices dans l’exécution des mesures de communication et d’interdiction prononcées par le tribunal. Elles soutiennent qu’elles ont systématiquement ignoré les condamnations et contourné les décisions de justice, ne justifient d’aucune difficulté rencontrée dans le cadre de l’exécution et en tout état de cause de la proportionnalité des montants réclamés au stade de la liquidation des astreintes. A ce titre, elles soulignent que le montant des astreintes répond à un objectif de dissuasion pour répondre aux exigences de bonne administration de la justice. Dénonçant l’ampleur de la stratégie d’évitement mise en place par les défenderesses, elle estime que la diminution du montant de l’astreinte aurait pour conséquence de conforter leur réseau de contrefacteurs. Elles sollicitent la fixation de nouvelles astreintes.

Les sociétés Dermavita company SARL et Aesthetic services and development soulignent tout d’abord qu’une procédure devant les juridictions libanaises a reconnu la perte de droits de la société Allergan sur la marque “JUVEDERM”, que la société Allergan holdings France ne s’est pas opposée à l’enregistrement de la marque communautaire “JUVEDERM” de la société Dermavita (14026737) auprès de l’EUIPO et que la procédure d’annulation qu’elle a finalement enregistrée a été suspendue en 2016.
S’agissant de la mesure d’interdiction sous astreinte, elles demandent au tribunal de prendre acte que toute fabrication, importation, exportation, commercialisation de produit a cessé. Si la marque “JUVEDERM” reste visible sur le site internet exploité par la société Dermavita, elles estiment que c’est légitimement dans la mesure où cette dernière est régulièrement titulaire de la marque dans un certain nombre de pays. Elles soulignent en outre que le site est rédigé en langue anglaise, a été déplacé hors de l’Union Européenne et qu’il n’est qu’une vitrine, sans commande possible de produits. Elles demandent, à titre subsidiaire, à ce que le tribunal ramène la somme demandée à de plus justes proportions au regard de la faute commise, s’il devait leur être reproché le fait que le site est accessible en France.

S’agissant de l’obligation de communiquer des informations, elles ajoutent avoir, par courriel officiel du 7 avril 2020 puis par courrier, communiqué les pièces. Elles estiment avoir ainsi répondu aux injonctions du jugement du 26 février 2021 et considèrent qu’il n’y a pas lieu à liquidation de l’astreinte prononcée.

Appréciation du tribunal

S’agissant de la liquidation de l’astreinte, l’article L. 131-3 du code des procédures civiles d’exécution dispose que l'astreinte, même définitive, est liquidée par le juge de l'exécution, sauf si le juge qui l'a ordonnée reste saisi de l'affaire ou s'en est expressément réservé le pouvoir. L’article L. 131-4 du même code dispose que le montant de l'astreinte provisoire est liquidé en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter.Le taux de l'astreinte définitive ne peut jamais être modifié lors de sa liquidation.
L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère.
L’article R. 131-1 du code des procédures civiles d’exécution dispose que l'astreinte prend effet à la date fixée par le juge, laquelle ne peut pas être antérieure au jour où la décision portant obligation est devenue exécutoire.
Toutefois, elle peut prendre effet dès le jour de son prononcé si elle assortit une décision qui est déjà exécutoire.
L’article 503 du code de procédure civile dispose, en son premier alinéa, que les jugements ne peuvent être exécutés contre ceux auxquels ils sont opposés qu'après leur avoir été notifiés, à moins que l'exécution n'en soit volontaire.

