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14/05/2024 | FRANCE | N°23/01493

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, 9ème chambre 1ère section, 14 mai 2024, 23/01493


Décision du 14 Mai 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/01493 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY6HT

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:



9ème chambre 1ère section

N° RG 23/01493

N° Portalis 352J-W-B7H-CY6HT

N° MINUTE : 2

Contradictoire

Assignation du :
01 février 2023






JUGEMENT
rendu le 14 mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [W] [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Olivia ZAHEDI de la SE

LAS GOLDWIN PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0103


DÉFENDERESSE

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1]
[Local...

Décision du 14 Mai 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/01493 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY6HT

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1]
Expéditions
exécutoires
délivrées le:

9ème chambre 1ère section

N° RG 23/01493

N° Portalis 352J-W-B7H-CY6HT

N° MINUTE : 2

Contradictoire

Assignation du :
01 février 2023

JUGEMENT
rendu le 14 mai 2024
DEMANDEUR

Monsieur [W] [J]
[Adresse 3]
[Localité 4]

représenté par Maître Olivia ZAHEDI de la SELAS GOLDWIN PARTNERS, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant, vestiaire #K0103

DÉFENDERESSE

DIRECTION GENERALE DES FINANCES PUBLIQUES
Pôle Juridictionnel Judiciaire
[Adresse 1]
[Localité 5]

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Madame Anne-Cécile SOULARD, Vice-présidente,
Monsieur Patrick NAVARRI,Vice-président,
Madame Marine PARNAUDEAU, Vice-présidente,

assistés de Madame Claudia CHRISTOPHE, greffière lors des débats et Madame Sandrine BREARD, greffière lors de la mise à disposition.

DÉBATS

A l’audience du 12 mars 2024 tenue en audience publique devant, Monsieur Patrick NAVARRI, juge rapporteur, qui, sans opposition des avocats, a tenu seul l’audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en a rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l’article 805 du code de procédure civile.

JUGEMENT

Rendu publiquement par mise à disposition au greffe
Contradictoire
En premier ressort

FAITS CONSTANTS

Feue [C] [X] épouse [J] est décédée le [Date décès 2] 2019 laissant pour seul héritier son fils M. [W] [J].

Le 15 avril 2021, la déclaration principale de succession a été déposée auprès de l’administration fiscale.

Par un courrier en date du 20 août 2021, en l’absence de dépôt de la déclaration principale de succession dans les délais impartis, l’administration fiscale a informé M. [J] qu’il était redevable d’une somme de 90.223 euros concernant la majoration de 10 % et d’une somme de 20.049 euros au titre des intérêts de retard soit un total de 110.272 euros.

Le 15 octobre 2021, un avis de mise en recouvrement a été adressé à M. [J].

Par des courriers en date des 12 novembre 2021 et 4 mars 2022, M. [J] a exercé deux recours qui ont été rejetés par l’administration fiscale le 13 décembre 2022.

Par acte d’huissier en date du 1er février 2023, M. [W] [J] a assigné la direction générale des finances publiques d’Ile-de-France et de Paris devant le tribunal de céans.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Par dernières conclusions signifiées le 7 septembre 2023, M. [J] demande de :

Vu les articles 641, 800, 1717, 1727, 1728 du Code général des impôts,
Vu l’ordonnance 2020-306 du 25 mars 2020,
Vu la jurisprudence citée,
Vu l’ensemble des pièces versées aux débats,

• ANNULER la décision du 13 décembre 2022 par laquelle la Direction Générale des Finances Publiques a rejeté sa demande de remise totale ou à tout le moins d’atténuation de l’intérêt de retard d’un montant 20.049 € ;

• ANNULER la décision du 13 décembre 2022 par laquelle la Direction Générale des Finances Publiques a rejeté sa demande de remise totale ou à tout le moins de modération de la majoration de 10% des droits de succession pour la somme de 90.223 € ;
Décision du 14 Mai 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/01493 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY6HT

A titre principal :

• ORDONNER la remise totale des intérêts de retards et de la majoration de 10% sur les droits de succession pour la somme de 110.272 € ;

• CONSTATER qu’il n’est redevable d’aucune somme à l’égard de la Direction Générale des Finances Publiques dans le cadre de la succession de sa mère, Madame [C] [X] ;

A titre subsidiaire :

• CONSTATER qu’il n’est redevable auprès de la Direction Générale des Finances Publiques que de la somme de 108.367 € ;

En tout état de cause :

• CONDAMNER la Direction Générale des Finances Publiques au paiement de la somme de 3.000€ au titre des dispositions de l’article 700 du Code de procédure civile, outre les entiers dépens ;

• DEBOUTER la Direction Générale des Finances Publiques de l’ensemble de ses demandes, fins et prétentions.

