La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

07/05/2024 | FRANCE | N°24/51499

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Service des référés, 07 mai 2024, 24/51499


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS




N° RG 24/51499 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C37HJ

N° : 12-DB

Assignation du :
09 Février 2024

AJ du TJ DE PARIS du 28 Novembre 2023 N°C-75056-2023-50525[1]

[1]


[2]

[2] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mai 2024



par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDEURS

Mad

ame [H] [K] sous curatelle de Monsieur [R] [E]
[Adresse 3]
[Localité 6]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-75056-2023-50525 du 28/11/2023 accordée par...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS

N° RG 24/51499 -
N° Portalis 352J-W-B7I-C37HJ

N° : 12-DB

Assignation du :
09 Février 2024

AJ du TJ DE PARIS du 28 Novembre 2023 N°C-75056-2023-50525[1]

[1]

[2]

[2] 2 Copies exécutoires
délivrées le:

ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
rendue le 07 mai 2024

par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président au Tribunal judiciaire de Paris, agissant par délégation du Président du Tribunal,

Assistée de Anne-Sophie MOREL, Greffier.
DEMANDEURS

Madame [H] [K] sous curatelle de Monsieur [R] [E]
[Adresse 3]
[Localité 6]
(bénéficie d’une aide juridictionnelle Totale numéro C-75056-2023-50525 du 28/11/2023 accordée par le bureau d’aide juridictionnelle de Paris)

Monsieur [R] [E] mandataire judiciaire à la protection des majeurs habilité à cette fin par Ordonnance du juge des tutelles en date du 20 juin 2023
[Adresse 2]
[Localité 5]

représenté par Me Yossi ELKABAS, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE - #PC180

DEFENDERESSE

S.A. LA MONDIALE PARTENAIRE
[Adresse 1]
[Localité 4]

représentée par Me Françoise CHAROUX, avocat au barreau de PARIS - #C0174

DÉBATS

A l’audience du 26 Mars 2024, tenue publiquement, présidée par Anne-Charlotte MEIGNAN, Vice-Président, assistée de Daouia BOUTLELIS, Greffier,

Nous, Président,

Après avoir entendu les conseils des parties,

Par jugement du 11 octobre 2019, Madame [H] [K] a été placée sous mesure de curatelle renforcée, Monsieur [R] [E], mandataire judiciaire à la protection des majeurs protégés, ayant été désigné curateur en lieu et place du père de l'intéressée par ordonnance du 31 janvier 2020.

Madame [K] est titulaire de deux contrats d'assurance-vie auprès de la compagnie La Mondiale Partenaire, exerçant sous le nom commercial AG2R LA MONDIALE.

Par courriers des 8 juin 2020, 7 décembre 2021 et 21 janvier 2022, et muni d'une ordonnance du juge des contentieux de la protection du 30 novembre 2021, Monsieur [E] a sollicité de la société MONDIALE PARTENAIRE la communication des éléments financiers relatifs aux contrats souscrits par sa protégée.

Compte tenu du refus de la société AG2R LA MONDIALE de transmettre au curateur les relevés trimestriels et annuels sans l'accord de Madame [K], cette dernière, « représentée par son curateur », Monsieur [R] [E], a, par exploit délivré le 9 février 2024, fait citer la SA MONDIALE PARTENAIRE devant le président de ce tribunal statuant en référé, sur le fondement notamment de l'article 835 du code de procédure civile.

A l'audience du 26 mars 2024 et dans le dernier état de ses prétentions, la requérante se désiste de sa demande de communication des relevés trimestriels et annuels des deux contrats d'assurance-vie mais sollicite du président de :
- ordonner à la défenderesse de modifier l'adresse de correspondance des courriers pour l'envoi des relevés trimestriels et annuels des contrats d'assurance vie Contrat Fortis Avenir n°A60708623 et Avenir Sécurité n°A60109903 de Madame [K] comme suit : Madame [H] [K] C/O Curateur [R] [E], [Adresse 8] [Localité 7], sous astreinte de 100€ par jour de retard à compter du prononcé de l'ordonnance,
- la condamner à verser à Madame [K] la somme de 3000€ au titre de la résistance abusive,
- la condamner à verser au Conseil de Madame [K] la somme de 1500€ au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Au soutien de ses demandes, la requérante rappelle qu'en vertu des articles 472, 503 et 510 du code civil, le curateur est tenu d'établir un inventaire des biens du majeur protégé et d'établir annuellement les comptes et que pour ce faire, il peut obtenir communication de tous renseignements et documents nécessaires auprès des tiers, qu'ils soient établissement financier, bancaire ou entreprise d'assurance sur la vie, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel, à défaut de quoi le curateur ne peut exécuter sa mission.

