TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]
[1] Expéditions
exécutoires
délivrées le:
■
RÉPUBLIQUE FRANÇAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
Charges de copropriété
N° RG 22/04859
N° Portalis 352J-W-B7G-CWVQ5
N° MINUTE :
Assignation du :
19 Avril 2022
JUGEMENT
rendu le 16 Mai 2024
DEMANDEUR
Syndicat des copropriétaires de l’immeuble sis [Adresse 2], représenté par son syndic, la société le TERROIR, S.A.S
[Adresse 1]
[Adresse 1]
représenté par Maître Anne-Marie MASSON de l’Association GOLDBERG - MASSON & Associés, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #R91
DÉFENDEUR
Monsieur ou Madame le directeur de la Direction Nationale d’Interventions Domaniales ès qualité de curateur à la succession de Madame [H] [V] veuve [E]
[Adresse 3]
[Adresse 3]
représenté par M. le directeur de la Direction nationale des interventions domaniales
COMPOSITION DU TRIBUNAL
Par application des articles R.212-9 du Code de l’Organisation Judiciaire et 812 du Code de Procédure Civile, l’affaire a été attribuée au Juge unique.
Avis en a été donné aux avocats constitués qui ne s’y sont pas opposés.
Madame Lucile VERMEILLE, Vice-Présidente, statuant en juge unique,
assistée de Line-Joyce GUY, Greffière.
Décision du 16 Mai 2024
Charges de copropriété
N° RG 22/04859 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWVQ5
DÉBATS
A l’audience publique du du 28 Février 2024
JUGEMENT
- Réputé contradictoire
- En premier ressort
- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe, les parties en ayant été avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l’article 450 du Code de procédure civile
EXPOSÉ DU LITIGE
Mme [H] [V] épouse [E] était propriétaire des lots n°26 et 59 dans l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2]. Elle est décédée le 23 janvier 2020.
Par acte du 19 avril 2022, le syndicat des copropriétaires de l'immeuble, représenté par son syndic en exercice, la SAS Le terroir, a assigné la Direction Nationale d'Interventions Domaniales (DNID), prise en sa qualité de curateur à la succession vacante de Mme [V] en paiement d'arriéré de charges de copropriété et a demandé au tribunal de :
“Recevoir le syndicat des copropriétaires en ses demandes,
Condamner Monsieur ou Madame le Directeur de la DNID ès qualité de curateur de la succession vacante de Mme [H] [V] veuve [E], à payer au Syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] les sommes suivantes :
- 12 152,46 euros au titre des charges de copropriété selon décompte arrêté au 7 avril 2002, avec intérêts au taux légal à compter de l’assignation,
- 371,27 euros au titre des frais nécessaires selon décompte arrêté au 7 avril 2022 qui sera augmenté des intérêts en matière civile à compter de l'assignation,
- 2000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,
- 2000 euros au titre de l'article 700 du CPC,
La condamner aux entiers dépens de l'instance ;
Dire qu'il n'y a pas lieu d'écarter l'exécution provisoire de la décision à intervenir. "
Aux termes de son mémoire en date du 29 juillet 2022, la DNID, prise en sa qualité de curateur à la succession vacante de Mme [V] veuve [E], demande au Tribunal de :
"Vu le Code civil et notamment ses articles 809 à 810-12, 1231-6 alinéa 1 et 3, 1315 alinéa 3 et 1343-2 ;
Vu le Code de procédure civile et notamment ses articles 9, 122, 515, 696, 699, 700, 1342 à 1353 ;
Vu le Code général de la propriété des personnes publiques et notamment ses articles R.2331-1, R.2331-3, R.2331-6 et R.2331-10;
Vu la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 modifiée fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis, notamment ses articles 10, 10-1, 14-1, 14-2, 19 et 19-2 ;
Vu le décret n°67-223 du 17 mars 1967 modifié portant règlement d'administration publique pour l'application de la loi n°65-557 du 10 juillet 1965 fixant le statut de la copropriété des immeubles bâtis et notamment ses articles 35 à 37 et 55 ;
Vu le décret n°2006-1805 du 23 décembre 2023 modifié relatif à la procédure en matière succesorale et modifiant certaines dispositions de procédure civile ;
Vu le décret n°2017-1827 du 28 décembre 2017 relatif à la DNID ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu les pièces versées aux débats ;
Statuer ce que de droit sur la demande de paiement des charges de copropriété et travaux justifiés sur la période du 5 août 2019 au 7 avril 2022 pour un montant de 12.152,46 euros, la direction nationale d'interventions domaniales es qualités s'en remettant à justice sur ce point ;
Débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande en paiement de frais de procédure et de contentieux pour un montant de 371,27 euros ;
Débouter le syndicat des copropriétaires de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros à titre de dommages et intérêts ;
Le débouter également de sa demande de condamnation au paiement de la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens ;
Statuer ce que de droit sur la demande d'exécution provisoire de la décision à intervenir, la direction nationale d'interventions domaniales ne s'y opposant pas ;
En tout état de cause :
Dire que la direction nationale d'interventions domaniales ne saurait être tenue au paiement des dettes de la succession que dans la limite et jusqu'à concurrence de ses actifs successoraux.