A l’appui de ses demandes M. [J] fait valoir :
- que la compétence du signataire des décisions en date du 13 décembre 2022 n’est pas établie et que la décision est insuffisamment motivée ;
- que concernant la majoration de 10 % et les intérêts de retard, le décès de sa mère est survenu subitement alors qu’il est atteint d’un handicap avec une taux d’incapacité supérieur à 80 % ; qu’en outre le contexte de la crise du COVID-19 a provoqué une grave crise sanitaire qui l’a empêché de déclarer à temps la succession ;
- qu’il est de bonne foi et qu’il n’a jamais contesté le montant de l’assiette ni le montant des droits de succession ; qu’il a toujours été en lien permanent avec l’administration fiscale et a toujours souhaité régler les droits ; qu’il a dû procéder à la vente d’un bien immobilier pour pouvoir s’acquitter de sa dette fiscale ;
- que le calcul des intérêts effectué par l’administration fiscale est erroné.

Par dernières conclusions signifiées le 31 mai 2023, l’administration fiscale demande de rejeter les demandes de M. [J] et de confirmer les deux décisions de rejet en date du 13 décembre 2022.

A l’appui de ses demandes elle fait valoir :
- que l’auteur de l’acte est compétent ; que la décision querellée est suffisamment motivée ;
- que le délai pour déclarer une succession est de 6 mois à compter du décès alors que la déclaration a été effectuée dans un délai de 1 an et 4 mois ; que M. [J] bénéficie déjà d’un abattement dès lors que son infirmité physique l’empêche de travailler ;
- que les circonstances du décès ne constituent pas un fait justifiant le dépôt tardif d’une déclaration de succession ;
- que la crise du COVID-19 ne constitue pas une circonstance empêchant le dépôt d’une déclaration de succession ; que d’ailleurs la difficulté de liquider les droits de la succession a été résolue par un accord sur un paiement fractionné ; que, quand bien même M. [J] est de bonne foi, le fait de déposer une déclaration plus de 6 mois après le décès entraine une majoration ;
- que si, à titre subsidiaire, M. [J] fait valoir que l’administration fiscale s’est trompée puisqu’elle a calculé les intérêts à compter du 1er juin 2020 alors que cette date intervient avant la fin de la période du COVID-19, l’administration fiscale souligne qu’il n’existe aucune disposition législative suspendant le calcul des intérêts durant cette période.

L’ordonnance de clôture a été prononcée le 13 février 2024.

MOTIVATION

Sur la compétence de l’auteur de l’acte

L’article 408 du Code général des impôts dispose que le directeur départemental des finances publiques ou le directeur interrégional des douanes et droits indirects a seul le pouvoir de statuer sur les réclamations contentieuses mais qu’il peut déléguer sa signature aux agents placés sous son autorité. Or en l’espèce Monsieur [K] [V], inspecteur divisionnaire des Finances publiques, conciliateur fiscal départemental adjoint de la direction régionale des Finances publiques d’Île-de-France et de Paris, a reçu cette délégation selon le recueil des actes administratifs publié le 21 juin 2022. Dès lors Monsieur [K] [V] avait compétence pour signer les deux décisions de rejet en date du 13 décembre 2022.

Sur la motivation

Concernant le calcul des intérêts et de la majoration de 10%, M. [J] a adressé à l’administration un premier recours contentieux le 12 novembre 2021 puis un recours gracieux en date du 4 mars 2022. Par deux courriers distincts en date du 13 décembre 2022 l’administration fiscale a rejeté le recours gracieux et le recours contentieux.

Aux termes de l'article 1er de la loi du 11 juillet 1979 "les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. A cet effet doivent être motivées les décisions qui refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir" ;

Il résulte des dispositions précitées qu'une remise gracieuse ne constitue pas un avantage dont l'attribution constitue un droit. Par conséquent, la décision de rejet prise le 13 décembre 2022 par Monsieur [K] [V] n'avait pas à être motivée.

Sur la majoration de 10%

L’article 641 du Code général des impôts dispose que « Les délais pour l'enregistrement des déclarations que les héritiers, donataires ou légataires ont à souscrire des biens à eux échus ou transmis par décès sont :

De six mois, à compter du jour du décès, lorsque celui dont on recueille la succession est décédé en France métropolitaine ;

D'une année, dans tous les autres cas ».

L’article 1728 du Code général des impôts dispose que « 1. Le défaut de production dans les délais prescrits d'une déclaration ou d'un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt entraîne l'application, sur le montant des droits mis à la charge du contribuable ou résultant de la déclaration ou de l'acte déposé tardivement, d'une majoration de : 

a. 10 % en l'absence de mise en demeure ou en cas de dépôt de la déclaration ou de l'acte dans les trente jours suivant la réception d'une mise en demeure, notifiée par pli recommandé, d'avoir à le produire dans ce délai ; (…) ».