Elle ajoute qu'il n'est pas sollicité qu'elle ne reçoive plus ses courriers, l'organisme d'assurance étant toujours libre de lui adresser une copie de ses correspondances.

En réponse et dans le dernier état de ses prétentions soutenues oralement, la société MONDIALE PARTENAIRE sollicite qu'il soit statué ce que de droit sur la modification de l'adresse de Madame [K] et que la demande d'astreinte soit rejetée tout comme le surplus des demandes.

A l'appui, la partie défenderesse rappelle qu'en application de l'article 469 du code civil, le curateur ne peut se substituer à la personne en curatelle pour agir en son nom, et fait observer que le curateur a sollicité que tous les courriers lui soient adressés directement, ce qui conduisait la majeure protégée à être privée de sa correspondance, raison pour laquelle elle a sollicité, depuis l'origine, l'accord de cette dernière pour que les informations relatives à ses adhésions, notamment celles visées par l'article L.132-22 du code des assurances, soient adressées à son curateur ; que la présente demande de modification de l'adresse de la majeure protégée n'apparaît pas conforme aux textes.

En vertu des articles 455 et 446-1 du code de procédure civile, il est renvoyé aux dernières écritures des parties et à leurs observations à l'audience pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions qui y sont contenus.

MOTIFS

Il est acquis comme résultant des débats que les relevés trimestriels et annuels ont été communiqués à Monsieur [E], de sorte qu'il convient de donner acte à la requérante qu'elle se désiste de sa demande de communication de pièce.

Sur la demande de modification de l'adresse de la majeure protégée

En vertu de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal judiciaire peut accorder une provision au créancier ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Une contestation sérieuse est caractérisée lorsque l'un des moyens de défense opposé aux prétentions du demandeur n'apparaît pas immédiatement vain et laisse subsister un doute sur le sens de la décision au fond qui pourrait éventuellement intervenir par la suite sur ce point si les parties entendaient saisir les juges du fond.

En vertu de l'article 415 du code civil, la protection des majeurs protégés est instaurée et assurée dans le respect des libertés individuelles, des droits fondamentaux et de la dignité de la personne.

L'article 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales dispose que toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance.

Dès lors, toute personne, même sous mesure de protection, a droit au respect de sa correspondance, impliquant la réception de celle-ci, sauf s'il est donné mission au mandataire de recevoir le courrier de l'intéressé, aux motifs que la gestion du patrimoine nécessite une réaction rapide de ce dernier.

L'article 469 du code civil concerne les mesures de curatelle, qu'elles soient simples ou renforcées, et pose le principe d'une mesure d'assistance et non de représentation.

L'article 472 du même code donne au curateur des pouvoirs renforcées dans l'hypothèse où le majeur protégé n'est pas en mesure d'assurer la gestion courante de ses revenus et de ses charges. En ce cas, le curateur est soumis aux obligations imposées au tuteur par les articles 503 et 510 du code civil.

Ainsi, le curateur est tenu, dans les trois mois de sa désignation, d'établir un inventaire du patrimoine du majeur protégé, de l'actualiser en cours de mesure, puis d'établir, chaque année, les comptes de gestion.

L'article 503 du code civil dispose qu'il peut obtenir communication de tous renseignements et documents nécessaires à l'établissement de l'inventaire auprès de toute personne publique ou privée, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire.

L'article 510 dispose que dans le cadre de l'établissement des comptes de gestion, il sollicite des établissements auprès desquels un ou plusieurs comptes sont ouverts au nom de la personne protégée un relevé annuel de ceux-ci, sans que puisse lui être opposé le secret professionnel ou le secret bancaire.