Il sera expressément renvoyé aux conclusions des parties précitées pour un plus ample exposé des moyens et prétentions, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.
L'ordonnance de clôture est intervenue le 16 mars 2023.
L'affaire appelée à l'audience du 13 décembre 2023 a été renvoyée au 28 février 2024 puis mise en délibéré au 16 mai 2024.
MOTIFS DE LA DÉCISION
Sur l'arriéré de charges
Le syndicat des copropriétaires justifie par la production d'un extrait de matrice cadastrale que Mme [V] veuve [E] était propriétaire des lots n° n°26 et 59 dans l'immeuble en copropriété sis [Adresse 2].
Aux termes des dispositions énoncées aux articles 10 et 5 de la loi du 10 juillet 1965, " Les copropriétaires sont tenus de participer aux charges entraînées par les services collectifs, les éléments d'équipement commun en fonction de l'utilité que ces services et éléments présentent à l'égard de chaque lot " ainsi qu' " aux charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties communes et de verser au fonds de travaux mentionné à l'article 14-2 la cotisation prévue au même article, proportionnellement aux valeurs relatives des parties privatives comprises dans leurs lots telles que ces valeurs résultent " " lors de l'établissement de la copropriété, de la consistance, de la superficie et de la situation des lots, sans égard à leur utilisation ", le règlement de copropriété fixant la part afférente à chaque lot dans chacune des catégories de charges.
En application de l'article 42 de la même loi, lorsque les comptes et le budget prévisionnel ont été approuvés, les copropriétaires qui n'ont pas contesté dans les deux mois de la notification l'assemblée générale ayant voté cette approbation ne sont plus fondés à contester ces comptes et ce budget provisionnel. Ils ne sont pas non plus fondés à contester ces comptes et ce budget provisionnel si, ayant contesté une décision de l'assemblée générale, ils n'ont pas obtenu, de manière définitive, son annulation, la décision contestée leur étant jusque-là opposable.
En revanche, tout copropriétaire peut contester les modalités de calcul du solde de son compte individuel de copropriété.
En conséquence, il appartient au syndicat des copropriétaires qui poursuit le recouvrement de charges de produire le procès-verbal de la ou des assemblées générales approuvant les comptes des exercices correspondants et les budgets prévisionnels.
En l'espèce, le syndicat des copropriétaires produit les procès-verbaux des assemblées générales des 8 avril 2019, 26 octobre 2020, 19 novembre 2020 et 28 juin 2021 par lesquelles l'assemblée des copropriétaires a approuvé les comptes des années 2018 à 2020, fixé les budgets prévisionnels des années 2020 à 2022 et voté un certain nombre de travaux.
Le syndicat des copropriétaires produit les relevés du compte de copropriété et les appels de fonds portant application aux charges collectives de la clé de répartition des lots concernés dont il résulte que le compte individuel de copropriétaire de la défenderesse, déduction faite des frais de recouvrement, était, suivant décompte arrêté au 7 avril 2022, débiteur de 12.152,46 euros.
Le tribunal relève qu’aux termes de son mémoire, la DNID declare s'en rapporter à justice quant au bien fondé du montant ainsi sollicité.
Décision du 16 Mai 2024
Charges de copropriété
N° RG 22/04859 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWVQ5
La défenderesse sera donc condamnée au paiement de cette somme avec intérêts à taux légal à compter de la signification de l'assignation du 19 avril 2022 sur la somme de 12.152,46 euros.
Sur les frais nécessaires
Selon l'article 10-1 de la loi du 10 juillet 1965 sont imputables au seul copropriétaire concerné les frais nécessaires exposés par le syndicat, notamment les frais de mise en demeure, de relance et de prise d'hypothèque à compter de la mise en demeure, pour le recouvrement d'une créance justifiée à l'encontre d'un copropriétaire ainsi que les droits et émoluments des actes des huissiers de justice et le droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge du débiteur.
