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07/05/2024 | FRANCE | N°22/00364

France | France, Tribunal judiciaire de Paris, Ps ctx protection soc 3, 07 mai 2024, 22/00364


TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
1 Expédition délivrée à Maître LEFRANC-BARTHE en LS le :




PS ctx protection soc 3

N° RG 22/00364 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDVC

N° MINUTE :


Requête du :

03 Février 2022













JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Maître Mathilde LEFRANC-BARTHE, avocat au barreau de PARIS, avoca

t plaidant


DÉFENDERESSE

C.P.A.M. DE SEINE-SAINT-DENIS
SERVICES DES RENTES
[Adresse 5]
[Localité 4]

Non- représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mathilde SEZER, Juge
Richard BLOCH, Assesse...

TRIBUNAL
JUDICIAIRE
DE PARIS [1]

[1] 2 Expéditions exécutoires délivrées aux parties en LRAR le :
1 Expédition délivrée à Maître LEFRANC-BARTHE en LS le :

PS ctx protection soc 3

N° RG 22/00364 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDVC

N° MINUTE :

Requête du :

03 Février 2022

JUGEMENT
rendu le 07 Mai 2024
DEMANDERESSE

S.A.S. [6]
[Adresse 1]
[Localité 3]

Représentée par Maître Mathilde LEFRANC-BARTHE, avocat au barreau de PARIS, avocat plaidant

DÉFENDERESSE

C.P.A.M. DE SEINE-SAINT-DENIS
SERVICES DES RENTES
[Adresse 5]
[Localité 4]

Non- représentée

COMPOSITION DU TRIBUNAL

Mathilde SEZER, Juge
Richard BLOCH, Assesseur
Noémie FUKS, Assesseur

assistés de Marie LEFEVRE, Greffière

Décision du 07 Mai 2024
PS ctx protection soc 3
N° RG 22/00364 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDVC

DEBATS

A l’audience du 20 Mars 2024 tenue en audience publique, avis a été donné aux parties que le jugement serait rendu par mise à disposition au greffe le 07 Mai 2024.

JUGEMENT

Rendu par mise à disposition au greffe
Réputé contradictoire
en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE

La SELAS [6] exploite plusieurs laboratoires d'analyses de biologie médicale situés en Ile-de-France, dont le laboratoire de biologie médicale situé [Adresse 2] à [Localité 7] (le laboratoire).

Durant la période de la crise sanitaire du COVID le laboratoire a réalisé de nombreux tests PCR.

L'arrêté du 12 décembre 2020 portant modification des conditions de remboursement de l'acte de détection du génome SARS-CoV-2 par amplification génétique a institué un mécanisme de majoration-minoration de la tarification en vertu duquel la caisse primaire d'assurance-maladie règle les analyses réalisées selon une cotation (B 160 pour la période concernée par la présente instance) puis contrôle le prélèvement et le rendu des résultats.

En fonction des délais ainsi relevés la caisse primaire d'assurance-maladie applique au laboratoire une majoration ou une minoration de la cotation. En cas de minoration, la caisse primaire d'assurance-maladie notifie au laboratoire le montant perçu en trop et lui réclame le versement de l'indu.

C'est dans ces conditions que la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis (la caisse) a notifié à la société [6], prise en son établissement de la [Adresse 8] à [Localité 7], par courrier recommandé en date du 28 juillet 2021, un indu d’un montant de 11 350 euros au titre de tests PCR réalisés par ce laboratoire entre le 15 décembre 2020 et le 15 mars 2021.

Par lettre recommandée avec accusé de réception du 27 septembre 2021, le laboratoire a contesté cette notification devant la commission de recours amiable de la caisse. La commission de recours amiable a accusé réception de ce recours par courrier du 5 octobre 2021 mais n’y a pas répondu.

Par lettre datée du 25 octobre 2021, la caisse a adressé au laboratoire une seconde notification d’indu, annulant et remplaçant la notification envoyée le 28 juillet 2021, pour un montant de 11 350 euros au titre de la période du 16 mars 2021 au 15 juin 2021.