Aucun texte ne prescrit que le majeur protégé soit privé de sa correspondance, les articles précités prévoyant uniquement que les documents nécessaires à l'établissement de l'inventaire et des comptes de gestion soient adressés au curateur.

Par ailleurs, la décision de placement sous mesure de curatelle renforcée ne donne pas non plus mission au curateur de recevoir le courrier de l’intéressée.

Si la partie requérante fait valoir que sa demande de modification de son adresse n'empêche pas l'organisme d'assurance de lui adresser une copie des pièces adressées à son curateur, force est de constater que la modification demandée a pour conséquence de laisser au tiers le choix d'adresser ou non la copie de ses correspondances au majeur protégé et dès lors, présente un risque de priver ce dernier de son droit à recevoir la correspondance qui le concerne. En outre, il importe de rappeler qu'en principe, c'est le curateur qui reçoit la copie des correspondances et non l'inverse.

Dès lors, la modification de l'adresse postale de Madame [K] pose une difficulté quant à la réception par cette dernière de son courrier. Toutefois et compte tenu du nombre de mesures que se voient confier les mandataires judiciaires à la protection des majeurs protégés, le curateur doit pouvoir exécuter sa mission sans avoir à solliciter, pour chaque organisme et chaque année, les relevés correspondants, au risque de grever leur capacité de gestion.

Pour les raisons précitées, il y a lieu de faire partiellement droit à la demande, dans la limite du respect du droit de toute personne de disposer de sa correspondance.

Il n'y a pas lieu d'ordonner d'astreinte, l'opposition de la défenderesse étant manifestement fondée sur le respect des droits des personnes protégées.

Sur la demande provisionnelle

Aux termes de l’article 835, alinéa 2 du code de procédure civile, dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, le président du tribunal peut accorder, en référé, une provision au créancier.

L'abus dans le refus de transmission des relevés ne saurait être caractérisé du seul fait d'avoir souhaité faire contribuer la personne protégée au fonctionnement de sa mesure, et ce, même si l'obtention de l'accord de la majeure protégée n'est pas prescrit par les articles 503 et 510 du code civil.

En conséquence, la demande de dommages et intérêts se heurte à une contestation sérieuse.

Sur les demandes accessoires

Succombant partiellement à l'instance et l'assignation ayant permis la communication des éléments nécessaires à l'exécution de sa mission par le curateur, la défenderesse sera condamnée à verser à Me Yossi ELAKABAS, Conseil de Madame [K], la somme de 1200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Pour les mêmes raisons, la défenderesse sera condamnée aux dépens en vertu de l'article 696 du code civil, qui seront recouvrés conformément à la loi du 10 juillet 1991.

PAR CES MOTIFS 

Statuant en référé, par remise au greffe le jour du délibéré, après débats en audience publique, par décision contradictoire et en premier ressort,

Constatons le désistement de la requérante de sa demande de communication des relevés ;

Enjoignons la société MONDIALE PARTENAIRE, dans le délai de quinze jours suivant la signification de la décision, à enregistrer une seconde adresse d'envoi des relevés trimestriels et annuels des contrats d'assurance vie Contrat Fortis Avenir n°A60708623 et Avenir Sécurité n°A60109903 de Madame [K] comme suit : Madame [H] [K] C/O Curateur [R] [E], [Adresse 8] [Localité 7], à laquelle sera adressée la copie desdits relevés ;

Rejetons la demande d'astreinte ;

Disons n'y avoir lieu à référé sur le surplus des demandes ;

Condamnons la société MONDIALE PARTENAIRE à verser à Me Yossi ELAKABAS, Conseil de Madame [K], la somme de 1200 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;

Condamnons la société MONDIALE PARTENAIRE au paiement des dépens qui seront recouvrés comme en matière d'aide juridictionnelle ;

Rappelons que la présente décision bénéficie de l'exécution provisoire de droit.

Fait à Paris le 07 mai 2024

Le Greffier,Le Président,

Anne-Sophie MORELAnne-Charlotte MEIGNAN


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Service des référés
Numéro d'arrêt : 24/51499
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à une partie des demandes du ou des demandeurs en accordant des délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;24.51499 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award