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14/05/2024 | FRANCE | N°23/04913

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 14 mai 2024, 23/04913


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:




9ème chambre 1ère section

N° RG 23/04913

N° Portalis 352J-W-B7H-CZMJY

N° MINUTE : 3

Contradictoire

Assignation du :
17 mars 2023






JUGEMENT
rendu le 14 mai 2024



DEMANDEUR

Monsieur [L] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Me Charles MOREL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0030


DÉFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[A

dresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0008


COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame ...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 23/04913

N° Portalis 352J-W-B7H-CZMJY

N° MINUTE : 3

Contradictoire

Assignation du :
17 mars 2023

JUGEMENT
rendu le 14 mai 2024

DEMANDEUR

Monsieur [L] [M]
[Adresse 2]
[Localité 4]

représenté par Me Charles MOREL, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #D0030

DÉFENDERESSE

S.A. BNP PARIBAS
[Adresse 1]
[Localité 3]

représentée par Maître Dominique PENIN du LLP KRAMER LEVIN NAFTALIS & FRANKEL LLP, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #J0008

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Claudia CHRISTOPHE, greffière lors des débats et Madame Sandrine BREARD, greffière lors de la mise à disposition.
Décision du 14 Mai 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/04913 - N° Portalis 352J-W-B7H-CZMJY

DÉBATS

A l’audience du 12 mars 2024 tenue en audience publique devant , juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Claudia CHRISTOPHE, greffière lors des débats et Madame Sandrine BREARD, greffière lors de la mise à disposition.

FAITS CONSTANTS
M. [L] [M] est titulaire d’un compte bancaire ouvert auprès de l’agence BNP PARIBAS.
 Le 20 mai 2022, M. [L] [M] a reçu un SMS avec le nom de la BNP PARIBAS mentionnant qu’il n’avait plus que 24 heures pour activer sa clé digitale et qui contenait un lien pour procéder à cette activation.
Le 21 mai 2022, M. [M] recevait un courrier électronique avec un code d’activation à utiliser sur son espace en ligne.
Le 21 mai 2022, M. [L] [M] constatait qu’un achat de 8.900 euros avait été effectué avec sa carte bancaire dans une bijouterie à [Localité 5].
Le 3 juin 2022, M. [L] [M] portait plainte pour ces faits.
Devant le refus de la société BNP PARIBAS de le rembourser, M. [L] [M] a engagé une action en justice.
 
PROCEDURE PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES
Par assignation en date du 24 mars 2023 et par dernières conclusions notifiées par RPVA le 12 octobre 2023, M. [L] [M]  demande de :
« Vu les articles que L. 133-6, I, L. 133-16, L. 133-17, L. 133-18, L.133-19, L. 133-24, L. 133-4 e) du Code monétaire et financier ;
Vu l’article 1231-1 et 1917 du code civil ;
Vu l’article 700 du code de procédure civile ;
Vu la jurisprudence citée ;
Vu les pièces versées aux débats ;
1° Au fond, à titre principal :
- CONSTATER l’absence de validation de l’opération de paiement de 8 900 euros par Monsieur [L] [M] ;
- JUGER que la Banque ne rapporte pas la preuve de ce que l'opération en cause a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre ;
- JUGER que le comportement de Monsieur [L] [M] est dénué de toute négligence ;
- JUGER que la responsabilité de l’utilisateur des services de paiement, Monsieur [L] [M], ne saurait être engagée ;
- JUGER que la responsabilité du fournisseur des services de paiement, la société BNP PARIBAS, doit être engagée en raison de son obligation de remboursement des paiements non autorisés par le titulaire du compte ;
En conséquence :
- CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 8 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2022 au titre de l’obligation de remboursement lui incombant, outre l’intégralité des frais bancaires y afférents ;
2° A titre subsidiaire :
- JUGER que la responsabilité contractuelle de BNP PARIBAS doit être engagée en raison de son manquement à son devoir de vigilance ;
En conséquence :
- CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 8 900 euros avec intérêts au taux légal à compter du 21 mai 2022 au titre de son manquement à l’obligation de vigilance, outre l’intégralité des frais bancaires y afférents ;
3° En tout état de cause :
- JUGER que le refus infondé de la Banque de restituer la somme de 8 900 euros constitue une résistance abusive ayant entraîné chez Monsieur [L] [M] un préjudice moral et financier ;
En conséquence :
- CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 5 000 euros en réparation du préjudice moral subi en raison de la résistance abusive dont a fait preuve la société BNP PARIBAS.
4° Sur la demande au titre de l’article 700 et des dépens :
- CONDAMNER la société BNP PARIBAS à verser à Monsieur [L] [M] la somme de 6 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens ».