Se prévalant du rejet implicite de son recours par la commission de recours amiable, le laboratoire a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Paris d'une requête aux fins d'annulation des notifications de payer datées des 28 juillet et 25 octobre 2021, de la décision implicite de rejet de la commission et de la créance de 11 350 euros.

L’affaire a été appelée à l’audience du 23 septembre 2022 à laquelle les parties ont comparu. Un calendrier de procédure a été mis en place en vue de l’audience du 19 mai 2023, annulée et remplacée par l’audience du 11 octobre 2023 à laquelle la caisse a sollicité un renvoi pour prendre des écritures. Un ultime renvoi a été accordé à ce titre pour l’audience du 20 mars 2024 à laquelle la caisse n’a pas comparu.

*

A l’audience, la société [6], représentée par son conseil, soutenant oralement ses conclusions en demande n°2 auxquelles il convient de renvoyer pour un plus ample exposé des moyens qui y sont développés, demande au tribunal de :
Juger son recours recevable ;A titre principal, juger que l’action en recouvrement engagée par la caisse à son encontre au titre du laboratoire situé à [Localité 7] est forclose ;A titre subsidiaire, juger que les notifications de payer des 28 juillet et 25 octobre 2021 ne sont pas suffisamment précises quant à la cause, la nature et le montant de la somme réclamée et la date du ou des versements indus donnant lieu à recouvrement et par conséquent : Annuler la décision implicite de rejet de la commission de recours amiable ;Annuler les notifications de payer des 28 juillet et 25 octobre 2021 ;Annuler la créance de 11 350 euros ; En tout état de cause, condamner la caisse à lui verser la somme de 7 000 euros au titre de l’article 700 du code de procédure civile, outre les dépens de l’instance.
En défense, la caisse, représentée à l’audience du 11 octobre 2023 et ainsi informée du renvoi de l’affaire à l’audience du 20 mars 2024, n’a pas comparu et n’a pas fait connaître les motifs de son absence.

L’affaire a été mise en délibéré au 07 mai 2024.

MOTIFS DE LA DECISION

A titre liminaire, le tribunal, tenu par le seul dispositif des conclusions, rappelle qu'il n'y a pas lieu de statuer sur les demandes des parties tendant à « constater » ou « dire et juger », dans la mesure où elles ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile.

Par ailleurs, il convient de rappeler qu’il n’appartient pas au tribunal de confirmer ou d’annuler la décision de la commission de recours amiable de la caisse alors que, si les articles du L.142-4 et R. 142-1 du code de la sécurité sociale subordonnent la saisine du pôle social du tribunal à la mise en œuvre préalable d’un recours non contentieux devant la commission de recours amiable instituée au sein du conseil d’administration de chaque organisme social, ces dispositions ne confèrent pas pour autant compétence à la juridiction judiciaire pour statuer sur la validité de la décision de cette commission qui revêt un caractère administratif.

*

La recevabilité du recours n’est pas contestée.

*

Sur la forclusion de la réclamation d'indu,

La société [6] soutient que pour la période de contrôle du 15 décembre 2020 au 15 mars 2021 l'éventuelle notification de reversement aurait dû être adressée au plus tard le 15 mai 2021 alors qu'elle lui a été adressée le 28 juillet 2021 soit après la date butoir prévue par l’article 2. III. de l'arrêté du 12 décembre 2020.
Elle soutient que la tardiveté de la notification lui cause un grief certain puisqu’il entraîne une insécurité juridique manifeste, le laboratoire pensant légitimement qu’au-delà du délai de deux mois prévu par le décret du 12 décembre 2020, aucun versement ne lui serait réclamé.

La société [6] en déduit que la tardiveté des réclamations entraîne la forclusion des demandes en paiement et l'inopposabilité de la créance alléguée.
Par ailleurs, elle fait valoir que le fait que le tableau joint à la notification indique certes quant à lui qu’il concerne les tests réalisés du 16 mars 2021 au 15 juin 2021 mais que cette mention ne peut à elle seule valider la décision de la caisse, le courrier de notification contenant deux mentions contradictoires entraînant la plus grande confusion quant à la période retenue. Elle indique que la caisse a d’ailleurs elle-même reconnu l’irrégularité de sa première notification puisqu’elle lui en a adressé une seconde en date du 25 octobre 2021. Cette notification mentionne bien la période du 16 mars 2021 au 15 juin 2021 mais est également tardive dès lors qu’en application de l’arrêté du 12 décembre 2020, elle aurait dû lui être adressée au plus tard le 15 août 2021.