Suivant une jurisprudence constante, le juge saisi d'une demande de liquidation ne peut se déterminer qu'au regard des seuls critères prévus à l'article L. 131-4 du code des procédures civiles d'exécution. Dès lors, il ne peut limiter le montant de l'astreinte liquidée au motif que le montant sollicité par le créancier de l'astreinte serait excessif (2e Civ., 25 juin 2015, pourvoi n° 14-20.073) ou qu'il serait trop élevé au regard des circonstances de la cause (2e Civ., 7 juin 2012, pourvoi n° 10-24.967) ou de la nature du litige (2e Civ., 30 janvier 2014, pourvoi n° 13-10.255).
Cependant, en application du protocole n°1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales, toute personne physique ou morale a droit au respect de ses biens. Nul ne peut être privé de sa propriété que pour cause d'utilité publique et dans les conditions prévues par la loi et les principes généraux du droit international.
L'astreinte, en ce qu'elle impose, au stade de sa liquidation, une condamnation pécuniaire au débiteur de l'obligation, est de nature à porter atteinte à un intérêt substantiel de celui-ci. Elle entre ainsi dans le champ d'application de la protection des biens garantie par ce Protocole. Il en résulte que le juge qui statue sur la liquidation d'une astreinte provisoire doit apprécier le caractère proportionné de l'atteinte qu'elle porte au droit de propriété du débiteur au regard du but légitime qu'elle poursuit. Dès lors, si l'astreinte ne constitue pas, en elle-même, une mesure contraire aux exigences du Protocole en ce que, prévue par la loi, elle tend, dans l'objectif d'une bonne administration de la justice, à assurer l'exécution effective des décisions de justice dans un délai raisonnable, tout en imposant au juge appelé à liquider l'astreinte, en cas d'inexécution totale ou partielle de l'obligation, de tenir compte des difficultés rencontrées par le débiteur pour l'exécuter et de sa volonté de se conformer à l'injonction, il n'en appartient pas moins au juge saisi d'apprécier encore, de manière concrète, s'il existe un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel il liquide l'astreinte et l'enjeu du litige. (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n°19-23.72) Le montant de l'astreinte ne doit pas être disproportionné au regard des facultés de la société condamnée (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvois n° 19-22.435, 19-23.721, 20-15.261).
En l’espèce, dans son jugement du 26 février 2021, le tribunal judiciaire de Paris a: - fait interdiction aux sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique ainsi qu’à toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte, de fabriquer, importer, exporter, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe “JUVEDERM” ainsi que de procéder à toute communication ou usage du signe “JUVEDERM” de nature à porter atteinte aux droits de la société Allergan holdings France, sur ses marques n°5807169 et n° 3061345, et ce sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai d’un an;
- ordonné aux sociétés Dermavita companySARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique d’avoir à produire sous astreinte de 10 000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours après la signification du présent jugement :
-Tout contrat ou autre documentation de nature contractuelle en lien avec le signe “JUVEDERM” litigieux entre les sociétésDermavita companySARL, Aesthetic services and development, Vital Esthétique ou l’une d’entre elles, avec toute autre société,
-les revenus versés et/ou perçus en lien avec le signe et les produits “JUVEDERM” litigieux par Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique ainsi que par toute autre société qui leur serait liée,
-l’identité et l’adresse du fabricant des produits “JUVEDERM” litigieux et du lieu de production ainsi que l’identité et l’adresse de toute autre personne ou entité impliquée directement ou indirectement dans la fabrication, l’importation, l’exportation, la promotion, la vente ou la distribution des produits “JUVEDERM” litigieux, en ce compris les sociétés Juvederm elite clinics, ENERGY CONTROL et JUVEDERM COSMEDICS, -le rôle des sociétés Vimer, Vabel (ou Laboratoire Vabel), Linia et GUANGZHOU EKAI ELECTRONIC TECHNOLOG CO.,LTD dans les actes de contrefaçon et leur adresse,
-un historique détaillé des quantités et références de produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” litigieuse qui ont été fabriqués et commercialisés, ainsi que leur prix de vente hors taxe et toute taxe comprise,
-l’état complet des stocks de produits litigieux de la gamme “JUVEDERM” et le lieu de stockage,
-l’intégralité des bons de commandes, bons de livraison et factures de vente relatifs aux produits “JUVEDERM” litigieux, et
-les documents comptables, certifiés par un commissaire aux comptes, indiquant le chiffre d’affaires et la marge de Dermavita company SARL, Aesthetic services and development et Vital Esthétique sur la vente des produits litigieux de la gamme “JUVEDERM”.

Ce jugement, rendu au terme d’une instance opposant, au jour de la clôture, les sociétés Allergan Holdings France et Allergan France aux sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic Services and development et Vital Esthétique, est assorti de l’exécution provisoire.
Il est constant qu’il appartient au juge saisi d’une demande de liquidation d’astreinte de s’assurer, au besoin d’office, que l’astreinte a bien commencé à courir et de déterminer son point de départ.
Il est justifié que le patrimoine de la société Allergan France, licenciée exclusive, a été apporté à la société ABBVIE, la fusion étant à effet du 1er novembre 2022, si bien qu’elle peut invoquer le bénéfice de cette condamnation, ce qui n’est pas discuté.
Le jugement a été notifié par voie de signification à la société Dermavita company le 23 septembre 2021 et à la société ASD le 11 octobre 2021. De fait, lorsque le jugement est signifié à l’étranger, la date de signification correspond à celle à laquelle l’acte a été signifié selon la loi de l’état requis. Ces dates ne sont en l’espèce pas discutées.
* Sur la demande de liquidation de l’astreinte assortissant les mesures d’interdiction

Il importe de rappeler qu’en présence d'une obligation de ne pas faire, il appartient au créancier de l’obligation, demandeur à la liquidation de l'astreinte, de rapporter la preuve de la violation de l'interdiction mise à la charge du débiteur.