A l’appui de sa demande il fait valoir :
- qu’en cas d’opérations non autorisées le prestataire de services rembourse le montant de ces opérations conformément à l’article L 133-18 du Code monétaire et financier ;
- qu’il n’a jamais validé le paiement de l’opération querellée qui a été effectuée par une autre personne à partir d’un instrument contrefait ;
- qu’il n’a jamais transmis ses données personnelles de manière volontaire et explicite puisque c’est seulement lorsqu’il a cliqué sur le lien en introduisant un code que le transfert de ses données a été déclenché ; que tous les SMS et courriels qu’il a reçus correspondent à une pratique habituelle de la banque ;
- que la banque a manqué à son obligation de vigilance ; que l’achat dans une bijouterie pour un montant important qui a été effectué le même jour que le changement de la clé digitale et la modification du montant de son plafond de dépense auraient dû alerté la banque ; qu’il n’a pas été informé par la banque des risques de fraude ;
- qu’en refusant de procéder au remboursement la banque a commis une résistance abusive.
 
Par dernières conclusions notifiées le 13 novembre 2023, la SA BNP PARIBAS demande de :
- Débouter Monsieur [M] de l’intégralité de ses demandes à toutes fins qu’elles comportent.
- Le condamner à verser à BNP Paribas la somme de 3.000 € au titre de l’article 700 du Code de procédure civile ainsi qu’aux entiers dépens.
 
A l'appui de ses demandes elle fait valoir :
- que si le payeur a donné son accord pour le paiement, l'ordre doit être exécuté ; que si le payeur peut renverser cette présomption en prouvant que l'ordre a été passé par un tiers, en revanche il ne peut pas s'exonérer de sa responsabilité si la perte financière résulte d'une négligence grave aux obligations mentionnées à l'article L 133-16 du code monétaire et financier ;
- que quand bien même l’escroc s’est présenté sous une fausse identité, M. [M] a effectué différentes manipulations informatiques sans procéder à une quelconque vérification et en permettant à cet escroc d’enregistrer la clé digitale sur son téléphone ; qu’il a également activé un lien figurant sur un SMS qui l’a ensuite redirigé vers un site frauduleux sur lequel il a laissé ses identifiants ; que par la suite le paiement contesté a été validé par la clé digitale ; que par conséquent M. [M] a commis des fautes qui ont permis de commettre le paiement frauduleux ;
- que la banque ne doit pas s'immiscer dans les affaires de son client et que le paiement litigieux n'avait rien d'anormal dès lors qu’il était authentifié.
Pour un exposé des moyens il sera renvoyé aux conclusions des parties conformément à l’article 455 du Code de procédure civile.

L’ordonnance de clôture a été rendue le 12 septembre 2023.
 