L’article 800 du Code général des impôts dispose que « I. – Les héritiers, légataires ou donataires, leurs tuteurs ou curateurs, sont tenus de souscrire une déclaration détaillée. (…) ».

L’article 779 du Code général des impôts dispose que pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 159.325 € sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d'une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise.

Sur ce,

Le décès de feue [C] [X] épouse [J] est survenu le [Date décès 2] 2019 alors que le dépôt de la déclaration de succession aurait dû intervenir 6 mois plus tard soit le 28 avril 2020, il a été effectué le 15 avril 2021.

Le handicap de M. [J], qui souffre de la maladie de Stargardt à forme maculaire qui fait partie des hérédodégénérescences rétiniennes familiales selon le certificat médical daté du 14 février 2012, a été retenu par l’administration fiscale qui a fait application de l’article 779 du Code général des impôts en appliquant l’abattement prévu. Mais l’article 641 du Code général des impôts ne l’autorise pas à prolonger au-delà de la durée de 6 mois le dépôt de la déclaration de succession.

Il y a lieu de souligner que la pénalité pour défaut ou retard dans la production d'une déclaration est par son objet exclusive de toute appréciation de la bonne foi ou de la mauvaise foi du contribuable ou de l'existence de manœuvres frauduleuses.

La mère de M. [J] est décédée de manière subite mais les circonstances particulières de ce décès ne lui permettent pas de déposer une déclaration de succession hors délai.

Quand bien même pendant la période concernée la France était touchée par la crise sanitaire liée au COVID-19 et que M. [J] a eu des difficultés à obtenir des liquidités, pour lesquelles d’ailleurs il a obtenu un échelonnement de paiement, cela ne l’empêchait pas de déposer une déclaration de succession.

Par conséquent, la demande de M. [J] portant sur l’annulation ou la diminution de la majoration de 10% sera rejetée.

Décision du 14 Mai 2024
9ème chambre 1ère section
N° RG 23/01493 - N° Portalis 352J-W-B7H-CY6HT

Sur les intérêts de retard

L’article 1727 du Code général des impôts dispose que « I. – Toute créance de nature fiscale, dont l'établissement ou le recouvrement incombe aux administrations fiscales, qui n'a pas été acquittée dans le délai légal donne lieu au versement d'un intérêt de retard. A cet intérêt s'ajoutent, le cas échéant, les sanctions prévues au présent code. (…) ».

L’article 2 de l’ordonnance n°2020-306 en date du 25 mars 2020 dispose que « Tout acte, recours, action en justice, formalité, inscription, déclaration, notification ou publication prescrit par la loi ou le règlement à peine de nullité, sanction, caducité, forclusion, prescription, inopposabilité, irrecevabilité, péremption, désistement d'office, application d'un régime particulier, non avenu ou déchéance d'un droit quelconque et qui aurait dû être accompli pendant la période mentionnée à l'article 1er sera réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois.
Il en est de même de tout paiement prescrit par la loi ou le règlement en vue de l'acquisition ou de la conservation d'un droit ».

L’article 10 de l’ordonnance n°2020-306 en date du 25 mars 2020 dispose que « (…) II. - Les dispositions de l'article 2 de la présente ordonnance ne s'appliquent pas aux déclarations servant à l'imposition et à l'assiette, à la liquidation et au recouvrement des impôts, droits et taxes. »

Si M. [J] fait valoir que la période liée au COVID-19 l’a empêché de déposer sa déclaration de succession dans le délai de 6 mois prévu par la loi, il y a lieu de souligner que l’ordonnance n°2020-306 en date du 25 mars 2020 qui a prolongé différents délais ne s’applique pas pour le dépôt d’une déclaration de succession.

Par conséquent, il y a lieu de débouter M. [J] de sa demande d’annulation ou de diminution des intérêts de retard.

Sur les autres demandes

Partie perdante, M. [J] sera condamné aux dépens et sa demande sur le fondement de l’article 700 du Code de procédure civile sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal statuant publiquement par mise à disposition au greffe par jugement contradictoire et en premier ressort :

DÉBOUTE M. [W] [J] de toutes ses demandes ;

CONDAMNE M. [W] [J] aux dépens.

Fait et jugé à Paris le 14 mai 2024.

LA GREFFIÈRE LA PRÉSIDENTE


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : 9ème chambre 1ère section
Numéro d'arrêt : 23/01493
Date de la décision : 14/05/2024
Sens de l'arrêt : Déboute le ou les demandeurs de l'ensemble de leurs demandes

Origine de la décision
Date de l'import : 20/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-14;23.01493 ?
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