Conformément aux termes de la décision rappelés au §37, l’astreinte a commencé à courir quinze jours après la signification du jugement, soit à compter du 8 octobre 2021 pour la société Dermavita company et du 27 octobre 2021 pour la société ASD, pour une durée d’un an.
Or, les sociétés Allergan Holdings company et ABBVIE versent aux débats plusieurs procès-verbaux de constat dressés par des commissaires de justice sur des sites internet, en particulier www.dermavita.net et wwww.juvedermcosmetics/, pour lesquels le tribunal judiciaire de Paris, dans sa décision du 26 février 2021, a constaté qu’ils sont utilisés par la société Dermavita avec la participation de la société ASD. Rédigés en anglais, ils sont destinés à un public européen et sont accessibles en France, étant souligné que les sociétés en cause communiquent des coordonnées de contact en Bulgarie. Les procès-verbaux de constat sont les suivants: - un procès-verbal dressé le 22 septembre 2022 par Me [F], commissaire de justice à [Localité 14] sur le site https://dermavitala.net/ constatant la présence de différents onglets comportant le signe “JUVEDERM” (juvederm meso cocktail, Juvederm éclat, Juvederme soins boosters ... etc), présentant et faisant la promotion des produits anti-âge présentés sous ce signe, des eaux parfumées, des produits d’hygiène. La rubrique “about us” du site mentionne que les produits sont distribués dans de nombreux pays, y compris en Union européenne. Ce site renvoie, par un onglet “nous suivre” à une page https://www.facebook.com/juvedermcosmetics/ portant en entête le signe “JUVEDERM COSMETICS”. L’adresse fournie sur la page Facebook est [Adresse 3] (bulgarie), siège social de la société ASD. Le commissaire de justice constate également la désignation et la promotion de produits anti-âge sous le signe “JUVEDERM” sur la page https://beautyprofacademy.com/ à laquelle renvoie le site internet Dermavita.
- un procès-verbal de constat dressé le 22 septembre 2022 par Me [F] sur le site https://juvedermcosmedics.com/, toujours actif, avec une utilisation du signe en entête et pour désigner des produits cosmétiques, renvoyant sur la page https://www.facebook.com/JuvedermCosMedics . Le lien avec la Bulgarie est expresse, que ce soit s’agissant de l’adresse donnée à [Localité 2] ou du numéro de téléphone mentionné sur la page Facebook.
- un procès-verbal de constat dressé le 9 février 2024 par Me [F], commissaire de justice, à [Localité 14], au terme duquel il constate la persistance de l’utilisation du signe “Juvederm” pour désigner des produits pour la peau, sur le site www.dermavita.net auquel il a libre accès depuis son ordinateur, sur la page facebookJuvedermcosmetics ainsi que sur la page Beautyprofacademy.com