MOTIVATION

Sur le fond
L'article L. 133-16 du Code monétaire et financier dispose que « Dès qu'il reçoit un instrument de paiement, l'utilisateur de services de paiement prend toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses données de sécurité personnalisées.
Il utilise l'instrument de paiement conformément aux conditions régissant sa délivrance et son utilisation qui doivent être objectives, non discriminatoires et proportionnées ».
L'article L. 133-18 du Code monétaire et financier dispose que « En cas d'opération de paiement non autorisée signalée par l'utilisateur dans les conditions prévues à l'article L 133-24, le prestataire de services de paiement du payeur rembourse au payeur le montant de l'opération non autorisée immédiatement après avoir pris connaissance de l'opération ou après en avoir été informé, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, sauf s'il a de bonnes raisons de soupçonner une fraude de l'utilisateur du service de paiement et s'il communique ces raisons par écrit à la Banque de France. Le cas échéant, le prestataire de services de paiement du payeur rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu.
Lorsque l'opération de paiement non autorisée est initiée par l'intermédiaire d'un prestataire de services de paiement fournissant un service d'initiation de paiement, le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte rembourse immédiatement, et en tout état de cause au plus tard à la fin du premier jour ouvrable suivant, au payeur le montant de l'opération non autorisée et, le cas échéant, rétablit le compte débité dans l'état où il se serait trouvé si l'opération de paiement non autorisée n'avait pas eu lieu. La date de valeur à laquelle le compte de paiement du payeur est crédité n'est pas postérieure à la date à laquelle il avait été débité.
Si le prestataire de services de paiement qui a fourni le service d'initiation de paiement est responsable de l'opération de paiement non autorisée, il indemnise immédiatement le prestataire de services de paiement gestionnaire du compte, à sa demande, pour les pertes subies ou les sommes payées en raison du remboursement du payeur, y compris le montant de l'opération de paiement non autorisée.
Le payeur et son prestataire de services de paiement peuvent décider contractuellement d'une indemnité complémentaire ».
En application des articles L.133-19 IV et L.133-23 du code monétaire et financier, lorsqu'un utilisateur de services de paiement nie avoir autorisé une opération de paiement qui a été exécutée, il incombe à son prestataire de services de paiement de prouver que l'opération en question a été authentifiée, dûment enregistrée et comptabilisée et qu'elle n'a pas été affectée par une déficience technique ou autre, et il appartient également à la banque, qui se prévaut des articles L.133-16 et L.133-17 du code monétaire et financier imposant à l’utilisateur de services de paiement de prendre toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés et d’informer sans tarder son prestataire de tels services de toute utilisation non autorisée de l’instrument de paiement ou des données qui lui sont liées, que l’utilisateur a agi frauduleusement ou n’a pas satisfait intentionnellement ou par négligence grave à ses obligations. Cette preuve ne peut se déduire du seul fait que l’instrument de paiement ou les données personnelles qui lui sont liées ont été effectivement utilisés.
L'article 1231-1 du Code civil dispose que « Le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, s'il ne justifie pas que l'exécution a été empêchée par la force majeure. »
Il y a lieu de rappeler que selon le principe de non-immixtion, il est constant que le banquier n'a pas à se substituer à son client dans la conduite de ses affaires, ni à intervenir pour empêcher son client d'effectuer un acte irrégulier, inopportun ou dangereux.
En outre, la banque n'a pas à effectuer de recherches, à réclamer de justifications pour s'assurer que les opérations qui lui sont demandées par un client sont régulières.
Toutefois ce principe cède en présence d'anomalies et d'irrégularités manifestes, que le banquier doit détecter.
Pour le banquier, non alerté par des éléments extérieurs tangibles, le simple caractère inhabituel d'une opération n'implique pas nécessairement qu'elle soit illicite ou frauduleuse.
En l'espèce, il est constant que M. [M] a reçu un SMS frauduleux d’un certain [P] [N] pour activer sa clé digitale en lui demandant de cliquer sur un lien. Il a pris contact par téléphone avec cette personne qui prétendait être le collaborateur de Mme [O], sa conseillère bancaire. Par la suite après avoir été redirigé vers un site internet frauduleux imitant le site bancaire de la BNP PARIBAS, M. [M] a renseigné ses identifiants.
D’ailleurs lors de son audition par les services de police, M. [M] reconnait avoir validé l’opération à la suite de l’appel téléphonique.
Une fois la clé digitale enregistrée, l’escroc a pu effectuer un paiement dans une bijouterie pour une somme de 8.900 euros.
Dès lors que M. [M] a accepté le transfert de sa clé digitale et a renseigné ses identifiants bancaires selon des modalités demandées par une personne qui se présentait sous l’identité de [P] [N], qu’il ne connaissait pas, et qui lui a affirmé intervenir au nom de la société BNP PARIBAS, sans avoir au préalable effectué de vérifications notamment auprès de sa banque, M. [M] a commis une négligence grave qui est directement à l’origine du préjudice qu’il a subi.
Ainsi il ressort des conditions d’intervention de la personne se présentant sous l’identité de M. [P] [N] puis des opérations qui ont été validées par M. [M] que ce dernier n’a pas pris toute mesure raisonnable pour préserver la sécurité de ses dispositifs de sécurité personnalisés.
Par conséquent il y a lieu de rejeter sa demande de restitution de la somme de 8.900 euros ainsi que, par voie de conséquence, la demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral.
Sur les autres demandes
Monsieur [M] étant la partie perdante, il y a lieu de le condamner au paiement des dépens et à verser une somme de 2.000 euros à la BNP PARIBAS sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile.
Il y a lieu de constater l'exécution provisoire.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et en premier ressort :
DÉBOUTE Monsieur [L] [M] de toutes ses demandes ;
CONDAMNE Monsieur [L] [M] à verser une somme de 2.000 euros à la société BNP PARIBAS sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile ;
CONDAMNE Monsieur [L] [M] aux dépens.
CONSTATE l’exécution provisoire.

Fait et jugé à Paris le 14 mai 2024.

La Greffière La Présidente


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 23/04913
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 23/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;23.04913 ?
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