Sur ce,

L'article 2.III de l'arrêté du 12 décembre 2020 portant modification des conditions de remboursement de l'acte de détection du génome du SRARS Cov 2 par amplification génétique prévoit que le calcul des majorations et minorations de cotation est effectué tous les trois mois par la caisse à partir du 15 décembre 2020 et que si le montant des minorations est supérieur au montant des majorations la différence est notifiée au laboratoire dans un délai maximum de deux mois suivant l'échéance du calcul.

Il convient tout d’abord de rappeler que la forclusion est une sanction civile qui en raison de l'échéance du délai légalement imparti à une personne physique ou morale pour faire valoir ses droits en justice éteint l'action dont elle disposait pour le faire reconnaître.

Aux termes de l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale : « L'action en recouvrement de prestations indues prévue à l'article L. 133-4-1 s'ouvre par l'envoi à l'assuré par le directeur de l'organisme créancier, par tout moyen donnant date certaine à sa réception, d'une notification constatant, sur la base des informations dont dispose l'organisme, que l'assuré a perçu des prestations indues. »

En l’espèce, l’indu a été notifié à la société pour la première fois le 28 juillet 2021.

Si la notification d’indu mentionne une période de contrôle du 15 décembre 2020 au 15 mars 2021, il ressort des pièces versées aux débats et notamment du tableau joint à la notification que la période contrôlée s’étend en réalité du 16 mars au 15 juin 2021.

Dès lors, l’action en recouvrement des prestations indues, qui, selon l’article R. 133-9-2 du code de la sécurité sociale « s’ouvre » par l’envoi à l’assuré d’une notification constatant que l’assuré a perçu des prestations indues, a été introduit dans le délai prévue et n’est donc pas forclose peu important que le laboratoire ait ou non été en mesure d’apprécier ce délai, celui-ci ne s’imposant qu’à la caisse.

De la même manière, le fait que la caisse ait par la suite, adressé une nouvelle notification à la société afin de corriger l’erreur de date entachant la première est sans incidence sur la régularité de l’action en recouvrement de la caisse.

Le moyen est donc écarté.

Sur la régularité de la notification d’indu,

La société [6] fait valoir que pour seule justification du montant réclamé, les notifications de payer contenaient en annexe un tableau d’une ligne présentant des données agrégées sur la totalité de la période contrôlée sur lequel n’apparait que le nombre total de résultats de tests qui auraient été rendus en moins de 24 heures, entre 24 et 48 heures et au-delà de 48 heures, sans détail sur la date et l’heure de ceux des tests qui seraient concernés et sans identification possible des patients. Elle estime qu’elle n’a donc pas été mise en mesure de formuler des observations, ne pour identifier les prélèvements de manière individuelle.
Elle ajoute que le fait que les données utilisées proviennent du laboratoire ne saurait exonérer cette dernière de respecter son obligation de délivrer une notification de payer lui permettant de comprendre la nature de l’indu et de faire valoir ses observations.

Sur ce,

L'article R 133-9-1 du code de la sécurité sociale prévoit que le courrier de notification adressé par le directeur de l'organisme d'assurance-maladie doit préciser la cause, la nature et le montant des sommes réclamées et la date du versement indu donnant lieu à recouvrement.

Par conséquent les informations figurant dans la lettre de notification du paiement de l'indu doivent permettre à l'établissement contrôlé d'identifier précisément l'indu réclamé.

Une présentation par tableaux simplifiés est admise à la condition de pouvoir renseigner suffisamment le destinataire de la notification de payer de manière précise et individualisée ce qui suppose en cas de mentions groupées ou anonymes de rendre possible l'identification des actes effectués.