Toutefois, ne peuvent être retenus à ce titre les frais antérieurs à la première mise en demeure justifiée d'un accusé de réception, les frais couverts par les dépens, les frais pris en charge au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi que les frais non accompagnés de pièces justificatives suffisantes.
En l'espèce, le syndicat sollicite le règlement de la somme de 371,27 euros, au titre des frais nécessaires, se décomposant comme suit :
-120, 42 euros de frais de mise en demeure (3 fois 40,14 euros) des 10 juin 2020, 31 août 2020, et 16 novembre 2020,
-250,85 euros de frais de remise de dossier à avocat du 7 avril 2022.
Concernant les frais de " remise du dossier à avocat " (250, 85 euros) outre qu'il n'est pas justifié de l'accomplissement par le syndic de ces diligences, il ne s'agit pas de frais nécessaires au sens des dispositions précitées, en ce qu'ils font partie de la gestion courante du syndic et ne traduisent donc pas des diligences exceptionnelles, extérieures aux fonctions de base du syndic, au sens du point 9.1 du contrat type annexé au décret n° 67-223 du 17 mars 1967 (issu du décret n° 2015-342 du 26 mars 2015).
De la même manière, le syndicat des copropriétaires verse trois mises en demeure mais non justifiées par les accusés de réception, de sorte qu'il convient de déduire cette somme du montant de la créance réclamée.
Le syndicat des copropriétaire, faute de justifier de ces frais sera, par conséquent, débouté de sa demande de remboursement au titre des frais nécessaires.
Sur la demande de dommages-intérêts
Les manquements systématiques et répétés d'un copropriétaire à son obligation essentielle à l'égard du syndicat des copropriétaires de régler ses charges de copropriété sont constitutifs d'une faute susceptible de causer un préjudice financier direct et certain, distinct de celui compensé par les intérêts moratoires, à la collectivité des copropriétaires, dès lors qu'il est établi qu'elle a été privée de sommes importantes nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble.
En l'espèce, le syndicat ne rapporte pas la preuve que la défaillance de la défenderesse dans le paiement de ses charges de copropriété aurait été à l'origine de difficultés de trésorerie quelconque ou qu'elle aurait nécessité le vote d'appels de fonds exceptionnels pour pallier un manque temporaire de trésorerie, alors que le seul fait d'être privé de sommes importantes nécessaires à la gestion et à l'entretien de l'immeuble ne constitue pas en soi un préjudice indépendant de celui du retard dans l'exécution de l'obligation.
Faute de justifier de l'existence d'un préjudice distinct de celui susceptible d'être réparé par les intérêts moratoires assortissant sa créance en application de l'article 1231-6 du Code civil, le syndicat sera intégralement débouté de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les autres demandes
S'agissant d'une assignation délivrée postérieurement au 1er janvier 2020 (II de l'article 55 du décret n° 2019-1333 du 11 décembre 2019), l'exécution provisoire est de droit, à moins que la décision rendue n'en dispose autrement, en application des dispositions de l'article 514 du Code de procédure civile. Aucun élément ne justifie en l'espèce que l'exécutoire provisoire, qui est compatible avec la nature de la présente affaire, soit écartée, conformément à l'article 514-1 du Code de procédure civile.
La défenderesse, partie succombante, sera condamnée aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.000 euros au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2], au titre des frais irrépétibles conformément à l'article 700 du Code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS,
Le tribunal, statuant par jugement contradictoire, en premier ressort, après débats publics suivant jugement mis à disposition au greffe,
CONDAMNE la Direction Nationale d'Interventions Domaniales, prise en sa qualité de curateur de la succession vacante de Mme [H] [V] épouse [E] à payer au syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] :
- la somme de 12.152,46 euros selon décompte arrêté au 7 avril 2022, avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation du 19 avril 2022 ;
- la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] de sa demande de recouvrement des frais nécessaires ;
DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de l'immeuble sis [Adresse 2] de sa demande de dommages et intérêts ;
CONDAMNE la Direction Nationale d'Interventions Domaniales, prise en sa qualité de curateur de la succession vacante de Mme [H] [V] épouse [E] aux dépens de l'instance.
DÉBOUTE les parties du surplus de ses demandes ;
RAPPELLE que l'exécution provisoire du jugement est de droit ;
Fait et jugé à Paris le 16 Mai 2024
La Greffière La Présidente