Ces éléments constituent la démonstration d’une violation de l’interdiction prononcée par le tribunal de présenter, promouvoir, faire de la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe “JUVEDERM”.
Il est par ailleurs établi que la société Dermavita a, par l’intermédiaire de deux adresses email “[Courriel 11]” et “[Courriel 10]“, adressé des courriels à des cabinets médicaux basés en France les mettant en demeure de cesser l’utilisation du signe “JUVEDERM” en juillet et août 2022, outre des communiqués de presse en ligne accessibles en France faisant état d’une décision concernant le signe “JUVEDERM” rendue par une juridiction libanaise, ce qui constitue également une violation du dispositif précité.
Les sociétés Dermavita company et ASD n’invoquent aucun motif létigime à ce défaut d’exécution, ni ne font état de difficultés particulières rencontrées dans le cadre d’une tentative d’exécution. La résistance des sociétés défenderesses dans la bonne exécution du jugement est établie.
L’astreinte provisoire ayant couru pendant un délai d’un an, jusqu’au 8 octobre 2022 pour la société Dermavita et jusqu’au 27 octobre 2022 pour la société ASD, et les faits se poursuivant ce dont témoigne le procès-verbal de constat dressé le 9 février 2024, il y a lieu de la liquider l’astreinte à hauteur de la somme de 3.650.000 euros que les sociétés Dermavita company et ASD seront condamnées à payer, sans toutefois qu’une mesure de solidarité ne soit prononcée. En effet, l’astreinte étant une mesure de contrainte à caractère personnel, il est de jurisprudence constante que lorsque deux personnes sont condamnées sous astreinte à une même obligation de faire, elles ne sont pas tenues in solidum au paiement du montant de l'astreinte liquidée. Il existe, concernant cette condamnation, un rapport raisonnable de proportionnalité entre le montant auquel l’astreinte est liquidée et l’enjeu du litige.
Le dispositif du jugement du 26 février 2021 n’étant pas exécuté et aucune impossibilité légitime n’étant invoquée, la demande tendant à la fixation d’une nouvelle astreinte à la mesure d’interdiction est fondée. Il y sera donc fait droit. La demande ne peut toutefois aboutir à l’égard de la société Vital Esthétique qui n’a pas été attraite à la présente procédure et ferait, en outre, l’objet d’une procédure collective.
* Sur la demande de liquidation de l’astreinte assortissant la condamnation à communiquer pièces et informations

Il importe, à titre préalable, de rappeler qu’en présence d'une obligation de faire, il est de jurisprudence constante que la charge de la preuve de l'exécution de l’obligation assortie d'une astreinte pèse sur le débiteur de l'obligation.
Il a été précédemment souligné que le jugement, assorti de l’exécution provisoire, a été notifié par voie de signification à la société Dermavita le 23 septembre 2021 et à la société ASD le 11 octobre 2021. L’astreinte provisoire ainsi fixée a donc commencé à courir à compter de l’expiration d’un délai de quinze jours à compter de la signification du jugement, soit à compter du 8 octobre 2021 pour la société Dermavita et du 27 octobre 2021 pour la société ASD.
Pour démontrer la bonne exécution du jugement rendu le 26 février 2021, les sociétés Dermavita Company et ASD se prévalent d’un courriel adressé le 7 avril 2020, réitéré par un courrier du 11 mars 2020, comportant: une lettre de la société Vital Esthetique à la société Allergan le 11 mars 2020, un contrat signé entre Vital Esthétique et ASD, un contrat signé entre Vital Esthétique et Demavita, une licence de marque entre Vital Esthétique et Demavita, la confirmation de l’inscription de la licence auprès de OHMI et l’attestation d’un expert comptable de la société Vital Esthétique sur son chiffre d’affaire, client par client.

Force est de constater, à titre liminaire, que les sociétés défenderesses ne peuvent raisonnablement prétendre justifier de l’exécution des dispositions du jugement du 26 février 2021 en produisant des pièces qui ont été transmises antérieurement, en exécution d’une ordonnance rendue par le juge de la mise en état le 10 février 2020. De fait, c’est bien en dépit de cette transmission que le tribunal a jugé nécessaire d’ordonner la communication de pièces sous astreinte, dans sa décision du 26 février 2021.
Au surplus, les pièces qui ont été transmises au conseil des demanderesses ne concernent que la société Vital Esthétique, qui n’est pas dans la cause au stade de la liquidation de l’astreinte. En outre, les deux contrats transmis (les pièces jointes au courrier désignées sous les n°1 et 2), qui ne sont au demeurant pas traduits, sont inopérants et l’attestation de la société Placek & Epelbaum, expert comptable, du 6 mars 2020, n’est pas certifiée par un commissaire aux comptes.
Il y a donc lieu de considérer que les sociétés défenderesses n’ont pas respecté l’obligation de communication de pièces et d’informations mise à leur charge par le tribunal.
L’astreinte provisoire fixée à 10.000 euros par jour de retard ayant couru à compter du 8 octobre 2021 pour la société Dermavita et du 27 octobre 2021 pour la société ASD, sans limite temporelle, les demanderesses sont en droit d’invoquer une liquidation de l’astreinte à hauteur de 8.700.000 euros (870 jours d’inexécution en partant du 27 octobre 2021).
Cependant, en raison de l’absence de limitation de l’astreinte dans le temps, la durée à prendre en compte au stade de la liquidation rend nécessaire un contrôle de proportionnalité afin d’éviter le prononcé d’une sanction confiscatoire. Au cas d’espèce, une disproportion manifeste entre le montant de la liquidation sollicitée et l’enjeu du litige, autrement dit le bénéfice attendu de la communication des éléments sollicités dans le cadre du droit d’information, est constatée. Dès lors, en l’état de ces considérations, il ne sera fait droit à la demande de liquidation d’astreinte qu’à hauteur de 1.000.000 euros que les sociétés Dermavita company et ASD seront condamnées à payer.
L'autorité de chose jugée attachée à une décision de liquidation d'astreinte ne fait pas obstacle à la présentation d'une nouvelle demande de liquidation pour une période postérieure, dès lors que l' astreinte ordonnée n'était pas limitée dans le temps et que l'obligation qui en était assortie n'a pas été exécutée (Cass. 2e civ., 22 mars 2006). En l’espèce, l’astreinte assortissant la demande de communication de pièces n’ayant pas été limitée dans le temps par le jugement du 26 février 2021 et l’obligation de faire n’ayant pas été exécutée, il n’y a pas lieu d’ordonner une nouvelle mesure d’astreinte dans les mêmes termes. Cette demande sera rejetée.
Sur les demandes annexes