En l'espèce, il a déjà été relevé qu’il existe dans la notification initiale du 28 juillet 2021 une différence entre la période de contrôle visée dans le corps de la notification d’indu et le tableau qui lui était joint, erreur que la caisse a entendu rectifier par l’envoi d’une nouvelle notification d’indu en date du 25 octobre 2021.

Par ailleurs, le tableau, joint à chacune des notifications d’indu, présente des données agrégées sur l’ensemble de la période contrôlée sans aucun élément permettant d'identifier les patients, les heures de prélèvement et les résultats. Seuls apparaissent les nombres totaux de résultats des tests qui auraient été rendus en moins de 24 heures, entre 24 et 48 heures et au-delà de 48 heures mais sans aucun détail sur la date et l'heure des tests qui seraient concernés sur une période de trois mois, ce qui rend les vérifications impossibles s’agissant de 1 418 tests effectués sur la période concernée.

La caisse ne justifie pourtant aucunement d’une impossibilité quelconque de produire des données individualisées.

C'est donc à juste titre que le laboratoire soutient qu'à défaut d'informations suffisamment précises il se trouve dans l'impossibilité de comprendre et vérifier les demandes en paiement notifiées et de formuler contradictoirement les observations utiles.

En conséquence, il y a lieu d'annuler les notifications de payer des 28 juillet et 25 octobre 2021 et la créance numéro 211277694438 d'un montant de 11 350 euros.

Sur les mesures accessoires,

La caisse, qui succombe à la présente instance, sera condamnée au paiement des entiers dépens sur le fondement des dispositions de l’article 696 du code de procédure civile applicable en vertu du paragraphe II de l’article R.142-1-A du code de la sécurité sociale.

La société [6] a été contrainte, malgré sa tentative de règlement amiable du litige, d'engager une procédure coûteuse pour faire valoir ses droits. La caisse n’a pas respecté le calendrier de procédure fixé par la juridiction, a néanmoins sollicité un ultime renvoi pour conclure et n’a finalement pas comparu à l’audience de plaidoirie.

Par conséquent il est équitable de condamner la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis à payer à la société [6] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LE TRIBUNAL, après en avoir délibéré conformément à la loi, statuant
publiquement par jugement contradictoire en premier ressort,
par mise à disposition au greffe,

DECLARE le recours de la SELAS [6] recevable ;

ANNULE les notifications de payer adressées à la SELAS [6] par la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis les 28 juillet et 25 octobre 2021 et la créance numéro 211277694438 d'un montant de 11 350 euros ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance-maladie de la Seine-Saint-Denis à supporter les dépens ;

CONDAMNE la caisse primaire d'assurance maladie de la Seine-Saint-Denis à payer à la SELAS [6] la somme de 1 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

Fait et jugé à Paris le 7 mai 2024,

La GreffièreLa Présidente

N° RG 22/00364 - N° Portalis 352J-W-B7G-CWDVC

EXPÉDITION exécutoire dans l’affaire :

Demandeur : S.A.S. [6]

Défendeur : C.P.A.M. DE SEINE-SAINT-DENIS

EN CONSÉQUENCE, LA RÉPUBLIQUE FRANÇAISE mande et ordonne :

A tous les huissiers de justice, sur ce requis, de mettre ladite décision à exécution,
Aux procureurs généraux et aux procureurs de la République près les tribunaux judiciaires d`y tenir la main,
A tous commandants et officiers de la force publique de prêter main forte lorsqu`ils en seront légalement requis.

En foi de quoi la présente a été signée et délivrée par nous, Directeur de greffe soussigné au greffe du Tribunal judiciaire de Paris.

P/Le Directeur de Greffe

8ème page et dernière


Synthèse
Tribunal : Tribunal judiciaire de Paris
Formation : Ps ctx protection soc 3
Numéro d'arrêt : 22/00364
Date de la décision : 07/05/2024
Sens de l'arrêt : Fait droit à l'ensemble des demandes du ou des demandeurs sans accorder de délais d'exécution au défendeur

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;tribunal.judiciaire;arret;2024-05-07;22.00364 ?
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