Succombant à titre principal, les sociétés Dermavita Company SARL et Aesthetic Services and development seront condamnées in solidum aux dépens qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile.

Les sociétés Dermavita company SARL et Aesthetic services and development seront condamnées in solidum à payer aux sociétés Allergan Holdings et Abbvie la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile. Les autres demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile seront rejetées en équité.
La présente décision est exécutoire de droit par provision.

PAR CES MOTIFS,

LE TRIBUNAL 

CONDAMNE les sociétés Dermavita company SARL, Aesthetic services and development à payer aux sociétés Allergan Holdings France et ABBVIE la somme de 3.650.000 euros correspondant à la liquidation de l’astreinte provisoire assortissant les mesures d’interdiction prescrites par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2021 (RG17/10284);

DIT n’y avoir lieu à prononcer une mesure de condamnation solidaire;

FAIT INTERDICTION aux sociétés Dermavita Company SARL et Aesthetic Services and development ainsi qu’à toutes sociétés ou personnes agissant en leur nom ou pour leur compte de fabriquer, importer, exporter, présenter, promouvoir, faire la publicité et/ou commercialiser des produits cosmétiques et dispositifs médicaux revêtus du signe “JUVEDERM” ainsi que de procéder à toute communication ou usage du signe “JUVEDERM” de nature à porter atteinte aux droits de la société Allergan Holdings France sur ses marques n°5807169 et n°3061345, et ce, sous astreinte de 10.000 euros par jour de retard, passé le délai de quinze jours à compter de la signification du jugement à intervenir et pendant un délai d’un an;

DIT n’y avoir lieu à prononcer une nouvelle mesure d’astreinte à l’égard de la société Vital Esthétique qui n’est pas dans la cause;

SE RÉSERVE la liquidation de l’astreinte;

CONDAMNE les sociétés Dermavita company SARL et Aesthetic services and development à payer aux sociétés Allergan Holdings France et ABBVIE la somme de 1.000.000 euros au titre de la liquidation de l’astreinte provisoire assortissant l’injonction de communiquer des pièces et informations ordonnée par le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 26 février 2021 (RG17/10284), arrêtée au 23 février 2023;

DIT n’y avoir lieu à prononcer une nouvelle mesure d’astreinte s’agissant de la condamnation à produire informations et documents;

REJETTE les autres demandes, plus amples et contraires;

CONDAMNE in solidum les sociétés Dermavita Company SARL et Aesthetic Services and development aux dépens de l’instance qui seront recouvrés dans les conditions de l’article 699 du code de procédure civile;

CONDAMNE in solidum les sociétés Dermavita Company SARL et Aesthetic Services and development à payer aux sociétés Allergan Holdings France et ABBVIE la somme de 10.000 euros sur le fondement des dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

REJETTE les autres demandes fondées sur les dispositions de l’article 700 du code de procédure civile;

RAPPELLE que la présente décision est exécutoire de droit par provision.

Fait et jugé à Paris le 16 mai 2024

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE
Caroline REBOULAnne-Claire LE BRAS


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 3ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 23/05334
Date de la décision : 16/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 22/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-16;23.05334 ?
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